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Chapitre 7

Author: Plume de Vent
Au petit matin, Élise s'était réveillée en proie à un mal de tête lancinant.

Dès l'aube, les domestiques, toujours aux petits soins, s'étaient rués dans sa chambre et avaient déposé en trombe un comprimé sur sa table de nuit.

Après l'avoir englouti d'un trait, elle s'était aussitôt sentie renaître. Alors même qu'elle s'apprêtait à prendre son bain, elle avait entendu, dans l'encadrement de la porte, l'un des domestiques fulminer avec un franc-parler qui ne laissait aucun doute : « Le maître s'est encore fait avoir par cette foutue ensorceleuse dehors ! Hier soir, en revenant, il vous a croisée dans cet état-là et, sans plus attendre, il est reparti. »

Visiblement irrité, il avait baissé son ton : « Tenez, madame, le maître nous a même demandé d'envoyer la veste de Monsieur Durand au pressing. Au moins, il lui reste un brin de bon sens pour vous. »

Les domestiques, eux, prenaient ça pour de la prévenance. Mais, Élise avait compris aussitôt que Julien était revenu la veille, rongé par une jalousie maladive qui le transformait en paranoïaque. Blessée dans son orgueil, elle avait décidé de se reclure pendant deux jours afin de se recueillir, et elle avait profité de ce calme relatif pour aller voir sa grand-mère.

....

Le lundi, une véritable tempête s'était abattue sur le Groupe Garchon. Un projet d'envergure avait dérapé et toutes les preuves semblaient accuser la négligence d'Élise. Lors d'une assemblée tendue, les actionnaires avaient voté sa suspension de toute fonction.

Ce jour-là, Élise avait dû quitter le bureau de la vice-présidente, perché au trente-deuxième étage d'un immeuble de verre et d'acier.

Dans ce bureau inondé de lumière, Élise se tenait devant une vaste baie vitrée, observant la ville de Jing s'animer en contrebas. Soudain, Annie avait poussé la porte et, d'un ton véhément mais confiné par la discrétion, lui avait chuchoté : « Madame Courtois, c'est Camille Blanchet qui prend désormais les rênes du Projet Méga. »

Bien que la colère d'Annie eût débordé, Élise avait gardé une contenance impassible et s'était persuadée que Julien n'était plus rien pour elle. Les fastes, la fortune, le pouvoir… tout cela était devenu dérisoire. Elle s'était promis alors de s'extraire de cet univers avec dignité. Que Julien aimât Camille ou cherchât à se racheter, c'était son problème, pas le sien.

À l'instant même où elle se préparait à répondre, le téléphone de son bureau s'était mis à retentir. En s'en approchant, elle avait découvert que c'était le père de Julien qui l'invitait à le recevoir dans son bureau. Sans broncher, elle avait accepté.

L'après-midi, une voiture l'avait conduite dans les quartiers feutrés des bureaux d'Yves Courtois. Lui n'appartenait pas au Groupe Garchon, il dirigeait sa propre affaire, à la fois raffinée et calculatrice, tout en préparant l'ascension de son fils biologique.

Fin octobre, sous une fraîche journée caressée par une brise automnale embaumée par le parfum de l'osmanthus, Élise était descendue du véhicule. Aussitôt, une séduisante secrétaire, au sourire enjôleur et au langage légèrement familier, l'avait accueillie : « Bonjour, madame, et bienvenue. Monsieur Courtois vous attend dans le salon de thé. »

Guidée par cette dernière, Élise avait pénétré dans une pièce élégante. Au fur et à mesure que la porte coulissante s'était ouverte dans un bruissement feutré, la secrétaire avait annoncé avec une politesse maîtrisée : « Monsieur Courtois, Madame Charmaine est arrivée. »

Assis derrière sa tasse de thé fumante, Yves s'était retourné et, d'un ton doux mais assuré, lui avait lancé : « Ah, Éli, entre, viens prendre une tasse de thé avec ton père. »

Se débarrassant de ses chaussures, Élise avait pénétré dans le salon où prédominait un silence feutré. Yves, toujours à l'affût des dernières rumeurs du Groupe Garchon, s'était étalé avec admiration sur la lucidité et la maîtrise dont Élise faisait preuve.

Sa confiance semblait paradoxalement renforcer la position de Julien au sein de l'entreprise, même si, au fond, il était évident que parfois le talent demeurait une arme à double tranchant. Sur ce point, Yves et son fils partageaient la même méfiance, seul Julien agissait plus brutalement.

