Chapitre 4 : Un Plan Audacieux 

Le lendemain, en parcourant ses notes, Naïla se sentit à la fois excitée et prudemment méfiante. 

Elle savait que chaque jour la rapprochait un peu plus de son objectif, mais la tâche qui l'attendait n'était pas aussi simple que de simplement voler des millions à un homme d’affaires naïf. Jude Bélizaire n’était pas un investisseur ordinaire. Il n'était pas du genre à se laisser berner facilement, et c'était ce défi, cet adversaire difficile, qui excitait le plus Naïla. Elle voulait tester ses limites, prouver que même l’homme le plus calculateur pouvait être manipulé. Mais pour cela, il fallait être plus subtile, plus stratégique.

Le plan était simple en apparence, mais le diable se cachait dans les détails. Naïla savait qu’il lui fallait infiltrer le cercle fermé de Jude, et pour cela, il lui fallait une porte d'entrée. Cette porte s'appelait Myriam Lafontant, une mondaine influente de la haute société haïtienne. Myriam était connue pour ses connexions et son amour pour les nouvelles figures du monde des affaires. Elle était toujours entourée de personnalités haut placées, notamment des milliardaires et des politiciens. Un atout parfait pour se rapprocher de Jude, pensait Naïla.

Le soir était tombé sur Port-au-Prince, et la lumière tamisée du restaurant La Terrasse jetait des ombres dansantes sur les murs. Les invités commençaient à se rassembler pour le dîner exclusif organisé par la Chambre de Commerce. La salle était remplie de figures influentes du monde des affaires haïtien et international, des hommes d’affaires puissants aux politiciens influents, sans oublier les femmes élégantes, qui n’étaient jamais loin de l’argent et du pouvoir.

Naïla se tenait discrètement dans un coin, le regard observant attentivement l’assemblée. Dans la foule, il y avait Myriam Lafontant, la mondaine influente qu’elle cherchait à approcher. Myriam avait l’aura d’une reine. Son costume de soirée, une robe noire fluide signée Elie Saab, mettait en valeur ses courbes et sa silhouette impeccable. Ses yeux pétillaient de malice et d’intelligence. Naïla savait que Myriam était une personne clé dans ce milieu mondain, une passerelle idéale vers les élites de la ville, notamment Jude Bélizaire.

La mission était claire : se faire repérer par Myriam et se lier à elle d’une manière naturelle, sans trop se précipiter. Pour ce faire, Naïla avait adopté son personnage d’Alana Moreau, investisseuse franco-haïtienne en quête d'opportunités dans l'immobilier local. Elle savait qu’elle devait lui laisser l'impression qu’elles venaient de mondes similaires, mais sans jamais se dévoiler complètement.

Myriam se tenait près du buffet, un verre de vin rouge à la main, entourée de quelques invités. Naïla, se frayant un chemin parmi les invités, fit mine d'apercevoir l’influente mondaine et s’approcha d'elle avec une aisance feinte mais assurée. Elle se leva un peu plus droit, ajusta sa robe soyeuse et s’approcha à pas mesurés.

— Bonsoir, Madame Lafontant, dit-elle d’une voix douce mais claire, presque pleine de respect. C’est un honneur de vous rencontrer.

Myriam tourna son regard vers Naïla. La lueur de surprise dans ses yeux se dissipa rapidement pour être remplacée par un sourire calculé. Elle scrutait Naïla, comme une lionne qui mesure la dangerosité d’une proie avant de l’accepter dans son cercle.

— Bonsoir, ma chère. Vous devez être Alana Moreau, n'est-ce pas ? dit Myriam en esquissant un sourire charmant, Je vous ai vue plusieurs fois dans des articles. Vous êtes dans l’immobilier, n’est-ce pas ?

Naïla se sentit immédiatement observée, mais elle ne se laissa pas déstabiliser. Au contraire, elle s’autorisa à sourire, un sourire qui se voulait à la fois charmant et modeste.

— Oui, tout à fait. Je suis effectivement investisseuse, répondit Naïla avec une calme assurance. Je suis ici pour observer les possibilités d’investir à long terme en Haïti. Le marché a un potentiel impressionnant, mais il y a aussi beaucoup de défis à surmonter.

Myriam la scruta un moment, comme pour tester son histoire. Elle n'était pas du genre à prendre ce genre de rencontre à la légère. Les nouveaux venus dans ce milieu étaient souvent des opportunistes, et elle en avait vu son lot. Mais quelque chose dans la voix de Naïla, dans l’élégance qu’elle dégageait, fit que Myriam se détendit légèrement.

— Hmm, je vois. Vous avez raison, le marché haïtien est prometteur, mais il faut savoir s’entourer des bonnes personnes, répondit-elle avec un clin d’œil. Et j’imagine que vous savez comment vous entourer, étant donnée votre réputation dans le domaine.

