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LES PLAIES DU CŒUR

Les heures défilaient puis les jours qui devinrent des semaines et sous le regard impuissant de ses compagnons de l’Élite, alors que le nuage maléfique s’étendait sans ménagement à travers tout le royaume, Léa restait cloîtrée et passait son temps à pleurer.

Elle n’avait pas quitté sa chambre depuis le départ de Kalon, partagée entre l’amour qu’elle lui portait et ce sentiment pourtant familier d’avoir été abandonnée encore une fois. L’Élite quant à elle était divisée face à son état ; certains faisaient preuve de compassion et de compréhension tandis que l’autre moitié n’admettait pas son attitude qu’elle jugeait indigne au regard de son statut. D’aucuns ne comprenaient pas qu’il leur faille subir les caprices d’une princesse en plein chagrin d’amour. Le seul point sur lequel tous étaient d’accord était qu’il devenait urgent de la faire réagir, car sans elle, leur mission était vouée à l’échec, mais comment faire pour qu’enfin elle reprenne part à cette quête ?

Elle et Drarion étaient tous deux indispensables, la prophétie était très claire à ce sujet ; et pendant que le temps s’écoulait, le mal lui, progressait sans que rien ni personne n’interfère.

— Je dois lui parler, la secouer !

— Ça va encore mal se terminer, Drarion, et tu vas une fois de plus devoir t’en remettre aux bons soins des Bihan-Avel pour soigner tes blessures.

— Ne dis pas de bêtises, Satine, ce qui s’est passé la semaine dernière était un accident… j’ai trébuché.

— Elle t’a surtout mis une bonne raclée, se moquèrent Nolan et Mikka.

— Moi au moins, j’ai essayé, vous ne pouvez pas en dire autant, se vexa Drarion.

— Nous sommes apparemment plus sensés que toi, voilà tout.

— Tant pis pour elle, cette fois-ci je riposterai.

— Vas-y doucement quand même, lui conseilla Neimus.

Alors que, déterminé, Drarion se levait pour tenter de faire entendre raison à Léa, le reste de L’Élite ne bougea pas le petit doigt. Dans la grande salle des Trônes, face aux immenses fenêtres qui s’ouvraient sur le royaume, ils observaient la progression de la masse sombre qui bombardait le paysage de ses effluves électriques et qui bientôt envelopperait Sgathân.

Vous ne venez pas m’aider ?

Pas là, non ! lui répondit Rus’Och sans même prendre la peine de le regarder.

Lorsqu’il entra dans sa chambre, Léa ne bougea pas d’un cil, il la trouva dans la même position que la veille ; recroquevillée sur elle-même, elle semblait observer elle aussi par sa fenêtre le nuage, mais en s’approchant, Drarion constata que son regard s’était perdu dans le lointain, un vide qu’elle seule percevait. Il pensa que des milliers d’images empreintes de mélancolie douloureuse devaient défiler dans ce néant qui la coupait du reste du monde et il hésita quelques secondes de plus avant de la déranger.

— Léa ?

— Oui ! répondit-elle impassible.

— Faut que je te parle.

— Je t’écoute.

Malgré son apparente désinvolture, Drarion avait confiance, car la semaine précédente elle ne lui avait pas permis de terminer sa phrase et l’avait envoyé s’écraser contre la porte au fond de la pièce d’un simple revers de la main. C’était bon signe, pensa-t-il. Il déglutit et prit son courage à deux mains pour poursuivre.

— Léa, tu ne peux pas continuer à te terrer comme tu le fais, les choses vont très mal dehors et nous avons besoin de toi, nous n’y arriverons jamais seuls.

— Je sais !

Son ton placide commençait à exaspérer Drarion qui haussa la voix tout en sachant que cela pourrait les conduire à une querelle qui ferait plus ou moins de dégâts.

ALORS, BOUGE-TOI LE CUL ! BORDEL !

Elle attendit la fin de sa phrase avant de le fixer droit dans les yeux avec son regard le plus noir. Drarion comprit qu’il allait encore faire un vol plané et traverser la chambre avec perte et fracas. Malgré son intention de contrecarrer le sort de sa cousine, elle fut plus rapide encore et il s’écrasa une nouvelle fois contre la porte.

Le temps pour lui de reprendre ses esprits et de se relever, Léa était déjà face à lui et les expressions sur son visage n’annonçaient rien de bon.

— NE ME PARLE PLUS JAMAIS COMME TU VIENS DE LE FAIRE ! grogna-t-elle.

— Désolé, Léa, c’est juste que je m’inquiète pour toi, mais également pour notre mission.

— Je sais bien et je te comprends, toi et tous les autres, mais essayez aussi de concevoir que j’avais besoin de ces quelques jours pour faire le point.

— Tu abuses un peu, non ? Ça fait bientôt trois semaines, Léa.

— Tant que ça ? Je ne me suis pas rendu compte.

— Je ne minimise pas ce que tu vis, loin de là, et je me demande comment je réagirais si Jubanis me quittait ainsi du jour au lendemain, mais le temps effacera tes douleurs contrairement à ce qui nous attend dehors si nous ne faisons rien.

— J’ai conscience de tout ce que tu me dis, Drarion. Il est grand temps, allons-y.

— Mais tu fais quoi ? Tu vas où ? la stoppa-t-il tandis qu’elle s’apprêtait à ouvrir la porte de sa chambre.

— Je vais rejoindre les autres, je leur dois quelques explications et peut-être même quelques excuses.

— NON ! Tu ne peux pas y aller comme ça, je leur ai dit qu’aujourd’hui c’était moi qui te mettrais une raclée, ils vont encore croire que tu as eu le dessus sur moi et se payer ma tête.

— C’est pourtant ce qui s’est passé Drarion, J’AI eu le dessus sur toi, non ?

Drarion la regarda, dépité. Il ne savait pas quoi lui répondre et son regard de chien battu en disait long sur sa déception.

— Bon, c’est d’accord, attrape le gros vase qui est là-bas et brise-le contre la porte pour que ça fasse un maximum de bruit et je dirai « aïe ! ».

— Tu te paies ma tête, là ?

— Un peu, oui.

— Qu’est-ce que tu peux être chiante parfois, tu sais ! Tant pis, passe devant, allons rejoindre les autres.

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