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La rencontre

Dans la journée, pendant que Mawugnon est à l'école, Senam va aussi chercher de l'eau. Sur son chemin, elle rencontre un homme âgé qu'elle salue poliment. Après qu'ils se sont dépassés, l'homme se retourne puis l'appelle : « Madame ! »

Elle se retourne aussi, demandant si c'était elle. L'homme lui donne son affirmation par « oui. » Elle revient sur ses pas, puis, d'une voix calme et respectueuse :

-Me voici papa, que puis-je pour vous ?

-Quel est ton nom, Madame ?

-Mon nom est Senam. Mais, on m'appelle communément maman Mawugnon, papa.

-Ah ! Ton enfant s'appelle donc Mawugnon ?

-Exactement !

-Moi, c'est Mawuéna (Dieu Donné). Mais tu peux m'appeler papa Mawuéna. Comme ça, moi aussi je t'appelle comme les autres :"maman Mawugnon."

-Akpé, papa !

-Maman Mawugnon, tu es dans les parages, je ne t'ai jamais vue par ici ?

-Oui, disons plutôt que je ne suis pas loin d'ici. Je suis juste après la grande voie qui mène au marché, dans la quatrième maison après avoir contourné le chemin du grand neem.

-Je vois ! J'ai un grand service à te demander.

-Ah, oui ! Allez-y...!

-Ma femme est gravement malade depuis plus d'une semaine et il n'y a personne pour nous servir de l'eau depuis le barrage jusqu'à la maison. Actuellement, nous n'avons pas de l'eau chez nous. J'aimerais te prier, si tu pourrais nous rendre ce service, ma fille ?

-[Soupir...] papa je vais faire mon possible pour vous, mais, il faut que je connaisse chez vous d'abord.

Mawuéna, d'une voix rassurée, la remercie, avant de lui indiquer chez lui. Senam le rassure à son tour, de lui apporter de l'eau à la maison sans aucun souci après avoir apporté une bassine chez elle d'abord. L'homme ému, la remercie une fois de plus. Elle se rabaisse poliment devant le vieil homme qui pose sa main sur son dos pour la bénir, et ils se séparent. L'homme rentre chez lui, Senam au barrage.

Après avoir puisé son eau, Senam tient sa promesse à Mawuéna. Elle va lui chercher de l'eau jusqu'à remplir leur jarre, balaie la cour de la maison qui a ignoré un peu les coups de balai et a rendu la maison propre. Monsieur Mawuéna, assis sous un manguier, devant lui une petite table sur laquelle, un poste radio, et dans ses mains, un magazine qu'il lit, ne peut croire à ses yeux.

Après tout ce travail, elle va aviser le vieil homme pour rentrer. Et avant de demander à s'en aller, Senam demande d'après la malade, la femme de papa Mawuéna qu'elle n'a pas vue, pour voir en quoi elle pourrait les aider. Papa Mawuéna est ému, et en même temps, étonné d'une telle bonté, et la gentillesse d'une inconnue à son égard.

-Hum, tu es si gentille, ma fille. Je t'ai demandé de l'eau, tu as rempli la jarre, rendu toute ma cour propre, et maintenant, tu veux t'occuper encore de ma femme ? lui demande-t-il.

-Ce n'est rien, papa ! Je le fais avec grand plaisir.

-Je vois, maman Mawugnon. Mais ma femme n'est pas à la maison. Moi un vieil homme, je ne puis m'occuper d'une malade. Elle est chez sa sœur. C'est de chez elles je revenais quand je t'ai rencontrée.

-Ah papa, c'est une meilleure décision que vous ayez prise. Comme cela, elle sera aux bons soins.

-Merci, ma fille. C'est la seule alternative.

-Je vais devoir maintenant m'en aller, papa.

-Je te dois combien alors, ma fille ?

Senam est surprise.

-Mais, je n'ai pas travaillé pour de l'argent, papa !

