Gabriel de Montreuil
La nuit était lourde, chargée d’électricité. L’air sentait la terre humide et la cendre, comme si la tempête approchait déjà.
Je fixai le couteau que Samuel m’avait tendu. Son poids était dérisoire dans ma main, mais sa signification pesait des tonnes.
— « Il ne s’agit pas de tuer, » murmura Samuel. « Mais il faut être prêt à se défendre. »
Je levai les yeux vers le groupe. Des visages tendus, inquiets, mais résolus. Aïda me scrutait, cherchant à lire ma réaction.
— « Alors nous frappons les premiers, » déclarai-je.
Un murmure parcourut l’assemblée.
☾☾☾
Cette nuit-là, nous n’attendîmes pas.
Par petits groupes, nous nous glissâmes entre les cabanes, avançant vers l’entrepôt où étaient stockées les armes des contremaîtres.
Le plan était simple :
1. Neutraliser le garde.
2. Prendre les fusils et les munitions.
3. Saboter les chevaux et les charrettes pour empêcher une poursuite immédiate.
Si nous réussissions, Bellefontaine ne serait plus sous contrôle au lever du soleil.
Je progressais aux côtés d’Aïda, mon souffle court, mon cœur battant à tout rompre. Samuel et deux autres hommes s’étaient déjà postés près de la remise.
Le garde était là, somnolent sur une caisse.
— « Laisse-moi faire, » souffla Aïda.
Elle s’approcha avec une aisance silencieuse, et avant que l’homme ne puisse réagir, elle le frappa violemment à la nuque avec un morceau de bois. Il s’effondra sans un bruit.
— « C’est bon, » murmura-t-elle.
Samuel fit sauter le loquet de l’entrepôt. L’odeur d’huile et de poudre noire nous envahit.
Aïda alluma une lanterne, révélant plusieurs fusils accrochés au mur, des caisses de balles et des outils.
— « Prenez tout ce que vous pouvez, » ordonnai-je.
Nous nous mîmes à charger des sacs, nos mains tremblant sous l’adrénaline.
Puis un cri retentit à l’extérieur.
— « Hé ! Vous, là-bas ! »
Carter.
Je me retournai juste à temps pour voir plusieurs contremaîtres se précipiter vers nous.
— « Courez ! »
☾☾☾
Le chaos éclata.
Aïda attrapa un fusil et tira un coup de semonce en l’air, semant la panique chez nos assaillants.
Samuel et moi traînâmes les sacs à travers le champ de canne à sucre, plongeant sous les hautes tiges tandis que des balles sifflaient autour de nous.
— « S’ils nous rattrapent, on est morts ! » lança Samuel.
Un des nôtres s’écroula derrière moi, touché à la jambe. Je fis demi-tour sans réfléchir.
— « Gabriel ! » cria Aïda.
Mais je l’ignorai.
J’attrapai l’homme blessé et le jetai sur mon épaule, forçant mes muscles à supporter le poids.
— « Continuez ! »
Les contremaîtres hurlaient derrière nous. Carter menait la charge, une torche en main.
— « Rattrapez-les ! »
☾☾☾
Nous atteignîmes la rivière.
— « À l’eau ! » ordonna Samuel.
Sans hésiter, nous plongeâmes, laissant les sacs flotter à nos côtés.
L’eau glacée me coupa le souffle.
Derrière nous, Carter et ses hommes s’arrêtèrent au bord, hésitants.
— « Ils ne nous suivront pas, » murmura Aïda.
Nous nageâmes jusqu’à l’autre rive, épuisés mais vivants.
En nous hissant sur la berge, je me retournai.
Bellefontaine brillait dans la nuit, des torches illuminant la plantation comme un avertissement.
Nous avions réussi… pour cette fois.
Mais je savais qu’ils reviendraient.
Et la prochaine fois, il n’y aurait plus de fuite.
La guerre venait de commencer.
Gabriel de Montreuil
L’aube peinait à percer l’épaisse brume qui recouvrait la rive. Nos corps ruisselaient encore de l’eau glacée de la rivière, et l’adrénaline de la fuite laissait place à une fatigue écrasante.
