8L’ARMÉE DE FARALONNDans les ruelles du palais de Faralonn, tous les habitants, et ce malgré la menace qui planait au-dessus de leur tête, étaient sortis de chez eux pour encourager et souhaiter bonne chance à Drarion et son équipe. Ils partaient pour une mission de la plus haute importance et avaient pour ambition de rallier à leur cause un maximum de personnes. Drarion s’était mis en tête de convaincre ceux qui furent, il y avait peu encore, les alliés des Déusumbraé. Les nouvelles allant bon train, le bruit courait que les alliés des forces de l’ombre, d’ordinaire si sûrs d’eux, se terraient à présent, cachés dans les recoins les plus infâmes de Sgathân. Eux pourtant si fiers, eux qui scandaient leur dévotion aux forces de l’ombre, désormais, craignaient le courroux de leur nouveau maître.Tout comme l’Élite, personne ne savait ce qui se tramait au sein de la forteresse, seul le nuage sombre qui envahi
9INVERTEROAu cœur de la forteresse, Zoà n’en pouvait plus de voir Wallamzen faire les cent pas et arpenter les lieux de long en large. L’ancien directeur de Tanaël n’était pas aussi démonstratif que son ami alors qu’au fond de lui il était dans le même état. Les rugissements provenant des entrailles du temple mettaient leurs nerfs à rude épreuve et lorsqu’ils sortaient pour tenter de chasser l’angoisse qui les rongeait, le supplice de leur constat était pire encore.La matière maléfique qui s’échappait depuis la plus haute tour d’onyx avait maintenant envahi Sgathân qui se retrouvait plongé dans l’obscurité, seuls les éclairs qui transperçaient l’épais manteau leur permettaient d’appréhender l’étendue de leurs actes.L’un comme l’autre se blâmait pour ce qui était en train de se produire. Ils savaient très bien que le seul moyen d’arrêter tout cela aurait été de raisonner Lady Any
10LE SORTILÈGE DE SOUMISSIONDover est une grande ville pluriculturelle, aussi Léa et son équipe n’avaient plus besoin de regarder leurs chaussures à chaque fois qu’ils croisaient quelqu’un. Les rôles venaient de s’inverser et Léa ne manqua pas de faire remarquer à Gabriel et Nolan que leur attitude n’avait rien à envier à celle des clients du pub sur la plage du village voisin.— Désolé, je pense que Nolan, tout comme moi, n’avions jamais vu de telles coiffures, en particulier leurs couleurs, est-ce naturel ?— Ce sont des punks, ils écoutent de la musique très… comment dire ? très rythmée et revendiquent un look décalé, mais au fond, ils sont comme vous et moi, et pour la couleur de leur crête, ils vont chez le coiffeur.— C’est quoi « chez le coiffeur ? » demanda le petit garçon.— Rus’Och, tu parles enfin ! C’est comme une taver
11SÉPARÉSTous fixaient à présent le ciel au-dessus de la forteresse noire, tétanisés de voir le nuage maléfique s’engouffrer, comme aspiré par les vortex que l’Invertero avait créés. Aucun d’eux ne savait exactement ce qui se passait à l’intérieur du repère des Déusumbraé, mais le phénomène au-dessus de leurs têtes n’était pas difficile à expliquer, tous avaient deviné que ces grands cercles lumineux qui avalaient la matière noire n’étaient autres que des portails magiques destinés à envahir les mondes.Sur les berges, face à la baie, Drarion affichait un petit sourire en coin que ses amis n’appréciaient guère. L’idée qu’il venait d’avoir et qu’il s’apprêtait à partager avec eux n’allait pas faire l’unanimité. Cependant la certitude qui se lisait déjà sur son visage quant à son plan, laissait entendre que ce qu’il allait leur annoncer était bien plus qu’une simple idée sur laquelle il faudrait débattre.
