“Quand la vie te donne des citrons, fais-en de la limonade!”
C’est ce que la mère de Idriss lui disait a chaque fois qu’il venait lui parler de ses problèmes étant plus jeune. C’est d’ailleurs pour ça qu'il déteste la limonade aujourd’hui.
A même pas quinze ans, il a dû changer de pays et apprendre une toute nouvelle langue parce que sa mère voulait changer d’air.
Le voilà aujourd’hui. Et à dix-huit ans, lorsqu’il lui a demandé de payer sa scolarité pour aller en école de médecine, elle lui a dit non: “Pourquoi tu veux t'emmerder avec ça hein? C’est bien trop dur la médecine! Tu peux travailler avec moi dans le quartier. C’est bien mieux.”
N’ayant pas d’autre choix, il se résigna à prendre des cours du soir en Commerce en passant sa journée à occuper le poste de caissier dans le Aldi de son quartier.
Idriss n’a pas eu beaucoup d’amis dans sa vie. En quittant la France un samedi matin, il n’a pas pu prévenir ceux qu’il avait de son départ. Seule Ines a su parce qu’elle habitait en face de chez lui. Sa détresse a dû lui parler parce qu’elle ne semblait pas fâchée de n’avoir rien su du voyage.
Sa mère a toujours été ce qu’on appelle un pigeon voyageur, un globe trotteur, peut-être. Elle n’a jamais passé assez de temps dans un pays ou dans un quartier pour former des liens palpables avec son entourage. Ce n’est que par hasard que Idriss a su qu’il est né à Alger, la capitale d'Algérie. Le nom de son père est inscrit sur son acte de naissance mais il n’a jamais pris le temps de le connaître ou de penser à lui. Sa mere agissait bien trop comme une femme sans enfant; il ne voulait pas se retrouver avec son double a elle.
Elle partit avec lui aux Etats-Unis, suivant une dernière fois ses pulsions, sans le consulter pour quoi que ce soit.
Ils atterrissent dans l'aéroport de Fort-Lauderdale vers minuit et prennent un taxi pour se rendre, a 3 heures de route de leur localisation, à Orlando.
Il ne pouvait pas se plaindre de leur niveau de vie. La seule chose que sa mère lui a toujours donné c’est bien un minimum de confort. Il a toujours eu sa chambre et son espace personnel. En fait, depuis l'âge ou il n’a plus besoin d’elle pour survivre, Idriss était seul. Sa mère était presque comme une colocataire assez aimable pour lui laisser à manger chaque matin et chaque soir, avec une petite somme mensuelle pour fonctionner.
Autre chose comme de l’affection, de l’amour ou tout simplement une conversation mère-fils? Il faudrait repasser l’an prochain et encore l’an prochain et encore l’an prochain.
18 Avril
Une énième grand-mère venait de passer peut-être une vingtaine d’articles sur sa caisse. Il n’en pouvait plus de voir des boîtes de céréales, du lait ou des œufs devant lui. Ce magasin lui donne la nausée chaque matin depuis trois ans. Idriss se frotta les yeux et souffla.
Une autre vieille femme vient sur sa caisse. Celle-ci lui fit un petit sourire, auquel le jeune homme répondit rapidement. Encore des œufs, des céréales, du lait et une vingtaine d’autres choses qui lui donnaient le tournis.
-Ca vous fait 56 dollars et 34 centimes. Il dit sans accorder un second regard à la cliente.
-Oh, j’ai des bons de réduction. Je crois qu’ils sont à jour.
-Alors vous…
Pendant quelques secondes son cerveau n’a pas fonctionné et a comme court-circuite le reste de son corps. Il ne savait pas d'où cette sensation venait. Il cligne des yeux et se frotte la tempe. Sans doute la fatigue. Il a un examen plus tard et il doit encore réviser pour être sûr de réussir.
-Vous allez bien? lui demande la vieille dame.
