25LE GRIMOIRE NE RÉPOND PLUSC’est peut-être là le propre de cette espèce, être au pied du mur, proche de la fin, au point de non-retour pour que l’humain réussisse à faire table rase du passé. Qu’il oublie sa rancœur et sa colère pour pardonner, mais à quel prix ? Sans aucun doute, sa prise de conscience du temps qui passe et qui restera perdu à jamais. C’est ce que Léa réalisait tandis que Kalon repartait s’occuper d’armer tous ceux qui seraient en mesure de se battre le moment venu, elle lui avait tout pardonné. Avant qu’elle-même ne retourne dans les jardins du palais pour apporter son soutien au plus grand nombre, elle voulut, une dernière fois, prendre conseil auprès de son amie invisible. Sur son lit, dans sa chambre elle ouvrit son coffret et sortit son grimoire qui s’illumina dès qu’elle le toucha.Un instant de nostalgie l’envahit tandis qu’elle tournait les pages ; avec un sourire empli d’émotio
26L’ESPOIR SOUS L’ÉTENDARDLe manteau obscur et nébuleux de l’Invertero devenait de plus en plus menaçant et si sur la terre ferme les troupes étaient fin prêtes, le ténébreux l’était tout autant. L’armée de Faralonn, guidée par l’Élite, avançait au pas cadencé et chaque pas qui frappait le sol faisait résonner l’hymne de leur détermination. Au loin, sur les rives qui bordaient la baie et enclavaient le rocher sur lequel siégeait, il y avait peu de temps encore la forteresse noire, les étendards des peuples ayant répondu à l’appel de l’Élite flottaient sous le vent tels de gigantesques cerfs-volants. Léa eut des frissons lorsqu’elle en aperçut un en particulier. Bien qu’elle fût loin, elle distingua nettement l’emblème qui y était brodé, un désert de dunes. Gabriel qui l’observait lui adressa un sourire qu’elle lui rendit, il avait tenu sa promesse et même si elle ne savait pas encore comment il avait fait, elle lui en était recon
27LES ALLIÉS DE NOKKÉL’armée qui unifiait tous les peuples de Sgathân avait envahi les berges qui encerclaient la baie. Depuis leur position, l’Élite ne distinguait que des masses fourmillantes au-dessus desquelles flottaient les étendards de chacun des clans ayant répondu présents à leur appel.Au cœur de cette vaste étendue d’eau glacée que défigurait une houle incessante siégeaient les ruines de la forteresse noire. Au milieu des blocs d’Onyx brisés, le corps de lady Anya continuait inlassablement de cracher son courroux et l’Invertero qui se nourrissait de sa haine, assiégeait les mondes un à un. Qu’attendait Neimus pour donner le signal que tous attendaient ? Ils étaient tous là, fin prêts à se lancer dans cette guerre qui pour beaucoup d’entre eux serait la dernière. Dans les rangs, les rugissements de leur courage, de leur détermination, faisaient trembler le sol. D’où ils se trouvaient, Neimus et
28L’AUTRE FRAGMENTProtégés derrière les remparts de Faralonn, les plus jeunes et les plus faibles se terraient dans le silence. Le vent qui soufflait portait jusqu’à eux ce douloureux écho qui leur coupait le souffle, l’insoutenable cacophonie de cette guerre qui se préparait. Les Gnomines s’activaient pour calmer ces innocents pris de panique et qui s’inquiétaient pour le père, le fils ou la mère, partis se battre. Dans leur laboratoire, les Bihan-Avel se hâtaient de préparer leurs potions explosives, car pour sûr, les troupes en manqueraient rapidement.Dans la salle des Trônes, Elvène, en compagnie de Doum, se faisait un sang d’encre pour Gabriel et son fils. Elle faisait les cent pas devant les grandes fenêtres d’où elle pouvait imaginer l’enfer qui se déroulait sur la baie et sur les plages de Sgathân. Doum, le mini-troll, faisait de son mieux pour la rassurer, mais toutes ses tentatives étaient vain
29L’ARMÉE DE VEELAL’Invertero était partout, il voyait et entendait tout et c’est sans surprise que Tan et le Simorgh durent éviter ses attaques. Les deux créatures eurent beaucoup de mal à éviter ses assauts et plus d’une fois ils passèrent de justesse à côté d’effluves électriques meurtriers qui leur frôlaient les plumes ou de cette brume maudite qui tentait de les capturer. Mais Tan et le Simorgh n’étaient pas d’humeur à jouer et malgré les contestations de Léa et Drarion, ils voulurent donner à l’exterminateur, une petite leçon. Ils s’apprêtaient à survoler Faralonn et le risque était trop grand, ils ne voulaient pas attirer l’Invertero jusqu’au palais. Depuis le ciel, l’enceinte fortifiée paraissait calme. Les grandes portes étaient fermées, les rues du village étaient désertes et les volets des maisons clos, mais à l’intérieur, tapi dans la peur, battait le cœur de centaines d’innocents qu’ils devaient à tout prix protéger.
