Besançon2018Le commandant Jarier fouillait dans les archives ; dossier Irina Kolienko. Il devait être dans une de ces boîtes en carton, la petite n’ayant plus fait parler d’elle depuis des années.Effectivement, pour une fois, bien classé dans sa boîte cartonnée de la série des K…Le fichier n’était pas bien épais, mais la trace dans les souvenirs du policier était intacte ! Pauvre gamine ! À l’époque, Tristan Jarier s’était fortement impliqué dans l’histoire de cette ado détruite. Il faut dire qu’elle avait exactement le même âge que Léna, sa nièce, au mois près. Pour compléter la similarité, elles étudiaient dans le même Lycée.Quand le planton lui avait passé le commissariat de Saint-Gaudens, il avait pris l’appel sans arrière-pensée. Machinalement, il avait tapé le nom de la ville et consulté la première occurrence, sa fiche Wikipedia. La géopolitique, sa population, son histoire, rien de tout ceci ne l’intéressait. Il avait tout juste besoin de s
Commissariat de St Gaudens–Monsieur Vasseur, je vous rappelle que vous êtes ici en qualité de témoin. Vous êtes bien Alexis Vasseur, né à Besançon le douzefévrier 1995 ?–Oui, j’ai déjà répondu à ça tout à l’heure à votre collègue.–Je ne suis pas mon collègue, vous n’êtes pas là pour m’expliquer mon boulot, vous répondez à mes questions bien gentiment, c’est tout.Le ton était presque doux, le regard d’accompagnement par contre était sans équivoque. L’équilibriste n’avait pas intérêt à l’emmerder.–Vous êtes, le fils de Céline Vasseur, fonctionnaire territoriale, et né de père inconnu.–Oui, lâcha-t-il dans un soupir qui voulait montrer un ennui profond. Mon enfoiré de géniteur s’est barré avant ma naissance. Une raclure de bidet, comme tous les amis de ma salope de mère.Charmant garçon, pensa Frédo.–Depuis quand connaissez-vous mademoiselle Kolienko ?–On était à l’
Commissariat de St Gaudens, semaine de la mort d’Irina.–Allo ! Sergent, c’est Jarier... commissariat central de Besançon.Le commandant, avait promis de le rappeler pour sa requête concernant le dossier Kolienko. Ils échangèrent quelques formules de politesse, quelques banalités sur le temps. Damien brûlait de connaître le contenu de l’archive, mais le savoir-vivre prenait le pas sur l’urgence. Jarier tournait autour du pot. Il entama une tirade au sujet de l’actualité internationale et de l’influence de Trump sur la politique climatique européenne. La vacuité du propos commençait à faire bouillir son interlocuteur qui, n’y tenant plus, enchaîna.–Je suppose que vous ne m’appeliez pas pour discuter gaz à effet de serre.–Oui, Sergent, vous avez raison. Je m’égare, désolé. Alors, votre enquête, ça avance ?–Pas trop mal, on en est vraiment au début, justement, ce dossier...–Euh, j’ai une mauvaise nouvelle&nb
St GaudensAu débrief du soir, chacun fit son compte-rendu rapide de la journée. Celle-ci pouvait être qualifiée de « petite journée », sauf pour Yannis qui allait enfin pouvoir sortir de l’affaire des cartes bleues. Il avait mis en lumière la complicité de l’informaticien du supermarché dans la série des petites arnaques au paiement sans contact. La fraude était de bien piètre niveau, la mise en place informatique plutôt bancale, le pire étant les profits qui tenaient du minable.Quels que soient les résultats financiers de ce genre d’arnaque, la peine encourue est la même. Risquer autant pour quelques centaines d’euros, il fallait être un peu idiot; ce qu’ils étaient assurément.Yannis Amraoui fut félicité, Frédo suggéra qu’eu égard à son bon résultat du jour, il pouvait être dispensé de croissants pour le lendemain…–Je propose que le chef emporte le déjeuner jusqu’à la fin du mois.Et devant l’air interrogateur du capitaine, il p
Besançon2010Irina souriait devant son ordinateur, ravie du mauvais tour qu’elle s’apprêtait à jouer à Clara Zhilliet, sa copine.«Tu vas voir ma vieille, tu vas regretter de m’avoir tapé la honte ce matin. Faut pas me chercher.»Elle connaissait de longue date les identifiants Facebook de sa meilleure amie, tout comme Clara savait les siens. Ce matin-là, tout avait dérapé, Clara était arrivée d’humeur massacrante. Pour partie, à cause de la colle qu’elle devrait effectuer le soir même, après les cours: Rangement du matériel et nettoyage du gymnase à partir de dix-huitheures. Elle était énervée aussi suite à une énième confrontation avec son idiot de beau-père. Dès qu’Irina était apparue, elles s’étaient pris le bec toutes les deux. Oh, elles ne devaient même plus savoir pourquoi elles s’étaient disputées. L’important, c’est qu’elles l’avaient fait en public et qu’elles s’étaient dit des choses que deux amies ne devaient pas se dire !
