Chapitre18Extrait du journal intimede Gabriela:Aujourd’hui, ils m’ont confié ma première mission ! Je n’ai pas le droit d’en parler, donc l’écrire me permet de me délester de toute cette excitation et ce stress ! Je ne sais pas si j’en suis heureuse, frustrée, inquiète... Je ressens peut-être tout cela en même temps.Au départ, j’ai reçu un message: je devais aller chercher un colis dans une cabine d’essayage, située dans un magasin du centre-ville. J’ai enfourché mon vélo et j’ai filé à la boutique. Arrivée sur place, j’ai pris dix minutes pour flâner, entrer dans un commerce de chaussures avant de regagner le lieu cible.Je devais passer inaperçue, et pour cela, je ne pouvais pas pénétrer dans une cabine sans vêtements à essayer ! Je ne me sentais pas trop à l’aise dans ce magasin assez chic. Les personnes présentes venaient de milieux différents du mien, et j’ai tenté de ne pas paraître trop décalée vis à vis de la cl
Chapitre19Gustave se sent seul dans la chambre: un peu plus tôt dans la soirée, Augusto est venu chercher ses affaires, escorté par Stella qui l’a noyé de propos sans consistance: gênée, elle meublait l’espace de ses bavardages.Espèce de faux-cul ! a pensé Gustave, tout en jouant son jeu. Il a tenté de capter le regard d’Augusto qui s’appliquait à éviter de se retrouver face à lui. Il aurait bien voulu annihiler cette distance qui s’était installée entre eux, en insistant pour qu’ils échangent, ou bien en s’approchant de lui pour un vrai face à face, mais une œillade courroucée de Stella lui a fait comprendre qu’il ne valait mieux pas amorcer quoi que ce soit.La porte est maintenant refermée et Gustave se morfond devant cette solitude, qu’il avait espéré ne plus revivre. Il sent une inéluctabilité dans cet isolement forcé, et son estime de soi, déjà basse, vient d’en prendre un sacré coup.Tentant de penser à autre chose, il reprend ses
Chapitre20Isabel est assise devant sa coiffeuse. Elle contemple son reflet dans le miroir ancien tandis qu’elle applique lentement un coton démaquillant sur son visage. Perdue dans ses pensées, elle passe et repasse sur le fond de teint, marquant une démarcation comme dans les pubs des magazines, celles où est spécifié la légende: avec/sans.– Tu ne ferais pas illusion longtemps sans cette couche de peinture !constate-t-elle amèrement. Tu as de plus en plus de rides chaque jour.Elle tire sur sa joue, tend son derme pourtant dès qu’elle le lâche, sa peau reprend la forme flasque tant honnie. Elle tente de se faire à l’idée de sa dégradation physique mais échoue régulièrement à l’accepter.Isabel entend un bruit provenant du sol, sans doute sous le plancher, comme si des rats grouillaient en dessous de sa chambre. Elle frissonne.– Tout fout le campdans ce château !Faudra quand même qu’elle en parle aux hommes d’entreti
Chapitre21Mail de: Sergio LuisÀ: GustaveBonjour Gustave (mais êtes-vous bien Gustave ?),J’ai envie de vous croire, mais j’ai besoin de quelques garanties pour m’en assurer. Je reste vigilant quant aux infos que je reçois. J’ai fait des recherches sur vous, et j’attends les preuves de votre bonne foi: je vous joins un questionnaire sur vos lieux de naissance, parcours de vie, motivations, afin de vérifier la véracité de vos dire et de définir si nous pouvons collaborer. Pourtant, j’ai envie d’y croire... À vous de me convaincre.Cordialement, S. L***Mail de: Gustave DumoulinÀ: Sergio LuisBonjour Monsieur Luis,Je comprends vos réticences et elles me rassurent. Mon appel au secours en était bien un, et je vous renvoie votre questionnaire rempli pour en témoigner. Je ne sais pas si je suis surveillé ou non, mais dans le doute j’ai préféré, comme vou
