Share

5

Auteur: Fred Godefroy
last update Dernière mise à jour: 2021-11-19 16:05:58

Que l’ennemi ne sache jamais comment vous avez l’intention de le combattre, ni la manière dont vous vous disposez à l’attaquer, ou à vous défendre. Car, s’il se prépare au front, ses arrières seront faibles ; s’il se prépare à l’arrière, son front sera fragile ; s’il se prépare à sa gauche, sa droite sera vulnérable ; s’il se prépare à sa droite, sa gauche sera affaiblie ; et s’il se prépare en tous lieux, il sera partout en défaut. S’il l’ignore absolument, il fera de grands préparatifs, il tâchera de se rendre fort de tous les côtés, il divisera ses forces, et c’est justement ce qui fera sa perte.

(L’Art de la Guerre – Tsun Tzu)

C’est celui-là, annonça doucement Bibi en longeant les cars de CRS casqués qui s’alignaient sur toute la largeur de l’avenue Dorian, boucliers, matraques, flash balls, lance-grenades et fusils à pompes à balles réelles en main.

Il est presque 20h30, faut se magner le cul.

Ils entrèrent dans un immeuble coincé entre un vendeur de téléphonie mobile et un coiffeur qui avaient tiré tous deux leurs rideaux de fer. Ils franchirent la première porte grâce à une clef de facteur achetée sous le manteau à son propriétaire deux ans plus tôt, par Stan.

Comme tous les immeubles parisiens, il y avait un sas à franchir avec un code de sécurité ou des interphones pour la seconde porte. Bibi repérait à l’avance les immeubles avec digicode. Il repérait aussi toutes les planques, toutes les sorties, toutes les échappatoires en cas de coup dur. C’était une partie de son job.

Il préparait l’arrivée et la fuite. Stan se plaça de manière à cacher son pote, jouant dans le vide avec son téléphone éteint pour faire diversion.

Bibi tira la tablette de son sac et la connecta au clavier en cinq secondes.

Il tapota des lignes de codes qui s’imprimaient en vert sur fond noir sur son écran. C’était vintage comme couleurs, très eighties. Les jeunes geeks étaient tous accrocs à ça en ce moment.

Stan vit deux flics, à trois ou quatre mètres de l’entrée, qui les observaient à travers leurs visières d’un noir d’encre. L’un d’eux commençait à se rapprocher, le fusil à pompe posé sur l’épaule.

On est checkés, man. Grouille ton gros cul.

J’ai pas un gros cul, gros con d’éclopé.

Il entendit un bip et la seconde porte s’entrouvrit.

Et voilà le boulot ! dit Bibi tout fier en franchissant la porte comme s’il avait toujours vécu là, son matos glissé sous son poncho dégoulinant de flotte.

Stan le suivit et les CRS reportèrent leur attention sur la Nation d’où s’élevait un brouhaha de slogans anti-capitalistes.

Il faut prendre l’escalier, annonça à regret le hacker. Il y a une caméra de sécurité dans l’ascenseur. Circuit fermé. Trop long à pirater.

Fait chier.

Ça va aller tes jambes ?

Monte et occupe-toi de ta graisse.

Neuf étages à monter, pour Stan, c’était l’enfer. Au-delà du troisième, les douleurs dans ses jambes devenaient infernales. Mais le pauvre Bibi, lui, devait traîner ses cent trente kilos avec difficulté. Au second palier, il était déjà essoufflé comme un bœuf. L’un comme l’autre souffraient en silence.

Donne-moi un jetable, dit Stan en enfilant des gants chirurgicaux. Faut que j’appelle le Martien pour lui dire qu’on sera en place dans vingt minutes.

Bibi fouilla dans son sac et lui tendit un jetable à usage unique encore emballé dans son plastique de protection.

Stan déchira l’emballage et composa un numéro.

L’Épervier sera en place dans vingt minutes, dit simplement Stan sans s’annoncer.

