ClaraIls savent tous.Raphaël est dangereux.Je devrais partir. Quitter cet endroit où je ne suis pas à ma place.Mais mes pieds restent ancrés au sol.Il se tourne vers moi, et dans son regard, il y a une ombre que je n’avais jamais vue auparavant. Un avertissement.« Sors d’ici, Clara. »Je secoue la tête.« Pas sans toi. »Son rictus est cruel, moqueur.« Ce n’est pas un conte, petite sœur. Tu ne peux pas me sauver. »« Peut-être que si. »Ma voix tremble à peine, mais lui, il la saisit.Il avance vers moi, lentement, comme un fauve.Je devrais reculer.Mais je ne bouge pas.Il s’arrête si près que je sens son souffle effleurer ma peau.« Tu crois pouvoir comprendre ce que je suis ? Ce que j’ai fait ? »« Je veux essayer. »Un rire sans joie s’échappe de ses lèvres.Il lève une main, effleure le tissu de mon voile. Juste une seconde.Puis il recule brusquement.« Alors regarde. »Il pivote et s’enfonce plus profondément dans la pièce.Je le suis.RaphaëlElle ne part pas.Je pensa
ClaraL’air extérieur est plus froid que je ne l’imaginais.Il mord ma peau alors que je quitte la chaleur oppressante de la pièce pour suivre Raphaël dans la nuit.Je ne sais pas pourquoi je marche derrière lui.Peut-être parce qu’une part de moi veut comprendre.Peut-être parce que je veux voir au-delà des ombres qui l’entourent.Il ne parle pas.Il avance, ses pas résonnant contre les pavés irréguliers de la ruelle.Puis il s’arrête net.Se tourne vers moi.Et dans son regard, il n’y a plus de moquerie.Plus de défi.Seulement quelque chose de brut.« Tu crois que je suis un monstre, Clara ? »Sa question me prend de court.Je fronce les sourcils.« Pourquoi me demander ça ? »Il s’approche, et cette fois, je sens la tension émaner de lui comme une vague brûlante.« Parce que c’est ce qu’ils pensent tous. Que je suis une erreur, un poison. »Je secoue la tête.« Tu n’es pas un monstre, Raphaël. »Il rit doucement.Un rire sans joie.Puis il lève une main, et je retiens mon souffle.
ClaraL’ombre de Raphaël m’enveloppe.Je n’ose pas bouger.Je sens sa présence derrière moi, trop proche, trop brûlante. Son souffle effleure ma nuque, et une chaleur incontrôlable s’enroule autour de ma colonne vertébrale.Je devrais me lever. Je devrais fuir.Mais mes mains restent posées sur mes genoux, crispées sur le tissu de ma robe.« Tu trembles. »Sa voix est basse, presque un murmure.« Je ne tremble pas. »Un ricanement.Ses doigts effleurent le bois de la chaise, juste à côté de mon épaule.« Tu mens mal, sœur Clara. »Sœur Clara.Ce titre sonne comme une provocation entre ses lèvres.Un rappel de ce que je suis censée être.De ce que je ne peux pas être face à lui.Je ferme les yeux.« Pourquoi m’avoir amenée ici ? »Raphaël ne répond pas immédiatement. Il se détourne, s’éloigne, comme s’il me laissait respirer. Mais son ombre plane encore dans la pièce.« Tu voulais comprendre. Je t’ai donné un aperçu. »Je me redresse sur ma chaise, essayant d’ignorer le tumulte dans ma
ClaraLa nuit est mon seul témoin.Je marche vite, mon souffle court, mes mains tremblantes sous mon voile.Pourquoi suis-je allée là-bas ?Pourquoi ai-je permis à Raphaël de s’approcher autant ?Ma cellule est froide lorsque j’y entre, mais mon corps brûle encore. Pas seulement à cause de sa proximité, ni même de ses mots, mais à cause de moi.À cause de ce que j’ai ressenti.Je tombe à genoux devant ma couche, mes doigts crispés sur le drap rugueux.« Seigneur… aide-moi. »Ma prière est un murmure, un appel désespéré.Mais le silence me répond.Et dans ce silence, son regard hante encore mes pensées.---Le lendemain, je m’efforce d’oublier.Je m’immerge dans le travail, pansant les plaies, préparant les cataplasmes, récitant les prières.Mais l’ombre de Raphaël plane sur moi.Les sœurs ont remarqué mon trouble. Sœur Anne m’observe plus que d’ordinaire, ses yeux perçants scrutant mes gestes, comme si elle cherchait à lire en moi.Elle finit par s’approcher alors que je trie des plan
