Par une froide nuit d'automne, une berline exhalait avec une insolente chaleur les effluves d'un printemps révolu, tandis qu'Élise se laissait bercer par une atmosphère feutrée et énigmatique. À peine fermait-elle les yeux qu'elle s'imprégnait de la fraîcheur entêtante du tabac qui émanait de l'homme assis à côté d'elle.Ce même parfum de clope – à la Gaston, exactement comme celle qui flottait autour de Julien – faisait vaciller son présent, brouillant en un souffle incertain la mémoire et l'instant.Doucement, elle se tournait vers lui, saisissait sa main d'un geste presque irréel, et laissait échapper en murmurant : « Julien… » Comme si le temps se figeait, elle se trouvait happée par le labyrinthe d'un passé voilé, celui qu'elle partageait autrefois avec Julien.Gaston, quant à lui, restait silencieux, ses yeux perdus dans l'obscurité dense de la nuit, aussi épaisse que la soie humide d'une averse discrète. Habitué à des conquêtes éphémères, où tout se calculait en intérêts et c
Au petit matin, Élise s'était réveillée en proie à un mal de tête lancinant.Dès l'aube, les domestiques, toujours aux petits soins, s'étaient rués dans sa chambre et avaient déposé en trombe un comprimé sur sa table de nuit.Après l'avoir englouti d'un trait, elle s'était aussitôt sentie renaître. Alors même qu'elle s'apprêtait à prendre son bain, elle avait entendu, dans l'encadrement de la porte, l'un des domestiques fulminer avec un franc-parler qui ne laissait aucun doute : « Le maître s'est encore fait avoir par cette foutue ensorceleuse dehors ! Hier soir, en revenant, il vous a croisée dans cet état-là et, sans plus attendre, il est reparti. »Visiblement irrité, il avait baissé son ton : « Tenez, madame, le maître nous a même demandé d'envoyer la veste de Monsieur Durand au pressing. Au moins, il lui reste un brin de bon sens pour vous. »Les domestiques, eux, prenaient ça pour de la prévenance. Mais, Élise avait compris aussitôt que Julien était revenu la veille, rongé pa
Élise avait croisé Gaston dans le parking, où les lumières tamisées baignaient l'atmosphère d'une certaine intimité clandestine.Quand il l'avait vue, un léger étonnement avait traversé le visage de Gaston, immédiatement suivi d'une curiosité intense. Il lui avait fallu un bref instant pour rassembler ses pensées, puis il s'était avancé vers elle, son regard pénétrant croisant le sien d'une manière à la fois familière et pourtant nouvelle. « Tu quittes vraiment le Groupe Garchon ? » avait-il demandé, sa voix suave et pourtant pleine d'une certaine appréhension.Élise avait répondu par un faible « mhm », comme une note subtile jouée sur un piano désaccordé. « Oui, je m'apprête à partir », avait-elle dit, un sourire léger aux lèvres.D'un geste résolu mais gracieux, elle avait déposé la boîte qu'elle tenait à la main dans le coffre de sa voiture, refermant le hayon avec un sentiment de finalité, puis s'était tournée de nouveau vers Gaston, ses yeux brillants d'une lueur indéchiffrable
Ce bout de papier, chargé de mots qui scellaient un destin, hantait Julien. Il le relisait sans cesse, inlassablement, jusqu'à ce que ses yeux se ferment de fatigue. Soudain, une lumière s'était posée dans son esprit, il avait perçu enfin la douleur d'Élise, la profondeur de ses larmes.C'était alors qu'il avait compris pourquoi, cette nuit-là dans le parking, entre halètement et désespoir, Élise lui avait crié : « Julien, pourquoi tu ne me consacres même pas cinq minutes ? T'es vraiment encore le même Julien que je connaissais avant ? »La révélation était tombée comme un couperet, sa chère Élise ne pouvait plus concevoir d'enfant. Pourtant, il se répétait, en vain, qu'il n'aimait pas Élise. Mais comment nier que ces quatre années lui avaient coûté son roc, celle qui l'avait soutenu dans ses pires creux, et qui avait vu naître son ascension dans le pouvoir ?Lorsqu'ils s'étaient mariés, ils s'étaient juré deux horizons, deux enfants – Inès et Hugo – autant d'espoirs à bâtir ensembl
