RaphaëlUn silence s’installe.Un silence lourd, chargé d’une tension qui crépite dans l’air.Elle me scrute, cherchant à lire entre mes mots, à démêler le vrai du faux.Et elle sait.Elle sait que je ne suis pas comme Lucien, qui veut la posséder.Que je ne suis pas comme Raphaël, qui veut la consumer.Moi, je veux la couronner.Et elle, elle veut le pouvoir.— Tu es doué.Sa voix est basse, presque amusée.— Je le sais., dis-je en haussant légèrement les épaules.Elle repose son verre, et quelque chose change dans son regard.Un éclat de défi.Un défi qui m’excite plus que je ne devrais l’admettre.— Alors dis-moi, Gabriel. Si je suis une reine…Elle se penche légèrement vers moi.— Quel rôle comptes-tu jouer dans mon règne ?Je souris lentement.— Celui qui s’assure que tu ne tomberas jamais.Elle rit.Un vrai rire, cette fois.Et je sais que j’ai marqué un point.Mais le jeu ne fait que commencer.Et je suis prêt à jouer jusqu’à la fin.Il y a des jours où je me demande ce qui m’a
LucienLes affaires ne laissent pas de place à l’incertitude.Elles exigent contrôle, stratégie, une précision implacable.Cassandra Morel l’a toujours su.C’est pour ça qu’elle m’intrigue autant qu’elle m’agace.Elle joue selon ses propres règles, et je suis fatigué d’attendre qu’elle se décide à reconnaître l’évidence.Elle est à moi.Elle l’a toujours été.Ce n’est pas une question de sentiment, ni même de possession.C’est une question d’ordre naturel.Il y a des femmes qui naissent pour appartenir à un homme.Et d’autres qui naissent pour régner à ses côtés.Cassandra est la seconde.Mais elle refuse de l’admettre.Alors je vais lui montrer.Je l’attends dans son bureau, installé derrière son propre fauteuil en cuir.Lorsqu’elle entre, elle s’arrête net, ses yeux se plissant légèrement.— Que fais-tu ici, Lucien ?Je croise les doigts sous mon menton, la scrutant avec un sourire lent.— Chez toi, à ce que je vois. Tu as pris mes habitudes ?Elle ferme la porte derrière elle avec
CassandraJe hoche lentement la tête, acceptant sa réponse pour l’instant.Mais ce n’est qu’un recul temporaire.Parce que je sais une chose avec certitude :Peu importe le temps que ça prendra…Cassandra Morel finira par être mienne.CassandraGabriel Morel est un piège.Un piège soigneusement conçu, délicatement posé sur mon chemin.Il ne brûle pas comme Raphaël.Il ne m’impose pas sa volonté comme Lucien.Non.Lui, il attend.Il glisse ses mots comme du poison, lentement, patiemment, jusqu’à ce qu’ils s’ancrent dans l’esprit et deviennent une vérité inévitable.Je me lève, glissant quelques billets sur la table.— Je dois y aller., dis-je simplement.Il ne me retient pas.Il se contente de me suivre du regard, un sourire presque imperceptible sur les lèvres.Et je sais qu’il croit avoir gagné quelque chose ce soir.Mais je ne suis pas un trophée à obtenir.Je suis la seule qui décidera qui aura ma main.Et ce soir, alors que je quitte le restaurant, je me jure une chose :Aucun d’e
LucienLe pouvoir ne se donne pas.Il se prend.Il se conquiert.Il se mérite.Cassandra Morel semble l’avoir oublié.Et je suis là pour le lui rappeler.Mon bureau surplombe la ville, un monstre de verre et d’acier perché au sommet de mon empire. Derrière moi, une vue panoramique sur Paris ; devant moi, Cassandra, assise dans un fauteuil de cuir, une jambe élégamment croisée sur l’autre, une expression de marbre sur son visage parfait.— Je suis surprise que tu aies trouvé le temps de me convoquer., dit-elle d’un ton froid, prenant une gorgée de son espresso.Je souris légèrement en m’adossant à mon bureau.— Il faut toujours du temps pour ce qui compte.Elle repose sa tasse avec une lenteur calculée.— Je ne suis pas une de tes affaires, Lucien.Je m’approche lentement, posant les mains sur les accoudoirs de son fauteuil, emprisonnant son espace sans la toucher.— Non., murmuré-je. Tu es bien plus que ça.Elle soutient mon regard, impassible, mais je vois la tension dans ses épaules
