Senam rentre chez elle. Elle voit son fils Mawugnon assis devant ses cahiers dans la chambre en train d'apprendre à la lueur de leur lampion. L'enfant est tout ravi de son retour enfin.
-Bonne arrivée, n'da ! Tu as trop tardé et je me faisais de soucis pour toi.-Excuse-moi pour tout le retard accusé avant de rentrer, mon fils.-Tu n'as pas à t'excuser, nõ nyé. L'essentiel est que tu sois là maintenant, et j'en suis satisfait.-Merci, mon fils ! Tu apprends tes cours ?-Oui. Je suis parti retirer les cours que j'ai ratés aujourd'hui chez mon amie Akofa. J'ai fini de les recopier. Maintenant, j'apprends les cours de demain.-Merci beaucoup, mon fils ! Quand je te vois ainsi, tu n'imagines pas quelle est cette joie qui m'anime du plus profond de moi. Tu es ma fierté, chéri !-Toi aussi, quand je te vois, ñ'da. Je t'aime tellement. Mais dis, d'où viens-tu avec tout ceci ? Comment as-tu pu payer tout ça encore ?-Mon fils, [soupir...] je n'ai pas payé. Après avoir réglé la dette de maman Sodji, sur le chemin de retour, j'ai décidé d'aller remercier papa Séménya et sa femme pour ce qu'ils nous ont fait aujourd'hui en aidant à calmer maman Sodji. C'est là je suis restée jusqu'à cette heure, et c'est eux qui nous ont remis tout ça.-Tu veux dire qu'ils te les ont donnés ?-Bien sûr ; ils nous les ont donnés, toi et moi !Mawugnon, un ton plutôt méfiant et nerveux.-Non, n'da, tu ne devrais pas accepter ! Je ne veux pas que quelqu'un vienne nous insulter ici encore pour ce que nous aurons mangé et t'humilier. C'en est assez comme ça !Senam, d'une voix rassurante et amène de mère, d'un regard doux et apaisant, pose la main droite sur l'épaule gauche de son fils et lui dit.-Ne t'en fais pas, mon chéri ! Tu me connais assez. Ces gens sont des gens bien qui ont un bon cœur. Ils connaissent aussi ce qu'est l'humiliation. Ils m'ont conté leur triste histoire aussi, et je t'assure qu'ils ne feront rien de ce que tu penses. Et tu sais quoi, demain, tu vas à l'école avec la totalité de ta scolarité.-Quoi ! Tu as gagné à la loterie ou quoi ? demande-t-il, tout émerveillé.-Loto quoi ! Mon fils, tu m'as vue jouer une fois à la loterie où ?Mawugnon perd du coup son enthousiasme et redevient morne.-Et comment vais-je pouvoir aller à l'école demain et payer mon écolage alors que nous n'avons rien pour le moment ?-Papa Séménya a payé ton écolage, mon trésor, quand il a appris que tu as été renvoyé aujourd'hui.Mawugnon étonné.-Quoi !-Oui, mon Amour !-Décidément, je ne sais quoi dire. On dirait que Dieu ne dort pas. Et cet homme, il serait si généreux.-Évidemment, les Dieux de nos ancêtres ne nous oublient pas.Mawugnon fixe sa maman des yeux sans plus rien dire. Cette dernière lui demande :-Wodou nou võa (as-tu déjà mangé) ?-Non, pas encore ! Je t'attendais, énõ nyé (ma maman).-Voilà ce que je disais. Viens, nous allons manger. Après je prends un bain et nous nous couchons. Demain tu as cours.-Ényõ, merci beaucoup !Le matin. Senam va réveiller son fils pour qu'il se lave et parte pour l'école. Elle autre s'est levée depuis pour lui chauffer de l'eau et aller à ses petits travaux matinaux. Pendant ce temps, à l'intérieur, Mawugnon s'est levé déjà et jette de coups d'œil à ses cours. Une fois dans la chambre, elle le voit devant les cahiers.
