Les larmes aux yeux, je lime l’écorce du morceau de tronc que j’ai trouvé dans la forêt pour créer cette sculpture. Un mémorial destiné à accueillir les noms de tous les loups-garous décédés dans le terrible incendie qui a ravagé le village de la meute du Texas.
C’est à n’y rien comprendre. Personne n’a su expliquer comment les feux ont démarré. Tout ce que leur alpha a pu dire, c’est qu’ils n’avaient plus rien, plus nulle part où aller, plus nulle part où vivre. Bon nombre d’entre eux y ont laissé la vie, des innocents, des adultes, des parents, des enfants, des frères, des sœurs. Et il est de notre devoir de leur rendre la vie plus facile et de les accompagner dans les différentes étapes de leur deuil en les accueillant ici.
– Tata ! s’écrie une petite voix d’enfant.
Je me tourne juste à temps pour attraper au vol Angela, la fille de ma meilleure amie, qui me surprend par son enthousiasme. Son visage affiche un grand sourire lorsque j’ébouriffe ses cheveux en guise de salutation. J’envie son innocence, sa pureté. Parfois, j’aimerais avoir son âge à nouveau, simplement pour ne pas devoir faire face à tous les problèmes du quotidien d’un adulte. Mais c’est impossible. Cette époque est révolue depuis bien longtemps, et je peux déjà m’estimer heureuse de ne pas avoir souffert dans la vie. Ella ne peut pas en dire autant.
Je revois encore ma meilleure amie dans ma chambre d’adolescente, à me montrer les bleus sur ses bras en me faisant promettre de n’en parler à personne, de ne rien dire à mes parents. Aujourd’hui, je regrette qu’il m’ait fallu tant de temps pour comprendre à quel point la situation était anormale, critique même. Combien ce qu’elle vivait était grave et dangereux.
Elle a fini par trouver le bonheur auprès de Lorenzo, et j’en suis heureuse, malgré les conditions dans lesquelles a commencé leur relation. Et même là, rien n’a été facile pour elle. C’est une force de la nature. Et je l’admire pour la façon dont elle a tourné la page sur son passé.
– Tu es rapide, dis donc, et très silencieuse ! dis-je en m’adressant à la petite. Je ne t’ai pas entendue arriver avant que tu t’annonces. Ça fera de toi une grande cheffe plus tard !
– Oui ! s’exclame-t-elle en levant ses petits poings serrés vers le ciel tandis que je la serre contre moi.
J’aperçois Ella juste derrière elle, adossée à un arbre, nous regardant les bras croisés sur sa poitrine. Ses cheveux châtains sont plus longs qu’ils ne l’ont jamais été. Ils atteignent presque ses fesses, entourant avec grâce sa silhouette à faire pâlir d’envie. Depuis qu’elle s’est transformée en loup-garou, elle rayonne. Certains disent ça d’une femme qui porte la vie en elle, mais ça n’a pas été le cas d’Ella. Au contraire, mon Dieu, sa grossesse a été affreuse, une torture qui aurait pu l’achever à plusieurs reprises… En ce qui la concerne, ce sont bien ses gènes de louve qui la rendent radieuse.
– Lorenzo m’a parlé de ton projet. Il paraît qu’ils l’ont évoqué au Conseil. Je voulais le voir de mes propres yeux, dit-elle en approchant.
– Oh… C’est un projet plutôt bancal, l’idée m’est venue sur un coup de tête. Je voulais que les survivants aient quelque chose à quoi s’accrocher. Je sais qu’ils ont leurs souvenirs, mais quelque chose de concret pour ne pas oublier leurs disparus ne pourra jamais faire de mal.
– Non, jamais, confirme-t-elle en hochant la tête.
Angela passe sa petite main dans mes cheveux, captivée par leur couleur blonde qui scintille presque sous l’effet des rayons du soleil.
– Pourquoi t’es toute seule ? demande-t-elle sans me regarder dans les yeux, trop concentrée sur les détails de ma chevelure.
Sa voix haute perchée me fait craquer. Je pourrais passer des heures entières rien qu’à l’écouter parler à sa façon, si simple, quitte à me creuser parfois la tête pour comprendre où elle veut en venir en m’exposant tout ce qui traverse ses pensées.
– Parce que je travaille, Angie.
– Je peux travailler avec toi ?
J’hésite une seconde, tourne la tête vers Ella, puis me raisonne. Nous sommes en pleine forêt, je travaille le bois et elle n’a même pas 5 ans. Même si cela ne posait aucun problème de la laisser rester près de moi en lui donnant quelques petites choses à faire pour lui donner l’impression d’être utile, ce n’est pas l’idéal pour sa sécurité. Loup-garou ou non, je refuse qu’elle se blesse.
