Chapitre 5 : Le Jeu du Chat et de la Souris

Le soir du dîner, Naïla se rendit à la villa de Myriam, un temple de l’élégance caché dans une colline, loin des regards indiscrets. À l'intérieur, la lumière douce des chandeliers créait une atmosphère presque irréelle, un monde à part où seules les élites étaient autorisées à entrer. Le salon était orné de mobilier raffiné, de tableaux d’artistes réputés et de vases antiques. Le décor évoquait l’influence, la richesse et la culture.

Myriam les accueillit avec un sourire chaleureux, un verre de champagne à la main. L’air était léger, sans pression. Naïla, en parfaite professionnelle, s’efforça de paraître détendue, tout en restant vigilante. Elle savait qu’à cette soirée, tout pouvait changer.

Au fur et à mesure que la soirée avançait, les invités arrivèrent, notamment quelques figures influentes de la société haïtienne. Naïla observa attentivement chaque homme, chaque femme. Chacun semblait avoir une cible précise dans ce petit monde où les apparences étaient primordiales. Mais c’était Jude Bélizaire qu’elle guettait. Elle savait qu’il serait là, probablement en retard, comme à son habitude. Mais il viendrait, c'était une certitude.

La soirée battait son plein lorsqu’enfin, Jude Bélizaire fit son entrée. L'homme était tout ce qu’elle avait imaginé : grand, impeccablement vêtu, une présence qui imposait le respect. Ses yeux sombres balayaient la pièce avec une assurance froide, comme s’il était au-dessus de tout cela. À chaque mouvement, il dégageait une aura d’autorité. Il semblait être le centre de gravité de cette soirée, mais il ne paraissait pas intéressé par les conversations superficielles autour de lui. Ses yeux cherchaient autre chose, peut-être des alliés ou des opportunités.

Myriam, comme une hôtesse parfaite, se dirigea immédiatement vers lui, l'accueillant avec un sourire et des gestes amicaux. Naïla les observa à distance, jouant encore une fois son rôle avec soin. Il ne fallut pas longtemps avant que Myriam vienne la chercher.

— Alana, je vous présente Jude Bélizaire, dit-elle d’un ton qui laissait entendre qu’elle venait de dévoiler un trésor caché.

Jude tourna alors ses yeux sombres vers Naïla, les scrutant quelques secondes, comme s’il évaluait chaque aspect de sa personnalité en un clin d’œil. Naïla ne se laissa pas intimider. Elle se leva pour lui tendre la main avec une assurance parfaite.

— Enchantée, Monsieur Bélizaire, dit-elle avec une voix calme, mais ferme, en soutenant son regard.

Il la fixa un instant, observant sa main tendue avant de la serrer doucement, mais fermement.

— Le plaisir est pour moi, Alana, répondit-il, sa voix grave et mesurée. Il me semble que nous avons des intérêts communs à explorer.

Cette phrase marqua le début de ce qui serait une interaction stratégique entre Naïla et Jude. Naïla savait qu’il était prudent, méfiant, mais aussi curieux. Il fallait maintenant l’attirer davantage, l’intriguer, pour qu’il voie en elle bien plus qu’une simple investisseuse.Le dîner privé se déroula dans une ambiance chaleureuse.Jude invita Naïla à s'asseoir avec lui dans coin pour bien discuter. L’air autour d’eux était chargé de tension, mais Naïla savait que c'était là que le véritable jeu commencerait.

Le serveur déposa les verres de vin, et Jude ne prit pas de temps pour entamer la conversation, son regard perçant ne la quittant pas.

— Alana, commença-t-il avec une voix grave et mesurée. J’ai eu l’occasion de consulter les documents que vous m’avez envoyés concernant votre projet immobilier. Mais il y a quelques points que j’aimerais clarifier.

Naïla garda son calme. Elle avait anticipé ce moment et s’était préparée à répondre à toutes les questions qui pourraient surgir. En tant qu’ancienne arnaqueuse, elle savait que la clé de la réussite résidait dans l’art de l'improvisation subtile et de la crédibilité qu’elle savait distiller dans ses mensonges.

— Bien sûr, Monsieur Bélizaire, répondit-elle avec un sourire confiant. J’ai pris soin de fournir tous les détails nécessaires. Si vous avez des questions spécifiques, je serai ravie de les éclaircir.

