Au cœur de la meute
Ella & Lorenzo
5 ans auparavant
– Les loups ont tous une moitié quelque part dans le monde. Qu’elle soit louve ou humaine, elle existe. Il nous suffit de la trouver. Beaucoup n’y parviennent pas. Cela ne veut pas dire pour autant qu’ils seront malheureux toute leur vie, mais il leur manquera toujours quelque chose au fond d’eux, explique Lorenzo en espérant au plus profond de lui qu’Ella est cette personne.
Et justement, elle répond, curieuse de comprendre l’origine et la nature de ce lien inexplicable qui dépasse toutes les lois de la nature. D’après les dires de Lorenzo, il s’agirait d’une sorte d’événement spirituel qui lie deux personnes à jamais. Deux âmes complémentaires qui, l’une sans l’autre, ne seront jamais comblées.
– Comment peux-tu savoir qui est ton âme sœur ?
– En fait, c’est complètement aléatoire. Le lien entre deux âmes sœurs se manifeste de manière différente chez chacun. Ça arrive à un moment de leur vie, ne me demande pas lequel, ni comment, parce que je ne saurais pas te répondre. Je sais juste que la relation entre les deux change, et le lien apparaît. On appelle ça la « Révélation ».
– Est-ce que tout est prêt ? demande Lorenzo en pénétrant dans le bâtiment du village réservé au Conseil de la meute.
Il s’installe à la grande table où nous sommes déjà tous assis.
Depuis qu’il endosse son rôle d’alpha suprême aux côtés de sa femme, Ella, beaucoup de choses ont changé. Lorsque Marcos était à sa place, il y a cinq ans, et qu’il dirigeait l’ensemble de la communauté des loups-garous, les meutes se sentaient souvent en concurrence. C’est ce qui nourrissait notamment le conflit entre Lorenzo et les jumeaux Miller, Jake et Gregor. Les beaux-fils de sa tante s’en sont pris à lui à de nombreuses reprises. On ne peut pas dire que ça ait facilité leur relation. Mais quand Ella et Lorenzo ont pris le relais de Marcos, ils ont apporté un souffle nouveau. Au fil des années, ils ont instauré un climat d’unité et de paix durable au sein de notre communauté, et entre les différentes meutes. Ils sont parvenus à convaincre tout le monde de travailler main dans la main pour préserver notre espèce, et c’est sans doute le plus beau combat qu’ils mèneront jamais.
Aiden, son bras droit et mon ami d’enfance, se redresse sur sa chaise. Il lui répond d’une voix assurée qui me tire de mes souvenirs.
– Niveau sécurité, on a formé plusieurs loups à la surveillance du périmètre et toute la meute est au courant de leur arrivée. En ce qui concerne les aménagements, les Miller ont pris les choses en main. Dès qu’ils ont su qu’on accueillait de nouveaux habitants, et la tragédie qu’ils ont vécue, ils ont étendu le village sur plusieurs centaines de mètres et y ont construit des habitations supplémentaires pour recevoir tout le monde.
– C’est parfait.
– En parlant des jumeaux… le coupé-je, en attirant tous les regards sur moi. Tu sais que j’étais le premier à ne pas leur faire confiance, mais il faut bien avouer que ces cinq dernières années, ils se sont montrés d’un soutien et d’une loyauté sans faille. Je ne sais pas ce que tu en penses, mais on devrait peut-être trouver un moyen de leur montrer notre reconnaissance, non ?
Lorenzo appuie ses coudes sur la large table ronde autour de laquelle nous sommes installés, comme pour donner du poids aux paroles qu’il s’apprête à prononcer.
– Je suis tout à fait d’accord avec toi, Mason. Ce qui nous amène justement au prochain sujet que je souhaitais aborder avec vous aujourd’hui. Mais avant d’en parler, je tiens à vous rappeler que tout ce qui se dit autour de cette table doit rester confidentiel. Aucune fuite ne sera tolérée pour la suite de cette conversation. Suis-je bien clair ?
