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Penulis: Fred Godefroy
last update Terakhir Diperbarui: 2021-11-19 16:05:30

Tous les hommes reconnaissent le droit à la révolution, c’est-à-dire le droit de refuser fidélité et allégeance au gouvernement et le droit de lui résister quand sa tyrannie ou son incapacité sont notoires ou intolérables. (Thoreau)

Bibi, assis sur un monceau de gravats d’un ex-immeuble de huit étages – où au rez-de-chaussée avait beuglé durant quarante-quatre ans, tous les matins, Claude Aziepienketof, sur le pas de sa boucherie, pour vanter sa super viande et la tendresse de ses morceaux de sa grosse voix de baryton (viande qu’il écrabouillait à coups de burin à l’aube, à l’abri des regards) – tapotait à une vitesse de malade sur sa tablette fabrication artisanale.

L’écran douze pouces illuminait son visage au milieu du rien du tout qui l’entourait.

Son système Linux optimisé à mort faisait sa fierté.

Sa maison, juste derrière, appartenait encore à un îlot de baraques de résistants, quatre au total. Mais fallait dire qu’ils n’étaient qu’à cent mètres de Nanterre Ville, ce qui aidait à vouloir rester coûte que coûte.

La mère de Bibi, aussi inquiète que la mère de Stan, observait son fiston par le rideau de la fenêtre de sa cuisine. Stan lui fit un petit bonjour de la main. Elle lui répondit d’un geste et ferma les volets, rassurée qu’ils se soient rejoints. Elle devait déjà composer le numéro de la mère de Stan pour lui dire que tout allait bien.

Les derniers habitants se claquemuraient, terrorisés par la faune du noman’s land.

Claude, le boucher, avait pris sa retraite dans une tour de Nanterre après avoir encaissé un chèque conséquent des promoteurs pour tout l’immeuble qu’il possédait, immeuble qu’on détruisit une semaine plus tard après avoir exproprié tout le monde de façon musclée.

Depuis que le boucher n’officiait plus, Stan et ses parents ne mangeaient plus de viande. Ça remontait à deux ans, maintenant. Au final, ça avait fait de Stan Kross un végétarien convaincu, un putain de vegan, comme disaient ses rares potes.

Lui trouvait ça cool, pas sa mère ni son père, habitués depuis l’aube des temps à leurs morceaux de barbaque quotidiens. Cahin-caha, leur fils les habituait progressivement aux steaks de soja, au tofu et à la soupe japonaise, qu’il allait chaparder dans les coops bio de la Défense et des alentours.

Fallait être franc, le souvenir des patates bien rosées dans du beurre en accompagnement de larges onglets à l’ail et à l’échalote cuits au vin rouge avait la vie dure dans les papilles gustatives de ses vieux qui n’arrivaient pas à se faire au végétarisme.

Stan avait traversé les huit cents mètres qui le séparaient de son ami sans encombres. De toute façon, tous les clodos du coin le connaissaient.

On le salua, on lui tapota l’épaule, on l’invita à venir bouffer un bon gueuleton, en l’occurrence un chien trapu qui rôtissait doucement.

Il déclina. La viande et lui, ça faisait deux maintenant.

Il croisa Chihouhua, un type qui ne faisait qu’un mètre cinquante et gagnait sa croûte en jonglant du côté de la tour Eiffel ; Malko, un gars de l’est qui ne parlait pas le Français et faisait les poches des Parigos dans le métro ; La Turlute (pas besoin de décrire comment il gagnait sa vie) ; Grigri-le-Serbe, John Tatoo, K**i le singe, Pat Nanterre toujours accompagné par son Bruno du Jura, l’ancêtre du coin qui faisait office de sage et de juge, et puis tous les autres. Ils étaient des centaines à vivre ici.

Les flics les laisseraient tranquilles jusqu’à ce que les douze fouteurs de merde qui refusaient de vendre se fassent expulser et qu’ils puissent enfin construire leur super centre commercial géant.