Tarde pas ! répondit le Martien. Son interlocuteur raccrocha.

Stan cassa le téléphone en deux et le lança dans la cour par une fenêtre de l’escalier.

Le Martien était le nom de code d’un des organisateurs du collectif Liberty Warrior qui coordonnait toutes les manifestations à Paris depuis plusieurs mois.

L’Épervier – Bibi et Stan en l’occurrence – était la pièce majeure du dispositif. Tout le monde savait qu’ils existaient, personne ne savait qui ils étaient, ni même qu’ils étaient deux. Tout le monde, révolutionnaires comme flics, croyaient que l’Épervier n’était qu’une seule personne.

De leur côté, Stan et Bibi n’avaient jamais rencontré le Martien autrement que par des discussions cryptées sur un chat IRC sécurisé par le réseau TOR doublé d’une couche VPN dernier cri. Ils ignoraient tout de lui. Lui ignorait tout d’eux. Mesure de sécurité maximale.

Les organisateurs sur le terrain comptaient sur l’Épervier pour savoir où, quand et comment diriger les groupes de manifestants. C’était bien plus organisé que ce que les policiers – devenus la milice privée du gouvernement – ne pouvaient s’imaginer. C’était une guérilla, une vraie résistance à la dictature mise en place depuis trente ans par les gouvernements de droite et de gauche.

Et leur rôle d’Épervier multipliait les forces de frappes des manifestants, surprenant à chaque fois les stratèges ennemis. Et si l’art de la guerre avait été enseigné à l’école, Stan aurait été premier de sa classe. Il excellait plus que tout le monde là-dedans.

Ce n’est que quinze minutes plus tard qu’ils ouvrirent la porte du toit. On aurait dit que Bibi sortait de la piscine tant il transpirait. Il respirait comme un asthmatique. Stan boitait puissance dix, ses douleurs l’empêchaient presque d’avancer.

Bibi posa un doigt sur sa bouche pour dire à Stan de ne faire aucun bruit. Et du doigt, il indiqua deux tireurs d’élites installés à trente mètres, allongés, l’un avec des jumelles, l’autre avec son fusil à lunette. Ils portaient des oreillettes et discutaient de ce que leur talkie-walkie émettait, ce qui devait couvrir les sifflements rauques de Bibi et le clac-clac léger de la béquille de Stan.

Doucement, Stan et son pote marchèrent dans le sens opposé, grimpèrent une échelle tant bien que mal. Ils contournèrent des installations d’aération pour enfin se retrouver au-dessus de la Place de la Nation.

Un vrai champ de bataille.

On y est, dit Bibi en posant son sac. Allonge-toi, ils ont mis des tireurs sur les toits entre chaque avenue. Ils surveillent le sol donc ça devrait aller, mais faut pas bouger.

Stan s’envoya deux pastilles de morphine qu’il coinça contre sa gencive.

Dans cinq minutes, ses douleurs diminueraient. Un peu.

Bibi étala une couverture épaisse. Il en sortit une seconde, mais de survie celle-là, qu’il étala par-dessus eux une fois qu’ils furent allongés côte à côte sur la couverture épaisse.

La couverture ultra-fine qui les recouvrait totalement était le même genre de matériel qu’utilisaient les pompiers, ces machins qui ressemblaient à des feuilles de papiers alu, comme on voyait dans tous les films.

Sauf que la leur était d’un noir d’encre.

Elle retenait la chaleur et empêchait les snipers équipés de détecteurs thermiques de repérer la température de leurs corps. C’était tout bête, mais c’était efficace.

Chacun déballa son matos dans une obscurité presque totale. Allumer une lumière aurait été bien trop dangereux.

Stan fixa un casque de communication à son oreille qu’il relia à un gros téléphone satellitaire. Puis il connecta le téléphone à la tablette de Bibi par un câble, qui elle-même était branchée à un appareil, une sorte de vieux poste de radio à ondes courtes dont l’écran archaïque affichait des courbes de fréquences de différentes couleurs.

