Chapitre12Le lendemain, la rumeur du décès de Francisco se répand comme une traînée de poudre. Les adultes tentent d’étouffer l’effervescence naissante, mais devant l’ampleur des conciliabules, le directeur se voit contraint de les réunir dans l’amphithéâtre.Gustave pénètre dans cette pièce pour la première fois et, malgré les circonstances, il ne peut s’empêcher d’admirer ce bijou architectural. Une cinquantaine de places assises sont réparties en arc de cercle autour d’une scène assez grande pour accueillir une quinzaine d’acteurs. Des rideaux écarlates habillent le théâtre et l’entrée de la salle. Des tentures dans le même ton ornent les murs, donnant un aspect chaleureux et velouté à l’ensemble de la pièce. L’amphithéâtre se compose de trois voûtes, une de chaque côté des sièges, et la troisième, en ogive, au-dessus de l’estrade. L’effet est grandiose. Au fur et à mesure de leurs entrées, les étudiants se vautrent dans des fauteuils de velours rouge, confortab
Chapitre13Extrait du journal de Gabriela:Je n’ai pas écrit depuis si longtemps dans ce carnet ! Je le reprends car les événements se sont enchaînés pour moi, et j’ai maintenant besoin de crier ma haine et ma douleur en couchant sur le papier le récit de ces moments:Il y a trois semaines, je rentrais chez moi après une journée de plus à l’usine, quand j’entendis du bruit provenant de la maison. Une foule était assemblée devant notre porte, sous nos fenêtres, et des pleurs et des gémissements retentissaient jusque dans la rue. Prise d’une panique soudaine, je courus vers l’entrée. La voisine qui servait de cerbère se détendit en me voyant arriver.– Gabriela ! Te voilà! Où tu étais, hijita11 ?– Au boulot ! Comme tous les jours ! Que pasa 12?– C’est ton frère, ma fille. Il n’est toujours pas rentré.À ces mots, jesentis la chair de poule gagner mes bras. Manolo ! Où était-il ? Il ne laisserai
Chapitre14Le cours de physique commence par une analyse de l’uranium, de ses composantes, de ses effets. On pourrait presque se croire dans un lycée banal. Pourtant, le professeur explique:– L’uranium a été massivement utilisé par les États-Unis pendant la guerre du Golfe. Les armes militaires en étaient pourvues. Pour ceux qui ne sont pas doués en histoire contemporaine, je vous rappelle que la guerre du Golfe a amené les USA et leurs alliés à se mêler de choses qui ne les regardaient pas ! Ils ont fait de l’ingérence dans l’action d’un chef d’État souverain. En effet, Sadam Hussein avait permis à son peuple de vivre dans l’équilibre et la sécurité, mais sa politique attirait trop les jalousies des amerloques ! Ils voulaient aussi mettre la main sur le pétrole, aidés par ces traîtres d’Iraniens qui avaient les mêmes ambitions. Vous cherchez le lien avec l’uranium, j’imagine ? J’y viens.Les Américains ont donc attaqué l’Irak pour des raisons déviante
Chapitre15Gunther se sent vaseux: sa langue est pâteuse, chargée, comme s’il avait ingurgité une certaine quantité d’alcool. Quelle fête il avait dû faire ! Cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas retrouvé dans cet état.Le mal de tête l’assaille, il a la sensation qu’un pivert hyperactif lui défonce le crâne. Il a l’impression que tout le sang de son corps stagne dans son front. Il se sent mal, mais mal...Dans ce brouillard qui enveloppe son cerveau, il tente de se rappeler ce qu’il a fait la veille. Pourtant... il ne se souvient que d’une soirée rythmée par le fonctionnement de l’internat et la lecture de l’autobiographie d’Himler... Il a besoin de se plonger dans un livre pour se détendre et trouver le sommeil.Mais alors... D’où vient le malaise qu’il ressent, qui lui donne la nausée ? Gunther a du mal à se réveiller. Il aimerait bouger ses membres endormis avant que les fourmillements ne gagnent tout son corps. Il ne sent presque plus