D'un ton affable, Yves l'avait complimentée : « Élise, je t'admire depuis toujours. Dis-moi, as-tu rencontré des soucis avec Julien dernièrement ? Si c'est à cause de cette Camille, il n'y a vraiment pas à s'en faire, ce n'est qu'une petite dernière, non ? »

Avec un sourire léger, Élise lui avait répondu : « Non, rien à signaler. »

Elle n'était pas stupide : aucun intérêt à étaler ses griefs chez les Courtois. Yves, quelque peu interloqué par son sang-froid, avait poursuivi après un bref instant de silence : « Le Projet Méga est en partenariat avec Monsieur Robert, et Olivier a un caractère bien trempé. J'ai bien peur qu'il ne vienne foutre le bordel dans le groupe s'il s'en mêle. »

Avec l'air tranquille, Élise avait répliqué : « Rassurez-vous, ce projet est officiellement repris par Mademoiselle Blanchet, mais c'est Julien qui tire réellement les ficelles. Olivier n'aura aucune chance de venir tout chambouler. »

Les propos d'Élise semblaient avoir déstabilisé Yves, qui avait tenté maladroitement de détendre l'atmosphère. Lorsque la rencontre avait touché à sa fin et qu'elle s'était dirigée vers la sortie, la secrétaire – toujours souriante, presque machinalement – l'avait raccompagnée jusqu'à la voiture.

Pendant cet instant fugace, Élise s'était demandé un instant où elle avait déjà vu ce visage.

De retour à son bureau, avant que la nuit ne tombe, elle avait trié méticuleusement ses dossiers. Certains avaient été confiés à ses collaborateurs, d'autres avaient été jetés sans ménagement. Pendant ce temps, Annie, furieuse, avait juré de se venger de Julien dès qu'une occasion se présenterait. Élise, quant à elle, avait laissé échapper un sourire impassible.

Soudain, on avait frappé à la porte. Julien était alors apparu, impeccable dans son costume, aussi séduisant qu'un mannequin d'un magazine de luxe. Après avoir sommairement fait évacuer Annie – qui marmonnait un « connard » dans sa barbe en quittant la pièce, il s'était avancé vers Élise, ses yeux profonds rivés sur elle.

Cette fois, plus rien n'était pareil. Julien avait enfin adouci sa voix : « Camille n'a jamais été notre problème. Élise, si tu le souhaites, je convoque une assemblée des actionnaires le mois prochain pour que tu reprennes ton poste chez le Groupe Garchon. »

D'un rire discret, teinté d'ironie, Élise avait laissé entendre que cette proposition relevait du grand n'importe quoi. Après tout ce qui s'était passé – la rupture, cette nuit d'hystérie et d'ivresse, Julien pensait qu'elle exagérait. Il se montrait magnanime, comme s'il avait toute l'infinie bienveillance d'un caprice de jeunesse dont elle lui devait reconnaissance. Mais désormais, ses promesses ne suscitaient plus le moindre attrait.

Comment pouvait-il croire qu'elle voulait encore sacrifier pour lui, vivre à ses côtés ? Rien qu'à penser à la tendresse qu'il réservait à Camille, elle avait l'impression d'avoir gâché sa jeunesse.

S'approchant avec précaution, Élise avait ajusté le col de sa chemise, ce geste familier qu'elle exécutait jadis lors des banquets où Julien comptait sur son concours. Julien s'était penché instinctivement à son tour, la proximité de leurs souffles rappelant les échos d'une passion incendiaire.

Leurs regards s'étaient croisés, et en un éclair, l'image de cette nuit-là enivrante avait refait surface – quatre ans de mariage et six ans d'un amour autrefois effervescent, il n'avait jamais vraiment regardé cette douceur du corps d'Élise.

Sa pomme d'Adam s'était soulevée, trahissant un trouble. Elle avait effleuré le tissu avec lenteur, avec douceur, comme un adieu. Six ans d'amour, quatre ans de mariage. Fin.

D'une voix douce et implacable, Élise avait déclaré en levant les yeux : « Ça suffit. Je ne reviendrai pas. »

Julien, pétrifié, était resté sans voix face à cette sentence. Elle l'avait contourné, avait alors pris un petit coffret dans sa main – un ultime symbole d'un passé désormais clos – et s'était dirigée vers la porte. Devant la porte, elle s'était arrêtée un instant, avait levé le menton et avait murmuré : « Julien, je pars. »

Le cœur de Julien s'était serré, conscient qu'un tournant irréversible se dessinait, sans vraiment pouvoir en saisir toute l'essence. Il était resté là, immobile, à la regarder s'éloigner. Élise avait atteint l'ascenseur. Elle avait disparu.

À cet instant, Julien n'avait pas encore compris qu'Élise venait de lui dire adieu. Elle quittait le Groupe Garchon, elle le quittait. Et elle ne reviendrait plus jamais.

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