Notre alpha suprême a beau être à la tête de toutes les meutes existantes, il n’a pas souvent besoin de se montrer autoritaire. Aussi, quand il nous examine à la recherche du moindre élément qui lui indiquerait que l’un d’entre nous est susceptible de trahir les secrets du Conseil, ce n’est jamais bon signe.
Nous nous regardons les uns les autres pour nous assurer qu’il n’y a aucun doute sur ce point. Enzo est notre alpha, celui pour qui nous donnerions nos vies. S’il ordonne quelque chose, nous nous exécutons sans poser de questions. C’est ainsi que ça fonctionne. Parce qu’on sait que si nous sommes prêts à nous sacrifier pour lui, il le ferait, lui aussi, pour chaque personne à ses ordres, et bien plus encore.
– Super, reprend-il. Ça fait déjà un moment qu’Ella et moi y pensons… Comme l’a souligné Mason, malgré les différends que nous avions – que j’avais – avec Jake et Gregor Miller, ils ont été d’une aide précieuse et d’une grande bienveillance ces dernières années. Alors pour les gratifier et les intégrer à notre meute de manières plus officielles, nous voudrions leur proposer de leur offrir une place au Conseil avec un pouvoir décisionnel au même titre que nous tous.
L’étonnement ne tarde pas à se manifester autour de la table. Je ne pensais pas que Lorenzo en arriverait à cette conclusion. Je ne sais pas si leur donner autant de pouvoir serait une bonne idée au vu de notre passif commun. Le Conseil est un cercle privé à l’origine des décisions les plus importantes concernant les meutes de manières individuelles. Il arrive aussi que des décisions doivent être prises à l’échelle de notre espèce entière. Dans ce cas, Lorenzo réunit le Conseil suprême, constitué des alpha de chaque meute et de leur bêta. Cela n’arrive que très rarement. En ce qui concerne le Conseil de la meute, il a toujours été question que nous restions un petit comité. Et seuls les loups les plus proches de l’alpha suprême, ceux en qui il a une confiance absolue, en font partie. Et depuis les événements d’il y a cinq ans, quand leur meute s’est associée à la nôtre pour combattre leur belle-mère et qu’ils ont choisi de rester chez nous, ils sont devenus de ceux-là. De ceux sur qui Lorenzo peut compter. Si au début, nous nous sommes méfiés de leurs intentions, nous avons vite compris qu’ils avaient fini par respecter notre alpha et que c’était la cause de leur transfert.
Les chuchotements s’élèvent de plus en plus fort autour de moi, et malgré que nous soyons très peu, ce brouhaha désorganisé forme un écho désagréable sous le haut plafond.– Ne vous en faites pas, ajoute Lorenzo en mettant fin à l’agitation causée par sa suggestion. Rien n’est acté pour le moment. La décision sera soumise au vote une autre fois. Nous aurons l’occasion d’en reparler d’ici là, mais je vous demande d’y réfléchir sérieusement et d’envisager cette possibilité. Ça ferait de nous une coalition de meutes plus unie encore, s’ils nous rejoignaient. Les quelques récalcitrants qui ont du mal à envisager que la guerre est finie au sein de notre espèce se calmeraient d’autant plus.Le sujet clos, Brice – le père de Lorenzo et son prédécesseur à la tête de notre meute – nous relance sur le sujet principal pour lequel nous sommes réunis aujourd’hui.– Je pense qu’il est important de changer les idées des nouveaux arrivants, histoire de leur montrer qu’en dépit du drame qui les a touc
