Raphaël
Elle hésite.
Mais après un instant, elle s’assied lentement, gardant ses mains jointes sur ses genoux comme une prière silencieuse.
Je la regarde un moment.
Elle est belle.
D’une beauté simple, austère.
Mais il y a autre chose en elle.
Une force qu’elle ignore encore.
Et une faiblesse qu’elle refuse d’admettre.
« Pourquoi êtes-vous ici, Clara ? »
Sa gorge se serre.
Elle détourne les yeux.
« Je veux comprendre. »
Je souris lentement.
« Comprendre quoi ? »
Elle prend une inspiration tremblante.
Puis elle me regarde enfin.
« Pourquoi vous êtes comme ça. »
Je ne m’attendais pas à cette réponse.
Mon sourire s’efface légèrement.
Je me redresse, posant les coudes sur mes genoux.
« Comme quoi ? »
Elle hésite, cherchant ses mots.
« Froid. Violent. Sans remords. »
Un rire sans joie m’échappe.
« Vous croyez que c’est un choix ? »
Elle fronce les sourcils.
« Tout est un choix. »
Je secoue lentement la tête.
« Pas toujours. »
Je vois la curiosité briller dans ses yeux.
Elle veut savoir.
Elle veut fouiller dans les ténèbres que je porte.
Elle ne comprend pas encore que certaines vérités sont pire que les mensonges.
Je me lève lentement, marchant devant elle comme un fauve enfermé dans une cage invisible.
Puis je parle.
Pour la première fois, je lui parle de mon passé.
« J’avais dix ans quand j’ai compris que la vie ne pardonne rien. »
Elle ne bouge pas, suspendue à mes mots.
Je continue, ma voix basse et rauque.
« Mon père était un homme puissant. Craint. Respecté. Un monstre, aussi. Il ne connaissait que la force. »
Un silence.
« Un jour, il a décidé de tester la mienne. »
Mon regard se durcit, fixé sur un point invisible.
« Il m’a enfermé dans une cave avec un homme. Un inconnu. Attaché, blessé. Il m’a donné un couteau et m’a dit : ‘Si tu veux sortir d’ici, prouve-moi que tu es mon fils’. »
Clara retient son souffle.
Je ris doucement, mais le son est amer.
« J’ai tenu le couteau toute la nuit. J’étais un gamin, terrorisé. Je pleurais. »
Je me tourne vers elle, capturant son regard.
« Le matin venu, mon père est descendu. Il a secoué la tête et a dit : ‘Trop faible’. »
Je marque une pause.
Puis je lâche la vérité.
« Alors j’ai pris le couteau. Et j’ai prouvé que j’étais son fils. »
Clara pâlit.
Ses lèvres s’entrouvrent, mais aucun mot n’en sort.
Je me penche légèrement vers elle, la forçant à affronter ce que je suis.
« Vous vouliez comprendre, ma sœur. Maintenant, vous comprenez. »
Elle secoue la tête, la gorge serrée.
Je vois l’horreur dans ses yeux.
Mais aussi autre chose.
Une compassion qui me met en rage.
Je me redresse brutalement, serrant les
Clara
Le vent siffle entre les ruelles de Poudain-Bassé, soulevant des volutes de poussière et d’odeurs rances. L’odeur du vice et du péché, celle qui imprègne les murs de ce quartier où je n’aurais jamais dû mettre les pieds.
Et pourtant, j’avance.
Les enseignes grincent sur leurs gonds, les rires gras et les chuchotements s’échappent des ombres, me rappelant que je ne suis pas à ma place. Une femme passe près de moi, ses jupons effleurant ma robe, et me jette un regard moqueur.
Je n’appartiens pas à ce monde.
Mais lui, oui.
Le bâtiment devant moi est plus qu’une taverne. C’est un repaire, une forteresse de perdition où se joue une autre loi que celle de Dieu.
Le "Corbeau Noir".
C’est là qu’il se trouve.
Là qu’il règne.
Je pousse la porte d’un geste hésitant.
L’intérieur est sombre, enfumé. L’air est épais d’alcool et de sueur. Partout, des hommes avachis sur des tables jouent aux cartes, des femmes se pressent contre eux, et au fond, derrière un comptoir de bois brut…
Raphaël.
Il est là.
Un verre à la main, sa silhouette paresseusement appuyée contre le bar, comme s’il possédait cet endroit. Et c’est peut-être vrai.
