Cassandra
L’ombre de ma silhouette s’étire sur le sol immaculé du hall, projetée par les immenses baies vitrées qui laissent entrer la lumière matinale. J’avance d’un pas mesuré, mon reflet glissant le long des parois en verre des bureaux adjacents. L’image que je renvoie est celle d’une femme inébranlable : une longue chevelure brune, lisse et brillante, encadrant un visage aux traits ciselés, des pommettes hautes et des lèvres pleines, légèrement rehaussées d’un rouge sombre. Mon regard, d’un brun profond, est souligné par un trait de khôl parfaitement appliqué.
Ma tenue est un manifeste silencieux de mon pouvoir. Une robe-tailleur noire, ajustée à la perfection, marquant ma taille fine et s’arrêtant juste au-dessus de mes genoux. Aux pieds, des escarpins vernis d’un rouge éclatant, un détail qui n’échappe jamais aux observateurs les plus attentifs. Je ne porte pas de bijoux inutiles, si ce n’est une montre en or à mon poignet fin. Chaque élément de mon apparence est calculé, affûté comme une lame.
Lorsque je traverse le hall de la tour Valmont, toutes les conversations s’interrompent furtivement avant de reprendre à voix basse. Je ressens les regards qui se posent sur moi – admiration, crainte, convoitise. Je suis habituée à cet effet. Une femme de pouvoir dans un monde d’hommes suscite toujours ce mélange de fascination et de méfiance.
La réceptionniste relève la tête en me voyant approcher, un sourire crispé sur les lèvres. Elle pianote nerveusement sur son clavier avant de me faire signe.
— Monsieur Valmont vous attend, Madame Morel. Vous pouvez monter.
Je me contente d’un bref hochement de tête avant de m’engouffrer dans l’ascenseur.
Les portes se referment, et un silence pesant s’installe. J’inspire profondément. Chaque rencontre avec Lucien est une bataille, un duel où personne ne peut se permettre de baisser sa garde.
L’ascenseur monte rapidement, traversant les étages vers le dernier niveau de la tour, là où le pouvoir se concentre. Lorsque les portes s’ouvrent, le bruissement feutré des discussions s’interrompt aussitôt. Les cadres en costume se figent, les secrétaires baissent les yeux. Je n’ai pas besoin de parler pour imposer ma présence.
Lucien Valmont m’attend derrière la porte massive de son bureau.
Sans frapper, j’entre.
— Cassandra, murmure-t-il en levant les yeux vers moi.
Il est là, assis derrière son bureau en acajou, les doigts croisés sous son menton. Son costume noir, taillé sur mesure, épouse sa silhouette avec une précision assassine. Son regard perçant m’évalue avec une lueur indéchiffrable.
— Tu aurais pu m’informer de ta visite.
Je referme la porte derrière moi et m’avance lentement.
— Tu aurais pu ne pas t’immiscer dans mes affaires, répliqué-je sans détour.
Un sourire effleure ses lèvres. Ce sourire qui ne promet rien de bon.
— Je ne fais que protéger ce qui m’appartient.
Je pose mes mains sur son bureau et le fixe avec froideur.
— Je ne t’appartiens pas, Lucien. Pas hier, pas aujourd’hui, et certainement pas demain.
Son regard s’assombrit légèrement, mais il ne bronche pas.
— Pourtant, c’est ce que le monde croit encore.
Je laisse échapper un rire sans joie.
— Le monde croit beaucoup de choses, mais ce n’est pas lui qui décide de ma vie.
Lucien se lève lentement, imposant sans avoir besoin de hausser la voix.
— Tu es venue me défier, ou me supplier ?
Je le fixe sans ciller.
— Ni l’un ni l’autre. Je suis venue t’avertir. Si tu continues à te mêler de mes affaires, je me chargerai de ruiner les tiennes.
Son sourire s’élargit, amusé.
— Voilà pourquoi je t’ai toujours aimée, Cassandra.
Je lisse ma jupe d’un geste assuré.
— Et voilà pourquoi moi, je ne t’ai jamais appartenu.
Je me retourne et quitte son bureau sans attendre de réponse.
Derrière moi, je l’entends rire.
Mais ce n’est que le premier combat.