Julien exposait dans ses yeux une lueur indéniablement virile. Élise, quant à elle, s'était montrée franchement agacée ; elle n'avait aucune envie de croiser son chemin. Leur divorce était en pleine négociation chez l'avocat, et elle se jura de ne pas lui accorder une minute de plus.Elle voulut fermer la porte sur lui, mais Julien, vif et déterminé, la devança d'un pas assuré et se glissa à l'intérieur sans prévenir.À peine la porte refermée, brusquement, elle se retrouva captive dans ses bras. Julien la serra par la taille, l'attirant à lui avec une intensité presque déraisonnable, et l'embrassa dans un élan désespérément passionné.Élise se débattait, mais la vigueur de Julien l'emportait, et le couple vacillait pathétiquement vers le canapé.Ce canapé moelleux était alors devenu le théâtre où Julien laissait éclater sa fougue. Jamais il ne s'était montré si audacieux, mais sous les lumières crues et la présence ensorcelante d'Élise, il avait perdu pied. Ce n'était que lorsqu'i
Élise avait perçu que quelque chose clochait chez Julien. Il était évident qu'il venait de vivre une rupture comme un secret mal caché.Pourtant, elle savait qu'elle n'avait aucun droit de s'immiscer dans l'intimité de son futur ex-mari. Ce recul, c'était, à ses yeux, le signe d'une femme posée et sensée.Elle n'était pas arrivée à se détacher de lui, et se moquait éperdument de le voir fumer comme un pompier. Les cheveux trempés, elle les avait attachés en un chignon rapide avec une pince, avait glissé ses pieds dans des chaussons confortables et s'était échappée vers la cuisine, le terrain intime où elle retrouverait le simple plaisir d'un bol de nouilles nature.Élise, autrefois chef culinaire hors pair, avait été privée de cette passion lorsqu'elle avait épousé Julien. Maintenant qu'elle vivait en solo, elle reprenait goût aux plaisirs simples, se dorlotant avec des plats faits maison.Bientôt, un parfum envoûtant d'échalotes saisies avait empli l'air, enveloppé par la douceur
Au petit matin, le tout premier arroseur de la ville passait devant l'immeuble. Il diffusait une mélodie que tout le monde connaissait dans le quartier, mais qui avait une saveur particulière pour Élise : « Reconnais comme inconnus ».Les mots flottaient dans l'air frais de l'aube, et une lueur pâle s'infiltrait dans la chambre, faisant danser les rideaux avec une douceur presque irréelle. Mais Julien n'était plus là.La nuit dernière, il ne l'avait pas forcée. Pas de paroles agressives, pas de disputes, rien qui venait gâcher l'instant. Il s'était réveillé sans cesse et l'avait embrassée encore et encore...Des baisers fragiles, parfois hésitants, qui semblaient dire tout ce qu'il ne pouvait pas dire autrement. Élise sentait sa retenue, comme un désir retenu trop longtemps. Et pourtant, dans ce langage muet, elle croyait discerner quelques mots qu'il glissait entre deux souffles, « Éli, on recommence à zéro. »Ces quatre mots trottaient dans sa tête. Leur douceur lui donnait une i
Elle s'est demandé alors, en silence : « Combien d'amour fallait-il pour fermer les yeux sur tous ces ragots ? » Élise a détourné le regard, lasse, et s'apprêtait à s'éclipser quand une voix douce, presque timide, l'interpellait derrière elle : « Madame Courtois ! »Interloquée, Élise s'était retournée et était tombée sur un couple. Camille enlaçait Julien comme si elle cherchait à se réfugier dans ses bras. La jeune femme, le regard flamboyant, s'empressait de protester : « Madame Courtois, il n'y a rien entre Julien et moi ! J'ai pas été au mieux de ma forme, c'est tout… Il m'a juste soutenue. »Avant qu'Élise n'ait pu formuler la moindre réponse, une voix polie mais tranchante surgissait : « Vous êtes bien Madame Courtois, n'est-ce pas ? Camille et Julien se connaissent depuis toujours. Alors, s'il vous plaît, ne voyez rien de déplacé dans leur proximité… »Madame Blanchet s'avançait d'un pas, sa posture rigide et son regard froid. Élise, les sourcils légèrement froncés, interrog