CassandraSes lèvres frôlent les miennes, juste assez pour que je sente la chaleur de son souffle.— Tu joues avec moi, Cassandra.Je souris lentement, glissant mes doigts dans ses cheveux.— Et toi, tu pensais pouvoir me dompter ?Il rit doucement, un son grave, presque dangereux.— Je ne dompte pas les reines.Ses mains descendent sur mes hanches, son étreinte possessive, mais contenue.— Je les garde à mes côtés.Je sens l’électricité entre nous, cette tension insupportable qui nous consume sans jamais nous brûler totalement.Parce que c’est notre malédiction.Nous savons que si nous cédons entièrement…Nous serons perdus.Alors je le repousse doucement, mon regard ancré dans le sien.— Pas ce soir., soufflé-je.Une ombre passe dans ses yeux, une lueur de frustration, mais aussi d’amusement.Il savait.Il savait que je viendrais, et il savait aussi que je partirais avant que nous ne franchissions cette ligne.Parce que c’est ainsi que nous jouons.Et ce n’est pas encore le moment d
RaphaëlL’odeur de la peinture fraîche flotte dans l’air, un mélange de térébenthine et d’huile qui me rassure autant qu’il m’enivre.Je recule d’un pas, observant la toile devant moi.Un visage.Ses traits.Ses yeux, aussi tranchants qu’une lame sous la lumière du matin.Cassandra.Toujours elle.Elle hante mes jours autant que mes nuits, s’insinue dans mes veines comme un poison dont je ne veux pas guérir.Mais elle m’échappe.Toujours.Je serre les poings, les pigments s’écrasant entre mes doigts. Peindre ne suffit plus. L’art a toujours été mon exutoire, mais aujourd’hui, il ne me libère pas.Parce que je la veux.Je la veux hors de ces toiles, hors de ces souvenirs fragmentés. Je la veux réelle.Un bruit derrière moi me fait pivoter.— T’es encore en train de la peindre., souffle une voix moqueuse.Axel, mon agent et ami, s’appuie contre la porte, les bras croisés.— J’vois pas le problème., rétorqué-je en haussant les épaules.Il secoue la tête.— Le problème, c’est que t’es obs
CassandraJe bois une gorgée, puis pose mon verre.— Qu’est-ce que tu veux, Gabriel ?Il ne répond pas tout de suite. Il fait lentement le tour de la pièce, comme un fauve en cage.Puis il s’arrête juste devant moi, s’accroupit à ma hauteur et plante ses yeux dans les miens.— Arrête ton jeu, Cassandra.Je souris doucement.— Quel jeu ?Il effleure mon genou du bout des doigts, un geste à peine perceptible, mais suffisant pour faire monter la tension d’un cran.— Celui où tu fais semblant de ne pas voir à quel point je suis prêt à tout pour t’avoir., murmure-t-il.Je soutiens son regard, impassible.— C’est ça, ton grand plan ? M’intimider ?Il ricane doucement.— Je n’intimide pas, Cassandra. Je persuade.Il se redresse et tend la main vers moi.— Danse avec moi.Je hausse un sourcil.— Sérieusement ?— Sérieusement., répète-t-il.Lentement, je glisse ma main dans la sienne. Il m’attire contre lui avec une aisance déconcertante, une main posée sur le creux de mes reins.La musique ne
RaphaëlLe pinceau tremble légèrement dans ma main. Je le fixe un instant, agacé par mon propre trouble.Cassandra est partout.Sur la toile. Dans mon esprit. Sous ma peau.Depuis le premier jour.La peinture fraîche coule légèrement, brouillant les traits de son visage que j’ai tenté de capturer. Un détail qui me frappe en plein cœur.Elle m’échappe.Comme toujours.Je recule d’un pas, contemple mon œuvre inachevée sous la lumière tamisée de mon atelier. Trop imparfaite. Trop brutale. Comme nous.Un bruit derrière moi me fait sursauter.— Je vois que tu es toujours aussi obsédé.Je ferme brièvement les yeux avant de me retourner.Emma.Ma sœur.Vêtue d’un manteau sombre, ses longs cheveux blonds légèrement humides à cause de la pluie.— Que fais-tu ici ? demandé-je en déposant mon pinceau.Elle s’avance sans se presser, effleurant les pots de peinture du bout des doigts.— Tu es au courant pour Cassandra et Gabriel ?Un rictus amer étire mes lèvres.— Bien sûr.La photo a circulé bie
CassandraLe silence dans la pièce est lourd, oppressant. Gabriel me serre contre lui, sa respiration encore saccadée après ce qu’il vient de se passer. Mon cœur bat à un rythme effréné, mon corps tremble sous l’effet du choc. L’ombre qui s’est glissée en moi pulse toujours dans mes veines, une présence sourde et malveillante que je ressens à chaque inspiration.Raphaël est toujours là, immobile, son regard froid posé sur moi comme un rapace qui observe sa proie. Son sourire glacé me donne envie de hurler.— « Qu’est-ce que tu lui as fait ? » gronde Gabriel, le souffle court.Raphaël hausse légèrement les épaules, le ton faussement désinvolte.— « Ce n’est pas moi. C’est Lucien. »Mon corps se tend au simple son de son nom. Une vague de froid me parcourt l’échine, et je sens à nouveau cette force obscure ramper sous ma peau, cherchant à prendre le contrôle. Je m’accroche aux épaules de Gabriel pour ne pas sombrer.— « Sors de ma tête, » je murmure, la gorge serrée.Raphaël s’approche,