Je me redressai lentement, scrutant les visages autour de moi. Samuel, Aïda, les autres… Nous étions une quinzaine, haletants, mais tous vivants.
— « Et maintenant ? » demanda une voix tremblante.
Samuel posa un sac de munitions à terre et se tourna vers moi.
— « Maintenant, on se prépare. Ils vont riposter. »
Je hochai la tête.
— « Carter ne laissera pas passer ça. Mon père non plus. Ils vont traquer les fuyards. »
Aïda croisa les bras.
— « Alors frappons avant qu’ils ne le fassent. »
La Chasse Commence
Nous n’avions pas le choix.
Les contremaîtres n’allaient pas simplement nous laisser fuir. Dès qu’ils retrouveraient nos traces, ils sillonneraient la région pour nous traquer.
Nous nous réfugiâmes dans un ancien campement de bûcherons, abandonné depuis des années. Une cabane branlante offrait un semblant d’abri.
Les heures passèrent dans un silence pesant, chacun récupérant des forces comme il pouvait.
Mais alors que le soleil atteignait son zénith, un éclaireur revint au pas de course.
— « Ils sont sur nous ! »
Mon cœur manqua un battement.
Samuel bondit sur ses pieds.
— « Combien ? »
— « Une dizaine. Des hommes armés. Carter en tête. Ils ont des chiens. »
Un frisson parcourut notre groupe.
— « On doit partir, » souffla quelqu’un.
Je secouai la tête.
— « Si nous fuyons encore, ils nous traqueront jusqu’au bout du monde. »
— « Alors quoi ? » lança Aïda. « On les affronte ? »
Je la regardai.
Elle connaissait déjà ma réponse.
Le Premier Affrontement
Nous nous dispersâmes, utilisant la végétation dense pour nous dissimuler.
J’étais caché derrière un arbre, mon fusil chargé, mes muscles tendus.
Le bruit des chiens et des voix se rapprochait.
Puis je le vis.
Carter avançait en tête, son fouet à
la ceinture, le regard scrutant les alentours.
Il ne nous voyait pas encore.
J’ajustai mon arme, le doigt sur la détente.
Samuel, caché non loin, fit un signe.
C’était le moment.
Gabriel de MontreuilJe pris une grande inspiration et appuyai sur la gâchette.Le coup partit avec un fracas assourdissant.Le cheval de Carter se cabra violemment. L’animal hennit, désarçonnant son cavalier.— « À couvert ! » hurla un contremaître.Le chaos éclata.Des balles fusèrent dans tous les sens.Aïda surgit d’un buisson et lança une pierre sur un des hommes, lui fracassant le crâne.Samuel fonça sur un autre, le projetant au sol dans une lutte acharnée.Je rechargeai rapidement, me décalant derrière un tronc pour éviter un tir.Carter se releva, une rage pure dans les yeux.— « Montreuil ! » hurla-t-il.Je pivotai juste à temps pour voir son poing filer vers mon visage.L’impact me projeta en arrière, ma tête heurtant le sol violemment.Le monde vacilla.Je vis Carter lever son fouet, prêt à l’abattre sur moi.Un coup de feu retentit.Carter s’effondra, son bras ensanglanté.Aïda, le fusil encore fumant, se tenait là, le souffle court.Elle me tendit la main.— « Debout, Ga
Gabriel de MontreuilL’odeur de fumée imprégnait encore l’air lorsque nous quittâmes Bellefontaine.La plantation n’était plus qu’un champ de ruines calcinées. Le feu avait tout dévoré : les champs, les entrepôts, et même une partie du manoir. Seule la structure principale avait tenu bon, mais elle était noircie, mutilée, vidée de sa splendeur d’autrefois.Mon père n’avait pas reparu depuis la veille. Il n’était ni mort ni captif, et quelque part, cela m’inquiétait plus que s’il avait péri dans l’incendie.Le combat était gagné, mais la guerre ne faisait que commencer.L’ExodeNous étions une trentaine maintenant. Certains esclaves libérés avaient décidé de partir vers le nord, mais d’autres nous suivaient, cherchant un refuge, une cause.Nous ne pouvions pas rester là.Samuel et Aïda marchaient à mes côtés tandis que nous nous enfoncions dans le bayou. La végétation humide nous enveloppait, et les moustiques nous assaillaient sans relâche.— « On ne peut pas juste errer dans les mara