-Tu es déjà debout, chéri ?-Oui n'da, il fallait que je révise mes cours. Je n'ai pas su bien les assimiler hier avant de dormir. J'étais tellement fatigué.La maman s'assied près de son fils sur la natte et lui caresse la tête, de cet amour de nos douces mamans.-Mon fils, tu as raison. Avec tout ce que tu as fait hier, je ne te croyais même pas déjà debout. Comment tu vas ? Tu sens des douleurs ?-Non, n'da, ça va, je me sens bien. Et toi, comment tu vas ?-Je vais bien, chéri. J'ai chauffé de l'eau pour toi. Lève-toi pour te laver et aller à l'école. Il se fait tard. Il ne faut pas que tu sois en retard.-D'accord, d'accord, j'y vais. Merci beaucoup pour l'eau !-De rien, mon amour. Viens je vais te faire du bisou !Mawugnon s'approche de sa maman qui le couvre de bisous sur les joues, et le serre fort contre soi tendrement.-Je t'aime, nõ nyé, je t'aime tellement ! Tu es la meilleure maman que tout le monde puisse chercher à avoir mais en vain, car, tu es unique et tu n'es pas pour tout le monde.-Je t'aime aussi, mon fils ! Il n'y a pas ton deux. Tu es le plus beau trésor. Maintenant, va te laver, mon chéri !Mawugnon range ses effets dans son sac. Il se lève et va chercher la serviette et le contenant du savon. Il sort, rentre dans la salle de bain en claies où sa maman s'est permis de lui laisser l'eau. Quelques temps après, il ressort, rentre dans la chambre. Il se met dans sa tenue scolaire kaki, met son sac au dos et vient vers sa maman en train d'arranger des bois dehors.-Je suis prêt, n'da ; il faut que j'y aille !-Ah mon fils ! Viens prendre ton argent à remettre au directeur.Senam détache un nœud d'un bout de son pagne pour lui remettre sept mille cinq cents francs : « voici ton écolage. » Elle lui remet encore mille cinq cents francs (1 500 frs) : « voici aussi pour ton livre que tu as demandé la fois passée. Papa Séménya m'a remis dix mille francs (10 000 frs) hier. Donc, nous en profitons pour ton livre en même temps. Et aussi, tu vas manger toi aussi pour une fois encore à l'école aujourd'hui. Tu prends cent cinquante francs. On prend ce qui reste de cet argent pour moudre le maïs et préparer une sauce. »Mawugnon tout heureux :-Waouh ! N’da ! Moi aussi je vais pouvoir payer le livre aujourd'hui même ? Je suis très content, Akofa aussi va en profiter chez moi.-Oui mon fils, tu vas payer ton livre aujourd'hui. Toi et ton Akofa-là, mon fils, je ne veux pas encore d'un petit fils einh !-N'da, otchan loo ! (toi aussi hein, maman !) Akofa est mon amie et je l'aime beaucoup. Elle m'aide tellement. Elle partage ses nourritures avec moi, les jours où nous n'avons rien pour que je puisse manger pendant les récréations. Puis, moi aussi, je l'aide en lui expliquant les mathématiques et physiques dans lesquelles elle a un peu du mal à comprendre des choses. Dans notre classe, c'est nous deux et personne ne nous égale dans les devoirs. Nous sommes plus que des jumeaux. Hier, elle pleurait quand je sortais de la classe. Elle sera très contente aujourd'hui. Mais nous sommes juste amis, et plus, nous sommes frère et sœur. Nous ne savons rien de ce que tu t'imagines. C'est ma sœur et amie, et ça sera toujours ainsi.Mawugnon affiche une telle fierté, et une certaine sensibilité en parlant de son amie de classe Akofa ; ce qui éblouit sa maman.