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Chapitre 3

Chapitre 3

Extrait du journal intime de Gabriela :

 

Aujourd’hui est le premier jour où j’entame l’écriture d’un journal intime. J’ai franchi le cap, car j’ai besoin de vous expliquer qui je suis, d’extérioriser un peu tout le feu qui brûle en moi !

Tout d’abord, et pour que vous me compreniez mieux, je parlerai en premier lieu de mon cadre de vie.

Si vous saviez comme l’existence pourrait être tellement belle à Buenos Aires ! J’aime ma ville. J’aime marcher dans la rue, sentir le vent dans mes cheveux, avoir l’impression d’être irrésistible en entendant le bruit de mes talons sur les pavés et en éprouvant les frôlements de mes boucles brunes qui me tombent jusqu’à la taille. J’adore me sentir libre... je m’appelle Gabriela, et j’ai seize ans. Si je ne me sens pas libre à seize ans, quand le serai-je ?

Pourtant, ce n’est pas si simple... Quand j’écoute mes parents, je comprends leur déception et leur mal-être. Mon pays a vécu un essor nouveau quand Perón est arrivé au pouvoir : les ouvriers et fils d’ouvriers, comme eux à l’époque, ont vécu son élection les cœurs plein d’espoir ! Il leur a promis un changement face à l’injustice, et des mesures pour éviter les inégalités sociales : enfin, ils allaient être pris en compte, enfin ils ne se sentiraient plus diminués, dévalués par rapport aux bourgeois argentins qui se comportaient et se comportent toujours comme si leur vie avait plus de valeur, sous prétexte qu’ils ont de l’argent ! 

Et pourtant, cet homme a pourri notre pays ! Ses engagements ont bien été réalisés pendant les premières années, bien avant que je naisse, mais ses convictions sont parties aux oubliettes et ont laissé la place aux injustices et à la terreur sournoise, celle qui vous prend les tripes et vous les remue sans que cela ne se voie à l’extérieur. Celle qui fait que vous vous retournez dans la rue pour vérifier que vous n’êtes pas en danger, celle où vous contrôlez vos mots, ou vous vous méfiez de vos interlocuteurs ! Après lui ses sbires ont continué leur action : sa deuxième femme, Isabel, qui lui a succédé, puis Videla, dont la politique s’est inscrite dans le même registre, la dictature par la terreur. Et après lui, d’autres du même acabit…

Mais aujourd’hui, j’ai décidé que je ne veux plus avoir peur... Alors, si j’ouvre ce journal, c’est pour m’aider à me sentir bien, positive ! Je m’appelle Gabriela : j’aime ma vie, même si elle est simple. J’ai des amis. Un petit nombre, mais toujours de bonne compagnie, et nous adorons nous dire que dans nos rêves, tout est possible !

Ce soir nous avions rendez-vous dans un bar à la mode et j’ai dansé toute la soirée. Mon amie Encarni m’a dit que je rayonnais ! J’aurais aimé faire une rencontre pour que cette soirée soit parfaite, mais cela n’a pas été le cas. Je n’ai jamais été amoureuse...J’aimerais tant connaître cette sensation d’abandon et de sécurité ! Chaque chose en son temps, cela viendra, car j’ai confiance en la vie.

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