Après le départ d'Élise, Julien s'est dirigé d'un pas lourd vers le toit de l'Immeuble Valdor. La nuit, glaciale et impitoyable, hurlait sous l'assaut d'un vent déchaîné. Les bourrasques fouettaient les visages et faisaient voler les manteaux sombres des deux hommes, donnant à leurs silhouettes l'allure menaçante de rapaces nocturnes s'apprêtant à fondre sur leur proie.Sous ce ciel d'un noir d'encre, Julien a allumé une cigarette d'un blanc immaculé. La flamme de son briquet vacillait sous le souffle du vent, mais il en a tiré une longue bouffée avec une détermination froide. Son visage mince se creusait encore davantage sous l'effort, ses pommettes saillaient durement, rendant ses traits à la fois inquiétants et fascinants.Silencieux d'abord, il a fumé la moitié de sa clope avant de planter son regard, aussi acéré qu'une lame, dans les yeux de Gaston. Sa voix, glaciale comme la nuit environnante, a fendu l'air : « Annule la coopération. Quant au divorce entre Élise et moi… Laisse
Élise savait pertinemment ce qui se tramait. Quand Julien avait mis cette proposition sur la table, elle n'avait pas dit un « non » catégorique. Sérieusement, qui refuserait une telle somme d'argent ? Mais de là à se jeter tête baissée…Élise n'était pas née de la dernière pluie. Le fric chez Julien, ce n'était jamais gratuit. Avec ce petit sourire en coin qu'elle maîtrisait à la perfection, elle s'est penchée légèrement vers lui et a osé : « Et qu'est-ce que tu attends en retour ? »Julien a soutenu son regard quelques secondes avant de lâcher brutalement : « Tu travailles sur le projet Méga… et tu couches avec moi. »Élise a cillé à peine. Pourtant, l'impact de cette phrase était bien réel. Elle a rétorqué d'une voix légèrement tremblante : « Julien, tu as perdu l'esprit ! »Mais lui, imperturbable, a haussé simplement les épaules avant de répondre, comme s'il discutait d'un contrat sans importance : « J'ai des besoins d'homme, Élise. »Un silence s'est installé. Elle n'a donné
Julien a entraîné Élise jusqu'à la suite de l'hôtel et a ouvert la lourde porte d'un geste vif. C'était la première fois qu'ils séjournaient dans un hôtel, où chaque détail respirait une opulence presque étrangère à leur quotidien.À l'intérieur, les lumières tamisées étaient éteintes, laissant l'obscurité envahir chaque recoin. Et dans cette pénombre étouffante, leurs sens semblaient s'être soudain aiguisés.Avant même qu'Élise n'ait eu le temps de reprendre son souffle, elle s'est retrouvée plaquée contre la porte, incapable de résister au baiser impérieux de Julien. L'odeur mêlée de tabac frais et d'après-rasage est devenue presque un étau invisible, s'insinuant en elle avec une intensité brutale. Étourdie par l'ardeur de cet échange, elle a chancelé, ses jambes tremblantes peinant à la maintenir debout.Ils ont trébuché maladroitement jusqu'au canapé. Julien, sans une once d'hésitation, a retiré son pardessus d'un geste sec et a glissé ses mains habiles sur les bas d'Élise, les
Ce jour-là, Gaston avait eu l'envie irrépressible de serrer une femme dans ses bras pour la toute première fois.— Pas par amour.Non. Il voulait simplement la réconforter, essuyer ses larmes, peut-être même effleurer ses lèvres rouges qui tremblaient, juste pour y mettre fin.Dans le silence, Gaston a murmuré à nouveau, sa voix calme : « Pourquoi veux-tu divorcer ? »Près de la porte, Julien s'est retourné avec Élise à ses côtés. Son regard, glacé comme une lame, a fusillé son ancien ami.Quand sa voix tranchante a résonné, elle semblait pouvoir découper le silence en morceaux : « Gaston, tu sais vraiment ce que tu fais ? Si t'es perdu dans ta tête, tu ferais mieux d'aller à l'hôpital, histoire de te remettre les ides en place. »Gaston s'est levé lentement, méthodiquement. Il a planté ses yeux dans ceux de Julien, pas une trace d'hésitation : « Je suis parfaitement lucide... Je l'ai toujours été. Et toi, t'es lucide, Jules ? Parce que, si c'est le cas, tu devrais savoir qu'Élise
Dans un coin tamisé de la pièce, Julien a écrasé nonchalamment le reste de sa cigarette dans un cendrier de cristal. Une élégance rare émanait de son profil acéré, sublimée par ses doigts longs et précis qui réalisaient ce geste banal avec une grâce presque déroutante.Il s'est redressé avec assurance, et d'un pas calculé, est allé vers Élise. Sa silhouette imposante projetait une ombre longue dans la lumière diffuse. Arrivé à hauteur de la jeune femme, il a posé sa main sur son épaule, le geste teinté d'une douceur feinte : « Élise, on rentre. »Le salon privé, jusque-là animé d'une insouciance mondaine, est tombé dans un silence pesant. Personne n'avait anticipé ce brusque élan de possessivité. Julien, homme réputé pour son détachement envers Élise, venait soudain de briser les codes tacites de leur cercle. N'était-il pas censé être indifférent à Élise ?Gaston, avec sa légèreté habituelle, n'avait pourtant fait qu'une plaisanterie à demi-mot. Rien qui justifierait l'attitude glac