12LA FORTERESSE NOIRENokké, le géant des mers, n’était pas de ceux qui condamnent ou jugent, mais parfois il lui arrivait d’agir dans l’intérêt de tous. Il décela chez Zoà une forme de sincérité lorsque ce dernier lui affirma que tout ce qui était en train de se produire n’était pas son souhait. Compte tenu des circonstances, il proposa à l’ancien directeur de Tanaël de se joindre à l’armée qui affronterait, il l’espérait prochainement, cette chose, l’Invertero.— Mes pouvoirs n’auront aucun effet sur ce sortilège ni sur Anya. Tant que l’ordre des Déusumbraé sera unifié, je ne serai d’aucune utilité.— Alors il nous suffit d’en supprimer un et l’ordre suprême des dieux de l’ombre s’envolera avec l’âme de celui-ci.— Lady Anya est intouchable et Wallamzen, ce lâche, a fui.— Regarde !Nokké désigna l’horizon
13SE FONDRE DANS LA MASSEÀ travers la brume des campagnes anglo-saxonnes, le train filait à vive allure. Rus’Och et Nolan n’avaient pas l’air d’apprécier leur baptême, leur teint était livide et les haut-le-cœur qui les secouaient écœuraient Léa et Satine. Gabriel, lui, était cramponné à l’accoudoir de son siège, il espérait que le voyage ne durerait pas trop longtemps. Il n’avait pas détourné son regard de la porte du wagon à l’autre bout de l’allée centrale et s’inquiéta de voir un homme pénétrer dans la voiture.L’uniforme de ce dernier et son attitude ne rassurèrent personne, hormis Léa qui décida de s’en amuser.—Pas de quoi paniquer, c’est un contrôleur, Gabriel va nous en débarrasser vite fait. N’est-ce pas ? lui ordonna-t-elle, en plus de lui offrir son regard le plus méprisant.Agacé par son sarcasme, Gabriel
14LA GARDE ROYAL AUX TROUSSESLorsque les grilles du palais s’ouvrirent aux visiteurs, Satine tendit les billets d’une main tremblante. Ils suivirent le groupe qui s’extasiait déjà et canardait tout ce qui bougeait avec leurs appareils. Une femme d’apparence très joviale vint à leur rencontre et se présenta comme étant leur guide pour le reste de l’après-midi.— Nous commencerons la visite par la grande galerie aux tableaux.À peine la visite eut-elle commencé que Léa et ses amis cherchèrent un moyen de se faufiler hors du groupe pour aller fouiner. Satine se souvenait que lorsqu’elle avait fait son reportage, la Souveraine avait reçu son équipe dans le salon jaune à l’étage.En essayant de paraître le plus naturels possible, ils empruntèrent l’imposant escalier tandis que le groupe suivait leur guide. Une fois à l’étage, Satine dut s’arrêter quelques secon
15DE RETOUR DE L’ESTJubanis n’était pas très rassurée alors qu’elle pénétrait dans la forêt. Le domaine du roi des Elfes majeurs n’était plus très loin et déjà elle se sentait épiée. Elle dut puiser au plus profond d’elle-même pour trouver le courage de continuer. Elle se souvenait très bien de leur dernière visite dans cette contrée alors qu’avec l’Élite ils volaient au secours de Nolan. Bien que sa venue soit de la plus haute importance, elle ne serait sûrement pas la bienvenue.Les arbres se faisaient plus hauts, plus beaux et le parfum des fleurs qui envahissaient peu à peu les lieux au fur et à mesure qu’elle se rapprochait, l’enivrait. C’est sans surprise aucune qu’une escouade lui tomba dessus et lui barra la route. Menaçants, les Elfes des forêts pointaient sur elle leurs lances pour la dissuader de faire un pas de plus, mais sa détermination passa outre leur mise en garde. Elle savait qu’elle se