Sa mère l’ignorait, mais il arrivait à Stan de passer des journées entières avec eux à boire de la bière dégueulasse à soixante centimes le demi-litre, assis sur des canapés défoncés aux ressorts bien tranchants à en bondir de deux mètres ou des sièges de princes avec accoudoirs que tout le monde se disputait. Certains de ces pauvres gus avaient été chefs d’entreprise, d’autres contremaîtres, d’autres encore avaient bossé à la télé. En gros, ils en étaient tous arrivés là pour cinq choses : séparation, drogues, alcool, licenciement ou dépression. Pour la plupart, c’était les cinq d’un coup.

Il les adorait tous ces rejetons de la société, tous sans exception, même les plus dangereux comme Jack La Grimace, qui avait planté plusieurs types ou Fifi l’Entourloupe, recherché en France et en Allemagne pour meurtres. Ils étaient bien plus humains que ces robots qui s’entassaient à s’en étouffer dans des rames de métro matin et soir, à pleurer pour une augmentation d’un demi- pourcent tout en se faisant pourrir leur quotidien par des petits-chefs incompétents en attendant, comme si leur vie en dépendait, les grandes vacances où ils iraient s’entasser les uns sur les autres sur les mêmes plages que leurs collègues en se croyant libres et heureux.

Stan avait arrêté l’école depuis presque deux ans. Le jour de ses seize ans, pile-poil. Ses parents n’avaient pas bronché. De toute façon, avec deux redoublements et une moyenne générale de 6,35, c’était grillé. Et ce n’était plus un secret pour personne qu’avoir un bac + 5 ou être sans diplôme ne changeait rien au résultat : il n’y avait plus de boulot !

Pour aider au budget familial, Stan bossait à mi-temps dans une de ces entreprises qu’il détestait au plus haut point et contre laquelle il luttait quotidiennement : MacDo, en plein cœur du quartier des affaires.

Le bon côté des choses est qu’il volait burgers, frites, salades et chickens en grosse quantité pour les refiler à ses amis clodos, en rentrant chez lui. Les gars hurlaient, dansaient et applaudissaient comme s’il était Dieu en personne quand ils le voyaient arriver avec un gros sac poubelle sur son dos rempli de junk food.

Il leur donnait un coup de main, quoi !

Putain, ça bouge, mec ! beugla Bibi en voyant son meilleur ami enfin débarquer du néant des ruines que les mauvaises herbes commençaient à grignoter partout.

Explique.

Les premières gouttes commençaient à tomber doucement, glaciales et épaisses.

Deux cent mille personnes déjà, dit Bibi en levant les deux bras en signe de victoire. Vu ce qu’il y a dans le métro, c’est cent mille de plus dans moins de deux heures. Les schmidts semblent dépassés, ils ont fait une demande au préfet pour avoir l’aide de l’armée. Ils ont bloqué toutes les avenues de la place de la Nation, sauf deux. Douze mille keufs sont sur le coup. Ils en ont même fait remonter de Lyon et de Marseille. Ils sont en route.

C’est un piège les deux avenues de libres. Mais avec tout ce monde dans les deux camps, ça va être une hécatombe !

C’est bien pour ça que je te le dis, trou du cul. C’est toi le spécialiste de la guerre. File-moi ton portable.

Stan le lui donna. Bibi démonta la batterie et la carte SIM et le lui redonna démonté.

Allez, on fonce ! Pour André, mec !

Pour André, mec ! répondit Stan Kross en cognant son poing contre celui de Bibi, la gorge serrée.

Leur rituel à eux pour se souvenir de leur ami. Mort pour toujours.

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    —Vous connaissez l’Homme aux Bottes. Il a fait partie de l’Entité. Vous l’avez formé comme vous me formez moi. Et tout comme moi, il a choisi la lame de l’Ermite. Et vous connaissez son vrai nom. Et un petit détail physique qui le rattache lui et moi. Soyez franc. Pour une fois. Ça changera !Théophile terminait de faire cuire les steaks pour des burgers-maison. Il avait déjà préparé les pains, les frites, le fromage, les sauces, les oignons, la salade, les concombres, les tomates tout en écoutant Stan, silencieux et concentré dans ses gestes.Devant le mobil-home rouge qu’il s’était attribué, juste à l’entrée du Camp 1, Klauss et Krishla la discrète (qui n’enlevait jamais ses lunettes noires, de jour comme de nuit) se préparaient à rôtir de la volaille au-dessus du feu.Ils surveillaient à la fois les entrées et les sorties du camp, clamaient l’exti

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