Gabriel
Le vent souffle doucement sur la terrasse du Lys Noir, le restaurant le plus exclusif de la ville, perché au sommet d’un gratte-ciel. Je porte mon verre de whisky à mes lèvres, observant en contrebas les lumières de la ville qui scintillent comme des étoiles.
Je ne suis pas un homme patient. Pourtant, ce soir, j’attends.
Lorsque Cassandra Morel fait son entrée, le temps semble suspendu. Elle est une vision de puissance et de sophistication, une tempête contenue dans un corps de femme. Son tailleur crème épouse ses courbes avec une précision létale, et ses talons claquent contre le marbre dans un rythme qui exhale l’assurance. Tous les regards masculins se tournent vers elle, certains avec admiration, d’autres avec convoitise.
Mais elle ne regarde personne. Elle n’a jamais eu besoin de l’approbation des hommes.
Je l’observe alors qu’elle traverse la salle, sa démarche calculée, fluide, presque féline. Lorsqu’elle arrive à ma table, je me lève légèrement, effleurant sa main du bout des doigts avant qu’elle ne s’installe en face de moi.
— Toujours aussi ponctuelle, dis-je en souriant.
Elle croise les jambes lentement, déposant son sac sur le côté.
— Tu savais que je viendrais, sinon tu ne serais pas ici.
Je ris doucement et me penche vers elle, posant mon verre avec nonchalance.
— Ce n’est pas du hasard, Cassandra. C’est de la prévoyance. Tu es une femme de pouvoir, et les femmes de pouvoir finissent toujours par croiser ma route.
Elle arque un sourcil, amusée.
— Comme si j’étais un pion dans ton jeu, Gabriel ?
Je secoue la tête.
— Oh non. Tu es bien plus qu’un pion. Tu es une reine.
Elle sourit, mais son regard reste perçant.
— Et que veulent les joueurs comme toi ? Posséder la reine ou la renverser ?
Je prends une gorgée de mon whisky avant de répondre.
— Pourquoi choisir ?
Son rire est bref, tranchant comme une lame.
— Parce que je ne suis ni à prendre ni à abattre. Et je ne suis certainement pas une femme qui se laisse manipuler.
Je m’installe plus confortablement, croisant les bras.
— Je ne t’ai jamais sous-estimée, Cassandra. Mais si tu es ici, c’est que tu as quelque chose à me proposer.
Elle me jauge un instant avant d’ouvrir son sac et d’en sortir une enveloppe qu’elle pousse lentement vers moi.
— Tu sais ce que c’est ?
Je prends l’enveloppe et l’ouvre avec soin. À l’intérieur, des documents détaillant une acquisition en cours, une fusion de plusieurs entreprises sous une seule bannière. Je fronce les sourcils en lisant le nom en bas de la page.
Lucien Valmont.
— Intéressant… murmuré-je.
— Lucien essaye d’étendre son empire, et je n’ai aucune intention de le laisser faire.
Je repose les papiers et l’observe attentivement.
— Et tu veux quoi, exactement ?
Elle s’appuie contre son dossier, ses doigts jouant distraitement avec la tige de son verre à vin.
— Je veux que tu l’empêches de réussir. Je veux que tu sabotes son projet.
Je souris lentement.
— Un service comme ça a un prix, Cassandra.