ClaraJe devrais crier, prévenir les sœurs, alerter la ville entière.Mais au lieu de cela, je murmure :« Et personne ne le sait ? »Un rire sans joie échappe à ses lèvres.« Tout le monde le sait. Mais personne ne veut le voir. »Un silence.Un gouffre entre nous.Il me laisse le choix.Partir.Ou comprendre.Et malgré moi, mes lèvres forment ces mots :« Pourquoi fais-tu ça ? »---RaphaëlElle ne part pas.Elle recule, elle tremble, mais elle reste.Intéressant.Je la laisse digérer.J’observe les ombres danser sur son visage, la lueur des bougies vacillant sur sa peau pâle.« Pourquoi je fais ça ? »Je répète lentement ses mots, les faisant rouler sur ma langue comme un poison sucré.Puis je m’approche.Lentement.Elle retient son souffle.J’effleure à peine son voile du bout des doigts, un contact si léger qu’il pourrait n’être qu’un frisson dans l’air.« Pourquoi crois-tu que je le fais, sœur Clara ? »Elle déglutit.Je vois son esprit lutter, ses certitudes vaciller.Elle cher
ClaraLe poids de sa main sur la mienne est brûlant.Je ne devrais pas être là.Je ne devrais pas suivre cet homme dont je ne sais presque rien, sinon qu’il donne la mort d’un geste aussi simple qu’un souffle.Et pourtant, je le suis.Dans les couloirs silencieux du hospice, nos pas résonnent faiblement.Je ne parle pas.Lui non plus.Mais il n’y a pas besoin de mots.L’engrenage a déjà tourné.Et je sais, au plus profond de moi, qu’il n’y aura pas de retour en arrière.---Nous traversons un passage que je n’ai jamais vu.Une porte dérobée, un couloir plus sombre, plus étroit.L’air est plus épais ici, chargé d’une odeur que je ne parviens pas à identifier.Quelque chose entre la cendre et la pierre humide.Mon cœur bat plus vite.« Où m’emmenez-vous ? »Ma voix est basse, presque un murmure.Raphaël ne répond pas immédiatement.Puis, enfin, il s’arrête devant une autre porte.Lentement, il se tourne vers moi.Son regard est indéchiffrable.« Tu voulais comprendre, non ? »Je hoche l
RaphaëlElle ne fuit pas.Elle ne me maudit pas non plus.Elle lutte, je le vois.Son souffle est court, sa gorge se serre, ses mains se crispent sur le tissu de sa robe.Mais elle ne part pas.Ça m’intrigue.Ça m’agace aussi.Parce que si elle reste, alors elle est comme moi.Et je sais que c’est la dernière chose qu’elle voudrait être.Je me détache de la table et m’approche d’un pas.Elle ne recule pas.Elle lève le menton, comme si elle s’accrochait à une fierté invisible.« Tu crois toujours que je suis un monstre ? »Un silence.Puis :« Je crois que je ne te comprends pas encore. »Sa sincérité me désarme un instant.Puis je souris.Un sourire lent, indéchiffrable.« Tu veux comprendre ? Alors reste. Regarde. »Elle tressaille, hésite.Mais je vois déjà la réponse briller dans ses yeux.Elle ne reculera pas.Alors, lentement, je vais ouvrir une autre porte.Celle qui la fera basculer définitivement de l’autre côté.---ClaraJe le suis à travers un autre couloir, plus sombre en
ClaraL'odeur du sang s'attarde encore dans l'air.Le prisonnier n'est plus là.Je ne sais pas ce que Raphaël lui a dit, mais lorsqu'il a été emmené, son regard était vide. Un homme déjà brisé avant même que la lame ne le touche.Le silence est devenu pesant après son départ.Raphaël s'est assis sur le rebord d'une vieille table, jouant distraitement avec une lame qu'il fait tourner entre ses doigts.Moi, je suis restée debout, le dos raide, les bras croisés pour contenir le tremblement de mes mains.« Pourquoi tu fais ça ? »Ma voix brise enfin l’immobilité.Il lève les yeux vers moi. Son regard n'est pas moqueur cette fois. Il est simplement… calme.« Faire quoi ? »« Tout ça. Ces menaces, cette violence. Pourquoi est-ce que tu es ici, Raphaël ? »Un léger sourire effleure ses lèvres.« Tu veux la vérité, sœur Clara ? »Je déteste la façon dont il prononce mon nom. Comme s’il goûtait chaque syllabe, jouant avec comme avec une arme.« Oui. »Il repose la lame sur la table, croise les
ClaraJe m’assois à ses côtés, mon cœur encore battant sous l'effet de nos baisers. Le silence entre nous est lourd, mais agréable, comme un voile tissé de mille promesses et d’aveux muets. Ses bras sont autour de moi, et je me sens protégée, mais aussi vulnérable. Il n'y a plus de frontières entre nous, plus de barrières. Il y a juste lui et moi, ici, maintenant. Et c'est tout ce dont j'ai besoin.Le monde extérieur n'a plus d'importance. Les enjeux, les doutes, tout ce qui a pu peser sur nos épaules, sur nos cœurs, semble s'être dissipé. Mais il reste quelque chose, un sentiment nouveau, plus fort que tout. Un écho au fond de moi, une certitude qui s'installe doucement, mais fermement : peu importe ce qui arrivera, je n’aurai aucun regret. Parce que je choisis cet amour. Parce que je choisis lui.Raphaël (la voix douce, légèrement hésitante) « Clara… Tu sais, tout ça… Ce n’est pas facile. »Je sens sa gêne, ce fardeau qu’il porte encore, celui de ne pas savoir comment tout cela va f