Chapitre22Gustave est réveillé par le grincement de la porte qui s’entrebâille: cinq heures du matin, qui peut entrer ainsi ? Est-ce Augusto qui revient ?Heinrich qui veut le tabasser ? Le tueur qui vient le chercher ? Déjà, une lampe torche l’aveugle et il se prépare à recevoir bravement l’arrivant quand il aperçoit le visage de Nada.– Chut, Gustave, ne fais pas de bruit !– Que fais-tu là à cette heure ?– Je n’en pouvais plus de rester seule ! je ne peux pas dormir. Je suis… mal.Étonné par cette confidence, Gustave se décale dans son lit pour lui dégager un espace:– Allez, viens !– Hey, ne va pas imaginer des trucs hein !– Mais non, je te fais une place, c’est tout !Les ressorts du sommier grincent et la jeune fille s’adosse sur le montant. Gustave sent son corps frêle et noueux, tendu à l’extrême par la pression toujours présente chez Nada. Elle s’abandonne contre lui et, s’il se dou
Chapitre23Pendant la pause, Gustave reprend le livre qu’il a caché entre les rayonnages de la bibliothèque. Il n’avait pas fini de lire tous les passages qui l’intéressaient, et ne voulait surtout pas que quelqu’un d’autre le trouve et l’interrompe dans sa découverte. Le titre, « les enfants de Franco », l’avait rebuté au départ. Toutefois, la veille, il s’est aperçu qu’il pouvait trouver des réponses dans cet ouvrage.Concentré sur sa recherche, il sursaute en entendant une voix qui lui susurre à l’oreille:– Qu’est-ce que tu caches là derrière ?Nada se tient derrière lui, droite comme un i malgré sa petite taille, en position défensive, comme si elle s’apprêtait à engager un combat de boxe.Gustave la regarde, méfiant:– Ah, j’ai la possibilité de te parler maintenant ? À quoi tu joues Nada ?L’adolescente tourne les talons et fait demi-tour. Gustave peut pratiquement percevoir la fumée sortir de sa tête
Chapitre24Extrait du journal intime de Gabriela:Je vois souvent Isabel, plusieurs fois par semaine à vrai dire. J’éprouve une certaine admiration pour cette jeune femme à qui tout sourit. Elle a grandi dans des draps de soie et ne sait pas ce que c’est que de travailler à l’usine tous les jours, mais elle ne demande qu’à comprendre ma vie. À me connaître. Je lui ai raconté pas mal de choses, mais je suis embêtée de devoir lui mentir pour mon frère: quand je l’ai rencontrée, je lui ai parlé de son mariage prochain ! Comment lui annoncer maintenant qu’il est décédé ? Je brode, évite les réponses directes à ses questions, et je sens que cette partie-là de mon histoire n’est jamais très crédible...Au départ,nous nous retrouvions après ma journée de travail pour prendre un café ou un maté, puis la boisson sage a cédé la place à des cocktails, car notre temps ensemble se prolonge à l’heure actuelle. De la fin d’après-midi, nous so
Chapitre25Mail de: GustaveÀ: Sergio LuisCher Sergio,J’espère que vous avez pu vous connecter à ce mail, malgré la lourdeur de la procédure. Je me sens plus rassuré de passer par ce biais. Comme je vous l’écrivais précédemment, je suis pensionnaire contre mon gré dans l’institut Perón, où tous les étudiants ont des parents qui sont d’anciens étudiants ou bien sont des sympathisants de ces méthodes. On nous apprend la pratique de la torture physique ou mentale, et les enseignants détournent l’histoire, sous couvert de nous préparer à être des hommes et des femmes de pouvoir. Je pense que ce n’est pas la vraie motivation, mais je n’arrive pas à la trouver, malgré mes recherches.Ce qui m’interpelle aussi, c’est que l’on est plusieurs à ne pas avoir une situation claire sur notre naissance. Un ami n’a pas été déclaré administrativement, moi-même j’ai vérifié auprès de l’état civil et je n’apparais pas dans