Chapitre 01

Travailler 14 heures d’affilée dans un restaurant était déjà assez difficile, mais le faire alors que ma fille était malade menaçait de m’arracher le cœur. En plus de m’inquiéter des commandes qui s’accumulaient et de la fièvre de ma fille, je devais éviter les mains baladeuses de mon patron.

« Juste une minute, Piper », a-t-il dit en se glissant à côté de moi. Avant que je puisse m’échapper, il a posé sa main sur mes fesses. « Je dois inspecter ça. »

Ses yeux étaient sur la nourriture, mais sa main serrait mes fesses.

J’ai dit : « Enlevez votre main, patron. Ou je vous jure que je vais renverser ces assiettes directement sur votre tête. »

Il a souri comme si je l’amusais. « Tu n’oserais pas. »

Il avait raison, et je détestais ça.

L’économie actuelle dans le Royaume des Loups-garous était mauvaise pour tout le monde. Tant de gens étaient dans la rue, incapables de subvenir à leurs besoins.

Sans ce travail, je serais probablement parmi eux. En tant que mère célibataire.

Le patron s’est tourné vers moi. Il a glissé sa main libre autour de ma taille et m’a attirée contre lui avec ironie. Il a profité de cette proximité pour regarder ouvertement dans mon décolleté.

« Je dois sortir la nourriture », ai-je dit en ravalant la bile qui montait dans ma gorge. « Les clients attendent. »

« Qu’ils attendent », a dit le patron en se léchant les lèvres. Son haleine sentait la cigarette.

J’ai incliné la tête. « Nous allons avoir des plaintes. »

Il s’est penché vers moi, a pressé son nez contre le côté de mon cou et a inspiré.

J’ai à peine réprimé un frisson de dégoût. Mon estomac m’a protesté.

À côté de moi, quelqu’un a ri. Une serveuse plus âgée a pris un rouleau de papier essuie-tout sur l’étagère du haut.

« Tu ne devrais pas résister, ma chérie », a-t-elle dit. « Tout le monde sait que tu n’as pas d’homme à la maison. À moins que... » Elle a ri à nouveau, fort et cruellement. « Tu espérais être choisie comme Reine de la Sélection ? »

Récemment, la famille royale avait annoncé qu’elle sélectionnerait des épouses potentielles pour trois princes. Avec des mises à jour régulièrement diffusées dans les bulletins d’information, les gens affluaient pour regarder les télévisions accrochées dans notre restaurant.

Pour autant que je puisse dire, tout le monde était investi dans le Jeu de Choix de la Luna - sauf moi.

Le patron a ri aussi. Un peu de salive a atterri sur ma joue. « Tu rêves si tu penses avoir une chance, tu n’as pas de loup. » Il m’a brusquement tirée en arrière pour se frotter contre la courbe de mon derrière.

Le mouvement dans son pantalon m’a presque fait vomir.

Il a tendu les bras autour de moi, avec les mains agrippant les étagères à ma droite et à ma gauche, et il m’a enfermée.

« Je te donne trois jours pour décider, Piper. Soit tu viens me voir la nuit, soit tu es virée. »

Le rejet était prêt sur ma langue. Mais il n’avait pas fini.

« Les factures médicales de ta fille ne sont-elles pas dues la semaine prochaine ? Comme ce serait tragique si tu ne pouvais pas les payer. » Il souriait en parlant, savourant sa propre cruauté.

Tout le sang a quitté mon visage. Ma fille, Elva, avait récemment contracté une pneumonie de loup-garou. J’avais besoin d’argent pour ses traitements et ses médicaments. Elle n’était toujours pas rétablie.

Le patron s’est alors éloigné de moi, me laissant dans un état de confusion.

Le reste de mon service est passé comme dans un brouillard.

Après le travail, je suis rentrée dans mon petit appartement de deux chambres.

Ma colocataire et meilleure amie Anna se tenait dans l’embrasure de la chambre que je partageais avec Elva.

« Comment va-t-elle ? » ai-je demandé. Anna gardait Elva pour moi pendant que j’étais au travail.

« Elle a eu une légère fièvre, mais sa fièvre est partie », a dit Anna.

« Elle va bien maintenant ? » Je ne pouvais pas cacher l’inquiétude dans ma voix.

