ClaraJe suis toujours là.Il ne détourne pas les yeux.Son regard est une tempête contenue, une provocation silencieuse qui attend ma réponse. Mais il n’y a pas de réponse simple. Pas de prière qui puisse me guider.Ma gorge est sèche.Je pourrais partir. Fuir cette conversation, fuir cet homme qui menace tout ce en quoi je crois.Mais mes pieds restent ancrés au sol.Alors, au lieu de m’éloigner, je murmure :« Parce que je ne sais pas si tu es vraiment le mal. »Le silence entre nous est une lame suspendue.Il me scrute, cherchant quelque chose dans mes traits.Puis, lentement, il esquisse un sourire.Un sourire sans moquerie.« Tu es soit trop naïve, soit trop obstinée, ma sœur. »Ses mots glissent entre nous comme un jugement.Et pourtant, je ne recule toujours pas.RaphaëlElle me surprend.Encore.Personne ne remet en question ce que je suis. Ils acceptent, ils craignent, ils s’inclinent.Mais elle ?Elle veut comprendre.Même après ce que je lui ai dit.Même après ce qu’elle c
ClaraLe silence entre nous est un gouffre.Raphaël ne parle plus. Moi non plus.Je devrais partir. Je le sais.Mais mes jambes refusent de bouger.L’histoire qu’il vient de me raconter tourne en boucle dans ma tête. La voix de son père, l’échec de sa mère, l’enfant qu’il était.Et celui qu’il est devenu.Un homme marqué par l’ombre.Un homme que je ne devrais pas chercher à comprendre.Mais la vérité, c’est que je ressens quelque chose d’indescriptible. Une attraction qui me terrifie autant qu’elle me consume.Je serre les poings.« Tu voulais que j’aie peur de toi. »Ma voix est basse, mais ferme.Il relève lentement la tête, son regard scrutant chaque nuance de mon visage.« Ce serait plus simple pour toi. »Je déglutis.Il a raison.Si je le voyais uniquement comme un monstre, je pourrais détourner les yeux. Je pourrais retrouver la paix, celle que je suis venue chercher ici.Mais ce n’est pas ce que je ressens.« Tu te caches derrière ton passé. »Ses yeux s’assombrissent.« Oh,
ClaraIls savent tous.Raphaël est dangereux.Je devrais partir. Quitter cet endroit où je ne suis pas à ma place.Mais mes pieds restent ancrés au sol.Il se tourne vers moi, et dans son regard, il y a une ombre que je n’avais jamais vue auparavant. Un avertissement.« Sors d’ici, Clara. »Je secoue la tête.« Pas sans toi. »Son rictus est cruel, moqueur.« Ce n’est pas un conte, petite sœur. Tu ne peux pas me sauver. »« Peut-être que si. »Ma voix tremble à peine, mais lui, il la saisit.Il avance vers moi, lentement, comme un fauve.Je devrais reculer.Mais je ne bouge pas.Il s’arrête si près que je sens son souffle effleurer ma peau.« Tu crois pouvoir comprendre ce que je suis ? Ce que j’ai fait ? »« Je veux essayer. »Un rire sans joie s’échappe de ses lèvres.Il lève une main, effleure le tissu de mon voile. Juste une seconde.Puis il recule brusquement.« Alors regarde. »Il pivote et s’enfonce plus profondément dans la pièce.Je le suis.RaphaëlElle ne part pas.Je pensa
ClaraL’air extérieur est plus froid que je ne l’imaginais.Il mord ma peau alors que je quitte la chaleur oppressante de la pièce pour suivre Raphaël dans la nuit.Je ne sais pas pourquoi je marche derrière lui.Peut-être parce qu’une part de moi veut comprendre.Peut-être parce que je veux voir au-delà des ombres qui l’entourent.Il ne parle pas.Il avance, ses pas résonnant contre les pavés irréguliers de la ruelle.Puis il s’arrête net.Se tourne vers moi.Et dans son regard, il n’y a plus de moquerie.Plus de défi.Seulement quelque chose de brut.« Tu crois que je suis un monstre, Clara ? »Sa question me prend de court.Je fronce les sourcils.« Pourquoi me demander ça ? »Il s’approche, et cette fois, je sens la tension émaner de lui comme une vague brûlante.« Parce que c’est ce qu’ils pensent tous. Que je suis une erreur, un poison. »Je secoue la tête.« Tu n’es pas un monstre, Raphaël. »Il rit doucement.Un rire sans joie.Puis il lève une main, et je retiens mon souffle.