St Gaudens2018Deux heures du matin… marre de consulter le réveil toutes les troisminutes ! Yannis ralluma son pc: connexion Facebook, et ce fut parti pour une bonne séance d’archéologie, façon hacker ! Quand il regarda à nouveau la pendule, il avait les yeux qui piquaient. Il avait du être happé par une faille spatio-temporelle, il était cinq heures quinze... Il lui semblait n’avoir passé qu’un quart d’heure, ou au pire trente minutes. Il était tout de même satisfait de sa pioche. Il mit un peu de clair dans ses notes et retourna au lit pour deuxpetites heures de repos bien mérité.Lorsque le téléphone sonna, il tâtonna du bout des doigts sur la table de nuit, attrapa son Smartphone et au moment de décrocher, eut une décharge d’adrénaline en voyant l’heure… huit heures vingt.–Allo, dit-il, essayant de masquer un relent de voix pâteuse.–Bon sang ! Yannis, tu dormais ? Qu’est-ce que tu fous ?Sandrine était furax !
Besançon2010Clara se dirigeait vers le gymnase comme une automate. Cette histoire de colle, ça la gavait sévère ! Quelle punition de naze, pestait-elle ! Ce n’était que la consécration d’une journée calamiteuse, elle ne voyait pas bien ce qu’il pourrait bien lui arriver de pire ! Déjà, ce matin, elle s’était pris la tête avec sa copine, ensuite, son téléphone s’était déchargé et, pour couronner le tout, il lui fallait aller ranger ces trucs qui puent la sueur et la testostérone !Et allez, ça continue, elle avait oublié les travaux! Il lui fallut faire le tour complet pour pouvoir entrer ! Quand elle arriva de l’autre côté… Oh non ! pensa-t-elle « Décidément, une journée de merde, c’est une journée de merde jusqu’au bout ». Kevin et Jules étaient assis sur la murette attenante au gymnase. Les idiots du village, « qu’est-ce qu’ils foutent là, bordel ? Faut vraiment que je les bloque de mon Facebook. » pensa-t-elle.–Salut, beauté.Clara lev
2° PartieLe déplacement de l'enquête à BesançonCommissariat de Saint-Gaudens2018.Sandrine luttait pour ne pas s’endormir pendant l’interminable discours de fin de mission. Un truc dont Pichery avait le secret… l’art de meubler le vide. Parler pendant un quart d’heure d’un non-événement devait relever d’un talent certain. Elle se souvint de Frédo, qui lui avait glissé à l’oreille lors du dernier débrief avec le commissaire:–On dirait une émission de déco sur M6: du clinquant et du tape à l’œil, mais en regardant de près, c’est à chier !La digression lui permit de sourire et d’éviter de sombrer définitivement.Damien, de son côté, venait de prendre connaissance des avancées nocturnes de Yannis. Il appela le procureur. Il argumenta un lien possible avec la disparition de Clara Zhilliet, à Besançon, ainsi que la curieuse perte de toutes les pièces du dossier. En mettant tous les éléments en vis-à-vis, on a
BesançonFrédo semblait septique, et Sandrine aussi.–Quoi ? Demanda le capitaine.Il les regardait alternativement. La brune secouait la tête, dubitative. Elle entama une longue tirage:–J’imagine… Anka arrive dans la caravane, Irina a déjà commencé à fêter la soirée avec son cocktail, vodka-médicament. Sa sœur entre, ou alors Bergeron, ou les deux, peu importe ! Elle est dans les vapes, elle a donc droit à son injection de Xyla machin. Elle pousse son dernier soupir ! Alexis vient à ce moment, Il la trouve inconsciente. Même s’il ne sait pas qu’elle est morte, c’est la bonne occase pour lui de piquer son blé. Alors, pourquoi lui tirer une balle ? Pour la tuer ? Il n’en a pas besoin... conclut-elle avant de continuer : il n’y a que les psychopathes qui tuent sans raison. Et pour l’affaire d’Irina, on peut écarter Anthony... Tout accable Alexis, les empreintes et maintenant, le mobile.Frédo en ajouta une couche.–