– Quand tu seras plus grande.– Mais je suis grande, moi !– Écoute tante Carole, chérie. Quand tu sauras manger correctement, on pourra envisager de te laisser l’aider, mais pas avant.– Bon argument, fais-je remarquer en riant.Angela fait la moue tandis qu’Ella s’avance pour me la prendre des bras. Mon amie penche la tête sur le côté pour entrevoir le mémorial qui se trouve dans mon dos, mais je ne lui en laisse pas l’occasion, faisant un pas sur le côté pour lui cacher la vue. Ce n’est pas une question de confidentialité, simplement, cette sculpture est dédiée aux membres qu’un peuple a perdus et je pense que ce sont eux qui devraient la découvrir d’abord, ou du moins en même temps que le reste du village.– Il faudra que tu patientes encore un peu, Ella, dis-je.C’est une question d’heures, à peine. Les survivants de la meute ont fait une très longue route depuis le Texas, et l’ambiance risque d’être très pesante. J’espère que tout se passera bien.– Finalement, Mason s’occupe de
MasonJ’enfile en vitesse un polo basique et un jean propre, puis me précipite à l’extérieur de chez moi. Mon retard ne passe pas aussi inaperçu que je l’aurais imaginé. Lorenzo me jette un regard noir quand je m’arrête près de lui, mais ne dit rien. En fait, personne ne semble vouloir rompre le silence pesant qui règne à l’entrée du village où la meute entière attend que les loups du Texas arrivent enfin. Comme à l’accoutumée, nous nous tenons tous les uns à côté des autres, formant une haie, Lorenzo et Ella en tête. Juste à ma droite, derrière notre alpha, Aiden arbore une posture solennelle.Je croise le regard de Carole qui se tient en face de moi, à côté d’Ella, et elle me sourit faiblement.J’ai conscient de l’avoir blessée en ayant été si peu disponible ces derniers temps. Mais c’est tellement difficile… Mon alpha me confie de plus en plus de responsabilités, et il serait impensable de le décevoir. Après le comportement, à la limite de l’insubordination, que j’ai eu par le pass
– Je m’appelle Inaya.Il me faut une seconde pour comprendre ce qu’elle me dit et indiquer à mon cerveau de répondre.– Mason.Ma voix est mécanique, respectueuse, mais sèche. Mon esprit se ferme à toute tentative de sociabilité avec cette fille, aussi intrigante soit-elle. Je déglutis, hoche brièvement la tête et décide de battre en retraite. Je sens de lourds regards peser sur moi lorsque j’accélère le pas, mais il faut que je m’éloigne d’ici au plus vite.Que je m’éloigne d’elle.Comment une inconnue peut réveiller de telles choses en moi ? Comment peut-elle exercer un tel pouvoir sur mon corps alors même que je ne connais que son prénom ?Je file à toute vitesse vers la forêt qui borde le village, et je m’y enfonce jusqu’à atteindre le pied de la colline qui surplombe les environs. Je grimpe la pente raide en m’aidant à peine des arbres et des quelques rochers disséminés çà et là.Avec la bande, nous avons trouvé refuge ici pour la première fois, un soir, alors que nous n’avions q
– C’est bien ce que je crois ?Sa voix n’est plus qu’un murmure, à la fois choqué et curieux. Pas un instant, son regard ne quitte la marque de ma Révélation. Elle l’observe sous tous les angles, attrapant ma main pour la tourner d’un côté, puis de l’autre, comme si les rayons du soleil allaient se refléter dessus. Mais elle ne la touche plus.– J’aime Carole, tu sais… me sens-je presque obligé de préciser.– Bien sûr que je le sais !Jenny n’est pas du genre à juger les autres. Elle est plutôt du style à défendre ses amis bec et ongles envers et contre tout. De toute façon, nous savons depuis notre plus tendre enfance que le lien qui unit deux âmes sœurs défie toutes les lois de la volonté. C’est spirituel. Naturel. Intime. Si rare que jamais je n’aurais cru trouver la mienne un jour. Au fond, c’est peut-être moi qui souhaiterais que quelqu’un me le reproche, juste pour donner un peu plus de légitimité à ma culpabilité.– Qu’est-ce que tu comptes faire ? finit-elle par demander.– Fr
