Chapitre3Extrait du journal intime de Gabriela:Aujourd’hui est le premier jour où j’entame l’écriture d’un journal intime. J’ai franchi le cap, car j’ai besoin de vous expliquer qui je suis, d’extérioriser un peu tout le feu qui brûle en moi !Tout d’abord, et pour que vous me compreniez mieux, je parlerai en premier lieu de mon cadre de vie.Si vous saviez comme l’existence pourrait être tellement belle à Buenos Aires !J’aime ma ville. J’aime marcher dans la rue, sentir le vent dans mes cheveux, avoir l’impression d’être irrésistible en entendant le bruit de mes talons sur les pavés et en éprouvant les frôlements de mes boucles brunes qui me tombent jusqu’à la taille. J’adore me sentir libre... je m’appelle Gabriela, et j’ai seize ans. Si je ne me sens pas libre à seize ans, quand le serai-je ?Pourtant, ce n’est pas si simple... Quand j’écoute mes parents, je comprends leur déception et leur mal-être. Mon pays a véc
Chapitre4Augusto est intarissable sur la vie dans ce lycée. Grâce à ses récits d’anecdotes et ses explications, Gustave se sent rapidement à l’aise et il en profite pour détailler son camarade, qui le dépasse d’une tête et paraît un peu engoncé sous son sweat. D’un abord sympathique, il a dix-sept ans lui aussi, et il est rassurant d’être accueilli par quelqu’un comme lui.À la suite de cet examen minutieux, Gustave se demande en retour comment son nouveau camarade le perçoit : s’il devait lui-même se qualifier, il se situerait dans la catégorie des « ni »: ni beau ni moche. Son visage est ovale et sans trop d’acné, mais il est assez pâle. Il n’est ni grand ni petit, un mètre soixante-quinze, une taille passe-partout ! Il n’est ni maigre ni gros, disons assez fluet. Il n’a pas trop de muscles, il faut dire que le sport n’est pas l’une de ses passions. Quant à sa couleur de cheveux, il n’est ni brun ni blond, plutôt châtain foncé, avec des boucles indomptables
Chapitre5Après un petit déjeuner frugal, Gustave se prépare à intégrer le premier cours de la matinée. Il consulte le planning que lui a donné Augusto: il commence par Sciences et Vie de la Terre : cours et travaux pratiques. Cela n’a jamais été sa matière préférée, mais il lui tarde de rencontrer ses autres camarades de classe et de comprendre comment marche cet internat de première classe, qui lui paraît toutefois si particulier.Ils ne sont pas nombreux dans sa classe, seize tout au plus. Le jeune homme est heureux de constater qu’Heinrich et Gunther en font partie. Hier, après le repas, Augusto lui a expliqué que les filles étaient admises depuis plusieurs années, mais qu’elles étaient encore en minorité. Il y en a quatre dans leur classe, et Gustave remarque une brunette qui se tient à l’écart du trio de ses camarades. Ou bien est-ce elles qui s’éloignent ostensiblement ? Le regard insistant du garçon amène la brunette à se retourner, et elle le fusille
Chapitre6Le soir même, Gustave presse Augusto de questions: comment peut-il tolérer ces agissements et ces discours ? Que font-ils dans ce pensionnat ? Pourquoi lui a-t-il parlé de compétition entre eux, qu’entend-il par là ?Son camarade, gêné, explique que l’institut a été construit pour permettre aux tortionnaires du monde entier de laisser une trace de leurs « recherches », de leurs techniques, afin de former l’élite de demain.– Si tu es ici, c’est que ton père a été élève ici, comme le mien, et qu’il te destine à de grands projets, conclut-il.Gustave commence à comprendre que dans les salles de travaux pratiques, ils ne font pas de la chimie ou de la mécanique: ils sont évalués sur leur mémoire, mais aussi sur leur résistance et leur cruauté.– Tu ne dois pas faire ton dégoûté, mais il ne faut pas qu’ils pensent que tu te délectes non plus: nous sommes ici pour servir une cause, comme d’autres l’ont fait avant nous, réc