2CaroleLes larmes aux yeux, je lime l’écorce du morceau de tronc que j’ai trouvé dans la forêt pour créer cette sculpture. Un mémorial destiné à accueillir les noms de tous les loups-garous décédés dans le terrible incendie qui a ravagé le village de la meute du Texas.C’est à n’y rien comprendre. Personne n’a su expliquer comment les feux ont démarré. Tout ce que leur alpha a pu dire, c’est qu’ils n’avaient plus rien, plus nulle part où aller, plus nulle part où vivre. Bon nombre d’entre eux y ont laissé la vie, des innocents, des adultes, des parents, des enfants, des frères, des sœurs. Et il est de notre devoir de leur rendre la vie plus facile et de les accompagner dans les différentes étapes de leur deuil en les accueillant ici.– Tata ! s’écrie une petite voix d’enfant.Je me tourne juste à temps pour attraper au vol Angela, la fille de ma meilleure amie, qui me surprend par son enthousiasme. Son visage affiche un grand sourire lorsque j’ébouriffe ses cheveux en guise de salut
– Quand tu seras plus grande.– Mais je suis grande, moi !– Écoute tante Carole, chérie. Quand tu sauras manger correctement, on pourra envisager de te laisser l’aider, mais pas avant.– Bon argument, fais-je remarquer en riant.Angela fait la moue tandis qu’Ella s’avance pour me la prendre des bras. Mon amie penche la tête sur le côté pour entrevoir le mémorial qui se trouve dans mon dos, mais je ne lui en laisse pas l’occasion, faisant un pas sur le côté pour lui cacher la vue. Ce n’est pas une question de confidentialité, simplement, cette sculpture est dédiée aux membres qu’un peuple a perdus et je pense que ce sont eux qui devraient la découvrir d’abord, ou du moins en même temps que le reste du village.– Il faudra que tu patientes encore un peu, Ella, dis-je.C’est une question d’heures, à peine. Les survivants de la meute ont fait une très longue route depuis le Texas, et l’ambiance risque d’être très pesante. J’espère que tout se passera bien.– Finalement, Mason s’occupe de
MasonJ’enfile en vitesse un polo basique et un jean propre, puis me précipite à l’extérieur de chez moi. Mon retard ne passe pas aussi inaperçu que je l’aurais imaginé. Lorenzo me jette un regard noir quand je m’arrête près de lui, mais ne dit rien. En fait, personne ne semble vouloir rompre le silence pesant qui règne à l’entrée du village où la meute entière attend que les loups du Texas arrivent enfin. Comme à l’accoutumée, nous nous tenons tous les uns à côté des autres, formant une haie, Lorenzo et Ella en tête. Juste à ma droite, derrière notre alpha, Aiden arbore une posture solennelle.Je croise le regard de Carole qui se tient en face de moi, à côté d’Ella, et elle me sourit faiblement.J’ai conscient de l’avoir blessée en ayant été si peu disponible ces derniers temps. Mais c’est tellement difficile… Mon alpha me confie de plus en plus de responsabilités, et il serait impensable de le décevoir. Après le comportement, à la limite de l’insubordination, que j’ai eu par le pass
– Je m’appelle Inaya.Il me faut une seconde pour comprendre ce qu’elle me dit et indiquer à mon cerveau de répondre.– Mason.Ma voix est mécanique, respectueuse, mais sèche. Mon esprit se ferme à toute tentative de sociabilité avec cette fille, aussi intrigante soit-elle. Je déglutis, hoche brièvement la tête et décide de battre en retraite. Je sens de lourds regards peser sur moi lorsque j’accélère le pas, mais il faut que je m’éloigne d’ici au plus vite.Que je m’éloigne d’elle.Comment une inconnue peut réveiller de telles choses en moi ? Comment peut-elle exercer un tel pouvoir sur mon corps alors même que je ne connais que son prénom ?Je file à toute vitesse vers la forêt qui borde le village, et je m’y enfonce jusqu’à atteindre le pied de la colline qui surplombe les environs. Je grimpe la pente raide en m’aidant à peine des arbres et des quelques rochers disséminés çà et là.Avec la bande, nous avons trouvé refuge ici pour la première fois, un soir, alors que nous n’avions q