-Oui, je vais bien merci. Il lui fait un sourire et prend les bons de réduction de sa petite main.
Il ne pouvait pas expliquer pourquoi cela s’est passé. Ni d'où venait cette sensation bizarre. Il enfouit l’incident au fond de son crâne et continue son travail.
Lorsque l’heure est venue pour lui de rentrer, il n'en pouvait plus. Idriss était beaucoup plus fatigué qu’il ne le voulait. En plus, il devait garder de l’argent pour rentrer plus tard, donc encore une fois, il devait marcher pour rentrer chez lui.
Sa mère était affalée sur le canapé devant une autre rediffusion de Sous le soleil. Depuis qu’elle a découvert que cette chaîne américaine passe des feuilletons français, elle ne laisse plus personne toucher la télécommande. Pas qu’il avait le temps de zapper les chaînes non plus a vrai dire.
Dix minutes et un sandwich plus tard, il ressort avec son sac de cours pour aller passer son examen. Vu qu’il devait repasser, il se résigne à payer le bus pour l'aller et à marcher pour le retour.
Dans la salle, il y avait d’autres jeunes dans la même condition que lui; qui eux aussi voulaient sortir de cette partie paumée de Orlando.
Amy vint s’asseoir à côté de lui et lui sourit.
-Salut. Il lui dit.
-Hey. Tu es prêt?
Leur conversation ne se résumait qu’à ça: les cours. Mais au moins, elle était la seule qui voulait bien lui parler.
Leur tuteur entra dans la salle avec les feuilles sous le bras et chaque personne alla s’asseoir à une table seule.
Trois heures plus tard, Idriss sort de la salle. Il ne savait pas ce qu’il a écrit ou bien s’il a écrit quelque chose de correct: la fatigue a eu raison de lui et il s’endormit au beau milieu de l’examen. Le tuteur le réveilla une heure avant la fin et il n'était même pas à la moitié.
Il fit ce qu’il détestait faire: passer en autopilote. Ne plus réfléchir aux détails et mettre la première bonne réponse qui lui venait en tête.
Maintenant cet examen terminé, le niveau de son stress a aussi baissé, mais pas totalement. Même s’il est un adulte, sa mère pouvait quand même trouver un moyen pour lui mettre les bâtons dans les roues. Et c’est la dernière chose qu’il voulait.
Sans attendre une autre seconde, il prit le chemin du retour à pied, ses pensées dans les oreilles comme seule musique.
Au milieu de sa marche, il sent qu’une chose cloche. Peut-être est-ce la fatigue qui l’attaque encore. Non. C’est autre chose. Il se retourne et voit une voiture non loin de lui. Non, ce n’est pas ça. Pour quelle raison une voiture le suivrait-il? Il ne parlait a presque personne de son quartier, encore moins a des gens de son âge.
Sans plus y penser, il presse le pas et ignore la douleur de ses jambes. Quelques minutes après, il voit des phares s’allumer derrière lui. Cette fois-ci, il marche plus vite, sentant son son coeur battre plus rapidement dans sa poitrine.
Alors, il allait mourir aujourd’hui? Demain matin, sa mère allait-elle voir son corps allongé sur le trottoir, criblé de balles à la télé? Non, elle ne verrait rien si ce n’est pas une scène de Sous le soleil. Alors la voisine viendrait lui annoncer la triste nouvelle. Tout le monde allait s’appitoyer sur son sort et dire qu'elle ne pensait pas que le pauvre Idriss trainait avec des délinquants et éventuellement faisait du trafic de drogue aussi.
Merde. Autant pour lui. Reprenant son souffle afin de sprinter vers l'arrêt de bus, ou heureusement, deux autres personnes attendaient, il entendit son nom.
-Idriss!
Ils connaissent son nom en plus! Putain. Il est dans la merde. Il est déjà mort à ce stade.
-Idriss, bon sang!