Ce système, que Bibi avait fabriqué entièrement, permettait de changer de lieu sept fois par seconde. Si on essayait de les repérer, ils apparaîtraient partout dans le monde, rendant impossible tout traçage. Comme toutes les pièces dataient des années quatre-vingts, genre vieil auto-radio à cassettes, aucun contre-système hyper-perfectionné ne pouvait les localiser.

Collé contre lui par manque d’espace, Bibi mit à son tour un gros casque sur ses oreilles et se connecta aux canaux sécurisés de la police et de l’armée. Il entendait en temps réel tous les ordres qui étaient donnés, toutes les discussions entre les différentes unités.

Épervier à Martien. Épervier en place, annonça Stan tout doucement dans son micro. On évalue la situation.

Des grésillements permanents montaient ou baissaient d’intensité tout le temps, c’était l’inconvénient de ce moyen de communication. Du pur système D.

Fait voir une photo aérienne de la place et des huit cents mètres autour, demanda Stan à Bibi qui tapait déjà du code pour se relier à il ne savait quel satellite.

Bibi lui tendit la tablette pendant que Stan commençait à observer avec des jumelles thermiques toutes les rues et tous les immeubles qui entouraient la place, soulevant à peine la couverture de protection.

En bas, c’était le délire : ça hurlait, ça bougeait dans un chaos total. Des hommes et des femmes de tous les âges et de toutes les conditions sociales venaient de toute la France pour être là.

Il y avait des manifestations similaires dans toutes les capitales du monde, tous les soirs depuis des semaines. Même les journalistes corrompus jusqu’à la moelle commençaient à parler d’insurrection et chez DFV-TV, un présentateur avait osé utiliser le mot « révolution » avant de se faire virer par l’actionnaire de la chaîne, un milliardaire connu pour ses amitiés douteuses (pour ne pas dire mafieuses) avec les gouvernements et les pires banques du monde.

Autant ces escrocs de politiciens avaient réussi à faire passer une tonne de lois liberticides sans trop de casse, autant l’abolition définitive de la monnaie et des billets était la goutte d’eau qui avait fait exploser le vase qu’ils croyaient incassable.

Ils avaient atteint le point de rupture et ne s’y attendaient absolument pas.

Ne plus avoir d’argent liquide, c’était ne plus posséder son argent. C’était faire mourir, au sens propre du terme, des centaines de milliers de personnes exclues du système bancaire qui ne pourraient plus rien acheter ni vendre. C’était pouvoir couper les vivres d’un simple clic de tout contestataire, de tout média anti-mainstream, de toute organisation non-gouvernementale qui fouillerait un peu trop les égouts puant de la coalition médiatico-politico- bancaire.

Et avec les lois qu’ils avaient fait passer ces dernières années, un gouvernement pouvait décider à tout instant de prendre tout ou partie des placements et des comptes-courants pour refinancer les banques suites à un crack boursier, ou pour rembourser les dettes des pays, ou pour mener une guerre, sans qu’aucun citoyen ne puisse contester.

Enlever l’argent liquide était la dernière pièce de l’édifice qu’ils construisaient depuis la création de la Zone Euro. Pour beaucoup de monde qui n’avait jamais bougé jusqu’à maintenant, l’annonce avait été comme un difficile réveil d’après cuite.

D’un coup, c’est comme si le soleil avait éclairé le naufrage du navire démocratique. Le Titanic n’était pas en train de couler. Il était déjà sous la surface… Ceux qui se trouvaient à la Nation faisaient partie de ceux qui espéraient revoir le ciel et avoir assez d’air dans les poumons pour respirer.