-Et moi, je ne t'ai pas fait venir ici pour de la charité, ma fille. Tu as travaillé et tu mérites une récompense. Ce n'est pas tout le monde qui acceptera faire ce que tu viens de faire, et toi, tu l'as fait, sans même me connaître auparavant et sans te poser de questions. Tu mérites tout, sauf rien. Tu as en plus un enfant à nourrir. Tu es la femme de quelqu’un ; ton mari à qui je devrais normalement demander permission et qu'il ne te l'accorde d'abord, avant que tu ne viennes ici. Malgré ça, tu as laissé ta journée et ta famille pour quelqu'un que tu ne connaissais même pas.

-Pour ne pas vous contrarier, donnez-moi ce que vous avez.

-J'ai ici pour toi juste un geste.

Mawuéna remet à Senam, quelques billets enroulés sortis de sa poche, qu'elle prend à son tour aussi sans même chercher à savoir combien. Elle le remercie en s'abaissant. Le vieil homme la remercie encore en retour et lui demande d’après son mari. Elle change du coup sa mine, répond pâlie :

-Papa, mon mari a tiré le rideau depuis. Il est parti s'installer dans sa demeure de l'autre côté de l'onde, plus d'une décennie déjà. Mon enfant et moi sommes dans ce village depuis des années, seuls. Même mon fils ne connaît pas son papa.

-Oh, quelle triste histoire ? Vraiment désolé !

-Ah, nous n'y pouvons rien ! C'est notre sort le plus sûr et c'est inéluctable, pour chacun d'entre nous.

-Voilà ! Je suis ravi de t'entendre ainsi. Ça te permet de garder le mental fort, ma fille.

-Merci papa. Mais papa, excusez-moi ; chose curieuse est que, je suis dans ce village depuis des années mais je ne vous ai jamais remarqué.

-Bon constat. Je vivais en ville avec ma femme. Maintenant, je suis un vieux retraité, et j'ai décidé de finir mes jours sur la terre qui m'a vu naître. Je veux respirer et profiter encore un peu de l'air naturel, dans le calme et la sérénité d'esprit loin de tous ces vacarmes citadins avant d'abdiquer mon corps périssable pour fusionner avec l'onde invisible qui coule. Nous avons deux enfants qui sont à l'étranger.

-Bon retour chez vous alors, papa, et prenez bien soins de maman. Je reviendrai faire sa connaissance, et de temps en temps, vous aider. Maintenant, je me dois de partir.

-Merci, maman Mawugnon, je suis fier de toi. Moi aussi, je dois me lever pour aller à la réunion des âgés du village dans la cour du chef. Je fais partie aussi de la Grande Cour Royale. Prends bien soins de toi et de ton enfant.

Senam le remercie encore. Elle va prendre sa bassine, et retourne chez elle.

Dans la cour du chef à la réunion des âgés, les échanges sont de bons augures. Le chef dans son fauteuil royal, les notables sont assis en deux rangées face à face devant lui. Après les salutations « Vive sa Majesté » au roi, les notables âgés, au nombre de huit, plus le chef, formant une assise de neuf, le notable supérieur (tchami gan), papa Kodjogan prend la parole.

-Fia gan né nõ agbé té gbé. (Vive sa Majesté ou vie éternelle au grand roi.)

-Né mìa nõ su bõ'm đaaaaa (que son règne soit toujours), répondent en chœur, les huit autres notables...

-Je vous salue, Nobles et Âgés d'Agbélouvé. Aujourd'hui, tel qu'il nous est de coutume, une fois par mois, nous nous regroupons encore sous la conduite de notre bienveillant chef Togbui KPEGBA Houngnibo Amevõ lV ; ceci, dans le but inclusif de prendre des décisions importantes sur le développement de notre belle communauté Agbélouvé.

Les autres reprennent, éyé wan, pêpê, pendant que le chef acquiesce de la tête, agitant un éventail. Kodjogan de reprendre :

-Nobles et Âgés d'Agbélouvé, comme il est encore de coutume chez nous, je me dois maintenant de laisser la parole à notre chef qui a l'obligation et le droit de toujours conduire nos assemblées.