Il lève les yeux et me voit.
Son sourire s’étire lentement.
Je ne bouge pas.
Je ne sais même pas pourquoi je suis venue.
Je n’ai plus de raison.
Seulement ce besoin insensé d’être là.
Lui. Moi. Ce lien qui n’a aucun sens.
Il pose son verre et s’avance vers moi, ignorant les regards curieux autour.
« Sœur Clara, dans mon humble établissement… Un miracle. »
Sa voix est un murmure moqueur, mais ses yeux disent autre chose.
Je serre les mains devant moi.
« Je veux savoir. »
Il arque un sourcil.
« Savoir quoi ? »
Je cherche mes mots.
Mais je n’en ai pas.
Il sourit, amusé.
« Vous êtes venue dans mon antre sans savoir ce que vous cherchez ? »
Il fait un pas vers moi.
« Ou bien, au fond, vous le savez très bien ? »
Mon cœur tambourine dans ma poitrine.
Il est trop proche.
Trop sûr de lui.
Mais je refuse de reculer.
« Ce lieu… Il vous appartient ? »
Son sourire s’efface légèrement.
Il sait où je veux en venir.
« J’y fais ce que j’ai à faire. »
« Qui êtes-vous ici, Raphaël ? »
Il me jauge, son regard devenant plus froid.
« Le diable, aux yeux de certains. Un simple homme d’affaires, aux yeux d’autres. »
« Et à mes yeux ? »
Un silence.
Puis il murmure :
« Ça, c’est vous qui devrez le décider. »
Je sens une présence derrière moi. Un homme, grand, à la barbe mal taillée, nous observe avec un rictus.
« C’est quoi, ça, Raphaël ? Une nouvelle recrue ? »
Raphaël ne bouge pas, mais son regard s’assombrit.
« Fais attention à ce que tu dis. »
L’homme éclate de rire.
« Oh, j’oubliais. Notre cher maître des lieux a des goûts raffinés. Une nonne, vraiment ? »
Je sens mon sang se figer.
Mais avant que je puisse réagir, Raphaël l’attrape par le col et le plaque contre le mur.
Son regard est noir.
Glacé.
« Tu veux tester mes limites ? »
L’autre lève les mains, mi-amusé, mi-inquiet.
« Détends-toi, Raphaël. C’était juste une plaisanterie. »
Raphaël relâche sa prise d’un geste brusque.
Le silence s’est abattu dans la pièce.
Puis, lentement, tout reprend vie.
Il se tourne vers moi.
« Tu n’as rien à faire ici, Clara. »
Mais je ne pars pas.
Je reste, ancrée à ce sol qui n’est pas le mien.
Et lui, il me regarde avec cette frustration mêlée de quelque chose que je ne peux nommer.
« T
u ne partiras pas, n’est-ce pas ? »
Je secoue la tête.
Il soupire.
« Alors suis-moi. »
Et sans attendre, il disparaît dans l’ombre.
Je l’imite, traversant ce lieu interdit, franchissant une frontière invisible.
Vers lui.
Vers ce que je ne devrais jamais approcher.