-Ah, Mawugnon ! Petite chose j'ai dite et tu cancanes tant ? De plus, je vois tes yeux luire hein ! En tout cas, soyez toujours ainsi et ne vous faites pas de mal. Maintenant cours vite pour l'école, je ne veux plus te voir devant moi !Il embrasse la main de sa maman avant de filer en disant : « je m'en vais déjà, ne me brise pas la tête avec tes bois, maman Kpaloñgo. » Puis il lui lance en plus : « je t'aime, nõ nyé ! »Senam est toute ravie. Levant ses mains vers le Ciel, elle l'implore avant de retourner à son travail : « Dzi ñku si, protège mon fils pour moi ! Couvre-le de tes bontés, ainsi que son amie Akofa. Donne-leur, plus de sagesse et d'intelligence à l'école... ! »Sur le chemin de l'école, Mawugnon rencontre un camarade de classe qu'il salue et ils se séparent. Il va passer chez Akofa à la maison. Arrivé dans la cour de la maison, il voit le daron de son amie, monsieur Fiadougbe, en train d'aiguiser sa machette sur une pierre sous un arbre. La mère aussi revient juste de la fontaine, et renverse son eau dans un vase en terre cuite au pied du mur de leur concession. Il va saluer le père avant d'aller saluer sa maman en se rabaissant poliment à chaque salutation. Puis, demande d'après Akofa chez sa maman :
-Maman, Akofa est là, s'il te plaît ?-Mon fils, je reviens du marigot comme ça. Je ne sais pas si elle est déjà partie. Attends, je l'appelle voir.La maman se met à appeler sa fille quand son mari leur fait savoir qu'elle est déjà partie, à peine cinq minutes.-Ok merci papa, merci maman ; je vais aller aussi ! Je la croyais à la maison pour que nous cheminions ensemble, et lui remettre aussi dans le même temps, ses cahiers que je suis venu chercher hier.-Vas-y mon fils, le temps est même déjà contre toi. Ne commettez pas de bêtises surtout et prenez soins de vous et de vos études.-Compris, maman, nous n'allons pas vous décevoir. Merci beaucoup ! Il va remercier Fiadougbe aussi, avant de partir.Monsieur Fiadougbe, après le départ de Mawugnon, s’adresse à sa femme en l'appelant par son nom : « Adjowa, j'aime bien le comportement de ce jeune garçon. Il est tellement innocent et respectueux que je ne puisse lui reprocher quoi que ce soit pour lui interdire de s'approcher de notre fille ! »-Ah ! Moi-même je le savais ; que tu admires quelque chose chez cet enfant, ce pourquoi tu ne dis jamais rien lorsqu'il vient ici. Sinon, te connaissant, quel garçon laisserais-tu mettre pieds dans cette cour qu'il cherchait notre fille parce qu'ils sont camarades de classe ?-Ah ça, tu l'as dit ! Il faut que je reste aux aguets pour protéger mes ressources contre les envahisseurs non ? Mais lui, c'est un investisseur. Il investit dans l'éducation et la bonne compagnie de notre fille, donc ici lui est toujours un accueil.-Toi et tes histoires !-Cette assertion populaire : qui s'est préparé contre la guerre et pour la guerre, n'est point surpris par la guerre ; son toit vit ombragé sous la quiétude, ne t’échappe pas j’espère, ma chère ! Donc, apprenons à être toujours sentinelle, énonce-t-il, une fois de plus en riant, à sa femme qui le regarde, les yeux amoureux et ébahis. Il se lève pour avoir fini d'aiguiser sa machette et lui redit : « je vais au champ ramener les noix de palme que j'ai cueillies la fois passée. Je ne saurais tarder. »-Je finis de puiser l'eau pour te préparer quelque chose à manger à ton retour.-Toi-même tu sais, et tu as intérêt..., dit-il encore tout hilare.Il dépose le coupe-coupe à l'entrée et rentre dans la chambre. Adjowa reprend son chemin de fontaine, sa cuvette en aluminium sur la tête après quelques taquineries aussi à son mari.Mawugnon arrive dans la cour de l'école. Il voit Akofa assise tristement sous un neem. Il passe par derrière elle et lui bande les yeux avec ses mains. Akofa sait tout de suite que ça ne pourrait qu'être son ami. Elle lui tient aussi les mains et d'une voix joviale, l'appelle :