30LE CŒUR D’HABASKLorsqu’ils poussèrent les portes de la salle des Trônes, l’émerveillement s’empara d’eux. Ce n’était ni plus ni moins qu’un miracle, pensèrent Léa et Drarion sur l’instant. À l’autre bout de la salle, Elvène les attendait en compagnie des deux gardiens. Celui de la tour du Sud n’était visiblement pas ravi d’avoir été contraint de restituer le dernier fragment du cœur d’Habask qui était en sa possession et son regard en disait long sur ses pensées. Pour lui, Léa et Drarion ne méritaient pas qu’il leur soit restitué de cette manière, il ne les considérait pas dignes d’en être à nouveau les protecteurs, mais de ses états d’âme, les élus n’en avaient que faire.Le morceau de cristal irradiait toute la salle et projetait sa lumière pourpre qui dansait sur les murs de pierre.— Mon fils ! Léa ! Il n’y a plus de temps à perdre !Drarion contempl
31UNE SECONDE CHANCEElle peinait à s’éveiller et sentait que son corps ne répondait plus. De vagues bruits sourds grondaient autour d’elle et lui martelaient le crâne. Elle dut fournir un effort inhumain pour ouvrir les yeux, et ce, malgré la douleur qu’elle ressentait, comme si la lame d’un scalpel glacé lui ouvrait les paupières. Un voile blanchâtre lui gâchait la vision, mais derrière cette brume opaque elle distinguait tout de même quelques formes en mouvance au son de voix méconnaissable.— Léa… elle se… docteur !Des bribes de mots harcelaient ses tympans. Clouée sur son lit, incapable de faire le moindre mouvement, Léa sentit la panique l’envahir.« Qu’est-ce qui m’arrive ? Où suis-je et pourquoi est-ce que je me sens si mal ? » se questionnait Léa.Une puissante lumière blanche transperçait à présent le voile qui lui masqua
32 PEUT-ÊTRE PAS LA FIN Pendant les quelques jours qui suivirent leur réveil, Léa et Drarion durent rester en observation, mais au bout du quatrième jour, Ameline leur annonça qu’ils avaient l’autorisation de faire une sortie dans les jardins de l’hôpital. Un bon bol d’air frais leur ferait le plus grand bien. Leur première bouffée d’oxygène leur tourna un peu la tête et le soleil les aveugla quelque peu, mais la gêne ne dura que quelques secondes. Les jardins étaient fleuris et beaucoup de patients se promenaient tout comme ils s’apprêtaient à le faire. Depuis leur réveil, ils ne parlaient que de ça, et la même question revenait toujours sur le tapis, qu’était-il advenu de cette année qu’ils avaient passée à Faralonn et de leurs amis ? Dans les jardins, la plupart des bancs