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Chapitre 3

Author: Plume de Vent

Julien inclinait imperceptiblement la tête tandis que Gaston, l'air nonchalant et le sourire en biais, se retirait, laissant à ces deux amants — qui partageaient, dans un même lit, des songes dissociés — l'espace nécessaire à leur duel silencieux.

Aussitôt l'ombre de Gaston envolée, Julien a parcouru d'un regard acéré la tenue d'Élise, puis, le sourcil froncé, lui a lancé d'un ton glacial : « Pourquoi t'es habillée comme ça, Élise ? File te changer, on va dîner dans l'ancienne maison familiale ce soir. »

Élise savait pertinemment qu'à ses yeux, « dîner » rimait avec mise en scène, il fallait afficher un couple aimant sous le regard accusateur du foyer, tout ça pour ménager les parts qui se partageaient entre les mains de son vieux paternel.

Ironiquement, derrière cette façade de gentleman irréprochable, elle sentait en lui l'âme d'un mercenaire, froid et calculateur, plus à l'aise dans l'univers impitoyable des paillettes et des billets rapides.

Résignée à jouer le jeu jusqu'à la répartition des biens, Élise s'est retirée dans son bureau luxueux pour troquer sa robe contre un tailleur impeccable, puis a rejoint Julien dans l'ascenseur privé qui dévalait les étages, transformant cet espace clos en une scène de tension accumulée.

Jetant un œil à sa montre, Julien, d'un ton désinvolte, lâche sans ménagement : « Après avoir parlé avec Gaston, je te conseille de laisser tomber le divorce. Aujourd'hui c'est ton jour d'ovulation. Prépare-toi à la maison. Et si t'es pas chaude, je ferai vite. »

L'amertume d'Élise se lisait dans un sourire à peine esquissé. Même quand il parlait d'avoir un enfant, Julien restait froid comme une lame. Et elle avait enduré ça… pendant quatre ans. D'un ton glacé, elle a rétorqué : « Toujours les mêmes conneries… Tiens, je te balance la moitié du patrimoine, et je te laisse décanter. »

À peine sonnés les éclats de mécontentement de Julien que l'ascenseur s'est figé brutalement. La porte s'est ouverte lentement. Une jeune fille se tenait là, vêtue d'une robe blanche, l'air candide et fragile. Camille Blanchet, qui a pénétré l'habitacle en murmurant, les yeux baissés : « L'ascenseur pour les employés est en panne. Madame Courtois, est-ce que je peux emprunter le vôtre ? »

Trois personnes, mais un huis clos pour deux. D'un geste sec, Élise martelait les boutons d'ouverture et de fermeture de la porte, signifiant clairement qu'il était temps de se dégager.

Camille, visiblement embarrassée, laissait ses joues s'enflammer et se mordait la lèvre, espérant en silence une prise de compassion.

Mais Julien, avec une douceur à peine feutrée, se contenta de répondre : « Suis les consignes de Madame Courtois. »

Bouleversée, la jeune fille se repliait, son malaise palpable. Ce petit incident dégoûtait profondément Élise. Elle gardait le silence jusqu'à ce qu'au parking, tandis que Julien, en reclaquant sa ceinture, balbutiait sans conviction : « J'ai rien à voir avec elle, t'en fais pas. »

Avec une froideur imperturbable, Élise le narguait d'un sourire sépulcral : « Tu tiens à elle ? Julien, faudrait vraiment que tu passes à l'hosto pour un check-up… »

Julien croyait qu'elle parlait encore d'avoir un enfant. Il répondait machinalement : « Je vois pas… Tu parles de mon désir d'enfant ? »

Élise éclatait d'un rire sec : « Non, je veux dire… Va au service d'urologie et fais-toi un examen andrologique. »

La remarque, crue et cinglante, faisait éclater la fureur en Julien. D'un geste brusque, il arrachait sa ceinture et, sans ménagement, entraînait Élise sur ses genoux. Heureusement, sa Bentley était spacieuse. Il se laissait aller à ses pulsions débridées.

Le corps d'Élise heurtait violemment le volant, lui infligeant une douleur aiguë. Elle s'écriait, exaspérée : « T'es complètement timbré ! »

Pourtant, malgré sa sûreté habituelle, Julien, un homme froid et d'ordinaire si intouchable, laissait sa tête s'appuyer contre son épaule tout en multipliant des attouchements indécents.

Désespérée, Élise s'agrippait à sa chevelure noire avec une telle force qu'elle aurait pu lui laisser une calvitie. Finalement, Julien ralentissait.

Sous l'éclairage tamisé du garage souterrain, ses longs cils se posaient sur un visage à la fois lisse et séduisant, et dans un étrange mélange de tendresse et de passion, un frisson parcourait leurs regards.

Élise était prise de court. Mais peu après, dans un revirement inattendu, Julien caressait tendrement sa nuque et déposait sur ses lèvres un baiser fougueux, ponctué d'une morsure sauvage, mêlant leur sang dans une danse macabre.

« Madame Courtois, je suis propre, non ? » murmurait-il, entre deux souffles de plaisir effréné.