Il n’y en aura jamais.– Qu’est-ce qu’il y a ? demande-t-il en retournant quelques merguez sur le grill.Un moment, j’hésite entre mentir ou lui avouer ce que j’ai au fond de moi. Puis, je me souviens de la dernière fois que j’ai évoqué nos différences et supposé qu’elles pourraient être un frein dans l’épanouissement de notre relation. Il s’était mis en colère et le ton était monté plus que jamais auparavant. Je n’ai pas envie que cela se reproduise… Mais en y réfléchissant bien, ce soir, nous sommes entourés de gens qui ont tout perdu. Et qui n’ont peut-être pas eu le temps de dire à leurs proches ce qu’ils ressentaient. La vie semble ne tenir qu’à un fil, et je n’ai pas envie qu’il y ait plus de non-dits, qu’il y en a déjà, entre Mason et moi. Finalement, c’est peut-être le moment ou jamais d’en parler.– Je pense à nous.Il cesse tout mouvement et plante son regard dans le mien. Ses yeux sont indéchiffrables. Je n’arrive pas à me défaire du sentiment étrange qui coule dans mes vei
Cette vision me fait mal à la poitrine. Elle me déchire le cœur, le brise en morceaux et altère jusqu’à ma respiration. De là où je suis, les joues d’Inaya me paraissent humides. Ses dents sont tellement serrées que je me demande s’il ne lui reste pas un torrent de larmes à verser. Soudain, un poids accablant pèse sur mes épaules, comme si je portais sa peine avec elle. Comme si, inconsciemment, elle la partageait avec moi. La nausée me gagne et mon estomac se tord sous sa douleur que j’ai l’impression de ressentir sans filtre.Quand elle recule enfin, elle se frotte le visage de ses manches en une piètre tentative pour cacher ses émotions aux autres. De là où je me trouve, je ne parviens pas à déchiffrer ce qu’elle a écrit. Deux loups sont déjà en train d’entasser des branches autour de la sculpture et me cachent la vue. Lorenzo confie alors un flambeau à Dwayne pour qu’il accomplisse lui-même le rituel en hommage à ses victimes en allumant le feu.En quelques minutes à peine, le boi
InayaJe marche. J’avance. Je m’enfonce dans les bois, encore et encore. Je commence à ne plus voir grand-chose à cause des arbres de plus en plus rapprochés. J’ignore combien de temps dure cette balade quelque peu salvatrice. Le problème, c’est que je ne suis pas sûre de pouvoir retrouver mon chemin jusqu’au village. Je ne suis même pas sûre d’en avoir envie, en fait. C’est tellement… étrange.Tout s’est passé si vite depuis l’incendie que je ne parviens plus à décrypter mes émotions. Depuis que les flammes ont englouti jusqu’à la dernière parcelle de bonheur qui égayait ma vie, je me sens amorphe. Incapable de ressentir quoi que ce soit. Le choc m’a englouti. Et l’enchaînement d’événements, qui a suivi la destruction de mon village, n’arrange rien. Notre départ du Texas, notre arrivée ici, l’apparition de cette marque sur ma paume…Mon estomac se tord et mes larmes s’amoncellent au coin de mes yeux. Comment est-ce que ça a pu se produire ? Je ne suis pas prête à me lier à quelqu’un,
La marque. Un croissant de lune un peu plus foncé que son épiderme, gravé sur sa peau comme au fer rouge. La même que moi.Machinalement, j’attrape son poignet, ignorant le frisson qui me parcourt l’échine. Malgré la fébrilité de mes jambes, je me relève pour être à son niveau, puis tourne ma main droite près de la sienne pour comparer le symbole qui y est apparu. Aucune distinction n’est visible, elles sont identiques. Deux croissants de lune orientés l’un vers l’autre comme pour former un cercle en dépit de l’espace qui réside entre les deux. Une symétrie parfaite.– Qu’est-ce qui nous arrive ? demandé-je naïvement, dans l’espoir qu’il infirme l’idée qui me trotte dans la tête et me vrille le cerveau.Mais sa réponse n’est pas tout à fait ce à quoi je m’attendais. C’est même tout le contraire.– Tu le sais déjà, autrement tu ne me poserais pas la question. Tu sais même très bien ce que représente cette marque.Un lien indivisible entre deux âmes sœurs. Parce que je suis la sienne, e