RaphaëlL’odeur de la peinture fraîche emplit l’atelier, se mêlant aux effluves du bois et des toiles empilées dans un désordre savamment orchestré. Le pinceau danse entre mes doigts, traçant des lignes brutes sur la toile devant moi. L’image est encore floue, un mélange d’ombres et de couleurs qui refusent de prendre forme.Je grogne, frustré, et jette mon pinceau dans un coin. Il atterrit avec un bruit sourd contre le plancher usé.— Toujours aussi violent avec ton art.Sa voix.Je ferme brièvement les yeux avant de me retourner.Cassandra est là, adossée contre la porte de l’atelier, un léger sourire sur les lèvres. Son regard scrute mon œuvre inachevée avant de se poser sur moi. Son tailleur sombre tranche avec l’aura bohème du lieu, mais elle n’en paraît pas moins à sa place.Elle est comme une œuvre d’art elle-même : chaque détail étudié, chaque mouvement calculé. Mais ce qui me frappe toujours, c’est ce feu sous la surface, cette étincelle que peu de gens savent voir.— Je croy
LucienLe parfum du cigare flotte dans l’air, mêlé aux notes boisées du whisky que je fais tourner dans mon verre. De là où je suis assis, derrière mon bureau en acajou massif, je domine la ville à travers les immenses baies vitrées de mon bureau.On frappe à la porte.— Entrez.Mon assistant pénètre dans la pièce, son pas précis, mesuré.— Monsieur Valmont, mademoiselle Morel est là.Je souris lentement.— Faites-la entrer.Quelques secondes plus tard, Cassandra apparaît dans l’encadrement de la porte.Elle est splendide, comme toujours. Sa robe noire souligne sa silhouette avec une perfection irritante, et ses talons claquent sur le sol en marbre avec une assurance qui frôle l’insolence.Je me lève, ajustant le revers de ma veste.— Cassandra.— Lucien.Sa voix est aussi tranchante qu’un verre brisé.Je lui fais signe de s’asseoir, mais elle reste debout, ses bras croisés sous sa poitrine.— À quoi dois-je l’honneur ? demandé-je en m’adossant à mon bureau.— Je vais aller droit au b
CassandraJe souris, jouant avec mon verre du bout des doigts.— Exactement.Le dîner reprend, mais la tension est palpable. Chaque geste, chaque phrase est un coup dans cette guerre silencieuse.Quand vient l’heure du dessert, Gabriel s’essuie les lèvres avec une lenteur calculée.— Et si on arrêtait de tourner autour du sujet ?Je repose ma fourchette.— Quel sujet, Gabriel ?— Toi.Il se penche légèrement vers moi, son regard intense.— Tu sais que nous voulons tous quelque chose de toi. La vraie question, c’est : lequel d’entre nous a ce que toi, tu veux ?Lucien sourit légèrement, amusé.— Une question risquée.Raphaël, lui, se contente de me fixer, comme s’il pouvait deviner ma réponse avant même que je ne la donne.Je prends mon temps, effleurant le pied de mon verre du bout des doigts.Puis, je me lève lentement.— Peut-être qu’aucun de vous n’a ce que je veux.Je me penche légèrement, mon regard embrassant tour à tour chacun d’eux.— Ou peut-être que je ne suis pas encore prê
LucienLa nuit est tombée depuis longtemps lorsque je pousse la porte d’un club privé du huitième arrondissement, un de ces lieux où l’élite de Paris vient conclure des affaires loin des regards indiscrets. L’endroit respire le luxe et le vice maîtrisé, un sanctuaire pour ceux qui savent que le pouvoir se négocie mieux dans l’ombre qu’à la lumière du jour.Je traverse la salle principale, effleurant distraitement du regard les hommes d’affaires, les politiciens et les femmes qui gravitent autour d’eux comme des étoiles autour d’un soleil mourant.Au fond, une table m’attend. Et Cassandra est là.Elle est assise, les jambes croisées, un verre de vin rouge à la main. Son tailleur crème épouse ses formes avec une élégance calculée, et son regard, lorsqu’il se lève vers moi, est une arme à double tranchant.Je m’assois sans un mot, l’observant un instant. Elle ne semble pas troublée par ma présence, ni même par les informations qu’elle a dû recevoir récemment.— Je suppose que tu sais pou