Julien s'est réfugié dans le salon privé, adossé au canapé dans un recoin sombre. Vêtu tout de noir, il semblait se fondre à l'obscurité qui l'enveloppait.Pourtant, même dans ce cadre quasi spectral, il émanait de lui une aura étonnamment noble, presque irréelle, comme s'il appartenait à un autre univers, bien éloigné du vacarme ambiant.Ses yeux, insondables et pleins de mystère, se fixèrent sur Élise, qui venait de franchir la porte avec une grâce désarmante.Élise portait une robe en soie gris-bleu, légère et vaporeuse. Une fine ceinture dessinait sa taille avec subtilité, tandis qu'un long collier de nacre blanche se déposait sur sa poitrine comme une vague délicate.À ses oreilles, de discrètes pampilles en diamant se balançaient au rythme de ses mouvements, captant la lumière et les regards. Elle était tout simplement étincelante. Son sac à main et sa montre parfaitement assortis ajoutaient une touche raffinée à cette image presque irréelle.Mais plus que son allure, c'étai
Une semaine plus tard, Élise a finalement décroché la devanture qu'elle convoitait tant. Avec un emplacement rêvé et un loyer plutôt raisonnable dans un contexte économique morose, elle a saisi l'opportunité sans hésiter.En quelques signatures bien alignées sur le bail de cinq ans et une liasse de chèques remis, c'était fait. Le propriétaire, rayonnant d'avoir sécurisé un locataire fiable, paraissait soulagé de ce coup de chance.Cependant, une « urgence » imprévue l'a amené à partir précipitamment, marmonnant quelques excuses au passage. Élise est alors restée seule, son café tiédissait devant elle, comme souvent. Elle avait pris l'habitude de laisser ses pensées vagabonder en ces moments de calme, le regard perdu dans les nervures de la table.Soudain, une voix claire et pétillante l'a fait sursauter : « Élise ! »Surprise, elle a levé les yeux. Là, devant elle, se tenait Jade Durand, la jeune sœur de Gaston. Jade, fraîchement sortie des amphis de l'université, affichait cet ent
Élise est rentrée de l'hôpital, et Julien, comme une ombre, l'a suivie jusqu'à son immeuble. Elle a garé sa petite voiture à côté du grand platane, sa ramure imposante projetant des ombres capricieuses sous la lumière blafarde du soir. Mais lui, il était déjà là, adossé à sa berline sombre.Lorsqu'elle est sortie du véhicule, il s'est approché d'un pas décidé et lui a barré le chemin : « Faut qu'on parle », a-t-il annoncé d'une voix grave, son regard planté dans le sien, presque suppliant.Élise a esquissé une moue, a contourné ses épaules sans hésitation et s'est dirigée vers l'entrée de l'ascenseur, son sac à la main.« Julien, sérieusement... y'a rien à dire. On se verra au tribunal », a-t-elle lancé sèchement, à peine en tournant la tête.Il l'a suivie. Jusqu'à son étage, il a insisté. Mais une fois derrière la porte de son appartement, elle lui a claqué l'accès au nez sans une concession. Lâchant un soupir tremblé, Élise s'est adossée contre le battant, son cœur battant à tout
Élise n'avait absolument pas envie de se retrouver nez à nez avec lui. Faisant mine d'avoir un besoin urgent, elle se réfugia dans les toilettes. Appuyée contre le mur, elle espérait de tout cœur que Julien finirait par se lasser et repartir seul.Après une dizaine de minutes, la porte grinçait, laissant passer un filet de lumière blafarde. Puis Julien entrait, glissant doucement à l'intérieur.Dans la pénombre presque silencieuse, ils se retrouvaient seuls, liés pourtant par le mariage. Élise maintenait la tête baissée, refusant tout échange de regards. Julien avançait vers elle, son imposante stature semblant la cerner.Il tendait doucement la main et effleurait sa joue, sa voix grave et tendre résonnant : « Ça te fait encore mal ? »Élise tournait aussitôt la tête. Elle exécrait ce contact et ne s'en cachait pas. Julien, toutefois, n'était pas du genre à céder si facilement. Il se rapprochait, s'interposant entre ses jambes, lui pinçant le menton d'une main tout en caressant sa