Chapitre7L’Ombre veut être comme un chat, toujours sur la défensive, en position de gros dos, prêt à bondir. Ne faire confiance à personne, jamais. C’est sa ligne de conduite.Pourtant, au départ, l’Ombre était plutôt docile: raisonnable, conforme à ce que l’on pourrait attendre d’un enfant parfait, voulant tellement leur faire plaisir ! Jusqu’au jour où l’Ombre a compris que quel que soit son comportement, rien ne serait jamais assez bien pour son père et sa mère !Le souvenir de ce jour resté gravé dans sa mémoire.Un matin, l’Ombre fouillait la chambre de ses parents pour mettre la main sur la console de jeu qu’on lui avait confisquée pour une motivation obscure. Dans sa recherche, L’ombre tomba sur un cahier corné, où une écriture fine et déliée, tracée au crayon à papier, se démarquait. L’Ombre crut d’abord que c’était celui de sa m... disons de la femme qui avait était présente depuis ses premières années, et que l’Ombre n’avait plus nommé
Chapitre8Extrait du journal intime de Gabriela:Aujourd’hui,c’est mon anniversaire. J’ai vingt ans. Mais ce soir, en rentrant chez moi, j’ai compris que je ne le fêterais pas avec ma famille, autour d’une pâtisserie, comme nous en avions l’habitude.Dès que j’ai passé la porte, j’ai de nouveau entendu des cris et des pleurs. Je savais bien d’où cela provenait, et je me doutais aussi de la scène à laquelle j’allais être confrontée: ma mère devait sans doute être en train de sangloter tandis que mon frère tentait de contenir sa colère, sans trop de succès. Il est dur de voir souffrir les êtres que l’on aime, et pourtant, il allait falloir que je m’y habitue, au vu de la récurrence de leurs conflits !Je connais par avance la teneur de leur dispute:au départ, ma mère et mon frère font le même constat, mais avec des réactions contradictoires: legouvernement dePerón est corrompu ! Mon frère Mano
Chapitre9Gustave est pratiquement endormi quand son camarade revient avec « le nouveau ». Il se lève d’un bond, bien décidé à l’accueillir comme il se doit.Il se retrouve alors face à un jeune garçon au teint pâle et plutôt gringalet, qui se cache derrière Augusto dès qu’il l’approche.Décontenancé par cette réaction, l’adolescent se redresse et se présente:– Bonjour, je suis Gustave, ravi de te connaître.Il attend une riposte, puis se résout à ne pas en recevoir, quand ilentend une voix qui marmonne:– Francisco.Déjà, le nouveau se détourne et se dirige vers son lit.Gustave jette un regard empli d’interrogations vers Augusto qui se contente de hausser les épaules, une moue perplexe sur le visage, censée lui signifier qu’il n’y comprend rien non plus.Le silence s’installe et, peu de temps après, la respiration de Francisco s’apaise et se fait régulière:il dort. Gustave
Chapitre10Gustave tente de donner l’impression de se fondre dans le moule, comme son camarade le lui a conseillé. Pourtant, il est toujours autant révolté devant le contenu des cours détaillant les dictatures et les présentant comme un modèle de gouvernement, ou bien par les travaux pratiques reprenant les techniques de tortures en tout genre. Il est donc en plein conflit de loyauté: doit-il continuer à se taire ? N’est-ce pas valider leur méthode ? Mais en même temps, entrer frontalement dans l’affrontement ne lui amènerait que des ennuis et peu de retentissements contre l’école. Il se rappelle les mots d’Augusto: C’est une question de vie ou de mort. De quoi faire frémir et réfléchir... Il a donc décidé de se renseigner et de réunir les éléments qui pourront ensuite lui permettre de lancer des accusations tangibles contre les responsables de l’internat.Dès qu’il le peut, le jeune homme se réfugie à la bibliothèque ou se connecte sur internet pour com