ClaraJe le suis.À travers le dédale sombre du Corbeau Noir, je marche sur ses traces, retenant mon souffle.Loin du vacarme de la taverne, il m’entraîne dans un couloir plus étroit, où l’air est plus froid, plus épais. Chaque pas semble m’enfoncer un peu plus dans un territoire interdit.Mon cœur cogne contre ma poitrine.Je devrais partir.Je dois partir.Mais mes pieds avancent d’eux-mêmes.Raphaël pousse une porte en bois massif. L’espace derrière est plus grand que je ne l’imaginais. Pas une simple pièce, mais un bureau, un repaire.Le silence règne ici.Des étagères croulent sous des livres épais, certains recouverts de poussière, d’autres ouverts comme s’ils avaient été feuilletés la veille. Une grande table trône au centre, envahie de papiers, de cartes. Des documents que je ne devrais pas voir.Un fauteuil en cuir. Une bouteille de whisky à moitié vide. Une fenêtre, aux rideaux tirés, d’où filtre la lueur diffuse des lanternes de la ville.Tout ici porte son empreinte.Un au
ClaraChaque marche que je descends m’éloigne un peu plus de la lumière.L’air devient plus lourd, plus froid. L’odeur de pierre humide et de tabac imprègne l’atmosphère. Mon cœur cogne dans ma poitrine, mais je continue.Je le suis.Raphaël ne dit rien. Il marche devant moi, son ombre découpée par la lueur des lanternes accrochées au mur. Il sait que je suis là. Il sait que je le suis, malgré tout ce que je devrais faire pour l’éviter.Nous atteignons le bas des escaliers. Une grande porte en bois massif nous fait face. Raphaël s’arrête, pose la main sur le battant et se tourne vers moi.« Tu es sûre de vouloir voir ce qu’il y a derrière ? »Je déglutis.Je devrais dire non.Je devrais remonter.Mais je hoche la tête.Il esquisse un sourire en coin, puis pousse la porte.RaphaëlElle franchit le seuil.Petite sœur imprudente.Je l’observe alors qu’elle découvre mon monde.Une vaste salle voûtée, aux murs de pierre brute, éclairée par de nombreuses lampes à huile. Des caisses de bois
ClaraLa chaleur de sa paume contre la mienne est un piège.Je devrais la lâcher. Je devrais reculer, briser cette proximité avant qu’elle ne m’avale tout entière.Mais je ne le fais pas.Le silence entre nous est pesant, chargé d’une tension que je ne peux plus ignorer. Il ne parle pas, mais son regard me brûle. Son souffle, chaud et lent, caresse ma peau.Je ne sais plus si je tremble de peur ou d’autre chose.Autour de nous, la pièce semble s’effacer. Les voix des hommes rassemblés en contrebas deviennent un murmure indistinct. Il n’y a plus que lui. Lui et moi.Je ne devrais pas être ici.Je ne devrais pas le laisser me toucher.Et pourtant, quand il resserre légèrement sa prise sur ma main, un frisson me parcourt l’échine.« Tu as toujours été aussi entêtée, Clara ? »Sa voix est basse, traînante, comme s’il se délectait de ma lutte intérieure.Je ravale ma salive.« Je ne suis pas entêtée. »« Non ? Alors pourquoi tu es encore là ? »Je ne réponds pas. Parce que je n’ai pas de r
ClaraJe prends une dernière bouffée de ma cigarette avant de l’écraser contre le mur. Autour de moi, le silence est pesant, brisé seulement par les rires étouffés des hommes dans l’entrepôt derrière moi.Je devrais retourner à mon travail.Ce foutu travail.Je passe une main sur ma nuque, les muscles tendus par la tension de la soirée.Les gens ici ont une idée bien arrêtée sur moi. Certains disent que je suis un criminel, d’autres que je ne suis qu’un homme de main, un pion dans la grande mascarade de ce trou à rats.Ils n’ont pas tort.Je suis celui qu’on envoie quand il faut faire parler quelqu’un.Quand il faut rappeler aux autres à qui appartient vraiment cette ville.Un rôle que j’endosse sans sourciller depuis des années.Mais avec elle…Avec elle, c’est différent.Elle ne devrait pas être ici.Elle ne devrait pas être dans ma tête.Et pourtant, elle y est.ClaraLes jours passent, mais je ne trouve pas le repos.Chaque prière me semble creuse, chaque tâche que j’accomplis à l