Il sent une main sur son épaule le tirer vers l'arrière. S'apprêtant à donner un coup de poing à cet homme qui lui veut du mal, une autre main arrête son poing en plein air. C’est un guet-apens. Ils viennent pour l’assassiner. Et à Orlando, si tu vois ce genre de chose, joue l’aveugle pour ne pas être le prochain sur la liste.
-Hé, arrête. Tu vas te faire mal! Lui dit un des hommes.
Mal? Ils veulent réserver toute leur douleur pour eux?
-Vous êtes qui? Il arrive à dire entre deux ou trois manœuvres pour sortir de leur emprise.
-Calme toi. On va te lâcher.
Après quelques secondes de contact visuel, ils le relâchent et les deux hommes se tiennent à une distance respectable de lui. Idriss les regarde en chien de faillance malgré le fait qu'aucune hostilité ne semblait émaner de ses deux pseudos agresseurs.
C’est seulement à ce moment qu’il prit le temps de les regarder tour à tour. Les deux hommes portent des habits qu’on ne trouve pas dans des boîtes de Garage Sale ou dans des Thrift shop. Sa mère devait-elle de l'argent à des riches? Possible.
-On ne veut pas te faire du mal. Dit celui qui semblait être le plus vieux des deux.
-Après m’avoir suivi dans une voiture et m’attraper par derrière?
-Je t’ai dit que c'était une mauvaise idée. Répondit l’autre.
-Ton idée était de le mettre dans la voiture et de partir avec lui, tu te rappelles?
Les deux hommes commencent à se chamailler devant Idriss. Ce dernier pensa à courir et les laisser là mais en y repensant bien, s' ils ont pu le trouver à presque minuit dans cette ville, il n'était à l’abri nulle part.
-Vous êtes qui et vous voulez quoi a la fin?
Ses nerfs allaient lâcher à tout moment et il ne voulait certainement pas mourir ici.
-Je m’appelle Salim, dit un d’entre eux. Cet imbécile est mon petit frère. Hassan.
-Et vous me voulez quoi?
Hassan s’approche de lui avec un sourire en se frottant les mains.
-Tu ne vas pas le croire mais, nous sommes tes frères.
Idriss n’en croyait toujours pas ses oreilles. Il n'était plus seul. Il a en fait deux frères et une sœur.Depuis l’incident de l’arret de bus -comme l’appelle Hassan-, Idriss a rencontre la femme de son pere, Kadija et elle en a eu les larmes aux yeux.Apparemment, son père a rendu l'âme il y a quelques années mais il n’a jamais cessé de le chercher, lui et sa mère. Au début, ils vivaient dans le même quartier, son père - Saïd - n'était pas encore promis en mariage à Khadija et sa mère, Alice - une fille étrangère faisait tourner la tête de tous les jeunes de son âge.Lorsqu’elle tomba enceinte de
Tout se passa cette journée-là. Andréa avait atterri à l'aéroport de Corse : Aéroport de Bastia Poretta. Un taxi l'y attendait. Elle se rendait dans une localité du nom de "Solgiato" , une déformation de soleggiato, qui veut dire ensoleillé en italien. Le soleil lui disait bonjour et elle sourit, ce qui n'était pas arrivé depuis quelque temps déjà.24 juilletElle se souvient encore de ce jour, elle avait finalement décroché un travail après son stage qui a suivi ses études universitaires. Et dans une des meilleures agences de marketing de sa ville ! Elle voulait le jeter avec Théo, son petit ami. Elle lui avait envoyé un message lui demandant de l
La Corse lui disait bonjour et son âme qui guérissait à peine répondait avec timidité. Le soleil caressait sa peau noire et semblait lui aussi, lui souhaiter la bienvenue sur cette terre de paix.Son gros afro servait de radar pour toutes les personnes qui voulaient lui parler. Son piercing au nez lui avait valu des regards condescendants de la part de certains vieux du port. Elle portait des chemises colorées et des jeans taille hautes avec des Doc Martens noirs. Cette personnalité si atypique ne passait pas inaperçue à Solgiato. Une jeune fille vint la complimenter dans un anglais incertain sur la pureté de sa peau.Andréa aimait bien regarder les mouettes dans le ciel bleu du haut de son balcon.