32 PEUT-ÊTRE PAS LA FIN Pendant les quelques jours qui suivirent leur réveil, Léa et Drarion durent rester en observation, mais au bout du quatrième jour, Ameline leur annonça qu’ils avaient l’autorisation de faire une sortie dans les jardins de l’hôpital. Un bon bol d’air frais leur ferait le plus grand bien. Leur première bouffée d’oxygène leur tourna un peu la tête et le soleil les aveugla quelque peu, mais la gêne ne dura que quelques secondes. Les jardins étaient fleuris et beaucoup de patients se promenaient tout comme ils s’apprêtaient à le faire. Depuis leur réveil, ils ne parlaient que de ça, et la même question revenait toujours sur le tapis, qu’était-il advenu de cette année qu’ils avaient passée à Faralonn et de leurs amis ? Dans les jardins, la plupart des bancs
31UNE SECONDE CHANCEElle peinait à s’éveiller et sentait que son corps ne répondait plus. De vagues bruits sourds grondaient autour d’elle et lui martelaient le crâne. Elle dut fournir un effort inhumain pour ouvrir les yeux, et ce, malgré la douleur qu’elle ressentait, comme si la lame d’un scalpel glacé lui ouvrait les paupières. Un voile blanchâtre lui gâchait la vision, mais derrière cette brume opaque elle distinguait tout de même quelques formes en mouvance au son de voix méconnaissable.— Léa… elle se… docteur !Des bribes de mots harcelaient ses tympans. Clouée sur son lit, incapable de faire le moindre mouvement, Léa sentit la panique l’envahir.« Qu’est-ce qui m’arrive ? Où suis-je et pourquoi est-ce que je me sens si mal ? » se questionnait Léa.Une puissante lumière blanche transperçait à présent le voile qui lui masqua
30LE CŒUR D’HABASKLorsqu’ils poussèrent les portes de la salle des Trônes, l’émerveillement s’empara d’eux. Ce n’était ni plus ni moins qu’un miracle, pensèrent Léa et Drarion sur l’instant. À l’autre bout de la salle, Elvène les attendait en compagnie des deux gardiens. Celui de la tour du Sud n’était visiblement pas ravi d’avoir été contraint de restituer le dernier fragment du cœur d’Habask qui était en sa possession et son regard en disait long sur ses pensées. Pour lui, Léa et Drarion ne méritaient pas qu’il leur soit restitué de cette manière, il ne les considérait pas dignes d’en être à nouveau les protecteurs, mais de ses états d’âme, les élus n’en avaient que faire.Le morceau de cristal irradiait toute la salle et projetait sa lumière pourpre qui dansait sur les murs de pierre.— Mon fils ! Léa ! Il n’y a plus de temps à perdre !Drarion contempl
29L’ARMÉE DE VEELAL’Invertero était partout, il voyait et entendait tout et c’est sans surprise que Tan et le Simorgh durent éviter ses attaques. Les deux créatures eurent beaucoup de mal à éviter ses assauts et plus d’une fois ils passèrent de justesse à côté d’effluves électriques meurtriers qui leur frôlaient les plumes ou de cette brume maudite qui tentait de les capturer. Mais Tan et le Simorgh n’étaient pas d’humeur à jouer et malgré les contestations de Léa et Drarion, ils voulurent donner à l’exterminateur, une petite leçon. Ils s’apprêtaient à survoler Faralonn et le risque était trop grand, ils ne voulaient pas attirer l’Invertero jusqu’au palais. Depuis le ciel, l’enceinte fortifiée paraissait calme. Les grandes portes étaient fermées, les rues du village étaient désertes et les volets des maisons clos, mais à l’intérieur, tapi dans la peur, battait le cœur de centaines d’innocents qu’ils devaient à tout prix protéger.