Les autres reprennent encore, éyé wan, pêpê. Kodjogan continue, énonçant :

-Nul ne défie, ni ne prend la Majesté d'un roi investi et intronisé par les Dieux eux-mêmes. Nos sagesses ancestrales disent que le genou ne porte pas de casquette du vivant de la tête.

Et se tournant vers le chef, tête inclinée en révérence, il lui remet la parole avant de s'asseoir. Le chef prend la parole d'une voix plutôt calme et douce :

-Je vous salue, vous, Nobles et Âgés, dignes représentants de notre communauté, au nom de la chefferie, de nos glorieux prédécesseurs, et, ancêtres...

Les notables reprennent en chœur :

-Togbuiiiiii...

Au roi de continuer.

-Nous nous sommes une fois regroupés encore aujourd'hui pour réfléchir et prendre des décisions évolutives pour notre communauté afin qu'elle ne cesse de s'épanouir et de toujours mériter tout respect des communautés environnantes. Ce faisant, notre notable supérieur et moi-même avions fait la semaine passée, une sortie dans le village pour toucher du doigt, certaines réalités que chacun de nous ici présent ne puisse ignorer.

Les âgés, du coup, commencent à murmurer entre eux. D'aucuns se demandant de quoi il s'agit, d'autres appréciant l'initiative du chef qui est toujours proche de ses sujets et ne reste pas que dans son palais, loin du peuple, se foutant de son quotidien.

Le chef prend une pause et après que le calme revient, il poursuit :

-Comme je vous le dis tantôt, nous avons tant de défis à relever pour asseoir ici à Agbélouvé, une communauté bien hygiénique et éradiquer de nos milieux, les insalubrités un peu partout...

Il fait signe de la main au notable supérieur Kodjogan qui reprend la parole en se remettant debout :

-Sages d'Agbélouvé, disons que nous sommes face à un défi majeur suite à ce que notre bienveillant chef et moi-même avons constaté à notre sortie comme cela se disait à l’instant. Nos ruelles sont remplies d'ordures ménagères, des saletés un peu partout. La plus rebutante de ces réalités que nul ici ne puisse ignorer, est que, des gens s'en vont, jusqu'à déféquer dans les champs environnants de leurs voisins. Aujourd'hui, notre atelier porte sur comment pallier à ces comportements malsains et mettre nos entourages propres pour notre propre bien-être.

Quel enthousiasme des autres d'entendre tout ceci de leurs oreilles ! C'est ainsi que les idées émanent de partout. D'aucuns proposent qu'une sanction soit infligée à ceux qui défèquent dans les champs de leurs prochains. D'autres estiment l'interdiction de jets des ordures ménagères un peu partout. Et papa Mawuéna prend sereinement la parole en ces termes :

-Mes chers frères, respectables Notables et Âgés d'Agbélouvé, j'aimerais humblement devant notre chef, donner mon avis sur les soucis évoqués. J'ai plutôt des propositions à faire à notre assise si vous me le permettez.

-Mais, c'est pour ça nous y sommes tous, et c'est ainsi, qu'ensemble, nous parviendrons à trouver les solutions idoines à ces réalités, lui dit Kodjogan.

Le chef, silencieux et serein, apprécie de la tête, leurs propos. Les autres approuvent Kodjogan, demandant à Mawuéna de les éclairer mieux avec ses propositions qui sont les bienvenues. Et Papa Mawuéna continue avec la même fermeté qu'avant, après s’être éclairci la gorge, point de la main gauche pour se bloquer la bouche :