ClaraIl y a des moments où le temps semble suspendu. Des instants où l’on croit qu’on pourrait vivre éternellement dans une bulle, à l’abri des tempêtes, où l’on trouve enfin la paix au milieu du chaos. Ce moment, celui que nous vivons, me fait penser à cela. Le silence lourd de la pièce, nos corps enlacés, comme deux âmes qui se sont enfin retrouvées après une vie entière de séparation.Raphaël est là, tout contre moi. Ses bras sont autour de moi, son souffle régulier, mais je sens son cœur battre, un peu plus fort, un peu plus lourd, comme s’il cherchait à se perdre dans le mien. Je ferme les yeux, savourant cette proximité, ce réconfort que j’avais oublié, ou que je ne pensais jamais connaître. Il m’a appris à aimer sans réserve, à me donner sans crainte, à m’abandonner sans peur.C’est étrange, cette paix. Elle contraste tellement avec le tumulte qui a précédé, avec la violence des désirs refoulés, les non-dits qui nous ont emprisonnés, les peurs qui nous ont rendus vulnérables.
ClaraLes ombres dans la chambre dansent au rythme de notre souffle. Il est là, si proche, à portée de ma peau, et pourtant, quelque chose dans l’air nous sépare encore, invisible, impalpable, mais tout aussi présent. Ses yeux, comme des braises, brûlent la mienne, et je sens que l’air autour de nous devient lourd, chargé de cette tension indéfinissable. Il ne bouge pas, il attend. Pas de gestes brusques, pas de mots inutiles. Juste l’attente, l’intensité du silence qui parle plus fort que tout.Raphaël (la voix basse, troublée) « Clara… »Je frémis en entendant mon nom sortir de ses lèvres. Il a ce pouvoir, celui de me faire vaciller avec un seul mot. Mon cœur s’emballe, tout comme mon esprit. Une partie de moi veut résister, repousser cette attraction, ce désir fulgurant qui m’envahit à chaque instant. Mais une autre, plus forte, me pousse à le rejoindre, à céder, à me perdre dans cette passion dévorante.Je ferme les yeux, une fraction de seconde, et tout ce que je perçois, c’est l
ClaraJe ferme les yeux, mais même dans l’obscurité, il est là, dans chaque souffle que je prends, dans chaque pulsation qui bat dans mes veines. C’est comme si la chaleur de sa présence ne me quittait plus, comme si l’air autour de moi, devenu trop lourd, portait encore l’empreinte de sa peau. Raphaël. L’homme qui ne me laisse aucun répit, l’homme qui me consume sans même me toucher. Pourtant, je le sens, comme un incendie doucement attisé à chaque regard qu’il pose sur moi, chaque mot qu’il prononce.Ses bras m’entourent, un lien qui ne m'étouffe pas, mais qui me marque. Il n’y a pas de violence dans son étreinte, pas de brutalité. Seulement une douceur, presque impudique, et une urgence qui naît du besoin de fusionner. Nous sommes dans cette chambre où le monde extérieur semble n’avoir plus aucune emprise sur nous. Chaque mur semble se refermer lentement, comme un cocon qui, au lieu de nous protéger, nous emprisonne. Et dans cet espace clos, je deviens sa proie, mais une proie cons
ClaraLa lumière du matin s'immisce à peine à travers les rideaux, caressant la chambre d’un éclat timide. À peine perceptible, elle frôle les contours des meubles, mais ici, dans cet espace clos, elle n'atteint pas la profondeur de l’ombre qui s’y trouve. Il y a un décalage. Un monde entre l'éveil et le sommeil, entre la clarté et l'obscurité, un équilibre précaire où le temps semble suspendu. Et dans ce monde à mi-chemin, mon esprit erre, une marionnette sans fil, pris dans la lourdeur d’une question qui ne cesse de me hanter.Raphaël repose à mes côtés, mais même endormi, je sens l’omniprésence de son ombre. Ce n’est pas la simple ombre d’un homme qui sommeille, non. C’est l’ombre d’un monde qui, peu à peu, envahit ma réalité, que je l’accepte ou non. C’est un poids, un fardeau silencieux, une présence qui s’impose bien plus que je ne pourrais le souhaiter. Et pourtant, c’est cette ombre qui m’attire, qui m’aspire.Je me redresse avec une lenteur délibérée, mes muscles encore engou