Les lignes de flics reculent de quatre cents mètres dans chaque avenue, dit Bibi en serrant le casque contre ses oreilles. Il y aurait plus de 450.000 manifestants en bas et des centaines de bus continuent à arriver de province. Ils attendent toujours l’ordre de réquisition de l’armée par le préfet. La gendarmerie mobile vient de déployer des renforts dans tout le secteur de l’Élysée et de Matignon, au cas où la foule se déplacerait par là-bas.

Ils flippent sévère, les cadors, se marra Stan. Ils ont peur que le gouvernement soit renversé.

Stan jubilait. C’était énorme ce qui était en train de se passer. Un vrai mouvement international de contestation prenait enfin forme après des mois de guérilla et d’actes de résistance de petite envergure.

Dans ses lunettes, il repéra plusieurs agents à l’intérieur d’appartements qui, comme lui, jaugeaient la situation. Des gars des services secrets, de la DGSI.

Il mémorisa leurs positions.

Sur la tablette, avec la vision aérienne, les lignes de forces étaient claires.

Épervier au Martien, dit Stan.

Martien à Epervier, 3 sur 5, grésilla une voix dans son écouteur.

Ils ont laissé au nord Saint-Antoine et Voltaire libre. Ils vont charger par le sud. Impossible de passer par les autres avenues, elles sont blindées. Voltaire et Saint-Antoine sont des pièges pour que vous fuyez par là. Une fois que vous serez dedans, vous serez pris en étau par votre droite et votre gauche à chaque intersection. Il y a des milliers de Mobiles dans toutes les rues latérales.

Solution ? demanda le Martien.

Forcer le passage par la petite et courte avenue de Taillebourg. Dégage les manifestants qui se trouvent devant. Les flics avanceront leurs lignes et seront fragilisés. L’avenue n’est pas large, donc vous pourrez casser leur résistance plus vite car ils sont moins nombreux. Si tu peux glisser deux cents guerriers entraînés par leur revers qui les prennent en tenaille, tu gagneras de précieuses minutes. Une fois la rue ouverte, remontez ensuite Charonne par le nord jusqu’aux Père-Lachaise, le plus vite possible. Envoie des petites équipes péter les chaînes des portes du cimetière, faut pas que vous soyez bloqués devant. Une fois à l’intérieur, vous pourrez mener un combat plus équilibré car ils seront divisés en toutes petites unités. Vous serez à force égale, pour la première fois depuis longtemps.

Bien reçu, Épervier.

Prépare plusieurs équipes de casseurs sans pitié et place-les au sud de la place pour faire diversion et retenir le plus longtemps possible ceux qui pourraient vous prendre par derrière. Créez une barrière infranchissable dans le sud pour que le nord soit votre terrain de bataille. Les méchants vont croire que vous cherchez un combat frontal. Ils ramèneront plusieurs bataillons du nord vers le sud, ce qui vous laissera le temps de rejoindre le Père-Lachaise car ils se seront désorganisés sur ce front. Quand ça commencera à chauffer au sud et que vous vous frayerez un passage par Taillebourg, on se déplacera pour superviser le combat au Père-Lachaise. On donnera le top départ.

Martien à Épervier, bien reçu. Merci mec.

Épervier à Martien. Bonne chance. Over.

J’avais pas prévu ça, dit Bibi. Je commence les repérages pour le Père Lachaise si ça tourne comme tu l’as dit. Chouette plan, comme d’hab.

Des hélicoptères balayaient de leur faisceaux puissants les manifestants, les immeubles et les toits. Planqués sous leur couverture, Bibi et Stan ne bougèrent pas. Un faisceau passa à deux ou trois reprises sur eux.

Tu as la cape de Frodon, c’est ça ? chuchota Stan en se marrant. Bibi s’en étouffa presque pour ne pas éclater de rire.