-Je pense pour ma part que, pour les ordures ménagères et nos ruelles sales, nous organisions désormais chaque samedi matin, un balayage citoyen villageois qui soit obligatoire. Chaque famille sort et nous balayons tout le village. Les ordures recueillies, nous allons nous trouver des endroits spéciaux pour les y brûler afin de garder une propreté parfaite parmi nous et autour de nous. Il nous faut nous constituer, nous-mêmes, en nos propres éboueurs et agents d'assainissement. Car, nous sommes les seuls, et devons être les premiers acteurs de notre propre bien-être dont nous sommes encore les seuls bénéficiaires. Aussi, exiger à ce que nos ménages disposent chacun, une poubelle pour les ordures quotidiennes. Quant aux WC dans les champs, une sanction, oui ; mais à quoi bon, si nous ne trouvons pas la solution réelle au problème même à la source : ce besoin crucial qui nous fouette tous sans exception et à tout moment ? Pour cela, je pense à ce que nos familles cotisent et que nous possédions à la construction de latrines communautaires et gratuites. Ainsi, nul n'aura encore la manie d'aller embêter son prochain dans son champ, ou, déféquer partout comme bon lui semble et risquer lui-même, sa vie, s'il sortait la nuit pour satisfaction de son besoin dans la brousse.

Des acclamations se font aux idées de papa Mawuéna. Le chef même est impressionné. Les accords sont donnés par chacun et les idées approuvées.

Il n'a pas fallu assez de temps pour que l’annonceur public du village soit chargé de répandre la nouvelle décision de la Grande Assise Royale au village, en allant de ruelle en ruelle, perçant du bruit de son gong, et de sa voix imposante, l’air calme et curatif du soir.

C'est ainsi que chaque samedi, tout le village sort pour les dits travaux ; ces travaux auxquels Senam ne manque jamais sous aucun prétexte.

(La Grande Assise Royale ; ainsi est appelé, l'atelier mensuel du chef et ses notables qui forment la Grande Cour Royale)

Mawugnon, enfant sérieux, non seulement s'attache à ses études, mais aussi, et surtout, aide énormément sa maman les week-ends avec de petits travaux pour permettre que désormais, plus rien ne leur manque à la maison. Il va chercher du bois de feu pour vendre aux bonnes dames, il aide sa maman des fois, devenue chercheuse de l'eau de certains du village grâce à son aide apportée au vieux Mawuéna.

Senam en profite également pour faire du ménage : laver des habits et faire autres petits travaux domestiques à des gens qui la sollicitent. Tout ceci pour subvenir à leurs besoins quotidiens. Ce qui ne les empêche pas tout de même d'avoir la vie dure. Mais jamais, elle ne se décourage. Elle trouve et puise toujours sa force et son sourire dans son enfant. Elle croit fermement en son avenir meilleur. Elle ne manque jamais chaque soir, avant d'aller au pucier, de lui faire des sermons d'être un enfant vertueux qui se doit être un jour, un homme droit, bon, et généreux. Elle l'encourage à ne jamais faillir à ses études à cause de leur souffrance, de leur misère, et de garder la tête toujours sur ses épaules. Et Mawugnon écoute avec attention, sa maman. Il est le genre de fils que tout parent puisse rêver d'avoir. Ce qui fait la plus grande fierté de la daronne.

Un soir, pendant qu'ils sont sur une natte dans la cour de leur maison, Senam assise, son fils couché, sa tête sur ses cuisses, pour leurs causeries et contes du soir avant de regagner leur pauvre plume, Mawugnon appelle sa mère :

-N’da !

-Oui, mon Amour..., dis-moi !

-S'il te plaît, n'da, qui était mon papa ? Quel genre d'homme était-il ? Parle-moi un peu de lui pour une fois, s'il te plaît !

Senam du coup pâlit. Des larmes froides coulent de ses yeux. Avec hésitation, elle dit à son fils :

-Chéri, tu as raison. Tu grandis et tu as droit de connaître sur ton papa, cet homme si bon que j'ai rencontré sur mon chemin. Mais promets-moi, que tu vas rester bien sage.