CassandraUn silence pesant s’installe entre nous.Puis, lentement, il se lève.— Tu veux savoir pourquoi ?Il s’approche, réduisant la distance entre nous à une simple inspiration.— Parce que tu es bien trop intelligente pour appartenir à quelqu’un.Je retiens mon souffle.— Même à toi ?, soufflé-je.Il esquisse un sourire en coin, un sourire de prédateur patient.— Surtout pas à moi.Les jours qui suivent sont une tempête silencieuse.Lucien ne fait aucun mouvement. C’est mauvais signe. Lorsqu’un homme comme lui disparaît des radars, c’est qu’il prépare un coup.Gabriel, lui, reste dans mon sillage, toujours prêt à m’offrir sa protection déguisée en alliance.Et Raphaël…Je ferme les yeux un instant.Il est le seul à ne pas jouer selon les règles. Le seul qui ne veut ni me posséder, ni me contrôler. Mais peut-être est-il aussi le plus dangereux.Parce qu’un homme prêt à brûler le monde pour une femme…… est aussi capable de se consumer avec elle.RaphaëlParis étouffe sous la chale
CassandraLorsque j’arrive au siège de Morel Industries, la tension est déjà dans l’air.Mon assistante, Léa, m’accueille avec une expression soucieuse.— Madame Morel, monsieur Valmont vous attend dans votre bureau.Je me fige brièvement avant d’afficher un masque d’impassibilité.— Bien. Servez-nous du café et ne laissez entrer personne.Elle hoche la tête et je me dirige vers mon bureau, mon cœur battant un peu trop fort.Lucien Valmont ne se déplace jamais sans raison.Et s’il est ici ce matin, après que j’aie passé la nuit avec Raphaël, ce n’est pas une coïncidence.J’ouvre la porte et le trouve installé dans mon fauteuil, comme s’il était chez lui.Il lève les yeux vers moi et sourit lentement.— Cassandra., dit-il d’une voix veloutée.Je referme la porte derrière moi et m’avance, refusant de montrer le moindre trouble.— Lucien. Toujours aussi à l’aise dans ce qui ne t’appartient pas ?Son sourire s’élargit.— Tu ne devrais pas me tenter. Ce qui ne m’appartient pas encore finit
CassandraCassandraLa nuit est tombée quand je quitte le restaurant.Gabriel croit avoir marqué un point aujourd’hui.Il pense que son avertissement m’a ébranlée.Il a tort.Je ne suis pas une femme qui se laisse manipuler. Ni par Lucien, ni par Gabriel, ni même par Raphaël.Mais alors pourquoi mes mains tremblent-elles légèrement lorsque j’ouvre la portière de ma voiture ?Pourquoi mon cœur bat-il plus fort en repensant aux mots de Gabriel ?"Raphaël est une tempête."Et si, au fond, c’était justement ce que je cherchais ?Un souffle d’air chaud me fait frissonner alors que je m’installe au volant. J’allume le moteur, prête à rentrer chez moi, mais une vibration dans ma poche m’arrête.Un message.De Raphaël."Viens me voir ce soir."Je fixe l’écran, indécise.Puis, lentement, mes doigts glissent sur le volant.Et je prends une décision.Je démarre la voiture.Direction : l’atelier de Raphaël.Minuit approche quand j’arrive devant l’atelier de Raphaël.Le quartier est silencieux, pr
LucienJe n’aime pas être défié.Encore moins par une femme qui croit pouvoir m’échapper.Cassandra est à moi.Elle l’a toujours été.Elle peut jouer à ses petits jeux de manipulation avec Gabriel, se perdre dans les bras de cet artiste sans avenir… mais à la fin, c’est moi qui aurai le dernier mot.Parce qu’elle sait aussi bien que moi qu’on ne peut pas fuir l’inévitable.Je l’attends dans son bureau. Installé dans son fauteuil, les doigts croisés sur le bureau en acajou qu’elle chérit tant. Quand elle entre enfin, mon regard s’accroche au sien.Elle ne s’arrête pas, refermant la porte derrière elle avant de venir poser son sac sur le bureau, à quelques centimètres de ma main.— Qu’est-ce que tu fais ici, Lucien ?Sa voix est calme. Trop calme.Mais je vois la tension dans ses épaules.Elle sait pourquoi je suis là.— Tu m’as manqué., dis-je en me levant lentement.Elle rit, un son froid et tranchant.— Épargne-moi ces conneries. Si tu es ici, c’est que tu veux quelque chose.Je sour
CassandraJe suis là, dans ses bras, mon corps encore brûlant des flammes de ce que nous venons de partager. Mon cœur bat encore la chamade, et chaque respiration que je prends semble chargée de ce qu’il m’a donné. De ce qu’il m’a arraché. J’ai toujours cru que je pouvais contrôler ma vie, que je pouvais choisir, que je pouvais fuir quand ça devenait trop intense. Mais lui, Raphaël, il m’a prouvé qu’il n’y a rien que je puisse faire pour empêcher ce qui s’éveille en moi. Ce désir brûlant, cette passion dévorante.Je me recule légèrement, me redressant dans le lit, observant son visage. Ses yeux, encore noyés de cette intensité que nous avons partagée, me regardent avec cette familiarité douce et pleine de promesses. Je veux l’éviter, fuir ce qui semble pourtant inéluctable, mais chaque parcelle de mon être me crie que je suis bien là où je devrais être. Avec lui. Pas seulement pour le moment, mais pour plus.Je caresse sa joue, mes doigts traçant les contours de son visage avec une do
