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Chapitre 5 : L’épreuve du désir

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-02-26 03:29:18

Clara

Je devrais m’enfuir.

Je devrais tourner les talons et rejoindre ma cellule avant que tout ne bascule.

Mais je reste.

Raphaël est trop proche. Trop intense. Trop dangereux.

Son regard est une menace douce, une promesse silencieuse d’un monde où la vertu n’a pas sa place.

Et pourtant, il ne me touche pas.

Il attend.

Comme un chasseur face à une proie qui hésite encore à fuir.

Je retiens mon souffle.

Ma peau brûle sous son regard.

« Vous tremblez, ma sœur. »

Sa voix est un murmure, rauque et chargé de quelque chose que je refuse de nommer.

Je baisse les yeux, les poings serrés.

« Ce n’est pas ce que vous croyez. »

Un silence.

Puis un léger rire.

Un rire sans moquerie, mais empli d’une certitude qui me terrifie.

« Vous êtes sûre ? »

Je devrais répondre. Le repousser. Trouver une excuse, n’importe quoi pour briser ce moment.

Mais je n’y arrive pas.

Parce que je mens.

Je tremble parce qu’il est là.

Parce que son ombre me hante depuis le premier jour.

Parce que quelque chose en moi se brise à chaque seconde où je soutiens son regard.

Il le sait.

Et moi, je me déteste de lui offrir cette vérité.

Raphaël s’approche encore, jusqu’à ce que je sente la chaleur de son corps.

Je me raidis.

S’il me touche, je suis perdue.

Raphaël

Elle est magnifique ainsi.

Immobilisée par un désir qu’elle refuse d’accepter.

Un feu brûle en elle, et je le vois.

Elle lutte encore, s’accrochant à ses principes comme une noyée à une épave.

Mais les épaves coulent.

Toujours.

Je l’observe, laissant mon silence peser entre nous.

Elle est si pure dans son trouble, si naïve dans sa résistance.

Je pourrais la briser.

Lui arracher sa foi d’un seul baiser.

Mais ce serait trop simple.

Non.

Je veux qu’elle choisisse sa chute.

Qu’elle vienne à moi de son plein gré.

Alors, je recule d’un pas.

Je vois la lueur de surprise dans ses yeux.

Elle s’attendait à ce que je la pousse au bord du précipice.

Mais je suis patient.

Les âmes comme la sienne ne se conquièrent pas par la force.

Elles se consument lentement.

Je plonge mon regard dans le sien, un sourire en coin.

« Vous devriez rentrer, Clara. »

Je prononce son prénom sans détour, savourant la façon dont il roule sur ma langue.

Elle tressaille.

Son trouble est un spectacle fascinant.

Mais elle reste silencieuse.

Alors je continue.

« Si vous restez plus longtemps, je finirai par croire que vous ne voulez pas partir. »

Elle ouvre la bouche, puis la referme aussitôt.

Elle cherche une réponse.

Une justification.

Mais il n’y en a pas.

Alors elle fait la seule chose qui lui reste.

Elle tourne les talons et disparaît dans la nuit.

Je la regarde s’éloigner.

Son pas est rapide, nerveux.

Mais elle reviendra.

Parce que le poison est déjà en elle.

Et qu’il n’y a pas d’antidote.

Clara

Je ferme violemment la porte derrière moi, le souffle court.

Mon cœur bat si fort qu’il cogne contre mes côtes.

Dieu m’éprouve.

C’est la seule explication.

Pourquoi lui ?

Pourquoi cet homme, ce hors-la-loi, ce monstre de violence et de péché, me trouble-t-il autant ?

Je me laisse tomber à genoux, priant à voix basse, les mains tremblantes.

Mais je ne ressens rien.

Pas de paix. Pas de réconfort.

Juste le fantôme de son regard.

L’ombre de son sourire.

Et cette fièvre qui refuse de s’éteindre.

Je passe la nuit éveillée, les yeux ouverts sur le vide.

Mais au matin, une seule vérité s’impose à moi.

Je veux comprendre Raphaël.

Je dois comprendre.

Même si cela signifie me perdre dans l’obscurité.

Clara

Le jour se lève sur Poudain-Bassé dans un silence étouffant.

J’ai prié toute la nuit.

Ou du moins, j’ai essayé.

Mais chaque mot que je murmurais me paraissait creux, vidé de son sens.

Ce n’était pas Dieu que je voyais dans mes pensées.

C’était lui.

Raphaël.

Son regard sombre. Son sourire provocateur. La chaleur qu’il dégageait, si proche de moi hier soir.

Je devrais le haïr.

Je devrais le craindre.

Mais ce n’est ni la peur ni la haine qui nouent mon estomac.

C’est autre chose.

Un poison qui coule dans mes veines, insidieux et brûlant.

Je me lève avec un soupir. Il faut que je m’occupe l’esprit.

L’hospice est calme lorsque je traverse les couloirs étroits, mes pas résonnant sur le sol de pierre. J’entends les sœurs chuchoter dans la pièce commune. Elles savent.

Elles ont vu mon trouble hier soir.

Et elles ont peur.

De moi.

Ou de ce qu’il pourrait me faire.

Je serre les poings et accélère le pas.

Il faut que je sorte.

Il faut que je respire.

L’air frais du matin m’accueille avec une morsure glaciale. L’automne approche, et avec lui, le vent porte une odeur de terre humide et de bois brûlé.

Je longe la rue principale, évitant les regards curieux des villageois.

Ils ne m’aiment pas.

Ils tolèrent ma présence, mais je suis une étrangère ici.

Une anomalie.

Ils savent que je ne leur appartiens pas.

Pas encore.

Et pourtant, je marche droit vers le seul endroit où je ne devrais jamais aller.

Vers lui.

Raphaël

Je la vois approcher avant même qu’elle ne me remarque.

Elle marche vite, le regard baissé, comme si elle tentait de fuir quelque chose d’invisible.

Mais elle vient à moi.

Encore.

Un sourire effleure mes lèvres.

Je l’attendais.

Appuyé contre un vieux mur de pierre, les bras croisés, je la regarde s’arrêter à quelques pas.

Elle inspire profondément, comme pour se donner du courage.

« Vous ne priez pas, ce matin ? »

Ma voix est douce, moqueuse.

Elle tressaille.

« J’ai déjà prié. »

Je hausse un sourcil.

« Et

vous avez trouvé vos réponses ? »

Elle ne répond pas tout de suite.

Je vois la lutte dans ses yeux.

Elle veut croire qu’elle a encore le contrôle.

Mais elle sait que c’est un mensonge.

Je pousse doucement du pied une vieille chaise à côté de moi.

« Asseyez-vous. »

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