CassandraUne déflagration de ténèbres m'envahit alors que les lèvres glaciales de Lucien rencontrent les miennes. C'est comme si une vague de poison noir se déversait dans mes veines, brûlant chaque cellule de mon corps. Mon esprit se brouille, le sol semble se dérober sous mes pieds. Mon cœur bat à un rythme effréné, une douleur sourde éclatant dans ma poitrine.Gabriel hurle mon nom dans un souffle brisé.— « Cass…andra ! Non ! »Je veux reculer, briser le contact, mais Lucien m’enserre, sa main froide pressant ma nuque. Une ombre liquide glisse de sa bouche vers la mienne, un souffle noir qui s'insinue en moi.Mon corps convulse violemment. Mon souffle se bloque. La douleur est insupportable.— « Lâche-la ! »Un bruit sourd explose dans la pièce. La poigne de Lucien cède brutalement. Je tombe au sol, mes mains heurtant le marbre glacé dans un bruit mat.Gabriel est sur lui.Lucien ricane, essuyant le sang qui coule de sa lèvre d'un revers de la main.— « Touchant. Mais futile. »G
CassandraLe temps semble s'être suspendu. La lame de Lucien s’abat dans l’air, une lueur d’argent éclatante dans l'obscurité oppressante de la pièce. Mon souffle se bloque dans ma gorge alors que Gabriel se place devant moi, prêt à encaisser le coup à ma place.— « Non ! »Je tends la main, mais tout se passe trop vite.Gabriel bloque la lame de son bras, le métal entaillant profondément sa chair. Il gronde de douleur, mais ne flanche pas. Du sang s'écoule le long de son avant-bras, goutte à goutte, jusqu'à tacher le sol de marbre noir.Lucien recule d’un pas, un sourire cruel étirant ses lèvres.— « Toujours prêt à te sacrifier, Gabriel ? Quel noble idiot tu fais. »Gabriel serre les dents, le souffle saccadé. Il se redresse lentement, son regard noir brûlant de rage.— « Si tu la touches, je te jure que je t’arracherai le cœur. »Lucien ricane, sa lame encore tâchée du sang de Gabriel.— « Tu es pathétique. Tu crois pouvoir me menacer ? Tu n'es qu'un jouet brisé. »Gabriel se jette
CassandraL’obscurité de la chambre est à peine troublée par la lumière pâle de la lune filtrant à travers les rideaux entrouverts. Allongée contre Gabriel, ma tête posée sur son torse, je sens la cadence lente de son cœur sous ma paume. Sa respiration régulière me rassure, mais le poids de ce qui nous attend pèse lourd sur ma poitrine.Je glisse mes doigts sur sa peau nue, savourant la chaleur de son corps contre le mien. Gabriel est éveillé. Je le sens à la tension dans ses muscles, à la légère crispation de sa mâchoire. Il joue distraitement avec une mèche de mes cheveux, ses yeux rivés sur le plafond.— « Tu ne dors pas ? » je murmure.Il émet un son grave, à peine un soupir.— « Non. Je réfléchis. »Je me redresse légèrement, posant mon menton sur sa poitrine pour le regarder dans les yeux.— « À quoi ? »Son regard sombre se fixe sur moi, une étincelle de douleur cachée dans la profondeur de ses prunelles.— « Lucien. Il ne va pas nous laisser partir si facilement. Il est toujou
CassandraLe vent de la nuit fouette mon visage alors que nous courons à travers le dédale des rues sombres de la ville. Gabriel me tient fermement par la main, son souffle rapide résonnant dans l’air glacé. Derrière nous, le bruit des pas des hommes de Lucien se rapproche. Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il va exploser.— « Par ici ! » crie Raphaël en ouvrant une porte latérale d’un bâtiment abandonné.Gabriel me pousse à l’intérieur, son bras protecteur autour de ma taille. Une fois à l’intérieur, Raphaël referme la porte derrière nous, bloquant l’accès avec une barre métallique. Le silence s’installe brutalement, seulement perturbé par nos respirations haletantes.Gabriel s’agenouille devant moi, ses mains glissant sur mes bras.— « Tu es blessée ? »Je secoue la tête, encore sous le choc.— « Non… Mais toi ? »Son regard sombre se fixe sur moi. Il passe une main sur sa joue ensanglantée, mais il ne semble pas s’en soucier.— « Ce n’est rien. »Je tends la main, mes d