RaphaëlJe la regarde, debout près de la fenêtre, les rayons du soleil effleurant sa peau. Elle semble presque irréelle, comme si le monde autour d’elle s’était suspendu, comme si tout prenait sens dès qu’elle était là, dans ma vie. Cassandra... Elle a ce don, sans même le savoir, de transformer chaque instant en quelque chose d’intense, d’important. Et pourtant, aujourd’hui, elle semble différente. Elle est calme, mais d’une manière que je n’ai jamais vue. Il y a une sorte de paix en elle, une décision qu’elle a prise sans retour possible.Je me permets de la regarder un peu plus longtemps, absorbé par la beauté de ce moment, par la simplicité de sa présence. Puis je la vois se tourner vers moi, son regard croisant le mien. Ses yeux sont pleins de promesses, mais aussi d'une fragilité que je ressens au plus profond de moi.« Bien dormi ? » J'essaie de briser le silence, de lui offrir une ouverture, quelque chose pour qu'elle se sente à l'aise. Sa réponse est une légère esquisse de so
CassandraLe vent souffle doucement à travers les rideaux ouverts, apportant avec lui un parfum de printemps qui flotte dans l’air. Il est presque tard, et le soleil se couche lentement, parant la pièce d’une lumière dorée. Mais dans mon esprit, il fait plus sombre qu’il ne l’a jamais été. J’ai repoussé ce moment trop longtemps, tenté de fuir cette vérité que je savais au fond de moi. Le temps m’a apporté une clarté nouvelle, mais aussi une décision lourde, une décision qui pèse sur mon cœur.Je regarde Raphaël. Il est là, à quelques pas de moi, attendant patiemment que je trouve les mots qui, je le sais, changeront tout. Il n’a pas cherché à me convaincre. Il m’a laissée choisir, et je l’ai observé, espérant trouver une raison de m’échapper de ce lien invisible qui m’attire pourtant vers lui. Mais chaque jour passé à ses côtés, chaque instant partagé, m’a convaincue que c’était lui. Lui qui m’avait donnée une autre chance. Lui qui, malgré tout, n’avait jamais cessé de croire en nous.
CassandraLe jour s’étire dans une lenteur que je peine à supporter. Mon esprit est encore agité par la dernière conversation avec Lucien, un écho de ses mots résonnant dans mon esprit. La souffrance de le voir partir, d’être celle qui a décidé de tout laisser derrière, me pèse comme un fardeau. Mais ce n’est pas le poids de la décision qui m’accable, c’est l’incertitude qui m’attend. Est-ce que j’ai fait le bon choix ? Est-ce que je pourrais vivre avec cette décision ?Je ferme les yeux, la chaleur du soleil effleurant ma peau, mais à l’intérieur, il y a une tempête. Une part de moi veut crier, briser tout ce que j’ai construit pour me libérer de cette douleur. Mais une autre part, plus calme, me dit de continuer, de ne pas regarder en arrière.Un bruit derrière moi me fait sursauter. Je me retourne, et je trouve Raphaël, debout dans l’encadrement de la porte, son regard posé sur moi avec une intensité que je ne peux ignorer.« Tout va bien ? » Sa voix est douce, mais il y a une inqu
CassandraJe suis frappée par la force de ses paroles. Un frisson me parcourt, mais je garde les yeux baissés, cherchant à rassembler mes pensées. C’est trop. Il me pousse dans mes retranchements, me forçant à faire un choix. Mais quel choix ?« Et si je te dis que je n’ai plus envie de choisir ? » La question m’échappe avant que je ne puisse la retenir. « Que je n’ai plus envie de jouer à ce jeu ? »Raphaël ne répond pas tout de suite. Il se tient là, silencieux, comme s’il pesait chaque mot avant de parler. Et puis, il s’avance un peu plus près, et cette fois, ses mains encadrent doucement mon visage, forçant mes yeux à se poser sur lui.« Alors fais-le pour toi. » Ses mots sont un souffle, presque une prière. « Ne choisis pas pour lui. Choisis pour toi. Parce que tu le mérites. »Les larmes montent sans que je puisse les retenir. Elles ne sont pas seulement de tristesse. Il y a de la colère, de la frustration, de l’impuissance. Et au milieu de tout cela, un désir inavoué. Un désir