Mawugnon le lui promet. Lui caressant la tête, regard plongé dans le vide céleste, à redonner une forme à la voûte étoilée et à la lune qui semble défiler dans les nuages, elle commence à lui parler de comment elle a rencontré son papa un jour quand ce dernier revenait du campus. Cet après-midi, lui dit-elle, je revenais de chez une amie quand j'ai vu, celui qui est devenu ton papa, de loin, avec un petit, pleurant, sous un arbre. Lui revenant du campus...

Le papa de Mawugnon, feu NOULEÑKO Kossigan Senyon, jeune homme, étudiant dans le temps, revient cette après-midi du campus quand il voit un petit pleurant sous un arbre. Il s'approche de lui. Ils sont à Lomé.

-Tu as quoi, petit ? Pourquoi es-tu seul ici à pleurer ?

Le petit, avec sa voix en sanglots, ne peut articuler un seul mot clair à comprendre. Senyon continue en lui prenant la main.

-Lève-toi maintenant. Qui t'a fait mal ? Où habites-tu ? Où est ta maman ? Comment t'appelles-tu ?

Des questions auxquelles le petit ne répond à aucune. C'est en ce moment que Senam, jeune femme, attirante, enthousiaste, resplendissante dans le temps avec son teint mélanine luisant, aujourd'hui maman Mawugnon et veuve du feu Senyon, arrive à leur niveau. Elle reconnaît le petit qu'elle appelle par son nom « Latévi » pour le questionner sur ce qu'il faisait tout seul dans la rue sous cet arbre. Senyon se tourne vers elle et lui demande à son tour si elle le connaissait. Senam affirme avant de lui faire savoir qu'il est l'enfant d'un voisin du quartier, et elle ignorait ce qu'il pouvait venir faire tout seul à cet endroit. Senyon trouve du soulagement à sa réponse.

-Ah ! Formidable, que tu sois là maintenant, le connaissant ! Moi aussi, je suis de passage. Je l'ai vu pleurant, assis ici. Et tout ce que je lui demande, il ne dit mot, lui dit-il.

Senam le remercie de son aménité, puis demande à ramener le petit à ses parents.

-Je vais le ramener de ce pas à la maison, fogan. Vraiment, c'est gentil de votre part.

-Que nous nous tutoyions, s'il te plaît ! D'ailleurs, c'est mieux que nous nous appelions par nos noms. Moi c'est Senyon...

-Et moi c'est Senam, fogan.

-Wooo ! Senam et Senyon ! Coïncidence ou programmation ?

-Je ne sais pas laquelle des deux, fogan, lui répond-elle avec sérénité.

Senyon est plutôt "taquin".

-Aa aaa, plus de fogan, mais Senyon. Nous nous appelons par nos noms, j'ai dit !

-C'est compris, fogan ; pardon Senyon. Mais permets-moi de t'appeler au moins Fo Senyon, s'il te plaît !

-[Soupir...] je ne peux rien là. Bon, ne perdons pas de temps. Il faut que notre ami retourne maintenant à la maison. Et moi-même, je vais vous y accompagner personnellement pour m'en assurer.

À ses propos, Senam est un peu chiffonnée.

-Pourquoi cette insinuation ? Tu doutes de moi ou quoi ?

Senyon lui affiche un beau sourire plaisant pour la rassurer avant de lui répondre :

-Non, tata Senam, ce n'est pas ce que tu t'imagines. Juste, je tiens à ce que je sache ce petit arrivé sain et sauf chez ses parents. Ne le prends pas mal. Tu sais, je suis ainsi, et ça me tient à cœur pour le petit. Aussi, faire quelques pas avec une nana luisante que toi pour enchanter le chemin ne va pas être facilement ennuyeuse.

-J'essaie de comprendre. Allons-y, si tu veux ! Tu es ce soir notre agent de sécurité. Mais, n'exagère pas surtout. Nous nous tenons juste compagnie pour emmener l'enfant, lui retourne-t-elle avec un petit sourire aussi.

-Là, tu te moques !

-[Ricanements...] tu l'auras voulu. Allons-y !