Jude haussait légèrement un sourcil, semblant lire entre les lignes. Il posa la première question :

— Vous dites que vous avez l’intention d’investir dans des projets résidentiels et commerciaux à Port-au-Prince. Mais vous n’avez pas mentionné qui se charge de la construction. Où allez-vous trouver les partenaires locaux fiables ?

Naïla savait que cette question n’était pas anodine. C’était un test, une manière pour lui de sonder sa préparation. Mais elle n’était pas du genre à flancher. Elle plongea son regard dans le sien, sûre de ses réponses.

— Je travaille avec des entreprises locales qui ont une expérience solide dans le domaine. Nous avons fait des recherches approfondies pour nous assurer de la qualité de nos partenaires. Bien sûr, tout est encore en développement, mais j’ai une équipe compétente qui s’occupe de la gestion sur place, expliqua-t-elle calmement, en donnant une réponse plausible.

Jude la fixa longuement, ses yeux scrutateurs cherchant un signe de faiblesse. Naïla ne cilla pas, poursuivant son discours.

— Il est important de savoir s’entourer des bonnes personnes. Vous le savez mieux que personne, Monsieur Bélizaire. C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis ici ce soir.

Il la regarda un instant, son visage impassible. Il ne semblait pas satisfait, mais il n'avait pas trouvé de faille non plus. Il prit une gorgée de vin, pensif, avant de poser une nouvelle question :

— Et en ce qui concerne le financement ? Vous êtes prête à engager des sommes importantes, mais quel est le plan à long terme ?

Naïla répondit, jouant avec l'idée d'une situation complexe. Mais au fond d'elle, elle ressentait une tension nouvelle. Ce n’était pas seulement l’enjeu financier qui l’excitait maintenant ; c’était l’homme en face d’elle. Jude Bélizaire, bien qu’énigmatique et distant, exerçait sur elle une attraction presque palpable. Il y avait quelque chose dans sa manière de la challenger, de tester ses limites, qui la rendait encore plus déterminée à le séduire et à le manipuler. Elle s'était déjà donnée comme mission de gagner, mais il n'était plus juste une cible.

Elle s’inclina légèrement vers lui, comme pour marquer un rapprochement subtil.

— Je vous assure, Monsieur Bélizaire, que le financement est la partie la plus solide de notre projet. Mais je suis également ouverte à des discussions sur des partenariats stratégiques pour optimiser les retours sur investissement. Je suis convaincue qu’une collaboration serait bénéfique pour nous deux.

Jude observa la lueur de défi dans ses yeux. Il comprenait la subtilité de ses propos. Naïla était une femme intelligente et ambitieuse, mais il ne pouvait s’empêcher de se demander si elle en savait vraiment assez pour être un atout fiable. C’était précisément cette incertitude qui l’attirait, mais en même temps, le mettait en garde.

— Je vois. Vous avez l’air de savoir exactement ce que vous voulez. Mais soyons clairs, Alana : je n’investis pas sans garanties.

Naïla savait que ce moment était décisif. Elle devait montrer qu’elle avait de l’audace, qu’elle était prête à tout pour obtenir ce qu’elle voulait.

— Je n’attends rien de moins de votre part, Monsieur Bélizaire, répondit-elle, un sourire en coin. Je suis persuadée que nos intérêts sont alignés.

La conversation continua de manière fluide, mais à chaque instant, Naïla sentait que l’ambiance se tendait, comme un fil prêt à se rompre. Jude ne laissait rien au hasard, il voulait la tester encore, et encore. Elle savait qu’il se méfiait, mais c’était ce qu’elle adorait chez lui : il ne se contentait pas de passer à l’action, il pensait, il analysait, il calculait. Naïla le comprenait bien, elle-même était une maîtresse dans l’art de la manipulation.

Le dîner se termina sur une note ambiguë. Jude ne s’était pas encore totalement engagé, mais il avait accepté de la revoir pour un autre rendez-vous d'affaires. Il voulait voir jusqu'où Naïla irait pour prouver la valeur de son projet. Pour lui, cette rencontre n'était qu'un début.

Naïla, quant à elle, savait qu’elle venait de faire un grand pas. Ce n’était pas simplement une partie d’échecs qu’elle jouait. C’était une partie où la confiance, l’intellect et l’attirance s’entremêlaient. Et dans ce jeu complexe du chat et de la souris, elle n’était pas prête à laisser Jude sortir vainqueur.