-Je sais que c'est toi, Mawugnon !Mawugnon enlève ses mains de ses yeux, tout hilare à son tour.-Comment se fait-il que tu sois seule ici, et privée de vie, Akofa ?-Tu me demandes ? Voudras-tu que je sois heureuse pendant que toi, tu es à la maison ? Je suis allée chez toi ce matin pour voir si tu venais à l'école et je n'y ai vu personne. Alors, je me suis dit que tu serais à l'école. Arrivée, je ne voyais nulle part, tes traces.-Je suis là maintenant, t'inquiète. Je crois que nous nous étions échangé de route. Je viens de chez toi aussi comme ça pour que nous cheminions ensemble. J'ai vu papa et maman, et papa m'a dit que tu étais déjà partie.-C'est vrai ? J'ai dû quitter tôt pour venir chez toi. Tu as apporté une partie de l’écolage ? Ou on va te renvoyer encore aujourd’hui ?-[Ricanements...] me renvoyer ! Je viens tout payer en même temps ce matin. J'ai apporté la totalité de ma scolarité.Akofa toute heureuse lui saute au cou avec toute sa fierté avec laquelle il lui a parlé de la paye de sa scolarité complète.-Enfin, aujourd'hui, je vais pouvoir être présente d'esprit en classe, parce que tu y seras aussi !-Je t'ai vue en train de pleurer hier quand je sortais. Merci beaucoup Akofa. Tu es une amie. Et plus que ça, tu es une sœur. Je t'aime beaucoup !-Moi aussi je t'aime beaucoup, mon frère. Quand je te vois, je me sens rassurée.-Maintenant, tu veux bien m'accompagner chez le directeur pour payer l'écolage avant que nous n'allions en classe ? Après, j'ai une autre bonne nouvelle pour toi, et c'est une surprise.-Une surprise ! Allons-y vite ! Toi-même tu sais que je n'aime pas entendre parler de surprise. Ça me stresse et fait battre mon cœur.Les deux enfants s'en vont pour la direction, se taquinant. Arrivés, Akofa attend à l'entrée, Mawugnon entre. Quelques instants après, il sort et se fait accueillir par son amie qui l'agresse sereinement :-Êhin, n'souvi (jeune homme), où est la surprise ? Fais vite, je ne vais pas trop parler.-Quoi ? Quelle surprise ? Je suis le père Noël tu vois ? Laisse-moi hein !-Donc, tu t'es permis de te moquer de moi ce matin ? Je vais te le faire payer, crois-moi !Elle lui attribue un coup de sa paume au dos.-Aïe, déviyéa (l'enfant-ci) m'a tué ! J'ai une surprise pour toi mais je ne vais plus rien te dire pour m'avoir frappé, à moins que tu me fasses un bisou sur la joue.-Tchoooooo monsieur le capricieux ! C'est moi qui ai ton temps ce matin comme ça ! Tu n'auras rien.Mawugnon fait semblant d'être en colère et s'en va. Akofa le rattrape, et le prend par la main. « Voilà ta bise », dit-elle en l'embrassant sur la joue.-Tu as chance sinon, humm...-Sinon quoi ? Tu as ton bisou. C'est quoi la surprise ?-Ferme tes yeux.-C'est une affaire de fermer les yeux ?Elle les ferme légèrement.-Tu triches, ferme bien tes yeux !-Ok, c'est fini maintenant. Fais vite, on va bientôt siffler.-Maintenant, ouvre tes yeux jolis-là !Akofa ouvre les yeux. Elle le voit tenir un livre en main, et qu'il brandit avec fierté. Elle s'exclame, le lui ravit, puis le met dans son sac.-Woaou ! Où tu as vu ça ?-Je viens de le prendre aussi à la direction. J'ai payé l'argent du livre aussi.Akofa est toute heureuse, comme un singe domestiqué furieux qui vient de s'échapper et regagne affranchi, sa brousse natale, les champs et les bananeraies, libre de l'esclavage, libre de la soumission, libre d'une vie qui n'est pas sienne et que l'on lui imposait.-Le livre de mathématiques que nous cherchons tant à avoir aussi depuis, pour être comme les autres ! C'est demain tu vas le prendre. Lui et moi, nous allons nous coucher cette nuit. C'est à moi de le posséder en premier, parce c'est moi qui suis du sexe qui prime.