Naïla, en pleine maîtrise de son personnage, hocha la tête avec gratitude, mais elle sentit qu’elle avait passé la première étape de l’approche : gagner la confiance.

Les deux femmes se dirigèrent vers un coin tranquille de la salle, où les voix des autres invités étaient moins assourdissantes. Naïla savait que c’était une occasion en or de se liquider sous le radar, tout en tissant une toile de relations.

— Vous êtes ici depuis longtemps, Alana ? demanda Myriam, en prenant une gorgée de son vin. Je n’ai pas vu beaucoup d’investisseurs étrangers qui se consacrent pleinement à Haïti.

Naïla répondit sans hésitation, en gardant le ton neutre mais passionné de l’experte qu’elle jouait.

— Cela fait quelques années maintenant, mais je suis récemment revenue après un séjour à Paris, expliqua Naïla. Je travaille sur un projet de développement immobilier à Port-au-Prince, et j’ai rencontré plusieurs entrepreneurs locaux pour affiner ma vision du marché. Je crois fermement qu’Haïti est une pépite cachée qui a besoin d’être découverte.

Myriam l’écouta attentivement. Elle savait que l’immobilier était un domaine volatile, mais elle voyait bien que Naïla semblait sérieuse, déterminée. Il y avait cette petite lueur d’ambition dans son regard, ce genre de volonté qu’elle respectait.

— C’est rare de voir des femmes comme vous dans ce domaine, vous êtes… inspirante. Myriam laissa échapper un petit rire. J’ai entendu dire que vous avez quelques contacts intéressants.

Myriam la fixait, son regard trahissant une curiosité mêlée à un intérêt sincère. Naïla, parfaitement consciente de la situation, fit mine de se détendre un peu plus. Elle baissa légèrement la voix pour ajouter :

— Eh bien, j’ai eu quelques bons contacts, mais… comme vous le savez, le marché local peut être difficile à pénétrer.

Cette mention du difficile marché local fit immédiatement réagir Myriam, qui devint plus attentive. Naïla savait qu’elle venait de semer une graine d'intérêt.

La discussion continua, à mesure que les deux femmes se rapprochaient et échangeaient des anecdotes sur les défis qu’elles avaient rencontrés en tant que femmes dans un monde d’hommes. Naïla glissait des détails subtils sur ses expériences passées dans le secteur immobilier, tout en faisant miroiter des opportunités d'investissements à grande échelle. Elle comprenait parfaitement que, pour gagner la confiance de Myriam, il ne suffisait pas de paraître crédible ; il fallait l’impliquer émotionnellement, la faire sentir qu’elles étaient sur le même terrain.

Myriam, intriguée, se montrait de plus en plus désireuse de passer à l’étape suivante.

— Je pense qu’on devrait organiser une rencontre plus privée, Alana. J’ai quelques contacts qui pourraient vous intéresser, dit Myriam avec un sourire complice.

Naïla, bien consciente que cette invitation était la porte d’entrée qu’elle attendait, répondit avec une assurance parfaite :

— Ce serait un plaisir, Myriam.

Et c’était le début de la connexion entre Naïla et Myriam, une relation stratégique, un premier pas vers le cerveau de l'énigmatique Jude Bélizaire.

Après cette rencontre prometteuse avec Myriam Lafontant, Naïla savait que son jeu venait à peine de commencer. L'invitation à organiser une rencontre privée était un premier pas décisif vers son objectif ultime : Jude Bélizaire. Elle devait garder son calme, se montrer subtile et continuer à tisser sa toile.

Les jours suivants furent occupés par des réunions avec des partenaires d’affaires imaginaires, des appels téléphoniques stratégiques et des visites discrètes aux endroits fréquentés par les élites de Port-au-Prince. Naïla savait que pour s’intégrer au cercle intime de Myriam, elle devait rester indispensable. Elle choisit soigneusement ses moments, apparaissant toujours à des événements où la mondaine était présente.

Chaque interaction avec Myriam était une danse soigneusement chorégraphiée, un échange de sourires et de politesses, mais sous l’apparence amicale, Naïla observait chaque mouvement, chaque geste de son interlocutrice. Myriam était une femme intelligente, mais elle n’avait pas encore vu à quel point Naïla pouvait être un atout pour elle, tout comme elle pouvait l’être pour Jude.

Un soir, alors que l’horizon était rose-orange au coucher du soleil, Naïla reçut un message de Myriam, une simple invitation pour un dîner dans une villa privée à l'extérieur de la ville. La date était fixée dans les trois jours. Ce serait une réunion plus intime, une chance de se rapprocher des personnes qui comptaient vraiment dans ce milieu fermé.

Naïla ne perdit pas de temps et confirma sa présence. Elle savait que cette soirée pourrait être décisive pour le prochain chapitre de son plan. Son objectif était clair : convaincre Myriam qu’elles avaient des intérêts communs, tout en la poussant à dévoiler des informations plus cruciales sur Jude Bélizaire et ses affaires.