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CHAPITRE 9

Auteur: Guillaume Coquery
last update Dernière mise à jour: 2024-10-29 19:42:56
Labo IML St Gaudens 2018

Leds était dans son laboratoire, perplexe. L’analyse interne était terminée, Irina Kolienko était encore ouverte comme un livre sur la table d’autopsie.

L’examen du bol alimentaire faisait état d’un cocktail détonant. La danseuse ne devait pas être en super forme avec tout ceci... La dose de psychotropes était forte. Suffisamment pour la faire planer, mais non létale. L’observation du corps présentait un sujet en forme : bon tonus musculaire, cœur, poumons semblant parfaitement sains. L’état hépatique, par contre, n’était pas brillant ! Son foie était en mauvais état. Les prises de drogues avaient laissé des traces. Sans doute avait-elle contracté une infection lors d’échanges de seringues, les analyses étaient en cours.

Au niveau de ses avant-bras, le légiste avait examiné les plaques verdâtres, la peau présentant des traces de nécroses importantes. Elle avait les mêmes exulcérations à l’intérieur des cuisses, en haut près du sexe. La taille des lésions était à cet endroit bien plus étendue. Il y avait aussi de profondes cicatrices, signes de mortification des tissus bien plus avancée. La chair desséchée avait fini par se détacher et tomber. Sous ces durillons nécrosés, parfois, elle avait réussi à guérir. La douleur avait dû être atroce. Le légiste n’avait jamais vu ce genre de dégâts particuliers. Bien sûr, il connaissait son existence par la littérature médicale professionnelle, mais y être confronté ici, dans une petite ville de province, alluma un signal d’alarme dans son subconscient. Elle avait eu de la chance de s’être sortie de cette spirale, mais aussi, d’avoir réussi à guérir. La mort qui lui était promise si elle avait continué à s’injecter cette merde était assurément bien plus désagréable que celle qu’elle avait eue.

Après quelques recherches et l’utilisation du joker « appel à un ami », Leds fut en mesure de confirmer qu’Irina Kolienko, durant son passé de junkie, avait croisé la route du redoutable krokodil. Son ami lui avait envoyé un article, édité par l’OMS, sur cette drogue bas de gamme venue de Russie dans les années 2010... Un simple mélange de codéine, avec des produits ménagers et un solvant. Ce qu’il avait découvert dans les lignes de cet article médical l’avait complètement glacé. Ce produit hautement addictif avait fait fureur en une seule année en Russie. Pour couper la codéine, les pauvres utilisaient des diluants de peinture, du phosphore rouge (qu’ils récupéraient au bout des allumettes) et même du gasoil. Dépendance forte dès la première injection, létalité de 50 % dès le premier mois !

 

Les rares qui arrivaient à s’en sortir présentaient des séquelles physiques et très souvent neurologiques. Le nom de cette saloperie : Krokodil, était venu du fait que les produits non assimilables par le corps humain restaient dans les tissus proches de l’injection, et les rongeaient. Le pourrissement de la peau lui faisait prendre cette teinte verdâtre, l’épiderme se durcissant, se craquelant, le faisant ressembler à... un cuir de crocodile ! Certains l’appelaient aussi la Zombie Drug... sans commentaire ! Dans des cas extrêmes, les lésions vont jusqu’à ronger les os. Les douleurs sont telles que les pauvres victimes sont prêtes à s’injecter n’importe quoi pour ne plus souffrir. Le nombre d’overdoses était monté à un niveau jamais atteint avec les drogues classiques.

Le légiste commençait à avoir vu pas mal de choses. Les photos qui s’offrirent à lui, après qu’il eut entré le mot clé krokodil dans son moteur de recherche, firent baisser encore d’un cran le peu de confiance qu’il lui restait dans le genre humain... Comment l’addiction et la misère pouvaient-elles engendrer de telles horreurs ? Comment l’appât du gain pouvait-il inciter des monstres à vendre de tels produits ?

L’examen de la blessure mortelle n’apporta pas d’autres faits qu’ils ne savaient déjà. Irina n’avait pas pu tirer, cela avait été confirmé par l’absence de poudre sur ses mains. Une chose, cependant, l’intriguait. Les analyses en cours lui donneraient, il l’espérait, les réponses aux questions en suspens.

Il envoya un SMS à Damien.

« Viens quand tu as ce message, faut qu’on cause. »

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