D’un mouvement de la tête, il m’invite à regarder Carole, toujours de l’autre côté du cercle. Jake Miller se dirige vers elle sous ses yeux pétillants. J’ignore si elle a décidé de revenir définitivement dans la meute, mais une chose est sûre : elle est heureuse d’être là, avec ses amis. Sa famille. Je ne suis même pas sûre qu’elle en ait conscience.Elle serre Jake dans ses bras, mais pas comme on le ferait avec un simple ami. Pas comme si Mason avait creusé un trou béant de tristesse et de solitude à cause de son absence. Mais plutôt comme si retrouver Jake lui provoquait un profond soulagement. Et je le sais, car j’ai l’impression de me voir il y a quelques minutes avec Mason.Si Carole et Jake n’en sont pas à s’avouer leurs sentiments naissants, il est tout de même certain qu’ils en ont.– Bien, lance Lorenzo d’une voix puissante qui résonne parmi la foule. Puisque nous sommes tous là, ou presque, commençons.Les chuchotements s’essoufflent au point de plonger le village dans un s
– Mes affaires.– Pourquoi ? demande-t-il avant même que l’écho de mes mots ne se soit essoufflé.– Eh bien… Je me suis dit que ce serait déplacé de rester ici avec Carole à côté… Je ne voudrais pas créer un malaise…Il fronce les sourcils, l’air de réfléchir à ce qui aurait pu me faire penser ça, puis son regard revient percuter mes iris.– Je t’ai dit que tu étais ici chez toi et que tu pouvais rester aussi longtemps que tu le souhaitais.– Mais Carole…– Carole vient de s’installer chez Ella et Lorenzo. Elle laisse ainsi sa maison à disposition, en cas de besoin. Tout est clair désormais entre elle et moi.J’ouvre la bouche pour répondre quelque chose qui me donnerait moins l’air désespéré, mais rien n’en sort. La situation est si perturbante qu’une vague de soulagement me fait vaciller lorsque Mason m’adresse un sourire sincère en esquissant un pas vers moi.– Tu m’as manqué, murmure-t-il.Il avance encore, jusqu’à s’arrêter à quelques centimètres. Son souffle s’échoue sur mes jou
Ses épaules se détendent imperceptiblement et un sourire éclaire son visage lorsque nous passons entre les premiers arbres qui marquent la lisière de la forêt.– Tu as toujours vécu ici ? demande-t-elle.– Oui ! C’est le cas de la plupart des membres de la meute.Je lui prends la main pour l’aider à escalader quelques rochers avant de reprendre notre avancée tranquillement. Ce n’est que quelques mètres plus tard que je prends conscience de ne pas l’avoir lâchée.Nous évoluons sur le terrain escarpé en comparant ma vie recluse au village et la sienne, pleine de possibilités, dans une ville où le tourisme est particulièrement actif. Je lui avoue n’avoir jamais imaginé ma vie ailleurs que dans ce coin paumé au cœur de la Louisiane.Finalement, nous atteignons le sommet de la colline où nous avons l’habitude de nous retrouver avec le groupe. C’est un peu notre endroit à nous, notre refuge, où rien ni personne ne pourra jamais nous atteindre.– Waouh… lâche-t-elle dans un soupir en découvr
MasonEn sortant de la douche pour rejoindre la solitude de ma chambre d’hôtel, les cheveux encore dégoulinants, je repense à ma conversation avec Carole.Ces dernières semaines, bien qu’on se disputait souvent, je l’aimais, et ça fait du bien d’apprendre qu’elle aussi, même si nos sentiments avaient déjà pris une autre voie. Ils s’étaient transformés en quelque chose de moins passionnel, et sûrement de plus amical au fond. Ce que je ressens pour Inaya n’a pas d’égal. C’est tellement plus… profond. Indescriptible. Et si une part de moi sera toujours attachée à Carole, je dois faire mon chemin de mon côté et lui laisser une chance d’en faire de même, y compris si c’est avec Jake.La sonnerie de mon téléphone m’interrompt dans mes pensées alors que j’enfile un bas de survêtement. Le nom de Lorenzo s’affiche sur l’écran. Je fronce les sourcils, étonné. Il sait où je suis et ce que je suis venu faire là, il n’est pas du genre à se manifester dans ce type de situations. Je repense à ce qu’
– Laisse-la digérer l’information. Tu la retrouveras plus tard.Je fronce les sourcils, à la fois intriguée par le départ d’Ella et perplexe face à ce qui se joue sous mes yeux. Je ne comprends plus rien. En quoi la sœur de l’ancien alpha pourrait être mêlée à cette affaire ? Pourquoi était-elle en prison ? Et surtout, comment a-t-elle réussi à s’en échapper ?C’est Brice qui attire mon attention en soupirant bruyamment. Puis il entreprend de me raconter.– Nicole a toujours été de nature très jalouse. C’est presque maladif chez elle. Je suis l’aîné de la fratrie, alors j’ai repris la direction de la meute après mon père. Elle ne l’a jamais supporté. Je suppose que tout est vraiment parti de là. Puis, elle a épousé l’alpha Miller…– Miller comme… Jake et Gregor ? l’interrompé-je de plus en plus étonnée.– C’est leur père, oui. Nicole est leur belle-mère. Mais cette union ne lui a pas suffi. Elle voulait diriger et elle n’était pas en position de le faire, du moins pas toute seule. C’e