ClaraJe devrais partir.Je devrais reculer, briser ce silence, tourner les talons avant qu’il ne soit trop tard.Mais c’est déjà trop tard.Il est trop près, et je suis là, figée sous son regard.La pluie continue de tomber derrière moi, battant le pavé, créant une barrière entre le monde extérieur et ce qui se passe ici, sous ce porche délabré.Ses doigts sont encore autour des miens.Léger contact.Assez pour me faire frémir.Je pourrais retirer ma main. Je pourrais.Mais je ne le fais pas.RaphaëlElle est immobile.Une proie qui refuse de fuir.Je devrais en profiter.Je pourrais dire quelque chose, souffler une provocation, la voir vaciller encore plus.Mais ce silence me plaît.C’est elle qui l’a créé.C’est elle qui le supporte.Je relâche sa main lentement, juste pour voir sa réaction.Elle ne bouge pas tout de suite.Puis, hésitante, elle recule de quelques millimètres. Pas plus.Son regard cherche un point d’ancrage quelque part sur mon visage.« Tu veux toujours me compren
ClaraJe suis toujours là.Il ne détourne pas les yeux.Son regard est une tempête contenue, une provocation silencieuse qui attend ma réponse. Mais il n’y a pas de réponse simple. Pas de prière qui puisse me guider.Ma gorge est sèche.Je pourrais partir. Fuir cette conversation, fuir cet homme qui menace tout ce en quoi je crois.Mais mes pieds restent ancrés au sol.Alors, au lieu de m’éloigner, je murmure :« Parce que je ne sais pas si tu es vraiment le mal. »Le silence entre nous est une lame suspendue.Il me scrute, cherchant quelque chose dans mes traits.Puis, lentement, il esquisse un sourire.Un sourire sans moquerie.« Tu es soit trop naïve, soit trop obstinée, ma sœur. »Ses mots glissent entre nous comme un jugement.Et pourtant, je ne recule toujours pas.RaphaëlElle me surprend.Encore.Personne ne remet en question ce que je suis. Ils acceptent, ils craignent, ils s’inclinent.Mais elle ?Elle veut comprendre.Même après ce que je lui ai dit.Même après ce qu’elle c
ClaraLe silence entre nous est un gouffre.Raphaël ne parle plus. Moi non plus.Je devrais partir. Je le sais.Mais mes jambes refusent de bouger.L’histoire qu’il vient de me raconter tourne en boucle dans ma tête. La voix de son père, l’échec de sa mère, l’enfant qu’il était.Et celui qu’il est devenu.Un homme marqué par l’ombre.Un homme que je ne devrais pas chercher à comprendre.Mais la vérité, c’est que je ressens quelque chose d’indescriptible. Une attraction qui me terrifie autant qu’elle me consume.Je serre les poings.« Tu voulais que j’aie peur de toi. »Ma voix est basse, mais ferme.Il relève lentement la tête, son regard scrutant chaque nuance de mon visage.« Ce serait plus simple pour toi. »Je déglutis.Il a raison.Si je le voyais uniquement comme un monstre, je pourrais détourner les yeux. Je pourrais retrouver la paix, celle que je suis venue chercher ici.Mais ce n’est pas ce que je ressens.« Tu te caches derrière ton passé. »Ses yeux s’assombrissent.« Oh,
ClaraIls savent tous.Raphaël est dangereux.Je devrais partir. Quitter cet endroit où je ne suis pas à ma place.Mais mes pieds restent ancrés au sol.Il se tourne vers moi, et dans son regard, il y a une ombre que je n’avais jamais vue auparavant. Un avertissement.« Sors d’ici, Clara. »Je secoue la tête.« Pas sans toi. »Son rictus est cruel, moqueur.« Ce n’est pas un conte, petite sœur. Tu ne peux pas me sauver. »« Peut-être que si. »Ma voix tremble à peine, mais lui, il la saisit.Il avance vers moi, lentement, comme un fauve.Je devrais reculer.Mais je ne bouge pas.Il s’arrête si près que je sens son souffle effleurer ma peau.« Tu crois pouvoir comprendre ce que je suis ? Ce que j’ai fait ? »« Je veux essayer. »Un rire sans joie s’échappe de ses lèvres.Il lève une main, effleure le tissu de mon voile. Juste une seconde.Puis il recule brusquement.« Alors regarde. »Il pivote et s’enfonce plus profondément dans la pièce.Je le suis.RaphaëlElle ne part pas.Je pensa
ClaraIl n’y a plus rien, à part cette pression, ce lien, cette force qui nous unit dans une danse invisible, presque surnaturelle. Mon corps est là, mais mon esprit, lui, erre, flottant entre la réalité et la brume.Raphaël.Il est partout. Dans chaque fibre de mon être, dans chaque souffle que je prends, il est là. Il me consume lentement, mais sûrement. Et ce n’est pas de la peur qui m’envahit. Non, c’est quelque chose d’autre, plus intime, plus pernicieux, comme une chaleur douce qui me pousse à m’abandonner sans résistance.Je ferme les yeux un instant, me concentrant sur l’instant, sur cette sensation. Il a raison, je n’ai plus de résistance. Il m’a touchée là où personne n’avait osé. Il a vu au-delà du masque que je m’étais construite. Le masque de la force, de la froideur, de l’indépendance. Il l’a arraché sans effort, dévoilant ce que je cache, ce que je redoutais d’affronter. Et c’est dans cette vérité nue que je me trouve, vulnérable, à la merci de son regard.Je suis terri