Andréa se décide à descendre. Il était 3 heures du matin. Le changement de fuseau agissait toujours sur elle. Et elle n'aimait pas ça. Elle s'empara de son portable et de ses écouteurs.En bas, les lampadaires semblaient s'éclairer encore plus sur son passage au fil des mots qu'elle reprenait. Deux, trois, et bientôt une dizaine de chansons défilaient dans ses oreilles, certains chanteurs déversent leur rage de l’amour en ramassant leur cœur en miette, d’autre la louaient pour ce qu’elle a fait dans leur vie. Et enfin, quelques-un disaient se suffire à eux-mêmes en ce bas monde.<Though I walk through the darkest valley I will fear no love. Oh my smile my mind reassure me I don't need no one>, chantait-ell
Après un croissant au chocolat, quelques biscuits secs et une tasse de thé, Andréa redescendit, cette fois, avec une tenue singulière : cheveux retenus en deux nattes, lunettes de soleil bleu en forme de nuages, boucles d'oreille créoles, chemise en flanelle rouge-sang ouverte jusqu'au haut de sa poitrine, short jaune moutarde et sandales de plage noires. Elle n'était accompagnée que d'un vieux livre à la couverture rabougrie. Sans portable. Sans écouteurs.Andréa repéra une chaise vide, sans l'ombre d'un occupant sous un parasol rouge avec des pois blancs. Elle l'ajuste sur sa tête, s'assit confortablement et se mit à lire. Il était 10 heures.Au milieu du livre, elle se dit que s'en est assez de lire les pensées d'un per
Andréa se demandait ce que ça fait d'être un poisson... Voyager de plage en plage, voire, de continent en continent. Sans attache.Elle ouvrit enfin son téléphone et se connecte au réseau de la localité. Il était lent, mais il marchait : sa sœur l'avait traité d'irresponsable. Son frère lui avait dit de lui rapporter des coquillages. Son ex lui avait dit qu'elle lui manquait...Pourquoi ne pas rester ici ? Loin des problèmes. Loin des trouble-fêtes. Loin du méli-mélo quotidien de remontrances que sa famille lui servait comme pain quotidien.Aujourd'hui, elle n'avait pas son afro : deux nattes ont suffi pour dompter sa tignasse. Elle avait mis un maillot orange à
Andréa marchait dans les rues de la Corse en prenant des photos par-ci, par là avec son téléphone. Elle les fera imprimer pour les mettre sur son mur.En arrivant, elle avait fait changer quelques dollars et maintenant, elle pouvait s'acheter une glace à la cerise. Elle se sentait conne devant le marchand à utiliser des gestes pour s'exprimer.- "Je peux t’aider Miss ?"Elle se retourna et tomba sur un jeune homme, d'à peu près son âge ou peut-être plus âgé, qui lui souriait en la regardant dans les yeux.- "Oui, j’aimerais acheter une glace" dit-elle en désignant le marchand de glace qui
Dans son lit, Andréa repensait au jeune homme qui lui avait vendu la glace : beau comme un dieu grec, mais pas son genre : il est trop tout. Sa simple nacelle ne saurait pas garder un poisson aussi gros. Il s'en irait ou bien d'autres prédateurs plus féroces viendront s'emparer de sa prise, les femmes célibataires sont plus coriaces qu’un groupe de lions affamés.Dans tous les cas, la glace était rafraîchissante. Demain, elle irait en ville, pour une autre glace."Merci Seigneur pour ce voyage et cette expérience. Amen."Et elle s'endormit.Vers 5 heures du matin, un orage éclata, réveillant Andréa de son sommeil. V