Gabriel de MontreuilL’aube peignait le ciel de rouge et d’or lorsque nous prîmes position.Dans le silence du matin, seuls les bruissements du bayou nous accompagnaient. Un vent tiède soulevait la brume au-dessus des eaux stagnantes, et les oiseaux, comme s’ils pressentaient l’orage, s’étaient tus.Je me tenais sur le rempart à demi effondré du vieux fort, mon fusil à la main, scrutant l’horizon.Ils arrivaient.À travers la brume, une colonne de cavaliers se dessinait lentement, avançant avec la certitude des chasseurs ayant déjà acculé leur proie.Carter menait la charge, le visage dur, les yeux plissés par la détermination. À sa droite, un homme portait le drapeau du régiment de la milice locale. Et derrière eux, une vingtaine de soldats, montés, armés, prêts à écraser la rébellion que nous étions devenus.— « Ils sont plus nombreux qu’on ne pensait… » murmura Samuel à mes côtés.— « Ils le sont toujours, » répondit Aïda.J’expirai lentement, resserrant ma prise sur mon fusil.Il
Gabriel de MontreuilLe silence après la bataille était presque aussi oppressant que le combat lui-même.Autour de moi, la fumée flottait encore dans l’air du matin, teintée d’odeurs de poudre et de sang. Les cadavres gisaient sur le sol, visages figés dans la peur ou la douleur. Certains des nôtres pleuraient les leurs, d’autres fouillaient les corps ennemis à la recherche d’armes ou de provisions.Samuel passa une main sur son visage en sueur, son regard sombre balayait le carnage.— « Ils vont revenir. Avec plus d’hommes, plus de fusils. »Aïda, debout près de la palissade en partie effondrée, hocha lentement la tête.— « On a gagné cette fois, mais la Louisiane entière va apprendre ce qui s’est passé ici. Ils ne laisseront pas passer ça. »Je le savais déjà.Carter mort, la milice locale humiliée, nous venions de déclencher quelque chose qui nous dépassait. Nous n’étions plus seulement des esclaves en fuite. Nous étions une révolte. Une menace.Et ils allaient faire tout leur poss
Gabriel de MontreuilLa nuit était plus noire que l’encre lorsqu’ils nous retrouvèrent.Nous avions quitté le fort depuis trois jours, avançant sans relâche à travers le bayou. La boue, l’eau stagnante et les insectes nous ralentissaient, mais l’instinct de survie nous poussait à continuer.Nous ne laissions que peu de traces. Les anciens esclaves connaissaient la forêt mieux que n’importe quel soldat. Pourtant, ce n’était pas suffisant.Le silence de la nuit fut brisé par le hurlement d’un chien.Puis un autre.Mon cœur se serra.Aïda, qui marchait à mes côtés, se figea.— « Ils sont là. »Samuel, boitant légèrement à cause de sa blessure, jura entre ses dents.— « Combien de temps avant qu’ils nous tombent dessus ? »Un nouveau hurlement résonna, plus proche.— « Une heure, peut-être moins, » soufflai-je.Nous étions cernés par la nature hostile, mais nous connaissions le terrain. Si nous restions unis, si nous frappions au bon moment, nous avions une chance.Je me tournai vers les
Gabriel de MontreuilJe m’assis en face d’elle, le regard perdu.Nous avions survécu.Mais à quel prix ?Le combat ne faisait que commencer.Et la Louisiane allait brûler.La pluie tombait en rideau serré sur le bayou. L’odeur de terre humide et de végétation pourrissante emplissait l’air tandis que nous avancions dans l’obscurité. Nous avions fui toute la nuit, naviguant à travers les eaux noires, glissant entre les cyprès aux racines tortueuses. Chaque mouvement était un défi. Chaque bruit nous faisait tressaillir.Derrière nous, Bellefontaine et ses chaînes. Devant nous, un avenir incertain.Aïda était silencieuse. Assise à la proue d’un canot, elle scrutait les ombres du marais. Malgré la fatigue, son regard restait vif, prêt à capter le moindre signe de danger.— « On est bientôt arrivés, » murmura Samuel en pagayant à mes côtés.Il indiqua un îlot à peine visible entre les arbres. Là-bas, sous un couvert de feuillage, un groupe nous attendait.Des visages émergèrent de l’obscuri
