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Chapitre 4 – Les Premiers Feux de la Tempête

Auteur: Déesse
last update Dernière mise à jour: 2025-02-17 21:11:34

Gabriel de Montreuil

La nuit était lourde, presque suffocante, tandis que je regagnais Bellefontaine. Chaque pas résonnait dans l'air tiède comme un avertissement silencieux. Je savais que je venais de commettre une erreur—non pas d’avoir parlé, mais d’avoir laissé transparaître ce que je ressentais réellement.

Le regard de Charles Beauregard me hantait encore. Cet homme n’était pas un simple propriétaire de plantation. Il était un pilier du système esclavagiste, un homme dont les mains étaient couvertes du sang de ceux qu’il considérait comme des « biens ». En le provoquant, je ne m’étais pas seulement attiré des soupçons : je venais de signer mon entrée dans un jeu dangereux.

Lorsqu’enfin j’arrivai au manoir, je trouvai mon père debout sur le perron, une lampe à huile à la main.

— « Tu étais au village. »

Ce n’était pas une question, mais une accusation.

Je retins un soupir.

— « J’avais besoin de réfléchir. »

Auguste de Montreuil m’observa un instant, ses traits figés dans une expression indéchiffrable.

— « Charles Beauregard m’a envoyé un message. »

Je croisai les bras.

— « Bien sûr qu’il l’a fait. »

Mon père s’approcha lentement, son ombre dansante sous la lueur de la lampe.

— « Qu’est-ce qui ne va pas chez toi, Gabriel ? Tu es parti en France avec tout l’avenir devant toi. Tu aurais pu faire de Bellefontaine la plantation la plus puissante de la Louisiane. Mais au lieu de ça, tu reviens avec des idées absurdes, et tu joues avec le feu. »

Je serrai les poings.

— « Peut-être que ce feu mérite d’être allumé. »

Mon père secoua la tête, un mélange de colère et de résignation dans les yeux.

— « Tu es un Montreuil. Que tu le veuilles ou non. Et ici, on ne brise pas l’ordre des choses impunément. Tu crois pouvoir défier des hommes comme Beauregard ? Tu crois que tu peux sauver ces gens ? »

J’ouvris la bouche, prêt à répliquer, mais il me coupa.

— « Ils ne veulent pas être sauvés. »

Un silence s’abattit entre nous, plus lourd que jamais.

Je savais que c’était un mensonge. Je l’avais vu dans les regards, dans les murmures échangés quand les contremaîtres tournaient le dos. Mais mon père refusait d’admettre cette réalité, car cela signifierait remettre en question tout ce qu’il avait bâti.

Finalement, Auguste recula.

— « Demain, tu accompagneras les contremaîtres dans les champs. Tu observeras, et tu comprendras pourquoi nous faisons ce que nous faisons. Il est temps que tu assumes ton rôle. »

Puis, sans attendre de réponse, il tourna les talons et disparut dans l’obscurité du manoir.

☾☾☾

La nuit fut agitée, hantée par un mélange de colère et d’incertitude. Je ne voulais pas être un Montreuil comme mon père l’entendait, mais je ne savais pas encore comment être autre chose.

Au lever du jour, je m’habillai sobrement et rejoignis les contremaîtres. Un groupe d’hommes attendait déjà, certains à cheval, d’autres à pied. Leur chef, un certain Carter, me jaugea avec une moue sceptique.

— « Le fils Montreuil veut voir comment ça se passe ? Eh bien, vous allez être servi. »

Nous nous mîmes en route, longeant les vastes champs de canne à sucre où les esclaves travaillaient en silence. La chaleur était déjà écrasante, et chaque coup de faucille résonnait comme un battement de tambour.

Carter me montra plusieurs groupes, expliquant d’un ton détaché les punitions pour ceux qui ralentissaient, les méthodes pour « maintenir la discipline ». J’écoutais, mais chaque mot me révoltait un peu plus.

Puis nous arrivâmes devant une scène qui me glaça.

Un jeune garçon, à peine quinze ans, était agenouillé sur le sol, les poignets liés par une corde. Un contremaître se tenait au-dessus de lui, un fouet enroulé autour du poignet.

— « Il a été surpris en train de voler du sucre. » expliqua Carter. « On doit lui apprendre la leçon. »

Je sentis mon souffle se bloquer dans ma poitrine.

— « C’est un enfant. »

— « C’est un esclave. Et un voleur. Vous ne voulez pas que les autres pensent qu’ils peuvent faire pareil, n’est-ce pas ? »

Le contremaître leva le bras.

Je réagis sans réfléchir. Je me précipitai en avant et attrapai le poignet de l’homme avant que le fouet ne s’abatte.

Un silence choqué s’abattit sur l’assemblée.

Carter, d’abord figé, éclata ensuite de rire.

— « Vous plaisantez, n’est-ce pas ? Vous ne pouvez pas être sérieux. »

Mais j’étais sérieux. Mon regard était brûlant de colère.

— « Il ne sera pas puni. Laissez-le partir. »

Le contremaître hésita, jetant un regard à Carter, qui haussa les épaules.

— « Faites comme il dit. Mais vous venez de faire une erreur, Montreuil. »

Je regardai le garçon se relever, ses yeux écarquillés de peur et d’incompréhension. Puis il disparut entre les autres esclaves, courant se cacher parmi les siens.

Je savais que je venais de franchir un point de non-retour.

☾☾☾

Le soir, alors que j’errais à nouveau près des cabanes, je trouvai Aïda en train de ramasser du bois sec.

Lorsqu’elle me vit, elle s’arrêta, plissant les yeux.

— « On raconte que vous avez arrêté une punition aujourd’hui. »

Je hochai lentement la tête.

— « Oui. »

Elle me fixa longuement, comme si elle cherchait à comprendre ce qui se passait dans mon esprit.

— « Vous êtes fou. »

— « Peut-être. »

Elle soupira, secouant la tête, mais je crus voir une ombre d’admiration dans ses yeux.

— « Vous savez ce que ça signifie, n’est-ce pas ? On vous surveille déjà. »

— « Je sais. »

— « Et pourtant, vous continuez ? »

Je m’approchai lentement d’elle.

— « Parce que je refuse de détourner les yeux. Parce que je refuse d’être comme mon père. »

Un silence s’étira entre nous.

Puis Aïda prit une inspiration et murmura :

— « Alors soyez prêt. Parce que ce monde ne laisse pas de place aux hommes comme vous. »

Elle tourna les talons et s’éloigna dans la nuit.

Je restai immobile un long moment.

Je savais qu’elle avait raison.

Mais je savais aussi qu’il était trop tard pour reculer.

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