28L’AUTRE FRAGMENTProtégés derrière les remparts de Faralonn, les plus jeunes et les plus faibles se terraient dans le silence. Le vent qui soufflait portait jusqu’à eux ce douloureux écho qui leur coupait le souffle, l’insoutenable cacophonie de cette guerre qui se préparait. Les Gnomines s’activaient pour calmer ces innocents pris de panique et qui s’inquiétaient pour le père, le fils ou la mère, partis se battre. Dans leur laboratoire, les Bihan-Avel se hâtaient de préparer leurs potions explosives, car pour sûr, les troupes en manqueraient rapidement.Dans la salle des Trônes, Elvène, en compagnie de Doum, se faisait un sang d’encre pour Gabriel et son fils. Elle faisait les cent pas devant les grandes fenêtres d’où elle pouvait imaginer l’enfer qui se déroulait sur la baie et sur les plages de Sgathân. Doum, le mini-troll, faisait de son mieux pour la rassurer, mais toutes ses tentatives étaient vain
27LES ALLIÉS DE NOKKÉL’armée qui unifiait tous les peuples de Sgathân avait envahi les berges qui encerclaient la baie. Depuis leur position, l’Élite ne distinguait que des masses fourmillantes au-dessus desquelles flottaient les étendards de chacun des clans ayant répondu présents à leur appel.Au cœur de cette vaste étendue d’eau glacée que défigurait une houle incessante siégeaient les ruines de la forteresse noire. Au milieu des blocs d’Onyx brisés, le corps de lady Anya continuait inlassablement de cracher son courroux et l’Invertero qui se nourrissait de sa haine, assiégeait les mondes un à un. Qu’attendait Neimus pour donner le signal que tous attendaient ? Ils étaient tous là, fin prêts à se lancer dans cette guerre qui pour beaucoup d’entre eux serait la dernière. Dans les rangs, les rugissements de leur courage, de leur détermination, faisaient trembler le sol. D’où ils se trouvaient, Neimus et
26L’ESPOIR SOUS L’ÉTENDARDLe manteau obscur et nébuleux de l’Invertero devenait de plus en plus menaçant et si sur la terre ferme les troupes étaient fin prêtes, le ténébreux l’était tout autant. L’armée de Faralonn, guidée par l’Élite, avançait au pas cadencé et chaque pas qui frappait le sol faisait résonner l’hymne de leur détermination. Au loin, sur les rives qui bordaient la baie et enclavaient le rocher sur lequel siégeait, il y avait peu de temps encore la forteresse noire, les étendards des peuples ayant répondu à l’appel de l’Élite flottaient sous le vent tels de gigantesques cerfs-volants. Léa eut des frissons lorsqu’elle en aperçut un en particulier. Bien qu’elle fût loin, elle distingua nettement l’emblème qui y était brodé, un désert de dunes. Gabriel qui l’observait lui adressa un sourire qu’elle lui rendit, il avait tenu sa promesse et même si elle ne savait pas encore comment il avait fait, elle lui en était recon
25LE GRIMOIRE NE RÉPOND PLUSC’est peut-être là le propre de cette espèce, être au pied du mur, proche de la fin, au point de non-retour pour que l’humain réussisse à faire table rase du passé. Qu’il oublie sa rancœur et sa colère pour pardonner, mais à quel prix ? Sans aucun doute, sa prise de conscience du temps qui passe et qui restera perdu à jamais. C’est ce que Léa réalisait tandis que Kalon repartait s’occuper d’armer tous ceux qui seraient en mesure de se battre le moment venu, elle lui avait tout pardonné. Avant qu’elle-même ne retourne dans les jardins du palais pour apporter son soutien au plus grand nombre, elle voulut, une dernière fois, prendre conseil auprès de son amie invisible. Sur son lit, dans sa chambre elle ouvrit son coffret et sortit son grimoire qui s’illumina dès qu’elle le toucha.Un instant de nostalgie l’envahit tandis qu’elle tournait les pages ; avec un sourire empli d’émotio
24PRÉPARER LES PLUS FAIBLESDrarion avait besoin de se changer les idées et de mettre de côté ce qu’il venait de vivre dans la chambre de sa mère. Lorsqu’il sortit dans les jardins du palais, il retrouva ses esprits et ses motivations ; celles qui l’avaient poussé à quitter brusquement le chevet d’Elvène reprirent le dessus. Dans les jardins du palais originel, il trouva ce qu’il était venu chercher, ses amis, sa famille. Tous étaient tenus par leurs tâches respectives et Drarion n’attendait plus qu’une chose, leur prêter main-forte, car cela lui éviterait de penser à ce qu’il ressentait. Il s’étonna d’entendre des rires d’enfants et comprit rapidement ce qui les rendait si joyeux. À l’écart, au fond du parc, Gwénaël et Tan faisaient les pitres pour la plus grande joie de ces petits êtres innocents. Tan s’était transformé en Dragon et les laissait jouer sur son dos pendant que Gwénaël bondissait et disparaissait en projetant de fa