Gabriel de MontreuilLe silence du bayou était trompeur. Cachés sous les feuillages denses, nous écoutions les bruits qui montaient du sentier. Des sabots frappant la terre humide. Des voix basses échangées entre hommes. Le cliquetis des mousquets chargés.Beauregard n’avait pas perdu de temps. Moins de vingt-quatre heures après notre attaque, il envoyait ses chasseurs pour traquer les marrons et venger son honneur. Mais nous ne serions pas des proies faciles.— « Ils sont au moins vingt, » murmura Samuel à mes côtés.Aïda, perchée sur une branche basse, tendit l’oreille.— « Ils ne savent pas exactement où nous sommes, mais ils fouillent méthodiquement. »M’bala, accroupi dans l’ombre, serra le manche de son coutelas.— « Alors nous allons leur apprendre que le bayou n’appartient pas aux esclavagistes. »Il fit un signe et les ombres se mirent en mouvement.La traque allait commencer.☾☾☾Les Ombres du BayouLes chasseurs progressaient lentement, leurs fusils pointés devant eux. Ils
Gabriel de MontreuilLe vent portait encore l’odeur du sang et des cendres quand nous avons quitté Bellefontaine. Derrière nous, la plantation continuait de brûler, dévorée par les flammes comme un symbole d’un monde en train de s’effondrer.Mais ce n’était pas fini.Les esclavagistes ne resteraient pas inactifs. Nous avions frappé fort, mais la riposte viendrait. Et cette fois, ce ne seraient pas quelques chasseurs ou des soldats isolés qui viendraient nous traquer.Non.Beauregard allait rassembler une armée.Et nous allions devoir la briser.La Fuite dans le BayouNous marchions depuis des heures, traversant les marécages à la lueur des torches éteintes pour ne pas être repérés. L’eau noire du bayou montait parfois jusqu’à nos genoux, et chaque pas était un combat contre la boue qui tentait de nous retenir.— « On doit aller plus vite, » murmura Aïda à mes côtés.Elle jetait des regards nerveux derrière elle, comme si elle pouvait déjà sentir les chiens de Beauregard sur nos talons
Gabriel de MontreuilAïda s’accroche à la vie.Elle respire difficilement, allongée sur le pont du Pavillon Noir, son sang s’infiltrant entre les planches de bois comme une promesse maudite. Ses yeux sont mi-clos, sa peau, plus pâle que je ne l’ai jamais vue.Je presse ma main contre la plaie, ignorant le chaos qui nous entoure.— Tiens bon, Aïda. Tu m’entends ?Sa main tremble, se referme sur mon bras.— Gabriel…Sa voix est un souffle. Faible. Trop faible.M’Bala s’agenouille à côté de moi, son visage d’ordinaire impassible déformé par l’angoisse.— Il faut la descendre à la cabine. Vite.J’acquiesce, incapable de parler.Je la soulève avec précaution. Son corps est léger contre le mien, mais je sens la chaleur de son sang qui s’imprègne dans ma chemise. Je descends d’un pas rapide l’escalier menant à ma cabine, Diego à mes trousses, son bras toujours serré contre ses côtes blessées.À peine la pose-t-on sur la couchette qu’un cri résonne sur le pont.— L’ennemi revient !Je me fige