Related chapter

  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   6

    Santoro passa la journée complète à lui expliquer l’inconcevable, preuves et documentations à l’appui… sans jamais lui donner la clé pour tout comprendre.Il voulait d’abord qu’elle voie de quoi ces Déviants étaient capables avant de lui révéler comment ils le faisaient. Car s’il avait commencé par le comment, elle ne l’aurait tout simplement pas cru.Il passa la journée à lui montrer les faits. Il n’allait pas tarder à lui parler de la cause qui engendrait ces faits, on y arrivait, elle le sentait.Un bip annonça depuis l’horloge murale que 22 heures venaient de sonner. Depuis 14 heures, elle découvrait une facette du monde inimaginable, même en rêve… ou plutôt en cauchemars.Étrangement, un peu partout dans la salle, des affiches proclamaient en caractères gras impossibles à rater :N’oubliez pas : ne DORMEZ JAMAIS ici !Toute la j

    Dernière mise à jour : 2021-11-19
  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   7

    C’est un peu avant 23 heures que les choses prirent formes.Sur toutes les avenues sud, les casseurs et les manifestants s’en donnaient à cœur joie. Pavés, cocktails Molotov, grenades fumigènes, poubelles, abris-bus démontés et finalement tout ce qui pouvait voler volait dans tous les sens. Les CRS ne voyaient plus la couleur du ciel !Une voiture enflammée lancée à vive allure brisa leur ligne de défense et des dizaines de flics furent projetés dans les airs comme des pantins.Une grenade lancée depuis les manifestants explosa près d’un car et tous les flics qui se trouvaient dedans surgirent des portes en hurlant, salement blessés.Plusieurs coups de feu retentirent Boulevard Diderot. Une mitrailleuse tira plusieurs fois en l’air avant de faucher des dizaines de manifestants, dont des familles avec des enfants.Du côté de l’avenue de Taillebourg, la barriè

    Dernière mise à jour : 2021-11-19
  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   8

    Du néant plein de ténèbres, des cris monstrueux qui se mélangeaient les uns aux autres montaient jusqu’à lui. Il grimpait un gouffre abrupt à mains nues, terrifié par ce qu’il pressentait exister sous lui, loin en bas, ces présences invisibles qui puaient la mort, qui l’attendait. Il imaginait des monstres aux tentacules vertigineuses depuis la corniche où il venait d’échouer, épuisé, évitant une chute fatidique et sans avenir dans les profondeurs d’un monde affreux dont il ne voulait surtout pas voir à quoi il pouvait ressembler.En haut de la montagne, plus très loin, un feu brûlait, source d’un espoir bien faible que la vie existait encore.Et lorsqu’il fut à côté du feu, après un dernier effort pour fuir l’enfer, Stan comprit qu’il était allongé par terre, à deux ou trois mètres des flammes brûlantes.Ses doigts enserrés à leurs bases par des mitaines en laines pouilleuses, épaisses, trouées, étaient to

    Dernière mise à jour : 2021-11-19
  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   9

    Tout est vanité et poursuite du vent, et il n’y a aucun avantage à tirer de ce qu’on fait sous le soleil. (Ecclésiaste – la Bible)… un bandage épais qui recouvrait son crâne et son œil gauche.Sur le lit à côté de lui, le client du BibiBar qui n’avait pas disparu dans la lumière, menotté à des barreaux d’acier, continuait à le regarder en se marrant tout seul.Il n’avait plus que deux dents et quelques touffes de cheveux sur le ciboulot, comme si on lui avait tout arraché par poignées entières. Son cuir chevelu était tout ensanglanté. Les miliciens avaient dû le traîner à même le sol sur des dizaines de mètres par ses cheveux pour obtenir ce résultat spectaculaire !—Merde, qu’il dit ! J’sais pas ce que m’ont donné les docs, mais faut que j’leur demande. C’est la première satanée fois où j’vois un gars disparaître et – pouf de pouf – réapparaît

    Dernière mise à jour : 2021-11-19
  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   10