– C’est bien ce que je crois ?Sa voix n’est plus qu’un murmure, à la fois choqué et curieux. Pas un instant, son regard ne quitte la marque de ma Révélation. Elle l’observe sous tous les angles, attrapant ma main pour la tourner d’un côté, puis de l’autre, comme si les rayons du soleil allaient se refléter dessus. Mais elle ne la touche plus.– J’aime Carole, tu sais… me sens-je presque obligé de préciser.– Bien sûr que je le sais !Jenny n’est pas du genre à juger les autres. Elle est plutôt du style à défendre ses amis bec et ongles envers et contre tout. De toute façon, nous savons depuis notre plus tendre enfance que le lien qui unit deux âmes sœurs défie toutes les lois de la volonté. C’est spirituel. Naturel. Intime. Si rare que jamais je n’aurais cru trouver la mienne un jour. Au fond, c’est peut-être moi qui souhaiterais que quelqu’un me le reproche, juste pour donner un peu plus de légitimité à ma culpabilité.– Qu’est-ce que tu comptes faire ? finit-elle par demander.– Fr
Il n’y en aura jamais.– Qu’est-ce qu’il y a ? demande-t-il en retournant quelques merguez sur le grill.Un moment, j’hésite entre mentir ou lui avouer ce que j’ai au fond de moi. Puis, je me souviens de la dernière fois que j’ai évoqué nos différences et supposé qu’elles pourraient être un frein dans l’épanouissement de notre relation. Il s’était mis en colère et le ton était monté plus que jamais auparavant. Je n’ai pas envie que cela se reproduise… Mais en y réfléchissant bien, ce soir, nous sommes entourés de gens qui ont tout perdu. Et qui n’ont peut-être pas eu le temps de dire à leurs proches ce qu’ils ressentaient. La vie semble ne tenir qu’à un fil, et je n’ai pas envie qu’il y ait plus de non-dits, qu’il y en a déjà, entre Mason et moi. Finalement, c’est peut-être le moment ou jamais d’en parler.– Je pense à nous.Il cesse tout mouvement et plante son regard dans le mien. Ses yeux sont indéchiffrables. Je n’arrive pas à me défaire du sentiment étrange qui coule dans mes vei
Cette vision me fait mal à la poitrine. Elle me déchire le cœur, le brise en morceaux et altère jusqu’à ma respiration. De là où je suis, les joues d’Inaya me paraissent humides. Ses dents sont tellement serrées que je me demande s’il ne lui reste pas un torrent de larmes à verser. Soudain, un poids accablant pèse sur mes épaules, comme si je portais sa peine avec elle. Comme si, inconsciemment, elle la partageait avec moi. La nausée me gagne et mon estomac se tord sous sa douleur que j’ai l’impression de ressentir sans filtre.Quand elle recule enfin, elle se frotte le visage de ses manches en une piètre tentative pour cacher ses émotions aux autres. De là où je me trouve, je ne parviens pas à déchiffrer ce qu’elle a écrit. Deux loups sont déjà en train d’entasser des branches autour de la sculpture et me cachent la vue. Lorenzo confie alors un flambeau à Dwayne pour qu’il accomplisse lui-même le rituel en hommage à ses victimes en allumant le feu.En quelques minutes à peine, le boi
D’un mouvement de la tête, il m’invite à regarder Carole, toujours de l’autre côté du cercle. Jake Miller se dirige vers elle sous ses yeux pétillants. J’ignore si elle a décidé de revenir définitivement dans la meute, mais une chose est sûre : elle est heureuse d’être là, avec ses amis. Sa famille. Je ne suis même pas sûre qu’elle en ait conscience.Elle serre Jake dans ses bras, mais pas comme on le ferait avec un simple ami. Pas comme si Mason avait creusé un trou béant de tristesse et de solitude à cause de son absence. Mais plutôt comme si retrouver Jake lui provoquait un profond soulagement. Et je le sais, car j’ai l’impression de me voir il y a quelques minutes avec Mason.Si Carole et Jake n’en sont pas à s’avouer leurs sentiments naissants, il est tout de même certain qu’ils en ont.– Bien, lance Lorenzo d’une voix puissante qui résonne parmi la foule. Puisque nous sommes tous là, ou presque, commençons.Les chuchotements s’essoufflent au point de plonger le village dans un s