CassandraJe me tourne brusquement. Raphaël. Sa silhouette se découpe dans l’encadrement de la porte, son regard perçant. Il me fixe intensément, presque à la manière d’un spectateur, comme si chaque émotion qui me traverse était une scène qu’il observait avec une curiosité non dissimulée.« Pourquoi es-tu là ? » Ma voix est plus froide que je ne le voudrais, mais je ne peux m’empêcher de le regarder, d’analyser son visage, ses traits, toujours aussi fascinants, mais aussi tellement complexes.« Parce que je sais que tu souffres. » Il s’avance lentement, chaque pas résonnant comme un défi. « Et parce que tu ne veux pas l’admettre. »« Je n’ai rien à te dire. »« C’est pour ça que tu me dis tout. » Il sourit légèrement, un sourire entendu. Il connaît bien mes mécanismes de défense, il sait que je lutte, que je me cache derrière des murs d’acier pour ne pas laisser mes émotions se déverser. Mais je n’ai pas envie de jouer à ce jeu. Pas ce soir.« Il est trop tard, Raphaël. »« Peut-être
CassandraLe vent souffle fort, comme si la ville elle-même voulait m’emporter, me tester, m’éprouver encore. Je n’ai pas l’habitude de cette solitude, pas après toutes les années passées à naviguer entre des hommes, des désirs, des ambitions. Mais aujourd’hui, ce vide est devenu un allié. Un vide que j’ai créé, un espace que j’ai ouvert pour moi seule. L’indépendance est un fardeau et une bénédiction, et pourtant, je m’y sens étonnamment bien.Je marche, presque sans but, mes pensées flottant entre ce que je suis devenue et ce que je pourrais encore être. Les décisions que j’ai prises se bousculent dans ma tête, se superposent à ce que j’ai ressenti avant. Il y a encore des échos de Gabriel dans mon esprit, des morceaux de Raphaël qui m’appellent, mais je les ignore. Je dois garder le cap, avancer, ne pas me laisser emporter par les vagues du passé.Mais, au détour d’une rue, je le vois. Lucien. Le visage marqué par les batailles, une lueur de colère froide dans ses yeux, mais aussi
CassandraJe me tais, le silence s’étire, et même à travers l'écran, je peux sentir son souffle lourd. Il sait ce que je veux dire, il le comprend, et, à ma grande surprise, je n'ai pas peur. Ni de la solitude, ni de l'avenir incertain. Parce que je sais que, même si cela me déchire, je choisis enfin de me libérer.« Je comprends, Cassandra. Je ne veux pas te forcer à choisir, mais sache que je serai là. Si jamais tu changes d'avis… »« Je n’ai pas à changer d’avis. C’est juste que je dois me retrouver d’abord. »J’entends la tristesse dans sa voix, mais aussi une forme de respect. Il sait que ce n’est pas la fin, même si c’est difficile.Je raccroche et laisse un dernier regard sur la fenêtre, l’obscurité de la nuit enveloppant ma silhouette. Une décision lourde, mais pleine de sens. J’ai choisi de ne pas me perdre dans une relation où je serais l’ombre de ce que je suis, à côté de l’autre. Ce ne sera pas Raphaël, ni Gabriel, ni un autre. Ce sera moi. Et c’est ainsi que je veux avanc
CassandraLes heures s’étirent après l’appel de Raphaël, mais une étrange sensation m'envahit. La paix n'est pas totale, mais elle est là, persistante, comme une lumière qui commence à percer les nuages sombres. Pourtant, mon esprit reste agité, les échos de ce passé, aussi douloureux soient-ils, résonnent encore en moi. Je sais que le chemin vers la guérison sera long, mais je ne peux plus attendre. Je ne veux plus.Je me lève du canapé, secouant les ténèbres de ma tête. Mes jambes se dirigent presque par instinct vers mon bureau, où des piles de papiers s’accumulent depuis trop longtemps. J'ai l’impression de fuir, de chercher à occuper mon esprit pour ne pas sombrer dans la mélancolie qui m’enveloppe. Mon regard se fixe sur le premier dossier que je prends, un projet sur lequel j'avais commencé à travailler avant que tout ne déraille. C'est une tâche simple, mais qui me demandait d’être présente, de me concentrer. Ce qui est exactement ce dont j'ai besoin.Je me plonge dans les chi