ClaraIl dort encore. Pour une fois.Son souffle est lent. Régulier. Comme si, dans le chaos qu’est sa vie, ce lit était le seul lieu où il pouvait tomber les armes. Où je pouvais l’atteindre. Où la violence du monde ne le mordait pas.Je le regarde longtemps, les jambes repliées sous moi, comme si je tentais de me rappeler chaque ligne de son visage. Il a l’air paisible. Fragile presque. Si fragile que j’en oublie qu’il est capable de commander la mort d’un homme d’un simple signe de tête.Je me lève sans bruit. Mes pieds nus glissent sur le parquet froid. Je ne veux pas le réveiller. Pas encore. Je veux être seule avec mes pensées, même si je les crains.Je me glisse dans la salle de bains, referme la porte. L’eau coule, tiède. Elle efface les traces de la nuit, mais pas celles du doute.Je m’observe dans le miroir. Les cernes sous mes yeux. Le creux dans mes joues. Mon corps est marqué par l’amour comme par la guerre. Parce qu’avec lui, c’est la même chose.Et je me demande.Est-ce
RaphaëlL’aube ne se lève pas vraiment sur New York.Ici, la lumière est artificielle.Les ombres aussi.Et la vérité se cache entre les reflets de verre et les silences des puissants.Clara dort encore. Le drap à peine tiré sur sa peau. Son souffle est calme.Trop calme. Comme si son corps avait compris ce que son esprit refusait d’admettre.Elle a vu. Elle sait.Et même si elle ne dit rien, même si elle prétend tenir bon, je l’ai vue trembler.Je suis devant la baie vitrée. Manhattan pulse en contrebas.Un empire sans couronne.Mais le mien.Construit à la sueur, au sang et à la peur.Le téléphone vibre. Une fois. Deux.Code noir.Mon pouce effleure l’écran. Un message codé.Une réunion improvisée.Un nom à effacer.Un accord à conclure.Un avertissement à formuler dans le langage qu’ils comprennent tous : la peur.Le monde ne s’arrête pas pour la douleur.Ni pour l’amour.Je me penche vers elle. Un instant. Son épaule nue. Son cou fragile.Je pourrais rester. Juste quelques seconde
RaphaëlL’aube perce à peine.Mais je suis déjà debout.Je l’observe. Nue, dans les draps défaits. Sa peau encore marquée par mes doigts. Ses lèvres entrouvertes, offertes à un rêve qu’elle ne finira pas.Et en moi, quelque chose gronde.Pas une hésitation. Une nécessité.Un message clignote sur l’écran du téléphone :QG. Crypté. Urgent.Mais ce matin, je ne suis pas seulement un roi de guerre.Je suis aussi un homme.Alors je m’habille lentement. Chemise noire, boutons d’argent. Pantalon sombre. Mon arme se loge à sa place, contre ma hanche. La veste tombe sur mes épaules. Et avec elle, le masque revient.Mais avant de sortir… je prends une enveloppe dans le coffre mural. Elle est fine. Précise. Légèrement froissée. Et contient tout ce qu’il faut.Je me tourne vers elle. Toujours endormie. Et pourtant, je sens que quelque chose en elle sait déjà.Alors je m’approche.ClaraJe me réveille en sentant que l’air a changé.Je tends la main. Vide.Puis le froissement d’un tissu. Un métal
ClaraIl ne parle pas tout de suite.Mais je le sens.Quelque chose a changé dans l’air. Un frémissement. Une fracture.Il marche dans la pièce comme un fauve blessé. Une énergie sombre l’enveloppe. Comme un orage prêt à éclater. Il ne me touche pas. Pas encore. Mais ses yeux me brûlent.Il s’arrête. Se tourne vers moi.Et là, son silence devient insoutenable.Raphaël(d’une voix basse, rauque)« Clara… j’ai besoin de toi. Mais pas… pas comme tu es. »ClaraJe le fixe, figée.Ces mots, simples, sont des coups. Je les sens s’enfoncer en moi, comme des éclats.Je reste droite. Mais à l’intérieur, tout vacille.Clara(à peine un murmure)« Qu’est-ce que tu dis… ? »Raphaël« Ce monde, le tien… tes croyances, ta lumière… Ce n’est pas moi. Tu le sais. Tu l’as toujours su. »Je baisse les yeux.Oui.Je le savais.Mais je n’avais jamais voulu le formuler. Pas comme ça. Pas à voix haute.Raphaël« Je ne peux pas te protéger si tu restes divisée. Si une partie de toi continue à croire en quelq