BesançonL’arrestation d’Anka Kolienko s’était déroulée sans histoire, à six heures du matin. Ce fut la BRI14 de Besançon qui s’en chargea. Dans la foulée, une perquisition en règle avait été opérée. Le petit juge Kambert était venu en personne pour la superviser. Il espérait sans doute la présence de la presse, même à cette heure matinale ? Coup de chance, les journalistes étaient là. Qui avait bien pu vendre la mèche ? « Je jure de trouver la source qui nuit à la sérénité de l’enquête », avait-il déclamé sur un ton outré. Anka, quant à elle, resta mutique. Elle ne pipa mot durant toute la perquisition, ni après son transfert au commissariat central. Karpof était en retrait, trop d’affects avec la jeune femme. On le laissa seul quelques minutes avec elle. Il essaya bien de la raisonner, mais rien n’y fit.Dans le même temps, la BAC de Pau avait fait une descente dans la caravane d’Alexis Vasseur. Le procureur Séverac du TGI de Saint-Gaudens avait assez d’éléments p
Un mois avant la mort d’IrinaIrina reposa son stylo, pour relire la lettre qu’elle venait d’écrire à Anka ... son Aksora adorée.Elle se grattait l’avant-bras. La plaque rêche fourmillait. La chair verdâtre, craquelée, devenait plus dure à mesure que l’on s’approchait du centre. Par moment, la démangeaison était telle qu’elle avait besoin d’y aller au cutter, d’arracher les lambeaux, de tailler dans le vif. Ses stigmates allaient être bientôt effacés. Elle avait vu un médecin dermatologue. Il envisageait une greffe de peau sur les quatre parties nécrosées. Le principe était d’une simplicité enfantine. On allait lui prélever de l’épiderme et du derme sain plus bas dans la cuisse, avec une sorte de couteau à kebab. Le greffonserait ensuite réimplanté sur la zone préparée et, après deux ou trois opérations, les parties mortes auraient pour ainsi dire disparu, du moins le lui avait-on assuré. Peut-être même pourrait-elle remettre un maillot de bain, d’ici trois o
St GaudensToute la journée avait été consacrée à gérer le loupé magistral du matin. Pichery avait failli en avaler son chapeau, Les flics de l’IGPN étaient bien sûr venus, Damien avait dû rendre son Sig Sauer, pour la forme lui avait-on dit... Tous trois avaient été entendus. Le commandant Batista des Bœufs 13 avait débriefé avec Damien, en fin d’après-midi. Leurs versions concordaient. À première vue, on ne pouvait pas parler de bavure. L’utilisation de l’arme répondait parfaitement aux deux sacro-saintes règles... L’absolue nécessité avérée, ainsi que la réponse proportionnelle. Elles ne pouvaient être contestées. Il y avait d’abord le delta entre la musculature du forcené et la stature de la policière. L’examen pratiqué sur elle était éloquent. Comme écrit sur le rapport de l’urgentiste: « La pression exercée par les menottes a créé un hématome profond proche des voies respiratoires. L’accroissement de cette pression dans cette zone aurait engendré un écras