Ils cheminent ensemble, causent, et amènent l'enfant à la maison. Dans leurs causeries, ils se rendent étonnamment compte être d'un même village aussi. Senyon en profite pour connaître chez Senam qui lui a paru bien aimable et courtoise, et par ricochet, y fait un saut.

C'est par là qu'ils deviennent amis. Une amitié qui se transforme en amour : aller à la plage, faire des sorties le week-end quand Senyon a du temps. Des ballades inédites, à se courir après en amoureux avec des mots tendres, se serrant dans les bras : l'amour, ainsi, frappe aux portes de leurs cœurs.

La même année, Senyon finit ses études universitaires ; il était en dernière année de cycle. Senam tenait quant à elle, une petite boutique d'alimentation générale. À l'obtention de son diplôme, Senyon retourne au village voir ses parents.

Eya : maman Senyon, qui vient de sortir de leur chambre, voit venir son fils, et se met à crier de joie. Elle court prendre son jeune homme dans ses bras, chaleureusement pour lui souhaiter le bienvenu tout en appelant dans le même temps son mari. Elle contemple Senyon d'une euphorie à lui couper le souffle.

-Regarde comme tu es encore beau, mon fils ! Tu es complètement un homme pour moi déjà.

-Ma maman toute unique. Vous m'avez beaucoup manqué ces derniers temps et j'avais hâte de vous voir. Où est mon papa ?

-Ton papa est à l'intérieur..., mon fils, woézon kakakakaka.

-Merci, maman.

Le père sort aussi et voit son fils. Une satisfaction totale se dessine agréablement sur son visage un peu ridé, un pagne noué aux reins, sur un tricot Lacoste...

-Voilà mon enfant qui est là. Bon arrivé chez toi, mon fils, dit-il à son tour à son fils pour lui souhaiter le bienvenu.

-Merci papa !

Senyon s'incline devant son papa qui lui pose la main sur le dos en signe de bénédiction.

-Puissent les ancêtres être avec toi, mon fils !

-Élatsè, papa !

-Allons à l'intérieur, tu vas prendre l'eau d'abord, évinyé lonlon (mon enfant chéri...,) reprend sa maman.

-Merci, Maman.

Ils rentrent tous heureux à l'intérieur.

Le calme revient. Ils s'asseyent puis discutent tranquillement. Senyon fait part de ses idées à ses parents après ses études : il veut pénétrer la vie active en s'y lançant avec ses propres projets, mais, son problème est financier. Il a eu à expliquer à ses parents, ce qu'il veut mettre sur pied. Son père, en bon père, après l’avoir écouté de long en large, se décide de lui trouver par tous les moyens, ce dont il a besoin.

-Senyon, mon fils, lui dit-il, tu sais bien que tu es mon mokpokpo (espérance) et aucun sacrifice ne sera grand de ma part en tant que père pour toi avec l'aide de ta mère. Tant que tu es le soleil qui illumine nos cœurs, nous serons prêts à tout moment et par tous les moyens pour faire de notre mieux afin que tu brilles plus. C'est notre devoir en tant que parents, de te pousser vers le haut, et, nous ne devons que l'accomplir comme il se doit. Ou bien, Eya ? S'adressant à sa femme, pour avoir de son opinion aussi ; chose qu'elle approuve poliment à son mari de la tête.

-Je sais bien que je ne puis compter que sur vous mes parents. Mais comme je le dis, le fond dont j'ai besoin est un peu élevé pour vous qui êtes plutôt au village, et avec votre âge, reprend Senyon à ses parents.

-C'est vrai ! Nous n'avons pas de l'argent à la portée de la main pour te donner où nous sommes assis actuellement. Toutefois, nous trouverons sûrement un moyen pour toi, mon fils. Même s'il faille remuer ciel et terre pour y parvenir.

-Merci vivement, papa !