ClaraL’ombre de Raphaël m’enveloppe.Je n’ose pas bouger.Je sens sa présence derrière moi, trop proche, trop brûlante. Son souffle effleure ma nuque, et une chaleur incontrôlable s’enroule autour de ma colonne vertébrale.Je devrais me lever. Je devrais fuir.Mais mes mains restent posées sur mes genoux, crispées sur le tissu de ma robe.« Tu trembles. »Sa voix est basse, presque un murmure.« Je ne tremble pas. »Un ricanement.Ses doigts effleurent le bois de la chaise, juste à côté de mon épaule.« Tu mens mal, sœur Clara. »Sœur Clara.Ce titre sonne comme une provocation entre ses lèvres.Un rappel de ce que je suis censée être.De ce que je ne peux pas être face à lui.Je ferme les yeux.« Pourquoi m’avoir amenée ici ? »Raphaël ne répond pas immédiatement. Il se détourne, s’éloigne, comme s’il me laissait respirer. Mais son ombre plane encore dans la pièce.« Tu voulais comprendre. Je t’ai donné un aperçu. »Je me redresse sur ma chaise, essayant d’ignorer le tumulte dans ma
ClaraLa nuit est mon seul témoin.Je marche vite, mon souffle court, mes mains tremblantes sous mon voile.Pourquoi suis-je allée là-bas ?Pourquoi ai-je permis à Raphaël de s’approcher autant ?Ma cellule est froide lorsque j’y entre, mais mon corps brûle encore. Pas seulement à cause de sa proximité, ni même de ses mots, mais à cause de moi.À cause de ce que j’ai ressenti.Je tombe à genoux devant ma couche, mes doigts crispés sur le drap rugueux.« Seigneur… aide-moi. »Ma prière est un murmure, un appel désespéré.Mais le silence me répond.Et dans ce silence, son regard hante encore mes pensées.---Le lendemain, je m’efforce d’oublier.Je m’immerge dans le travail, pansant les plaies, préparant les cataplasmes, récitant les prières.Mais l’ombre de Raphaël plane sur moi.Les sœurs ont remarqué mon trouble. Sœur Anne m’observe plus que d’ordinaire, ses yeux perçants scrutant mes gestes, comme si elle cherchait à lire en moi.Elle finit par s’approcher alors que je trie des plan
ClaraJe devrais crier, prévenir les sœurs, alerter la ville entière.Mais au lieu de cela, je murmure :« Et personne ne le sait ? »Un rire sans joie échappe à ses lèvres.« Tout le monde le sait. Mais personne ne veut le voir. »Un silence.Un gouffre entre nous.Il me laisse le choix.Partir.Ou comprendre.Et malgré moi, mes lèvres forment ces mots :« Pourquoi fais-tu ça ? »---RaphaëlElle ne part pas.Elle recule, elle tremble, mais elle reste.Intéressant.Je la laisse digérer.J’observe les ombres danser sur son visage, la lueur des bougies vacillant sur sa peau pâle.« Pourquoi je fais ça ? »Je répète lentement ses mots, les faisant rouler sur ma langue comme un poison sucré.Puis je m’approche.Lentement.Elle retient son souffle.J’effleure à peine son voile du bout des doigts, un contact si léger qu’il pourrait n’être qu’un frisson dans l’air.« Pourquoi crois-tu que je le fais, sœur Clara ? »Elle déglutit.Je vois son esprit lutter, ses certitudes vaciller.Elle cher
ClaraLe poids de sa main sur la mienne est brûlant.Je ne devrais pas être là.Je ne devrais pas suivre cet homme dont je ne sais presque rien, sinon qu’il donne la mort d’un geste aussi simple qu’un souffle.Et pourtant, je le suis.Dans les couloirs silencieux du hospice, nos pas résonnent faiblement.Je ne parle pas.Lui non plus.Mais il n’y a pas besoin de mots.L’engrenage a déjà tourné.Et je sais, au plus profond de moi, qu’il n’y aura pas de retour en arrière.---Nous traversons un passage que je n’ai jamais vu.Une porte dérobée, un couloir plus sombre, plus étroit.L’air est plus épais ici, chargé d’une odeur que je ne parviens pas à identifier.Quelque chose entre la cendre et la pierre humide.Mon cœur bat plus vite.« Où m’emmenez-vous ? »Ma voix est basse, presque un murmure.Raphaël ne répond pas immédiatement.Puis, enfin, il s’arrête devant une autre porte.Lentement, il se tourne vers moi.Son regard est indéchiffrable.« Tu voulais comprendre, non ? »Je hoche l