    Lorsque l’ennemi est uni, divisez-le ; et attaquez là où il n’est point préparé, en surgissant lorsqu’il ne vous attend point. Telles sont les clefs stratégiques de la victoire.(L’Art de la Guerre – Tsun Tzu)Ida Kalda se réveilla peu avant dix heures. Lorsqu’elle regarda sa montre, elle bondit de son lit avant de se rallonger un instant.Après sa journée d’hier et ses dix-huit heures de formation intensive par Santoro, elle avait bien le droit de rester cinq minutes de plus allongée.Et elle ne faisait que suivre les ordres de son supérieur qui, à deux heures du matin sur son palier et après lui avoir fait visiter son appartement lui avait dit, un doigt tendu vers elle :— Pas de réveil-matin pour demain. C’est un ordre.Toutes ses affaires personnelles étaient là, rangées, pliées, exactement comme si c’était el

    Dernière mise à jour : 2021-11-19
  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   11

    La loi n’a jamais rendu les hommes un brin plus justes, et par l’effet du respect qu’ils lui témoignent les gens les mieux intentionnés se font chaque jour les commis de l’injustice. (Thoreau)—Eh bien… commença Charmard en feuilletant ses notes.Il suait à grosses gouttes. Les feuilles dans ses mains tremblaient au rythme de son angoisse.—En premier lieu, je tiens à rappeler que nous avons affaire à un mineur…—Depuis la loi Protero promulguée en juin dernier, hurla le procureur qui ne se remettait pas de l’intransigeance du juge, tout mineur impliqué dans des actes pénaux est considéré comme majeur dès ses quatorze ans !—Demandez la parole, hurla à son tour le juge en tapant et tapant de son maillet, surp

    Dernière mise à jour : 2021-11-19
  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   12

    Le jet venait de passer la frontière Française. Chacun des cinq hommes – et femmes – de l’équipe, travaillait au succès de l’opération baptisée « Électron Libre », nom de code donné par le Bureau 09 à la capture du Recruteur. Ida Kalda, enfoncée dans son siège, observa son second installé en face d’elle. — Lieutenant Boorman, briefez-moi sur les trois autres. Elle indiqua d’un léger mouvement de tête les militaires installés au fond du jet, réunis autour de cartes et de plans qu’ils annotaient avec des feutres de différentes couleurs. Sur les sièges de l’autre rangée, leurs sacs militaires comprenaient une tonne de matériel de tout type et des armes allant du simple Glock au chargeur rallongé de 15 cartouches aux fusils d’assauts H&K a

    Dernière mise à jour : 2021-11-19
  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   13

    « Comme un chien qui retourne à son vomissement, le stupide réitère sa sottise » (Bible : Proverbes, 26-11)L’Hospice des Saints-Justes de l’Espérance se trouvait à plus de cinq heures de voyage, dans un trou paumé à côté de Fontainebleau. On y accédait par car à partir de la gare routière située devant la sortie du train aux banquettes pourries, lacérées à coups de cutter et jamais changées par la compagnie ferroviaire privée.L’hospice vieux d’un siècle et demi, venteux et démesuré comme on les faisait dans le temps, se trouvait au milieu des champs plats jusqu’à l’horizon, et n’accueillait que des patients sans ressources (les indigents, comme ils disaient dans leur jargon administratif).Cet hospice pour pauvres avait été le seul, vingt et un an plus tôt, à accepter son grand-père, qui commençait à perdre doucement la boule.Impossible de trouver plus proche, a moins d’avoir 200

    Dernière mise à jour : 2021-11-19

Latest chapter

  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   ÉEPILOGUE + REMERCIEMENTS