-[Rires...] Toi, tu ne vas jamais changer, jamais cesser de délirer et de me faire rire. Ce livre nous appartient tous les deux. Chacun de nous peut le garder. Maintenant, nous allons pouvoir faire nos exercices sans nous stresser.-Tu n'imagines même pas ma joie ! Ouf ! Et enfin ! On est désormais libres dans nos têtes pour nos devoirs. Comme je me sens affranchie de ce stress !-Éééh, Akofa, un simple livre pour nos devoirs et cette euphorie, à parler d’affranchissement ! Qu'en serait-il si l'on parlait vraiment de l'indépendance de l’Afrique ?-Quand ce moment aussi viendra, nous en parlerons. Arrête de me compliquer toujours la vie, et, laisse-moi savourer au moins ce bonheur. Tu n'es pas du tout différent de mon père.Dans la journée, pendant que Mawugnon est à l'école, Senam va aussi chercher de l'eau. Sur son chemin, elle rencontre un homme âgé qu'elle salue poliment. Après qu'ils se sont dépassés, l'homme se retourne puis l'appelle : « Madame ! »Elle se retourne aussi, demandant si c'était elle. L'homme lui donne son affirmation par « oui. » Elle revient sur ses pas, puis, d'une voix calme et respectueuse :-Me voici papa, que puis-je pour vous ?-Quel est ton nom, Madame ?-Mon nom est Senam. Mais, on m'appelle communément maman Mawugnon, papa.-Ah ! Ton enfant s'appelle donc Mawugnon ?-Exactement !-Moi, c'est Mawuéna (Dieu Donné). Mais tu peux m'appeler papa Mawuéna. Comme ça, moi aussi je t'appelle comme les autres :"maman Mawugnon."-Akpé, papa !-Maman Mawugnon, tu es dans les parages, je ne t'ai jamais vue par ici
Après une petite invocation aux Dieux et une libation à lui, faite par son père à base de vin de palme et de l'eau pour que les portes du succès lui soient infailliblement ouvertes, Senyon quitte ses parents pour revenir à Lomé afin de débuter sa vie d'homme. Il se sert de l'argent pour ouvrir sa petite activité de fabrication de jus de fruit et de reconditionnement des fruits de champ en conservation pour les ménages ; ce qui devient une grande entreprise, l'une des plus importantes du pays en un bout de temps. Évidemment que les bénédictions de ses parents ne se font pas prier et sont immanquables à toute épreuve. Sa petite amie Senam aussi est là pour l'épauler, le revigorer en toute chose avec un amour sublimé.C'est alors il entame les démarches pour se marier enfin avec la femme de sa vie ; laquelle l'a épaulé et l'épaul
L'EUPHORIELe temps passe et la grossesse se fait remarquer. Senam va à sa consultation prénatale.-Madame, comme toujours, le bébé se porte bien. Mais, il y a un petit dérangement à votre niveau qui pourrait avoir de répercussions lors de l'accouchement, dit le docteur après ses examens.Senam s'affole, devient anxieuse, soudain.-De quoi parlez-vous, docteur ?-Ne vous mettez pas dans cet état quand même ! lui redit posément pour l'apaiser, le docteur, avant de poursuivre ; vous ne vous donnez pas du repos, ce qui affecte votre organisme dans votre état actuel. Il vous faut donc éviter certains travaux. Surtout la lessive, port d'objets un peu pesants...-Mais docteur, je me sens parfaitement bien, sans me lasser de ses petits travaux que je suis censée faire !-Madame, oui, apparemment, vous allez bien. Vous n'avez rien. Mais ce n'est pas le cas. P