– Mes affaires.– Pourquoi ? demande-t-il avant même que l’écho de mes mots ne se soit essoufflé.– Eh bien… Je me suis dit que ce serait déplacé de rester ici avec Carole à côté… Je ne voudrais pas créer un malaise…Il fronce les sourcils, l’air de réfléchir à ce qui aurait pu me faire penser ça, puis son regard revient percuter mes iris.– Je t’ai dit que tu étais ici chez toi et que tu pouvais rester aussi longtemps que tu le souhaitais.– Mais Carole…– Carole vient de s’installer chez Ella et Lorenzo. Elle laisse ainsi sa maison à disposition, en cas de besoin. Tout est clair désormais entre elle et moi.J’ouvre la bouche pour répondre quelque chose qui me donnerait moins l’air désespéré, mais rien n’en sort. La situation est si perturbante qu’une vague de soulagement me fait vaciller lorsque Mason m’adresse un sourire sincère en esquissant un pas vers moi.– Tu m’as manqué, murmure-t-il.Il avance encore, jusqu’à s’arrêter à quelques centimètres. Son souffle s’échoue sur mes jou
Ses épaules se détendent imperceptiblement et un sourire éclaire son visage lorsque nous passons entre les premiers arbres qui marquent la lisière de la forêt.– Tu as toujours vécu ici ? demande-t-elle.– Oui ! C’est le cas de la plupart des membres de la meute.Je lui prends la main pour l’aider à escalader quelques rochers avant de reprendre notre avancée tranquillement. Ce n’est que quelques mètres plus tard que je prends conscience de ne pas l’avoir lâchée.Nous évoluons sur le terrain escarpé en comparant ma vie recluse au village et la sienne, pleine de possibilités, dans une ville où le tourisme est particulièrement actif. Je lui avoue n’avoir jamais imaginé ma vie ailleurs que dans ce coin paumé au cœur de la Louisiane.Finalement, nous atteignons le sommet de la colline où nous avons l’habitude de nous retrouver avec le groupe. C’est un peu notre endroit à nous, notre refuge, où rien ni personne ne pourra jamais nous atteindre.– Waouh… lâche-t-elle dans un soupir en découvr
MasonEn sortant de la douche pour rejoindre la solitude de ma chambre d’hôtel, les cheveux encore dégoulinants, je repense à ma conversation avec Carole.Ces dernières semaines, bien qu’on se disputait souvent, je l’aimais, et ça fait du bien d’apprendre qu’elle aussi, même si nos sentiments avaient déjà pris une autre voie. Ils s’étaient transformés en quelque chose de moins passionnel, et sûrement de plus amical au fond. Ce que je ressens pour Inaya n’a pas d’égal. C’est tellement plus… profond. Indescriptible. Et si une part de moi sera toujours attachée à Carole, je dois faire mon chemin de mon côté et lui laisser une chance d’en faire de même, y compris si c’est avec Jake.La sonnerie de mon téléphone m’interrompt dans mes pensées alors que j’enfile un bas de survêtement. Le nom de Lorenzo s’affiche sur l’écran. Je fronce les sourcils, étonné. Il sait où je suis et ce que je suis venu faire là, il n’est pas du genre à se manifester dans ce type de situations. Je repense à ce qu’
– Laisse-la digérer l’information. Tu la retrouveras plus tard.Je fronce les sourcils, à la fois intriguée par le départ d’Ella et perplexe face à ce qui se joue sous mes yeux. Je ne comprends plus rien. En quoi la sœur de l’ancien alpha pourrait être mêlée à cette affaire ? Pourquoi était-elle en prison ? Et surtout, comment a-t-elle réussi à s’en échapper ?C’est Brice qui attire mon attention en soupirant bruyamment. Puis il entreprend de me raconter.– Nicole a toujours été de nature très jalouse. C’est presque maladif chez elle. Je suis l’aîné de la fratrie, alors j’ai repris la direction de la meute après mon père. Elle ne l’a jamais supporté. Je suppose que tout est vraiment parti de là. Puis, elle a épousé l’alpha Miller…– Miller comme… Jake et Gregor ? l’interrompé-je de plus en plus étonnée.– C’est leur père, oui. Nicole est leur belle-mère. Mais cette union ne lui a pas suffi. Elle voulait diriger et elle n’était pas en position de le faire, du moins pas toute seule. C’e