Gabriel de MontreuilJe serre la sphère dans ma main. Elle pulse, chaude contre ma paume, comme un cœur qui bat au rythme de la tempête à venir.— Au bateau ! crié-je.Aïda passe devant, Diego s’appuie sur M’Bala, les mâchoires crispées sous la douleur, mais il ne ralentit pas. Il sait que s’arrêter, c’est mourir.Nous dévalons la pente rocailleuse qui mène à la crique où nous avons laissé nos canots. Derrière nous, les premiers coups de semonce retentissent.— Ils tirent du large ! hurle Aïda.Je lève les yeux .Une lueur s’élève dans le ciel nocturne.Un boulet enflammé.Il fend l’air avec un sifflement sinistre avant de s’écraser sur la plage, soulevant une gerbe de sable et de roche.Trop près. Beaucoup trop près.— Plus vite !Nos canots sont là, amarrés sous les hautes falaises, bercés par une mer agitée. Nos hommes nous attendent, armes en main. Lorsque nous bondissons à bord, les rames plongent immédiatement dans l’eau noire, propulsant nos frêles esquifs vers la haute mer.Et
Gabriel de MontreuilLe coup de feu éclate.Le commandant espagnol, toujours posté à l’entrée de la crypte, nous observe avec un sourire cruel. Autour de lui, ses hommes s’engouffrent dans la salle, fusils braqués.— Fin de la route, capitaine Montreuil.Il recharge calmement son pistolet, sûr de lui, sûr de sa victoire.Mais il ignore une chose.Nous avons la sphère.Et ce temple est vivant.Je serre l’orbe dans ma main, et dès que mes doigts effleurent les symboles gravés sur sa surface, une onde étrange pulse à travers mes veines.Les murs vibrent.Les fresques illuminées par la lueur des torches s’animent, comme si les figures sculptées s’éveillaient d’un long sommeil.Puis, dans un grondement sourd, la pierre sous nos pieds commence à se fissurer.L’instant d’après, une explosion d’énergie jaillit du cœur de la sphère.Un vent violent balaye la crypte, projetant poussière et éclats de pierre dans toutes les directions.Le commandant espagnol recule d’un pas, pris de court.— Que
Gabriel de MontreuilIls sont là.Aïda, Diego et M’Bala se placent à mes côtés, leurs armes prêtes. Nous échangeons un regard. Il n’y a pas besoin de mots. Nous savons tous ce qui nous attend.Puis la première silhouette émerge de l’obscurité.Un soldat espagnol, fusil en main, la cuirasse poussiéreuse mais l’œil alerte.Derrière lui, d’autres apparaissent, une colonne disciplinée, armée jusqu’aux dents.Et au milieu d’eux, une silhouette plus imposante, drapée dans un manteau noir.Le commandant en charge.Il fait un pas en avant, nous observant comme un prédateur jaugeant ses proies.Puis il sourit.— Gabriel de Montreuil…Sa voix est calme, posée, et pourtant, elle me glace le sang.— L’Empire sait qui tu es. Nous suivons tes traces depuis longtemps. Et aujourd’hui, nous mettons enfin la main sur ce que tu cherchais.Je serre les dents, mon sabre fermement tenu dans ma main.— Si vous êtes venus chercher un trésor, vous vous êtes trompés d’endroit, lancé-je d’une voix glaciale.L’h
Gabriel de MontreuilJe m’approche à mon tour. Les motifs aztèques s’entrelacent avec des inscriptions en espagnol, comme si deux mondes s’étaient affrontés ici. Je lis à voix basse :"Là où dorment les rois, seule la clé ouvrira le passage."Je serre le médaillon dans ma main. Mon père a suivi ces mêmes indices. Il a tenu ce même médaillon. Mais lui… n’est jamais revenu.— On continue, dis-je en avançant.Le couloir s’enfonce dans les entrailles du temple, serpentant entre des colonnes massives et des alcôves remplies de statues de guerriers figés dans la pierre.Puis nous arrivons devant une immense porte de pierre, barrée par une barre de métal rongée par le temps.Je m’approche et examine le centre de la porte.Là, gravé en relief, se trouve le même œil que sur mon médaillon.Je prends une profonde inspiration et pose le bijou contre l’empreinte.Un grondement sourd résonne dans le temple.La pierre tremble.Puis la porte s’ouvre lentement, révélant une salle gigantesque.---Aïda