-De rien, mon fils. Tu n'as pas à remercier ton père qui doit accomplir son devoir de parent envers son fils afin qu'il se bâtisse et soit un homme, utile pour la société. Tu vois, notre palmeraie peut servir à cette cause. Nous allons y vendre tous les palmiers vendables. Si ça ne suffit pas, nous allons vendre des pieds de teck aussi. Ou carrément, une portion de terre pour que tu puisses avoir cet argent quoi qu'il en soit.

Senyon se lève de son siège et se met à genoux pour remercier son père.

-Papa, Akpé kakaka (énormément merci, papa).

-Lève-toi, mon fils. Eme la nyõ nõ godo, yé wola dé ñkõ nam le tõ nye wo dome. (Tu vas y arriver à tout prix et tu feras mon nom parmi mes semblables)

Efo, Akpe ! Akpe ! Akpe ! Remercie à son tour son mari, Eya.

-Je ne fais que bâtir ma maisonnée. Ce soir, je vais aller voir le tireur de vin Dogbla, voir s'il n'a pas besoin de palmiers par hasard...

Le lendemain, ils se rendent dans la palmeraie pour la vente de tout ce qui y est vendable comme palmier, Senyon, son papa et l'acquéreur.

-Donc tout ceci est pour vous ? Toute cette étendue ? Demande au père de Senyon, le tireur de vin.

-Oui, mais un peu loin, ça s'arrête. Nous allons y aller et tu vas voir la limite. La suite est pour un autre.

-Compris, tchitchia (l'âgé, l'aîné) allons-y !

Ils avancent sur le champ de palmiers, chacun avec sa machette en main. Amewou, le père de Senyon se sert de la sienne par moment pour dégager le passage en coupant quelques arbustes.

-Voilà, c'est ici ; nous sommes arrivés à la limite. Et tout ce qui est ici comme palmier, et que l'on peut vendre, je le vends aussi.

-Je suis prêt aussi pour payer, tchitchia. Me gba võ (n'aies pas peur) ! Même s'il me faut m'endetter, je vais le faire, avec ce que tu m'as expliqué. J'avoue aussi que tu as de très bons pieds de palmiers.

Dans tout, Senyon demeure spectateur et laisse son père gérer...

Tout est maintenant fait et Senyon est prêt pour retourner en ville.

-Senyon mon fils, je te remets cet argent devant ta maman avec tout mon cœur et ma bénédiction totale. Va, et mets-le dans ton affaire que tu veux faire. Il fleurira dans tes mains mille sur mille. Que les Dieux et les ancêtres t'accompagnent avec leur grâce infinie. J'ai confiance en toi, mon fils, dit Amewou à Senyon à leur dernière assise avant son départ pour la ville. 

-Senyon, tu es le fruit de mes entrailles et la semence de ton papa. Et tu es notre unique enfant ; le sort l’a voulu ainsi. Nous tes parents, nous te bénissons aujourd'hui avec ta descendance ; notre descendance. Tout ce que tu toucheras avec ta main honnêtement ainsi que ta descendance, s'épanouira comme une fleur du matin et ne connaîtra point, les brûlures ardentes du soleil. Le bonheur et la grâce t'accompagneront, et avec à tes côtés, une femme qui t'épaulera, te donnera son amour, te respectera. Elle sera là pour toi en tout et pour tout peu importe. Une femme qui, grâce à elle, tu seras appelé un homme, ajoute à Senyon, sa maman.

Senyon est stupéfait. S'inclinant devant ses parents, il leur dit avec tant d'humilité :

-Papa, maman, plus que cet argent, et l'éducation que vous m'avez donnée, vous venez de me faire aujourd'hui, le plus beau cadeau de la vie avec toutes vos bénédictions inconditionnelles. Je ne puis vous dire que merci, et promettre de ne pas vous trahir. Une fois encore, merci à vous.

-Lève-toi, mon fils et va ! Cependant, sois méfiant dans tes relations. L'humain est un mystère, et son cœur, une résidence sombre...

-Vif merci, papa. Et maman, merci aussi. Puissent vos bénédictions m'accompagner !

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