Le jour du rendez-vous de la signature du prestigieux contrat arrive. Ce jour lugubre. Ce vendredi sinistre pour Senyon et sa famille, où les sujets des abîmes ont œuvré sans pitié dans leur vie.Senyon, prêt pour le rendez-vous ce matin après être passé à table pour le petit déjeuner, embrasse sa femme, fait du bisou à son enfant et s'en va.Environ une heure de temps plus tard, Senam est dans le salon avec Mimi, toutes les deux très joviales. Elles rient aux éclats, jouant avec l'enfant Mawugnon qui apprend à marcher. Le portable de Senam se mettant à sonner sur la table centrale, Mimi court vite le lui apporter. Elle décroche, et reçoit l'appel. Elle pousse un grand cri de détresse, laisse tomber le portable et s'écroule par terre, évanouie. Mimi se donne toutes les peines pour la réveiller. Elle la tapote de la joue, l'ap
DEMAIN SERA BEAUMawugnon parti pour Lomé, se met à se promener sans même savoir où il va. Il n'adresse parole à personne. Surtout, il ne veut pour une quelconque raison montrer à qui que ce soit qu'il vient d'arriver dans cette ville et qu'il y est complètement nouveau...La nuit est là. Au bord d'une route, il se trouve une table devant une boutique pour se coucher dessus, et en faire sa couche jusqu'au petit matin, à risque et péril de sa vie, après s'être gavé du pain et d'arachides. C'est alors qu'il passe ses nuits devant les magasins ou sur les tables du marché.Au lever du jour, il va de magasin en boutique à la recherche d'un job, mais où en trouver ? Personne n'a du boulot pour lui. Durant environ un mois, il va ici et là à la capitale. Sa petite économie ramenée du village, finement gérée à se nourr
Lundi matin, Mawugnon se lève. Il nettoie la voiture de son bienfaiteur ; monsieur Agbémaplé N'SOUGAN. Il arrose les fleurs, et va se préparer, en attendant ce que lui dira celui-ci. Agbémaplé une fois prêt, le fait venir. Mawugnon arrive, dans un air poli et rassuré ; sans aucun stress. « Bonjour, Dady ! » salue-t-il.-Comment tu vas, Mawugnon ?-Je vais bien, Dady.-Es-tu prêt pour ton premier jour de travail ?-Oui Dady, je me suis préparé depuis.-Très bien. Allons-y !Ils sortent. Arrivés dans la cour, Agbémaplé est émerveillé par la propreté des fleurs. Imaginant qu'il s'agissait de son gardien qui a fait l'aménagement, (chose qu'il n'a jamais faite d'ailleurs) il décide de le faire venir pour le remercier. « Kossiiiiiiiii, Kossiiiiiiiii, Kossiiiiiiiii ! », l'appelle-t-il en criant. Ce de
Gentil prend le temps de bien se contempler dans le miroir de sa chambre ; il venait de sortir de la salle de bain. Pour s'habiller, il met un t-shirt rouge bordeaux qui lui descend à sa convenance sur les fesses. Il a déjà mis un Jeans pantalon noir cassé sur les cuisses. Il porte des chaussures de sport blanches, met une casquette de même couleur que les chaussures. Il se contemple une fois encore dans le miroir et affiche un air fier de lui. Il passe son parfum, met son bracelet au poignet gauche, une petite chaîne en or alliage avec argent au cou, avec une médaille en scorpion. En plus, un anneau à l'oreille gauche aussi de la même image de la médaille de sa chaîne. Il s'admire une énième fois de plus et sort au salon. Il y voit sa maman, assise dans un fauteuil, en train de siroter un jus de fruits, tout en bouquinant. « Maman, je n'ai vu depuis le matin, ni Dady, ni Mawugnon. Où
Mawugnon fait une descente surprise au village pour visiter sa maman, accompagné d’Amé, quelques jours après sa prise de contrôle du commerce.À leur arrivée, à motos zémidjan (taxis moto), Senam est assise devant la chambre. Elle trie du haricot sur un couvercle.-N'daaaaaaaaa ! émet un cri euphorique, Mawugnon, toujours comme un petit enfant, pour appeler sa maman.Senam redresse la tête à la perception de la voix de son fils. Elle laisse tomber le couvercle avec le haricot pour courir se jeter à son cou.-Voilà mon fils o ! Voilà mon Mawugnon !Ils se prennent fort dans leurs étreintes comme s'ils allaient fusionner. Senam, ne cesse d'exulter.-Evinye yeyi lo, evi dze na ame (voici mon fils, qu'il est beau d'avoir un fils).Son fils lui répond avec la même euphorie. Elle le fait tourner pour beaucoup plus le contempler
