Chapitre10Gustave tente de donner l’impression de se fondre dans le moule, comme son camarade le lui a conseillé. Pourtant, il est toujours autant révolté devant le contenu des cours détaillant les dictatures et les présentant comme un modèle de gouvernement, ou bien par les travaux pratiques reprenant les techniques de tortures en tout genre. Il est donc en plein conflit de loyauté: doit-il continuer à se taire ? N’est-ce pas valider leur méthode ? Mais en même temps, entrer frontalement dans l’affrontement ne lui amènerait que des ennuis et peu de retentissements contre l’école. Il se rappelle les mots d’Augusto: C’est une question de vie ou de mort. De quoi faire frémir et réfléchir... Il a donc décidé de se renseigner et de réunir les éléments qui pourront ensuite lui permettre de lancer des accusations tangibles contre les responsables de l’internat.Dès qu’il le peut, le jeune homme se réfugie à la bibliothèque ou se connecte sur internet pour com
Chapitre11Gustave se trouve devant un paradoxe: il ne supporte pas le contenu des cours, mais, pour la première fois depuis le primaire, il a un groupe d’amis. Il apprécie beaucoup les temps passés avec eux et les liens qui les unissent. Augusto est, bien sûr, celui qui compte le plus pour lui. Son côté appliqué et naïf l’attendrit. Ils sont liés d’une amitié réelle, et Gustave commence à développer un sentiment protecteur envers son camarade. Son attrait pour la psychologie qui ressort, sans doute.Puis, il y a Heinrich et Gunther, leurs voisins de chambre, qui se sont montrés accueillants dès le premier jour.Heinrich a un aspect original, charismatique, plein d’humour, qui fait de lui le leader naturel du groupe. Pour autant, ce géant d’un mètre quatre-vingt-treize ne cherche pas à se mettre en avant: c’est un garçon doux et agréable. Gunther est plus sobre, il a tendance à se reposer sur son camarade qu’il connaît depuis toujours: leurs
Chapitre12Le lendemain, la rumeur du décès de Francisco se répand comme une traînée de poudre. Les adultes tentent d’étouffer l’effervescence naissante, mais devant l’ampleur des conciliabules, le directeur se voit contraint de les réunir dans l’amphithéâtre.Gustave pénètre dans cette pièce pour la première fois et, malgré les circonstances, il ne peut s’empêcher d’admirer ce bijou architectural. Une cinquantaine de places assises sont réparties en arc de cercle autour d’une scène assez grande pour accueillir une quinzaine d’acteurs. Des rideaux écarlates habillent le théâtre et l’entrée de la salle. Des tentures dans le même ton ornent les murs, donnant un aspect chaleureux et velouté à l’ensemble de la pièce. L’amphithéâtre se compose de trois voûtes, une de chaque côté des sièges, et la troisième, en ogive, au-dessus de l’estrade. L’effet est grandiose. Au fur et à mesure de leurs entrées, les étudiants se vautrent dans des fauteuils de velours rouge, confortab
Chapitre13Extrait du journal de Gabriela:Je n’ai pas écrit depuis si longtemps dans ce carnet ! Je le reprends car les événements se sont enchaînés pour moi, et j’ai maintenant besoin de crier ma haine et ma douleur en couchant sur le papier le récit de ces moments:Il y a trois semaines, je rentrais chez moi après une journée de plus à l’usine, quand j’entendis du bruit provenant de la maison. Une foule était assemblée devant notre porte, sous nos fenêtres, et des pleurs et des gémissements retentissaient jusque dans la rue. Prise d’une panique soudaine, je courus vers l’entrée. La voisine qui servait de cerbère se détendit en me voyant arriver.– Gabriela ! Te voilà! Où tu étais, hijita11 ?– Au boulot ! Comme tous les jours ! Que pasa 12?– C’est ton frère, ma fille. Il n’est toujours pas rentré.À ces mots, jesentis la chair de poule gagner mes bras. Manolo ! Où était-il ? Il ne laisserai