Inaya– C’est le deuxième incendie en à peine quelques semaines. Comme dans le village de Dwayne, personne n’a rien vu avant les premières flammes. Il y a bien eu un bruit d’explosion, mais ça a été rapidement mis de côté face à la fureur du feu qui s’est propagé. Ce n’est que plus tard que la thèse de l’incendie criminel a été confirmée. Heureusement, il n’y a eu aucun blessé, mais il faut faire quelque chose pour que ça ne se reproduise plus, récapitule Lorenzo en s’asseyant autour de la table du Conseil, juste à côté d’Ella.Je n’arrête pas de passer en revue les maigres informations dont nous disposons à ce sujet, dans l’espoir d’y trouver une explication. J’ai un mauvais pressentiment. Une sombre impression que quelque chose de beaucoup plus grave, qu’on ne se l’imagine, se prépare dans notre dos. Et en attendant, on perd notre temps à discuter…Sur le chemin vers la salle du Conseil, Ella m’a informée des dernières nouvelles pour que je ne sois pas perdue. Il y a quelques jours,
Mason :Je ne sais pas trop, en fait.C’est la fin d’une période dema vie, pendant laquelle j’aigrandi et aimé, comme jamaisavant de te rencontrer.L’espace d’un instant, je crois bien que je cesse de respirer. J’ignore s’il a volontairement sous-entendu qu’il m’aimait ou s’il a dit ça juste comme ça, parce que nous sommes des âmes sœurs et que le lien qui nous unit est particulièrement inexplicable, mais le fait est qu’il l’a dit. Et mon cœur l’a compris.Je relève les yeux de mon écran pour méditer sur cette déclaration cachée et je tombe sur une photo d’Ella et Lorenzo, le jour de leur mariage. Leurs yeux jaunes pétillants de bonheur et l’aura qu’ils dégagent me font réaliser que c’est en moi que je dois puiser la force et la volonté de vivre une belle histoire avec Mason. Une histoire qui nous ressemblera, nous, et personne d’autre.Je reprends mon souffle en inspirant profondément. Je concentre mon attention sur l’appareil et je le serre si fort dans mes mains que mes phalange
– Un nouvel incendie. Dans la meute des parents d’Ella, cette fois. On a des raisons de croire que Nicole sait quelque chose. Brice cherche des infos de ce côté-là.– Est-ce qu’on peut faire quelque chose pour aider ?– On ? m’étonné-je, irrité.Il y a à peine cinq minutes, elle m’a fait comprendre qu’elle ne faisait pas partie de la meute, qu’elle ne s’y sentait pas chez elle après y avoir vécu pendant cinq ans, et maintenant, elle voudrait intervenir ? Je trouve ça tellement paradoxal que mon cerveau n’arrive plus à suivre. J’ignore si je devrais me concentrer sur sa solidarité ou sur le trou béant qu’elle a creusé dans ma poitrine, comme si je n’avais pas suffi à la rendre heureuse au village, que l’amour que je lui portais ne valait rien.– Écoute, Mason… Je suis désolée. Tu n’as pas tous les torts. Si je suis honnête, je dirais même que tu n’en as aucun. J’ai bien vu que tu ne pouvais pas lutter contre l’attirance que tu ressens pour Inaya, et je ne t’en veux pas, mais tu ne peux
16MasonPerché sur le bureau de Carole, les pieds sur sa chaise, je l’observe, détaillant chaque trait de son visage, chaque parcelle de sa silhouette, mais je ne ressens rien d’autre que de la culpabilité. Il n’y a plus cet amour qui crépitait entre nous et nous animait. Je sais qu’elle le ressent aussi. Notre relation n’allait déjà plus très bien avant l’arrivée d’Inaya, mais on tenait le coup. Peut-être par habitude ? Quoi qu’il en soit, je ne veux pas continuer de cette manière, et je ne pense pas qu’elle en ait envie non plus.Assise sur le bord de son lit, à quelques mètres de moi, elle se tient droite, ignorant l’attention que je lui porte. Son téléphone vibre à côté d’elle, l’écran s’allume pour lui indiquer l’arrivée d’un nouveau message, mais elle n’y jette qu’un bref coup d’œil avant de retourner l’appareil face contre le matelas.Voilà presque dix minutes que personne ne parle, même si je devrais probablement me lancer puisque venir ici était mon idée. Mais maintenant que