LE PETIT SENYONMawugnon s'agite. Tout anxieux est-il dans le hall avec sa maman, celle de Biova ainsi qu'Amé. Que se passe-t-il à l'intérieur ? Pourquoi personne ne sort dire un seul mot ? Pourquoi ça dure tant ? Et pourtant ils sont là, il y a à peine une quinzaine de minutes. Une minute lui passe comme une éternité. Son cœur veut s'arrêter. Sa maman essaie de le rassurer et le calmer en vain. Mawumebiõ y compris. Même Amé n'y arrive pas cette fois-ci. Si seulement il pouvait pénétrer cette fichue pièce ! Il a la rage de savoir ce qui se passe là-dedans, d'entendre quelque chose.Enfin, il aperçoit le docteur qui met son nez au dehors et les approche. Il se précipite sur lui, excité de savoir. «Félicitations, monsieur, votre femme a accouché d'un si joli garçon&ra
LE DERNIER SOUPIRAgréable surprise pour Biova. Elle tombe sur sa «belle-mère» à sa sortie au salon avec Mawugnon. Elle y est, avec sa maman et une femme âgée qu'elle ne connaît pas. Et c'est de stupéfaction, qu'elle s'écrie pour l'appeler. Très enthousiaste, elle va se jeter à son cou, lâchant le petit ami. Senam lui rend chaleureusement l'affection dans ses bras en l'appelant à son tour : «ma fille!»-Tu es donc là aussi, n'da ? Merci beaucoup d'être venue.-Oui, je suis là, chérie. Nous sommes plutôt là!Mawugnon debout les regarde tout souriant, ainsi que Mawumebiõ, heureuse, de revoir sa fille sourire de nouveau après toute une résignation pénible, de pleurs et du refus de manger.Senam regarde sa future bel
CONDAMNATIONLes dires d’Amé ont un effet fort adoucissant sur le cœur de Mawugnon. Il a besoin en ce moment, de tels propos même s'ils devaient être plutôt de la femme qu'il aime. Aussi, d'une épaule sur laquelle poser sa tête si lourde. Et pour ça, il ne pouvait avoir mieux qu'Amé ; elle qui parvenait toujours depuis à le dompter, à lui faire oublier ses soucis par un simple geste. Une parole. Un regard. Un sourire. Et une fois encore, elle est là pour lui ; Amé est une providence. Il la regarde, puis, soupire de soulagement et la serre dans ses bras un instant avant de la relâcher.-Merci beaucoup, Amé pour tout sacrifice.-C'est avec joie que je le fais, mon chéri. Tu sais, j'ai été chez ton Amour avant hier et je l'ai encore appelée hier nuit. Biova va trop mal, Fo Mawugnon. Et à toi seul
PAR UNE SIGNATUREAutour d’Amoussou ne peut croire à tout ce qu'il raconte. Ils sont poignardés, horripilés. Senam a beau se retenir, elle finit par s'effondrer en pleurs : « eh, agbé tõ gloglo loo. Agbé tõ võ đí (l'humain est vraiment profond. L'humain est cruel !) », se décharge-t-elle lamentablement.Quant à Biova, elle s'écrie sur son père, toute rageuse : « quoi ! Toi papa ! Tu as pu tuer un homme ! Et pis, ton ami qui t'a tout donné, juste par jalousie ! Donc tu es un criminel, un assassin qui se passe pour un humain ! Tu es un sournois ? »-Pardon, ma fille !-Ne m'appelle pas ta fille ! Je ne le suis pas !Senam continue de couler ses larmes. Sa voix est pleine de magnans. Mawugnon et l'oncle stupéfiés, tétanisés, Biova tourmentée, courroucée. Quant à Mawumebiõ