Chapitre14Le cours de physique commence par une analyse de l’uranium, de ses composantes, de ses effets. On pourrait presque se croire dans un lycée banal. Pourtant, le professeur explique:– L’uranium a été massivement utilisé par les États-Unis pendant la guerre du Golfe. Les armes militaires en étaient pourvues. Pour ceux qui ne sont pas doués en histoire contemporaine, je vous rappelle que la guerre du Golfe a amené les USA et leurs alliés à se mêler de choses qui ne les regardaient pas ! Ils ont fait de l’ingérence dans l’action d’un chef d’État souverain. En effet, Sadam Hussein avait permis à son peuple de vivre dans l’équilibre et la sécurité, mais sa politique attirait trop les jalousies des amerloques ! Ils voulaient aussi mettre la main sur le pétrole, aidés par ces traîtres d’Iraniens qui avaient les mêmes ambitions. Vous cherchez le lien avec l’uranium, j’imagine ? J’y viens.Les Américains ont donc attaqué l’Irak pour des raisons déviante
Chapitre15Gunther se sent vaseux: sa langue est pâteuse, chargée, comme s’il avait ingurgité une certaine quantité d’alcool. Quelle fête il avait dû faire ! Cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas retrouvé dans cet état.Le mal de tête l’assaille, il a la sensation qu’un pivert hyperactif lui défonce le crâne. Il a l’impression que tout le sang de son corps stagne dans son front. Il se sent mal, mais mal...Dans ce brouillard qui enveloppe son cerveau, il tente de se rappeler ce qu’il a fait la veille. Pourtant... il ne se souvient que d’une soirée rythmée par le fonctionnement de l’internat et la lecture de l’autobiographie d’Himler... Il a besoin de se plonger dans un livre pour se détendre et trouver le sommeil.Mais alors... D’où vient le malaise qu’il ressent, qui lui donne la nausée ? Gunther a du mal à se réveiller. Il aimerait bouger ses membres endormis avant que les fourmillements ne gagnent tout son corps. Il ne sent presque plus
Chapitre16Sous une apparente docilité, Gustave rassemble toujours toutes les données possibles pour comprendre où il est et les enjeux de son arrivée en ce lieu. La bibliothèque lui a permis d’appréhender les horreurs perpétrées par les diverses dictatures: humiliations physiques et psychologiques, antisémitisme, racisme, tortures, négation de l’autre... Ces lectures l’ont empêché de dormir pendant plusieurs nuits. Bien sûr, il connaissait déjà les faits, mais l’idée que des personnes qu’il côtoie tous les jours, dont son père, cautionnent ces actes et les portent aux nues l’écœure, lui donne envie de vomir.Il n’a jamais été proche de son père, mais il se demande qui est réellement cet homme. Il l’a toujours considéré comme un individu fiable, qui prenait les décisions pour lui, car il était le plus à même de savoir ce qui était bon pour son fils. Mais depuis qu’il est arrivé dans ce lieu... il ne maîtrise plus ce qu’il doit penser. Cet homme l’a-t-il vraime
Chapitre17Au petit matin, Gustave est réveillé par des coups à la porte: Heinrich ouvre le battant, sa grande silhouette occupant tout l’espace. Il allume la lumière et ses yeux balaient la chambre d’un air soucieux. Ses traits sont tirés comme s’il avait passé une nuit agitée, et son inquiétude est perceptible. Il leur demande:– Vous avez vu Gunther ?Augusto se frotte les yeux, émergeant avec difficulté, et bredouille:– Quoi ? Comment ça, où est Gunther ?– Il n’a pas dormi là de la nuit. Je voulais l’attendre, me disant qu’il s’était enfin décidé à aborder Léa, mais je me suis endormi ! À trois heures, toujours pas de Gunther. J’ai alerté Pablo, le surveillant, mais il m’a renvoyé dans ma chambre ! Il m’a hurlé de m’occuper de mes affaires et de partir me coucher, vous vous rendez compte ? J’ai cogité toute la nuit, mais je n’ai eu aucune nouvelle !Les deux compagnons de chambre échangent un regard, atterrés. Immé