Indignée, Élise repoussait violemment son mari avant de se réinstaller sur le siège passager, remettant soigneusement son tailleur tout en dissimulant ses tremblements. Malgré l'excitation confuse qui la traversait, elle affichait un calme feint et déclarait d'une voix assurée : « T'inquiète pas. Je demanderai à ma secrétaire d'organiser un check-up complet. »

Julien, encore excité, a remis sa ceinture et a démarré. Au cours du trajet, son téléphone sonnait en rafales — une douzaine d'appels manqués qu'Élise supposait venir de Camille Blanchet.

Mais désormais, décidée à divorcer et à ne plus prendre le jeu au sérieux, elle ne s'attardait pas sur le sujet. Julien a tourné légèrement la tête pour la regarder.

Une demi-heure plus tard, la Bentley noire s'est glissée dans l'enceinte d'un vaste domaine familial. La voiture s'est immobilisée, Julien a consulté son téléphone et, d'un ton décroché, a annoncé : « Affaires de boulot. »

Élise, perdue dans ses pensées, n'a pas répondu. Au moment où Julien s'apprêtait à répliquer, un domestique de la famille Courtois a ouvert la portière avec un sourire grandiloquent : « Le vieux maître vous attend ! Toute la famille est à table. Le jeune maître Julien et la jeune maîtresse Élise. Allez, entrez vite. »

Fier et digne, Julien a hoché la tête avec réserve, a pris la main d'Élise pour jouer la carte d'un couple uni. Mais pour elle, ce geste n'était qu'une hypocrite parodie d'affection. Ils se sont installés autour de la grande table ronde.

Le vieux maître Courtois, figure d'autorité, avait deux fils — l'aîné, Jean Courtois et le cadet Yves Courtois, père de Julien.

L'atmosphère à table était électrique. Il semblait que le vieux maître était bien au fait de la liaison entre Julien et Camille. Il a réprimandé Julien à plusieurs reprises tout en soufflant à Élise des maximes creuses : reculer pour mieux avancer. Il a glissé avec insistance son désir farouche d'un arrière-petit-enfant.

Julien, d'un ton taquin, a alors lancé à Élise : « Ce soir, je vais tout déchirer pour Éli ! » Le vieux maître, feignant l'orage, s'est exclamé : « Quatre ans de mariage et t'arrives toujours pas à gérer ce truc ! »

Julien a éludé avec deux phrases bien rodées. Élise continuait de picorer son repas avec une indifférence glaciale, dissimulant à peine le secret de sa quasi-stérilité.

« Tout ça… pour Julien Courtois ! » pensait-elle.

Au même instant, le téléphone de Julien a sonné. Il a décroché, s'est avancé dans le vestibule et a entamé une conversation clairement personnelle.

Une assiette de bouillabaisse est venue se déposer dans le bol d'Élise, comme si l'ironie du destin voulait accentuer le grotesque du moment.

Le vieux maître, d'un ton lourd de sous-entendus, la regardait : « Les hommes, c'est comme les chats, ils succombent à la tentation, mais finissent toujours par se caser. »

Élise rétorquait en haussant les épaules : « Faudra attendre qu'il soit empaillé. » Un domestique, étouffant un rire, témoignait silencieusement de la scène.

Agacée, Élise avait quitté le banquet bien avant la fin pour retrouver la quiétude dans le jardin. Près d'une piscine, sous la lune froide, elle se laissait envahir par ses pensées troubles.

Une silhouette élancée avait émergé de l'ombre. Julien Courtois ? Non. Son cousin, Olivier Courtois, qui nourrissait depuis longtemps une rancœur contre elle, la tenant responsable des échecs face à l'infidélité de Julien.

Saisissant l'occasion d'en rajouter, il lui avait tendu une liasse de photos compromettantes, révélant sans détour l'intimité trouble entre Julien et la fameuse Camille. D'un sourire glacial, il lui avait lancé : « T'as capté ce qui s'est passé avec cette fille ? Son daron, Charles Blanchet, est un peintre renommé, et sa daronne… c'est du passé. Toi, Élise, t'es qu'une orpheline. T'imagines pouvoir rivaliser ? Fais gaffe, Julien va te bouffer sans ménagement. Franchement, faudrait peut-être que tu changes de camp… »

Après avoir parcouru les clichés d'un regard froid, Élise les avait jetés dans la poubelle comme de vulgaires ordures. Relevant la tête pour affronter ce cousin acariâtre, elle lui avait répondu d'une voix ferme et désinvolte : « Merci pour le tuyau, mais désolée, j'en ai rien à foutre. »

Olivier ricanait avec amertume : « On verra bien, le jour viendra où Julien te larguera pour de bon. » Un sourire en coin illuminait alors les lèvres d'Élise. Nul lien désormais ne la retenait à Julien ; une fois l'argent et les parts accaparés, il ne serait plus qu'un vague souvenir, balayé comme ces nuages éphémères dans un ciel d'orage.

Alors qu'elle se dirigeait vers le hall pour regagner la maison, Élise avait levé les yeux et aperçu Julien Courtois, immobile sous le corridor, tel un superbe figurant d'un tableau de jade. Son visage, baigné par une lumière tamisée, exhibait une noblesse et une beauté presque irréelles — la perfection qui, jadis, avait fait chavirer Élise dans un torrent de passion incontrôlable.

Mais aujourd'hui, ses prunelles, plus sombres que la nuit, se durcissaient en voyant Élise converser avec Olivier. Ce simple instant lui renvoyait un malaise, comme celui que Gaston Durand avait éprouvé en croisant Élise dans le café…

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