INCONCEVABLESenam est stupéfiée par ce qu'elle voit : celui qui est devant elle et allongé dans le lit. Il y a vingt-huit bonnes années déjà qu'ils se sont parlé pour la toute dernière fois et pas vraiment en de bons termes. Non, ça ne peut pas être possible. Elle doit être en train de rêver. Son cœur tressaillit sous le choc de ce que ses yeux lui montrent. Des fourmis la prennent par la plante des pieds et envahissent tout son corps qu'elles traversent jusqu'aux bouts de ses cheveux. Elle demeure coite un instant avant de pouvoir se surpasser, et s'écrier de nouveau : « toi ! Amoussou ! » Se tournant vers Biova, elle lui demande avec du dédain profond : « Biova, c'est cet homme-là, ton papa ? »Biova toujours accrochée à Mawugnon, lui répond sans rien comprendre :-Oui, n'da ! Un problème ? Pourquoi
LE CHOCAmoussou se décide à ne rien dire à ses proches. Il reste dans son mutisme, le cœur fermé, jusqu'à la tombée de la nuit malgré toutes les supplications possibles de sa fille, les pleurs de sa femme et les indignations de son grand frère.La nuit est aussi longue, avec toute la pression que tout le mystère entourant la vie d’Amoussou exerce sur les siens. Mais, le jour finit par paraître de nouveau, pour être plus nouveau dans les chants des coqs et s'harmoniser avec la mélodie des oiseaux des bois pour ceux qui peuvent encore savourer la splendeur des choses. Cependant, il passe à côté des pauvres gens de leur nature qui n'y perçoivent que de la cacophonie ; ceux qui ont l'esprit torturé par leur sort, le cœur lourd d'amertumes, l'âme triste.Toujours à son chevet à ce nouveau jour prestigieux mais somb
LA DIVINATIONSenam, assise devant le petit écran, attend impatiemment son fils pour passer à table. Il a sonné déjà vingt heures. Très euphorique, qu'elle le voit finalement pénétrer le séjour. « Ah mon amour est de retour ! » s’écrie-t-elle le cœur gai en le voyant. Mawugnon, avec sourires aux lèvres et des pas de danse : « para-para para pampa ! Oui, de retour pour toi ! Paparapapaaaa ! »-Je te sens encore très jovial, mon fils. Ton Dady t'a donné quoi ?-Nous avons juste causé entre père et fils pour finir grisés en vins.-Toi te connaissant, tu as bu pour en être ravi comme ça ?-Oui là, n'da. Le vin ravit non ! Surtout le vin d’extase pur (il mentionne le vin de palme). Tu veux vérifier ?Il ouvre sa bouche au visage de sa maman pour qu'elle sente l'odeur des boisson
LA GIFLETrois jours déjà, Amoussou est hospitalisé. Sa situation ne va que de désolation en désolation contre l'attente d'une amélioration. À son bureau, le médecin traitant fait venir sa femme, et s'entretient avec elle.-Madame, nous ne comprenons pas la santé de votre mari. Nous avons fait toutes les analyses possibles, nous ne voyons absolument rien comme anomalie, cependant même que sa santé se corrompt d’heure en heure. Regardez-vous même l'état dans lequel il se retrouve en ce laps de temps d’à peine soixante-douze heures !Sur le visage de Mawumebiõ, la tristesse et la désorientation scandent leur requiem mordant. Languide, veule, elle demande au docteur :-Et que pensez-vous que nous puissions faire, s'il vous plaît, docteur ? Que nous conseillez-vous ?-Je crois que nous ne pouvons rien pour lui ici. Vous devez l'emmene
CONFRONTATIONSMawugnon, Biova et Senam arrivent à la maison. Ils sortent de la voiture et vont pour l'intérieur. Juste Senam sort les clefs de son sac pour mettre dans la serrure, que madame Séménya attire leur attention par derrière, les mains chargées : « vous êtes enfin de retour ! » leur lance-t-elle. Ils se retournent tous.-Ah maman ! o’va dzi mì yéa (ah maman ! tu étais venue nous chercher) ? lui demande Mawugnon.-Je vous avais apporté à briffer mais vous n'étiez pas de retour.-Tu t'es encore dérangée ? lui demande Senam.-Il n'y a pas de dérangement qui tienne, maman Mawugnon. Voilà ça, débrouillez-vous avec. J'ai pensé que vous auriez faim à votre retour.Biova prend les effets de ses mains.-Merci maman. Toujours, tu ne te fatigues à faire la cuisine. Et quand je vi