Gabriel de MontreuilDepuis que nous avons quitté le San Telmo, une tension sourde s’est installée à bord du Pavillon Noir. L’équipage murmure, certains parlent de malédiction, d’autres de trésor interdit. Mais moi, je garde les yeux rivés sur l’horizon. Je serre le médaillon dans ma main comme si ce simple objet pouvait répondre à toutes mes questions.L’inconnu qui nous a guidés jusqu’ici n’a pas cherché à nous suivre. Il s’est contenté de nous indiquer une direction, quelques coordonnées approximatives, avant de disparaître dans la nuit comme un spectre.Mon père est venu ici. Il a suivi cette même route, il a tenu ce même médaillon… et il a disparu.Je ne ferai pas la même erreur.— Gabriel, dit Aïda en s’approchant.Elle se tient droite, les bras croisés, mais je vois l’inquiétude danser dans ses yeux sombres.— L’équipage murmure, continue-t-elle. Certains disent que nous naviguons vers un piège. D’autres veulent savoir ce qu’on cherche exactement.Je soupire.— Qu’est-ce que tu
Gabriel de MontreuilJe referme le journal de mon père d’un geste sec. Mon cœur bat trop vite, mes pensées s’entrechoquent. Cet homme, ce spectre du passé qui se tient devant moi, sait quelque chose. Il en sait bien plus qu’il ne le laisse paraître.— Ce journal s’arrête brutalement, dis-je en levant les yeux vers lui. Mon père a écrit qu’il allait descendre dans les profondeurs du San Telmo. Alors dis-moi : où est-il allé ? Qu’a-t-il découvert ?L’inconnu me fixe sans ciller. Pendant un instant, j’ai l’impression qu’il savoure mon impatience.— Il a trouvé ce qu’il cherchait, finit-il par dire.— Et c’était quoi ?Il ne répond pas immédiatement. Son regard glisse vers le fond de la pièce, vers une seconde porte, plus discrète, à moitié dissimulée derrière un rideau de toile déchirée.— Si tu veux connaître la vérité, tu dois voir par toi-même.Je serre les dents. Cet homme joue avec moi, et je déteste ça. Mais je ne peux pas ignorer ce qu’il insinue.Je me tourne vers Aïda. Son expre
Gabriel de MontreuilLes mots de l’homme résonnent en moi comme un coup de canon en pleine tempête.— Ton père est déjà venu ici.Je reste figé, mon sabre encore levé, mon souffle court. Autour de moi, mes compagnons sont en alerte, mais personne ne parle. Même Aïda, pourtant si prompte à réagir, semble suspendue à cette révélation.— Tu mens, dis-je d’une voix plus rauque que je ne le voudrais.L’homme sourit, lentement, comme s’il savourait mon trouble.— Pourquoi mentirais-je ? murmure-t-il.Il fait un pas en avant. Je ne recule pas.— Il y a bien des années, ton père a cherché le San Telmo. Il a cru qu’il trouverait ici… quelque chose.Je serre les dents, mon esprit s’emballe. Mon père… ce nom que je n’ai entendu que dans les souvenirs de ma mère, dans les murmures du passé. Il a disparu en mer quand j’étais encore un enfant. Depuis, il n’était plus qu’une ombre, un fantôme emporté par les vagues.Et maintenant, cet inconnu prétend qu’il est venu ici avant moi ?Je veux des répons
Gabriel de MontreuilLe Pavillon Noir fend les vagues, sa coque grinçant sous la pression des vents nocturnes. La brume s’accroche à la mer comme une écharpe funèbre, étouffant tout bruit au-delà du claquement des voiles et du bruissement de l’eau contre le bois. L’équipage est silencieux. L’histoire du San Telmo s’est répandue parmi les hommes, et je sens la crainte s’insinuer comme un poison dans leurs veines.Aïda s’approche de moi, ses yeux sombres fixés sur l’horizon invisible.— Miguel ne plaisante pas avec ces choses-là, dit-elle d’une voix basse.Je ne réponds pas tout de suite. Son souffle est chaud contre le vent glacial.— Ce n’est qu’un navire, murmuré-je enfin.— Un navire qui ne devrait pas exister.Je tourne la tête vers elle. Aïda n’est pas du genre à croire aux légendes. Mais ce soir, une ombre traverse son regard.— Tu as peur ?Elle me fusille du regard.— Je n’ai pas peur des navires fantômes. J’ai peur de ce que l’Empire cherche vraiment.Je hoche lentement la têt