ClaraIl n’y a plus rien, à part cette pression, ce lien, cette force qui nous unit dans une danse invisible, presque surnaturelle. Mon corps est là, mais mon esprit, lui, erre, flottant entre la réalité et la brume.Raphaël.Il est partout. Dans chaque fibre de mon être, dans chaque souffle que je prends, il est là. Il me consume lentement, mais sûrement. Et ce n’est pas de la peur qui m’envahit. Non, c’est quelque chose d’autre, plus intime, plus pernicieux, comme une chaleur douce qui me pousse à m’abandonner sans résistance.Je ferme les yeux un instant, me concentrant sur l’instant, sur cette sensation. Il a raison, je n’ai plus de résistance. Il m’a touchée là où personne n’avait osé. Il a vu au-delà du masque que je m’étais construite. Le masque de la force, de la froideur, de l’indépendance. Il l’a arraché sans effort, dévoilant ce que je cache, ce que je redoutais d’affronter. Et c’est dans cette vérité nue que je me trouve, vulnérable, à la merci de son regard.Je suis terri
ClaraLes murs sont trop proches, trop oppressants, comme si chaque détail avait été mis en place pour me piéger, pour m’enfermer dans cette bulle où tout ce que je ressens est amplifié, déformé par la présence de Raphaël.Il est toujours là, son regard indéchiffrable posé sur moi, et cette fois, il ne parle plus. Il n’a plus besoin de mots. Sa présence seule est suffisante pour me faire vaciller. La brume qui m'entoure semble se dissiper, mais chaque respiration devient plus lourde, comme si l’air lui-même me résistait. Je sens son influence grandir, chaque battement de mon cœur synchronisé avec le rythme de ses mouvements.Il s’avance lentement, et je n’arrive pas à reculer. J’essaye de faire un pas en arrière, mais mes pieds restent ancrés au sol, comme s’ils étaient devenus une partie de cette pièce. Tout est devenu irréel, un rêve dont je ne peux me réveiller, un piège dont je ne peux m’échapper.Il s’arrête à quelques centimètres de moi, et la tension est telle que je pourrais l
ClaraJe me force à ouvrir les yeux, cherchant une issue, un moyen de revenir à la réalité. Mais il n'y a rien. Seulement lui, avec son regard lourd de promesses et de menaces.Il prend doucement ma main, la plaçant contre son cœur. Ses doigts s’entrelacent avec les miens, et je sens une chaleur intense, presque brûlante, s’emparer de moi. Il n’a pas besoin de mots. Son geste seul est un défi, une question non posée, mais qui flotte dans l’air.— Tu sais ce que tu dois faire, Clara. Et tu sais que tu ne veux pas partir.Je n’arrive pas à répondre immédiatement. Ses mots m’enserrent, m’enferment dans cette réalité qui m’échappe. Comment peut-il avoir raison ? Comment peut-il savoir ce que je ressens mieux que moi-même ? Mais plus je me force à réfléchir, plus il devient évident que ce lien entre nous est bien plus fort que tout ce que j’ai jamais connu.Je le regarde dans les yeux, cherchant à déceler une once de mensonge, une faille dans son masque de perfection. Mais il n’y en a pas.
Clara— Pourquoi… Pourquoi me fais-tu ça ? Ma voix tremble, mais je me force à la maintenir ferme, comme si c’était la dernière défense que je pouvais avoir.Il ne répond pas immédiatement. Il prend son temps, comme s’il savourait chaque moment où je suis vulnérable. Et c’est exactement ça. Il le sait. Il sait que je suis vulnérable. Il sait que je suis à sa merci. Et il aime ça.Finalement, il parle, mais ses mots sont lourds de sens, d’un poids que je ne peux pas ignorer.— Parce que tu es la seule à ne pas me fuir. Parce que tu es la seule à me voir pour ce que je suis, même si ça te terrifie.Son souffle chaud caresse ma peau alors qu’il se penche encore plus près. Je sens la chaleur de son corps contre le mien, chaque mouvement qu’il fait me plongeant un peu plus dans cet état d’hypnose. Ses mains effleurent mes bras, glissent le long de ma taille, comme une promesse silencieuse.— Tu m’as trouvé, Clara, dit-il d’une voix basse, comme une confession. Et maintenant, il n’y a plus
Clara — Non… Je ne pourrais pas partir. Pas maintenant.Ses lèvres s’étirent en un sourire satisfait. Un sourire que je connais bien, celui qui précède le moment où il sait qu’il a gagné. Il n’a pas besoin de mots pour exprimer sa victoire. Je suis là, devant lui, figée entre la terreur et un désir inexplicable. Un désir que je ne reconnais pas entièrement, mais qui est pourtant indéniable.Il frôle doucement ma joue du bout des doigts, un geste presque imperceptible mais lourd de sens.— Je le savais, dit-il tout bas, comme une déclaration.Le silence s’installe entre nous, un silence lourd, presque suffocant. Mais dans ce silence, il n’y a pas de place pour la fuite. Il n’y a que la vérité crue, celle qui m’effraie, mais qui m’attire tout autant.Je ferme les yeux un instant, essayant de retrouver un peu de contrôle sur mes émotions. Mais c’est futile. Je suis là, dans ses bras, dans son emprise, et tout ce que je ressens, c’est cette vérité brute qui me dévore lentement.— Pourquo