CassandraLe froid est le premier à me réveiller. Ce n'est pas la morsure du vent ou la température de la pièce, mais le vide glacial qui s’est insinué dans ma poitrine, là où bat encore mon cœur meurtri. Les draps sont froissés autour de moi, témoins d'une nuit sans sommeil. La lueur pâle de l’aube filtre à travers les rideaux épais, baignant la chambre d’une lumière artificielle et froide.Je me redresse, le souffle court, le cœur battant. Je suis toujours là. Toujours prisonnière de ce palais doré, sous l’emprise d’un homme qui veut me posséder.Une porte s’ouvre doucement.Je me fige.Lucien entre dans la pièce, une tasse de café à la main. Il est impeccable, vêtu d’un costume noir parfaitement ajusté. Son regard glisse sur moi avec une lenteur délibérée.— « Tu es réveillée. Parfait. »Je serre les draps contre moi, ma gorge se noue.— « Qu’est-ce que tu veux ? »Il dépose la tasse sur la table de chevet, puis s’installe au bord du lit. Ses doigts effleurent ma joue.— « Juste m’
CassandraLes murs de la chambre sont blancs, presque trop parfaits. Un lit large aux draps immaculés trône au centre, et une grande baie vitrée donne sur une vue magnifique de la ville illuminée en contrebas. Pourtant, le froid qui m’enveloppe n’a rien à voir avec la température ambiante.Je suis assise sur le rebord du lit, mes doigts crispés sur le tissu fin de ma robe. Lucien m’a enfermée ici après avoir arraché Gabriel à mes côtés. Mon cœur est un champ de ruines depuis ce moment. J’ai la nausée en repensant à la manière dont Gabriel m’a regardée, à cette douleur brute dans ses yeux lorsqu’il a compris que je m’étais livrée à Lucien pour lui sauver la vie.— « Tu comptes rester là toute la nuit à ruminer ? »Je me redresse brusquement. Lucien est adossé au chambranle de la porte, un verre de whisky à la main. Il est impeccablement habillé, son costume sombre contrastant avec l’atmosphère aseptisée de la pièce. Ses yeux brillent d’une lueur glaciale.— « Tu comptes me surveiller c
CassandraJe me tourne vers Lucien, le regard dur.— « Je suis là. Lâche-le. »Lucien sourit.— « Bien sûr. Mais le jeu vient à peine de commencer. »Il claque des doigts. Deux hommes entrent.Gabriel se débat, mais il est trop faible.Je serre les poings.— Je vais le sortir de là. Peu importe le prix.Le claquement métallique des verrous résonne dans la pièce. Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine alors que la porte se referme derrière moi. Gabriel est assis dans un fauteuil en cuir noir, les poignets encore marqués par les menottes. Une fine traînée de sang a séché sur sa tempe, mais c’est la lueur sombre dans ses yeux qui me frappe le plus.— « Cass… »Sa voix est rauque, brisée. Je m’avance vers lui, mes talons claquant sur le sol de marbre. Je m’agenouille devant lui, mes mains glissant sur son visage.— « Tu vas bien ? »Gabriel inspire difficilement, son regard accroché au mien.— « Il t’a fait quoi ? »— « Ce n’est pas moi qui suis blessée. »Je passe mes doigts sur sa
GabrielJe me réveille en sursaut, le goût amer du sang dans la bouche et une douleur sourde dans mes côtes. Le métal froid des menottes entravant mes poignets m’arrache un grognement de frustration. Mes yeux s’ouvrent lentement, et la lumière tamisée de la pièce me force à plisser les paupières.Une sensation poisseuse glisse le long de ma tempe : du sang. Je passe ma langue sur mes lèvres fendillées. La pièce sent l’humidité et le cuir. Les murs sont en béton nu, sans fenêtre, à l’exception d’une porte en acier massif verrouillée par une série de verrous.Lucien.Ce salaud m’a eu.Je me redresse lentement, mes épaules tendues par l’effort. Ma chemise est déchirée au niveau de l’épaule, le tissu collant à ma peau par le sang séché. Une douleur lancinante pulse dans mon côté gauche : probablement une côte fêlée.— « Réveil difficile, Gabriel ? »Sa voix. Douce, mielleuse, mais tranchante comme une lame.Lucien est appuyé contre l’encadrement de la porte, un sourire amusé étirant ses l