    Le Maître des Serpents – Jiingua, dans la langue de cette tribu d’Amazonie que l’occident n’avait pas encore découverte et qu’Abraham nommait les Amatrides –, s’approcha doucement du Boa emmêlé à la branche d’arbre.Il n’était qu’à cent mètres du village, pas plus.On entendait les enfants jouer et nager dans la rivière Iomitria, la rivière du Dieu Serpent. 400 kilomètres au sud, la rivière se noyait dans l’Amazone, mais aucun de ces indiens n’était jamais descendu jusque-là.Don Lapuana – peau blanche dans leur langue – n’était qu’à un mètre derrière Jiingua. Il plaçait chacun de ses pas dans ceux de l’Indien. Depuis deux ans qu’il était là, Don Lapuana avait appris leur dialecte et leur système d’écriture à base d’iconographies. Il avait trois femmes, une hutte, cinq enfants et on lui enseignait jour après jour la vie quotidienne de la tribu.Jiingua commença à incanter. C’était u

  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   77

    La punition due à celui qui s’égare, c’est de l’éclairer (Critias – Platon)La chambre forte était recouverte de plomb. De plaques de plomb épaisses d’au moins dix centimètres, scellées entre elles pour qu’aucune faille ni aucun trou ne puissent exister. Partout. Sur le sol, les murs, le plafond, la porte, partout.Les lumières arc-en-ciel se dispersèrent doucement, beaucoup plus lentement que d’habitude.Stan avait la bouche pâteuse. Il était complètement dans les choux, dans le flou, dans le vague. Cela n’avait rien d’un Transit habituel. C’était forcé.Théophile, en tenue militaire noire, des rangers reluisantes aux pieds qu’il avait dû cirer durant des heures jusqu’à pouvoir se mirer dedans, se tenait devant la porte, aussi sérieux qu’une peau de vache travaillée à la main par un tanneur trop vigoureux.Au niveau de son cœur, sur son

  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   76

    Stan s’éveilla doucement.Prisca, allongée, contre lui, dormait, son bras passé sur son torse. Ils étaient sur un matelas défoncé, dans une pièce sombre. Des planches clouées à la va-vite obstruaient les fenêtres. Des débris de sachets de bouffe gisaient partout par terre.Doucement, il se leva sans réveiller Prisca. Elle avait les yeux gonflés, elle avait dû pleurer beaucoup.A tâtons, il trouva une porte et l’ouvrit, encore un peu dans le coton. Tout le monde était là : Akihiro, Klauss, Tenebra, Oliver et Sorina. Ida etAntonio.Klauss vint le soutenir par l’épaule.—Ben mon gars, tu l’as joué super-héros sur ce coup-là. Ça va mieux ?—On est où ?—Ak

  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   75

    Le moteur du camion rugit dans l’aube naissante. Antonio avait bien sûr choisi de voler le camion sans remorque. Avec 660 chevaux sous le capot, un pare-buffle à écrabouiller un troupeau de mammouths en furie, un habitacle derrière les sièges pour vivre, dormir, manger, regarder la télé ou se connecter à Internet avec un ordinateur intégré à la tête du lit, un petit salon qu’on installait en faisant basculer des planches, un frigo, il était exactement ce qui leur fallait.Lentement, il roula vers le regroupement de Nefilims cernés par les non- vivants.Les fantômes qui avaient accompagné Antonio jusqu’à la cabine s’engouffrèrent dans le restaurant. Et personne n’en sortit. Ils dormaient tous.Les non-morts ne leur avait pas ôté la vie.Ils s’étaient contentés de leur donner du sommeil en surplus.Stan ressentit qu’il dormait tous, l’un de

  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   74

    Devant eux, à trente mètres, se tenait toute l’Entité. Plus de vingt personnes au total. Et une dizaine de mercenaires du Camp 3, armés jusqu’aux dents, qui les braquaient, à droite et à gauche.Les points de leurs lasers de visée se promenaient sur les torses ou les visages d’Antonio, d’Ida et de lui-même.Dans le genre foireux et foiré, son évasion venait de planter dans le mille.Derrière lui, à l’ouest, une toute petite partie du soleil apparaissait, mais les nuages restaient rouge sang, s’étalant en largeur sur toute l’horizon.Théophile se tenait en avant du groupe, cinq pas devant, dans sa tenue du Mat, une espèce de vagabond aux couleurs hétéroclites, un masque étrange enserrant ses joues et son crâne, lui déformant le visage – et on pouvait à peine le reconnaître – et il tenait un bâton rouge, rouge comme ses chaussures qui semblaient avoir servi depuis