Clara Ses lèvres se déposent sur mon front, un baiser presque furtif, mais chargé d'une promesse silencieuse.— Tu es en train de perdre le contrôle, Clara, murmure-t-il contre ma peau.Je frissonne.— Non, je n’ai rien perdu, réponds-je d'une voix tremblante, même si je sais qu’il a raison.Il éclate de rire, un son bas et grave, qui résonne comme un écho dans ma tête.— Tu te mens à toi-même. Mais ça va venir. Tu vas le comprendre.Je suis figée, incapable de répondre. Ma respiration s'accélère alors qu'il me serre un peu plus contre lui, son corps contre le mien, comme un gilet de sécurité que je ne peux pas quitter, même si je sais qu'il est dangereux.Il semble sentir la guerre intérieure qui se joue en moi.— C’est bien, Clara, dit-il avec un sourire presque triomphant. C’est bien que tu ne sois pas encore partie.Ses mains glissent lentement dans mes cheveux, sa prise ferme mais douce. Ses doigts effleurent ma nuque, m’arrachant un frisson.— Mais ne crois pas que tu vas pouvo
ClaraLa nuit est longue.Trop longue.Je tourne et me retourne dans mon lit, incapable de chasser son image de mon esprit.Raphaël.Sa présence hante chaque recoin de ma mémoire, chaque battement de mon cœur.Pourquoi est-ce lui qui me trouble autant ? Pourquoi est-ce lui qui fait vaciller toutes mes certitudes ?Je devrais le fuir.Je devrais lui fermer ma porte, mon esprit, mon cœur.Mais je sais déjà que je n'en suis pas capable.Lui non plus.Parce qu'il est revenu.Je le sens avant même de le voir.L'air change. Une tension presque palpable s'infiltre dans la pièce.Quand j'ouvre les yeux, il est là, dans l'ombre, appuyé contre le chambranle de la porte.— Tu dors mal, murmure-t-il.Je me redresse, le souffle court.— Qu'est-ce que tu fais ici ?Son regard est insondable.— Je ne sais pas.Un silence.Il entre lentement, referme la porte derrière lui.— Dis-moi de partir, Clara.Sa voix est rauque, empreinte de quelque chose de dangereux.Mais je ne dis rien.Il s'approche, chaq
ClaraL’écho des coups résonne encore dans ma tête.Le silence de la ruelle est oppressant, comme si l’air lui-même retenait son souffle après la tempête. Raphaël est devant moi, une ombre imposante, son poing ensanglanté pendant à son côté. L’odeur du sang, du cuir et de la nuit flotte entre nous.Il a frappé pour moi.La violence a éclaté si vite que je n’ai pas eu le temps d’avoir peur. Mais maintenant que tout est fini, un frisson me parcourt. Pas à cause des hommes à terre, non.À cause de lui.Parce qu’il n’a pas hésité.Parce qu’il s’est battu avec une aisance troublante.Et parce que je ne peux détacher mes yeux de lui.— Tu devrais partir, murmure-t-il, la voix rauque.Je devrais.Mais je ne bouge pas.Mon regard se pose sur son poing blessé. Du sang perle lentement sur sa peau, s’écoule le long de ses doigts. Sans réfléchir, je tends la main et saisis la sienne.Il se fige.— Clara…Son avertissement est un souffle.Je ne l’écoute pas.Avec une douceur que je ne me savais pa
ClaraL’église est vide à cette heure.Le silence y est différent. Pas celui, oppressant, des ruelles plongées dans l’obscurité, où chaque bruit peut annoncer un danger. Ici, c’est un silence pesant, chargé de questions que je ne veux pas affronter.Je me tiens devant l’autel, les doigts crispés sur le bois du banc.Je devrais prier.Je devrais demander de l’aide.Mais aucun mot ne me vient.À la place, ce sont ses yeux qui me hantent. Son souffle court. La chaleur de sa main frôlant mon poignet.Raphaël.Je serre les dents, secouant la tête pour chasser cette pensée.J’ai cru, naïvement, que je pourrais l’approcher sans me brûler. Que je pourrais lui tendre la main sans risquer d’être happée par son monde.Mais il y a quelque chose en lui… quelque chose que je ne comprends pas encore.Quelque chose qui me trouble.Je ferme les yeux.— Mon Dieu, aidez-moi…Mais la réponse ne vient pas.Seul le vent fait vibrer les vitraux, projetant des ombres colorées sur le sol de pierre.Un bruit d