Inaya– C’est le deuxième incendie en à peine quelques semaines. Comme dans le village de Dwayne, personne n’a rien vu avant les premières flammes. Il y a bien eu un bruit d’explosion, mais ça a été rapidement mis de côté face à la fureur du feu qui s’est propagé. Ce n’est que plus tard que la thèse de l’incendie criminel a été confirmée. Heureusement, il n’y a eu aucun blessé, mais il faut faire quelque chose pour que ça ne se reproduise plus, récapitule Lorenzo en s’asseyant autour de la table du Conseil, juste à côté d’Ella.Je n’arrête pas de passer en revue les maigres informations dont nous disposons à ce sujet, dans l’espoir d’y trouver une explication. J’ai un mauvais pressentiment. Une sombre impression que quelque chose de beaucoup plus grave, qu’on ne se l’imagine, se prépare dans notre dos. Et en attendant, on perd notre temps à discuter…Sur le chemin vers la salle du Conseil, Ella m’a informée des dernières nouvelles pour que je ne sois pas perdue. Il y a quelques jours,
Mason :Je ne sais pas trop, en fait.C’est la fin d’une période dema vie, pendant laquelle j’aigrandi et aimé, comme jamaisavant de te rencontrer.L’espace d’un instant, je crois bien que je cesse de respirer. J’ignore s’il a volontairement sous-entendu qu’il m’aimait ou s’il a dit ça juste comme ça, parce que nous sommes des âmes sœurs et que le lien qui nous unit est particulièrement inexplicable, mais le fait est qu’il l’a dit. Et mon cœur l’a compris.Je relève les yeux de mon écran pour méditer sur cette déclaration cachée et je tombe sur une photo d’Ella et Lorenzo, le jour de leur mariage. Leurs yeux jaunes pétillants de bonheur et l’aura qu’ils dégagent me font réaliser que c’est en moi que je dois puiser la force et la volonté de vivre une belle histoire avec Mason. Une histoire qui nous ressemblera, nous, et personne d’autre.Je reprends mon souffle en inspirant profondément. Je concentre mon attention sur l’appareil et je le serre si fort dans mes mains que mes phalange
– Un nouvel incendie. Dans la meute des parents d’Ella, cette fois. On a des raisons de croire que Nicole sait quelque chose. Brice cherche des infos de ce côté-là.– Est-ce qu’on peut faire quelque chose pour aider ?– On ? m’étonné-je, irrité.Il y a à peine cinq minutes, elle m’a fait comprendre qu’elle ne faisait pas partie de la meute, qu’elle ne s’y sentait pas chez elle après y avoir vécu pendant cinq ans, et maintenant, elle voudrait intervenir ? Je trouve ça tellement paradoxal que mon cerveau n’arrive plus à suivre. J’ignore si je devrais me concentrer sur sa solidarité ou sur le trou béant qu’elle a creusé dans ma poitrine, comme si je n’avais pas suffi à la rendre heureuse au village, que l’amour que je lui portais ne valait rien.– Écoute, Mason… Je suis désolée. Tu n’as pas tous les torts. Si je suis honnête, je dirais même que tu n’en as aucun. J’ai bien vu que tu ne pouvais pas lutter contre l’attirance que tu ressens pour Inaya, et je ne t’en veux pas, mais tu ne peux
16MasonPerché sur le bureau de Carole, les pieds sur sa chaise, je l’observe, détaillant chaque trait de son visage, chaque parcelle de sa silhouette, mais je ne ressens rien d’autre que de la culpabilité. Il n’y a plus cet amour qui crépitait entre nous et nous animait. Je sais qu’elle le ressent aussi. Notre relation n’allait déjà plus très bien avant l’arrivée d’Inaya, mais on tenait le coup. Peut-être par habitude ? Quoi qu’il en soit, je ne veux pas continuer de cette manière, et je ne pense pas qu’elle en ait envie non plus.Assise sur le bord de son lit, à quelques mètres de moi, elle se tient droite, ignorant l’attention que je lui porte. Son téléphone vibre à côté d’elle, l’écran s’allume pour lui indiquer l’arrivée d’un nouveau message, mais elle n’y jette qu’un bref coup d’œil avant de retourner l’appareil face contre le matelas.Voilà presque dix minutes que personne ne parle, même si je devrais probablement me lancer puisque venir ici était mon idée. Mais maintenant que