  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   73

    L’Inconscient préside à l’accomplissement de toutes nos actions, quelles qu’elles soient. (E. Coué)—Si j’entre dans ma chambre, Annabelle va se réveiller et courir prévenir Théophile que je fais mes bagages.Stan, qui ferma son sac à dos d’un geste ferme après avoir mis tout ce qu’il fallait dedans, vint vers elle pour la rassurer.—On te trouvera des affaires propres en cours de route, c’est pas grave. Tu as ton petit carton avec la spirale ?Elle l’extirpa de la poche de sa chemise à carreaux. C’est d’une voix basse, tremblante et la tête baissée, qu’elle dit :—Tout le monde va nous prendre en chasse. Absolument tout le monde. On n’aura jamais nulle part où on sera sûrs d’être tranquilles. Il y aura toujours quelqu’un pour

  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   73

    —Il a vraiment dit ça ?Prisca, enroulée dans les draps de son lit double que Stan venait de quitter nu pour aller chercher de l’eau fraîche dans la bonbonne, fit oui de la main.Ils venaient de baiser pendant deux heures. Ils suaient et respiraient mal à cause de la chaleur. Les vitres fermées couvertes de buée entouraient leur couche.Comme convenu, Stan la trouva chez lui, à l’attendre dans son lit, après être parti de chez Théophile en claquant la porte, sous le regard incrédule des trois vétérans devant leur volaille qui grillait doucement au-dessus de leur feu de camp.Stan et Prisca n’avaient pas parlé, ils s’étaient juste jetés dessus comme deux amoureux pour qui le monde extérieur ne compte plus.—« Elle est à part et tu n’es qu’un errant ». Paf ! Dans ta

  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   71

    —Vous connaissez l’Homme aux Bottes. Il a fait partie de l’Entité. Vous l’avez formé comme vous me formez moi. Et tout comme moi, il a choisi la lame de l’Ermite. Et vous connaissez son vrai nom. Et un petit détail physique qui le rattache lui et moi. Soyez franc. Pour une fois. Ça changera !Théophile terminait de faire cuire les steaks pour des burgers-maison. Il avait déjà préparé les pains, les frites, le fromage, les sauces, les oignons, la salade, les concombres, les tomates tout en écoutant Stan, silencieux et concentré dans ses gestes.Devant le mobil-home rouge qu’il s’était attribué, juste à l’entrée du Camp 1, Klauss et Krishla la discrète (qui n’enlevait jamais ses lunettes noires, de jour comme de nuit) se préparaient à rôtir de la volaille au-dessus du feu.Ils surveillaient à la fois les entrées et les sorties du camp, clamaient l’exti

  • NEFILIMS, chroniques contemporaines: l'Entité   70

    Ils passèrent leur journée à errer dans la bourgade sans vie. De temps à autre, un poids lourd passait sur la route principale en laissant derrière lui un nuage de poussière et de sable qui mettait des heures à retomber.Prisca participa à une partie de Soft-Ball avec d’autres membres de l’Entité qui avaient dessiné dans le désert un terrain complet, pendant que Stan l’applaudissait et l’encourageait depuis le coin d’herbes où il avait posé ses fesses. Il aurait donné tout ce qu’il possédait – c’est-à-dire à peu près rien – pour jouer avec sa copine au lieu d’être là, la canne abandonnée dans l’herbe à côté de lui, les jambes en lambeaux.Ils errèrent dans le quartier des maisons. Toutes étaient fermées, à part celles de la famille Croop.Ils mangèrent des pancakes au beurre de cacahuète au bar. Ils s’embrassèrent longuement dans la charrette des Daltons.Ils mar

Scanner le code pour lire sur l'application
DMCA.com Protection Status