ClaraLes murs sont trop proches, trop oppressants, comme si chaque détail avait été mis en place pour me piéger, pour m’enfermer dans cette bulle où tout ce que je ressens est amplifié, déformé par la présence de Raphaël.Il est toujours là, son regard indéchiffrable posé sur moi, et cette fois, il ne parle plus. Il n’a plus besoin de mots. Sa présence seule est suffisante pour me faire vaciller. La brume qui m'entoure semble se dissiper, mais chaque respiration devient plus lourde, comme si l’air lui-même me résistait. Je sens son influence grandir, chaque battement de mon cœur synchronisé avec le rythme de ses mouvements.Il s’avance lentement, et je n’arrive pas à reculer. J’essaye de faire un pas en arrière, mais mes pieds restent ancrés au sol, comme s’ils étaient devenus une partie de cette pièce. Tout est devenu irréel, un rêve dont je ne peux me réveiller, un piège dont je ne peux m’échapper.Il s’arrête à quelques centimètres de moi, et la tension est telle que je pourrais l
ClaraJe me force à ouvrir les yeux, cherchant une issue, un moyen de revenir à la réalité. Mais il n'y a rien. Seulement lui, avec son regard lourd de promesses et de menaces.Il prend doucement ma main, la plaçant contre son cœur. Ses doigts s’entrelacent avec les miens, et je sens une chaleur intense, presque brûlante, s’emparer de moi. Il n’a pas besoin de mots. Son geste seul est un défi, une question non posée, mais qui flotte dans l’air.— Tu sais ce que tu dois faire, Clara. Et tu sais que tu ne veux pas partir.Je n’arrive pas à répondre immédiatement. Ses mots m’enserrent, m’enferment dans cette réalité qui m’échappe. Comment peut-il avoir raison ? Comment peut-il savoir ce que je ressens mieux que moi-même ? Mais plus je me force à réfléchir, plus il devient évident que ce lien entre nous est bien plus fort que tout ce que j’ai jamais connu.Je le regarde dans les yeux, cherchant à déceler une once de mensonge, une faille dans son masque de perfection. Mais il n’y en a pas.
Clara— Pourquoi… Pourquoi me fais-tu ça ? Ma voix tremble, mais je me force à la maintenir ferme, comme si c’était la dernière défense que je pouvais avoir.Il ne répond pas immédiatement. Il prend son temps, comme s’il savourait chaque moment où je suis vulnérable. Et c’est exactement ça. Il le sait. Il sait que je suis vulnérable. Il sait que je suis à sa merci. Et il aime ça.Finalement, il parle, mais ses mots sont lourds de sens, d’un poids que je ne peux pas ignorer.— Parce que tu es la seule à ne pas me fuir. Parce que tu es la seule à me voir pour ce que je suis, même si ça te terrifie.Son souffle chaud caresse ma peau alors qu’il se penche encore plus près. Je sens la chaleur de son corps contre le mien, chaque mouvement qu’il fait me plongeant un peu plus dans cet état d’hypnose. Ses mains effleurent mes bras, glissent le long de ma taille, comme une promesse silencieuse.— Tu m’as trouvé, Clara, dit-il d’une voix basse, comme une confession. Et maintenant, il n’y a plus
Clara — Non… Je ne pourrais pas partir. Pas maintenant.Ses lèvres s’étirent en un sourire satisfait. Un sourire que je connais bien, celui qui précède le moment où il sait qu’il a gagné. Il n’a pas besoin de mots pour exprimer sa victoire. Je suis là, devant lui, figée entre la terreur et un désir inexplicable. Un désir que je ne reconnais pas entièrement, mais qui est pourtant indéniable.Il frôle doucement ma joue du bout des doigts, un geste presque imperceptible mais lourd de sens.— Je le savais, dit-il tout bas, comme une déclaration.Le silence s’installe entre nous, un silence lourd, presque suffocant. Mais dans ce silence, il n’y a pas de place pour la fuite. Il n’y a que la vérité crue, celle qui m’effraie, mais qui m’attire tout autant.Je ferme les yeux un instant, essayant de retrouver un peu de contrôle sur mes émotions. Mais c’est futile. Je suis là, dans ses bras, dans son emprise, et tout ce que je ressens, c’est cette vérité brute qui me dévore lentement.— Pourquo