« Elle va bien. »

Je me suis effondrée contre le côté du comptoir. L’épuisement torturait mes muscles.

« Il s’est passé quelque chose au travail ? » a demandé Anna. Elle était mon amie depuis longtemps, alors elle connaissait probablement déjà la réponse rien qu’en me regardant.

Je ne voulais pas l’inquiéter, alors j’ai gardé mon explication vague. « Le patron a encore agi bizarrement. Mais ce n’est rien, je peux le gérer. »

« Ce salaud », a juré Anna. Elle m’avait percée à jour. « Tu ne devrais pas avoir à supporter son comportement. Mon dieu, tu ne devrais pas être traitée comme ça du tout ! »

« Anna... »

« Non, Piper. J’en ai assez. Tu étais une des meilleures élèves de l’Académie Royale. Ça doit bien vouloir dire quelque chose. »

Ça avait voulu dire quelque chose, il y a longtemps.

« Ce n’est plus moi, maintenant. » Maintenant, je n’étais qu’une femme célibataire sans compagnon, essayant de subvenir à mes besoins et à ceux de mon enfant.

J’ai soupiré.

Anna a croisé les bras. « C’est la faute de ta sœur. Tu n’aurais jamais dû te sacrifier pour cette droguée et son bébé abandonné. Et ton ex-copain... Piper, tu sortais avec un noble ! »

Je n’ai pas besoin qu’on me rappelle qu’Elva n’est pas ma fille biologique. Dans mon cœur, elle l’est. Et je ne sacrifie rien pour elle ; elle mérite tout.

C’était un débat familier entre Anna et moi. Je savais qu’elle voulait bien faire, alors je ne me suis jamais fâchée. Je me sentais juste plus fatiguée - usée jusqu’aux os.

J’ai essayé de sourire, mais c’était amer. « Tu oublies qu’il y a toujours eu une différence de classe insurmontable entre lui et moi, même avant mon sacrifice. Et une fois que j’ai perdu mon loup... L’écart était tout simplement trop grand. »

Quand nous nous sommes séparées, Anna est allée allumer la télévision, tandis que je suis allée rapidement voir Elva.

La chère petite dormait profondément. J’ai bordé les couvertures plus étroitement sur ses côtés. Après avoir observé sa respiration régulière pendant un moment, j’ai quitté silencieusement la chambre.

Dans le salon, Anna avait choisi les informations du soir. Le bandeau en bas de l’écran indiquait : « La Sélection de la Luna : Dernières informations ! »

Toute femme pouvait être considérée, de la princesse à la paysanne, mais seules trois épouseraient les princes. Parmi ces trois, une seule deviendrait Reine.

En me regardant, Anna tenait la télécommande en l’air, prête à changer de chaîne. Je savais qu’elle était excitée par la sélection. Tout le monde dans le royaume l’était.

J’aurais pu l’être aussi, si je m’autorisais encore à rêver. Mais qui avait le temps de rêver quand la vie était ainsi : travail et sommeil et travail et factures.

Je n’avais pas de place pour les rêves dans ma vie. Je ne pouvais me concentrer que sur la survie.

Anna avait baissé le volume pour ne pas réveiller Elva. Quand les présentateurs parlaient, je n’entendais qu’un mot sur quatre environ.

« Les trois princes... sélection... première apparition publique... »

« Je me demandais comment ils allaient faire ça, puisque la sélection est censée être un spectacle public », a dit Anna. « J’ai pensé pendant un moment qu’ils pourraient cacher les princes derrière un rideau ou quelque chose comme ça. »

La famille royale était notoirement discrète. Seuls les visages du Roi et de la Reine étaient bien connus, et uniquement parce qu’ils figuraient sur toute notre monnaie.

« Piper », a haleté Anna. Elle a pointé l’écran, qui montrait de nouvelles images des princes saluant une foule. « N’est-ce pas... ? »

J’ai vu ce qu’elle voyait, et je ne croyais pas mes yeux. Mon cœur connaissait pourtant la vérité, soudainement secoué comme s’il avait l’intention de bondir hors de ma poitrine.

Je connaissais ce sourire.

Là, sur l’écran...

Ce prince dans la ligne...

C’était mon ex-petit ami.

Nicholas.