Chapitre16Sous une apparente docilité, Gustave rassemble toujours toutes les données possibles pour comprendre où il est et les enjeux de son arrivée en ce lieu. La bibliothèque lui a permis d’appréhender les horreurs perpétrées par les diverses dictatures: humiliations physiques et psychologiques, antisémitisme, racisme, tortures, négation de l’autre... Ces lectures l’ont empêché de dormir pendant plusieurs nuits. Bien sûr, il connaissait déjà les faits, mais l’idée que des personnes qu’il côtoie tous les jours, dont son père, cautionnent ces actes et les portent aux nues l’écœure, lui donne envie de vomir.Il n’a jamais été proche de son père, mais il se demande qui est réellement cet homme. Il l’a toujours considéré comme un individu fiable, qui prenait les décisions pour lui, car il était le plus à même de savoir ce qui était bon pour son fils. Mais depuis qu’il est arrivé dans ce lieu... il ne maîtrise plus ce qu’il doit penser. Cet homme l’a-t-il vraime
Chapitre17Au petit matin, Gustave est réveillé par des coups à la porte: Heinrich ouvre le battant, sa grande silhouette occupant tout l’espace. Il allume la lumière et ses yeux balaient la chambre d’un air soucieux. Ses traits sont tirés comme s’il avait passé une nuit agitée, et son inquiétude est perceptible. Il leur demande:– Vous avez vu Gunther ?Augusto se frotte les yeux, émergeant avec difficulté, et bredouille:– Quoi ? Comment ça, où est Gunther ?– Il n’a pas dormi là de la nuit. Je voulais l’attendre, me disant qu’il s’était enfin décidé à aborder Léa, mais je me suis endormi ! À trois heures, toujours pas de Gunther. J’ai alerté Pablo, le surveillant, mais il m’a renvoyé dans ma chambre ! Il m’a hurlé de m’occuper de mes affaires et de partir me coucher, vous vous rendez compte ? J’ai cogité toute la nuit, mais je n’ai eu aucune nouvelle !Les deux compagnons de chambre échangent un regard, atterrés. Immé
Chapitre18Extrait du journal intimede Gabriela:Aujourd’hui, ils m’ont confié ma première mission ! Je n’ai pas le droit d’en parler, donc l’écrire me permet de me délester de toute cette excitation et ce stress ! Je ne sais pas si j’en suis heureuse, frustrée, inquiète... Je ressens peut-être tout cela en même temps.Au départ, j’ai reçu un message: je devais aller chercher un colis dans une cabine d’essayage, située dans un magasin du centre-ville. J’ai enfourché mon vélo et j’ai filé à la boutique. Arrivée sur place, j’ai pris dix minutes pour flâner, entrer dans un commerce de chaussures avant de regagner le lieu cible.Je devais passer inaperçue, et pour cela, je ne pouvais pas pénétrer dans une cabine sans vêtements à essayer ! Je ne me sentais pas trop à l’aise dans ce magasin assez chic. Les personnes présentes venaient de milieux différents du mien, et j’ai tenté de ne pas paraître trop décalée vis à vis de la cl
Chapitre19Gustave se sent seul dans la chambre: un peu plus tôt dans la soirée, Augusto est venu chercher ses affaires, escorté par Stella qui l’a noyé de propos sans consistance: gênée, elle meublait l’espace de ses bavardages.Espèce de faux-cul ! a pensé Gustave, tout en jouant son jeu. Il a tenté de capter le regard d’Augusto qui s’appliquait à éviter de se retrouver face à lui. Il aurait bien voulu annihiler cette distance qui s’était installée entre eux, en insistant pour qu’ils échangent, ou bien en s’approchant de lui pour un vrai face à face, mais une œillade courroucée de Stella lui a fait comprendre qu’il ne valait mieux pas amorcer quoi que ce soit.La porte est maintenant refermée et Gustave se morfond devant cette solitude, qu’il avait espéré ne plus revivre. Il sent une inéluctabilité dans cet isolement forcé, et son estime de soi, déjà basse, vient d’en prendre un sacré coup.Tentant de penser à autre chose, il reprend ses