Clara Ses lèvres se déposent sur mon front, un baiser presque furtif, mais chargé d'une promesse silencieuse.— Tu es en train de perdre le contrôle, Clara, murmure-t-il contre ma peau.Je frissonne.— Non, je n’ai rien perdu, réponds-je d'une voix tremblante, même si je sais qu’il a raison.Il éclate de rire, un son bas et grave, qui résonne comme un écho dans ma tête.— Tu te mens à toi-même. Mais ça va venir. Tu vas le comprendre.Je suis figée, incapable de répondre. Ma respiration s'accélère alors qu'il me serre un peu plus contre lui, son corps contre le mien, comme un gilet de sécurité que je ne peux pas quitter, même si je sais qu'il est dangereux.Il semble sentir la guerre intérieure qui se joue en moi.— C’est bien, Clara, dit-il avec un sourire presque triomphant. C’est bien que tu ne sois pas encore partie.Ses mains glissent lentement dans mes cheveux, sa prise ferme mais douce. Ses doigts effleurent ma nuque, m’arrachant un frisson.— Mais ne crois pas que tu vas pouvo
ClaraLa nuit est longue.Trop longue.Je tourne et me retourne dans mon lit, incapable de chasser son image de mon esprit.Raphaël.Sa présence hante chaque recoin de ma mémoire, chaque battement de mon cœur.Pourquoi est-ce lui qui me trouble autant ? Pourquoi est-ce lui qui fait vaciller toutes mes certitudes ?Je devrais le fuir.Je devrais lui fermer ma porte, mon esprit, mon cœur.Mais je sais déjà que je n'en suis pas capable.Lui non plus.Parce qu'il est revenu.Je le sens avant même de le voir.L'air change. Une tension presque palpable s'infiltre dans la pièce.Quand j'ouvre les yeux, il est là, dans l'ombre, appuyé contre le chambranle de la porte.— Tu dors mal, murmure-t-il.Je me redresse, le souffle court.— Qu'est-ce que tu fais ici ?Son regard est insondable.— Je ne sais pas.Un silence.Il entre lentement, referme la porte derrière lui.— Dis-moi de partir, Clara.Sa voix est rauque, empreinte de quelque chose de dangereux.Mais je ne dis rien.Il s'approche, chaq
ClaraL’écho des coups résonne encore dans ma tête.Le silence de la ruelle est oppressant, comme si l’air lui-même retenait son souffle après la tempête. Raphaël est devant moi, une ombre imposante, son poing ensanglanté pendant à son côté. L’odeur du sang, du cuir et de la nuit flotte entre nous.Il a frappé pour moi.La violence a éclaté si vite que je n’ai pas eu le temps d’avoir peur. Mais maintenant que tout est fini, un frisson me parcourt. Pas à cause des hommes à terre, non.À cause de lui.Parce qu’il n’a pas hésité.Parce qu’il s’est battu avec une aisance troublante.Et parce que je ne peux détacher mes yeux de lui.— Tu devrais partir, murmure-t-il, la voix rauque.Je devrais.Mais je ne bouge pas.Mon regard se pose sur son poing blessé. Du sang perle lentement sur sa peau, s’écoule le long de ses doigts. Sans réfléchir, je tends la main et saisis la sienne.Il se fige.— Clara…Son avertissement est un souffle.Je ne l’écoute pas.Avec une douceur que je ne me savais pa
ClaraL’église est vide à cette heure.Le silence y est différent. Pas celui, oppressant, des ruelles plongées dans l’obscurité, où chaque bruit peut annoncer un danger. Ici, c’est un silence pesant, chargé de questions que je ne veux pas affronter.Je me tiens devant l’autel, les doigts crispés sur le bois du banc.Je devrais prier.Je devrais demander de l’aide.Mais aucun mot ne me vient.À la place, ce sont ses yeux qui me hantent. Son souffle court. La chaleur de sa main frôlant mon poignet.Raphaël.Je serre les dents, secouant la tête pour chasser cette pensée.J’ai cru, naïvement, que je pourrais l’approcher sans me brûler. Que je pourrais lui tendre la main sans risquer d’être happée par son monde.Mais il y a quelque chose en lui… quelque chose que je ne comprends pas encore.Quelque chose qui me trouble.Je ferme les yeux.— Mon Dieu, aidez-moi…Mais la réponse ne vient pas.Seul le vent fait vibrer les vitraux, projetant des ombres colorées sur le sol de pierre.Un bruit d