BesançonBoris Karpof entra dans la C5 noire de son ami. Comme à son habitude, Paul, le chauffeur infirmier, les laissa seuls. Le préfet le rappela. Il lui demanda de s’approcher et luiglissa un mot à l’oreille. Paul acquiesça avec une légère moue de surprise.Georges Bergeron avait la mine pire que jamais. Son teint blafard tirait vers le crayon gris, terne comme un ciel de pluie. Le temps avait enfin décidé d’arrêter sa grisaille coutumière. Oh, ce n’était pas le grand bleu, mais au moins ne pleuvait-il plus, c’était déjà ça. Paul s’éloignait en allumant une cigarette, seul vice que lui connaissait son employeur. Le commissaire ne levait pas la tête. Ce fut lui qui lança les hostilités.–C’est fini Georges. Je suis désolé.–Tu m’avais promis, Boris. Tu nous as trahis !–Je n’ai rien pu faire. Je ne sais pas quoi te dire de plus.–Comment ont-ils su ?–Youri… Il est mort hier soir !Le pr
Sur la route, à soixante kilomètres de St Gaudens–C’est encore loin ?–Décidément, tu es comme les gosses... Ma sœur a une gamine comme toi. Elle n’a pas le cul dans une bagnole depuis cinqminutes qu’elle demande avec une voix traînante: « c’est quand qu’on arrive » ? Mais elle n’a que six ans ! ajouta Sandrine, gratifiant son jeune collègue d’un clin d’œil appuyé.Tiens, regarde le panneau, jeune padawan impatient... Auch, trois kilomètres: tu as ta réponse.Quelques minutes plus tard, aux alentours de sept heures quarante-cinq, le groupe approcha lentement de la caravane. Damien avait dirigé le briefing. S’ils profitaient de l’effet de surprise, il y avait peu de chance qu’il réagisse.Ils avaient roulé toute la nuit, deux voitures pour trois chauffeurs. Pas vraiment de quoi pouvoir se reposer. Pichery n’avait voulu prendre aucun risque. Le GIPN allait se charger de l’arrestation. Damien avait dû obtempérer
BesançonLe capitaine Sergent attendait qu’on le fasse entrer dans le bureau du juge Kambert. Un petit juge qui ne faisait pas l’unanimité! Il en faisait trop d’après radio SPP... Dans tous les prétoires, il y avait ces bruissements de couloir, ces échanges de rumeurs. Le lieu des petits et grands règlements de compte, radio SPP: radio Salle des Pas Perdus. Il n’y avait pas que les pas qui se perdaient, les mots aussi s’envolaient. Parfois, ils ne s’égaraient pas tout à fait, et allaient se nicher au creux d’une oreille attentive. Damien les avait recueillies, ces petites bribes lâchées en l’air, juste avant que l’huissier ne l’annonce dans le saint des saints. Une petite confidence faite par un flic du coin, un habitué de Kambert ! Il lui avait expliqué à mots couverts que le petit juge avait parfois la langue bien pendue avec la presse… et qu’il pouvait lâcher des infos si ça pouvait lui apporter un peu de lumière. Damien ne savait pas encore ce qu’il allait en fai
BesançonLes deux flics s’apprêtaient à frapper à la porte.–Cette fois s’il me prend pour une demeurée, je lui refais le portrait et je le jette par la fenêtre !–OK, et moi je te filme et je balance ça sur le net, répliqua le jeune geek en cognant à la porte.La porte s’entrebâilla. La puanteur qu’ils avaient oubliée leur sauta à la gorge.–C’est tôt, putain. Vous voulez réveiller l’immeuble ou quoi ?–Police, tu nous remets ? Ouvre !–Et pourquoi je le fera ?–Attention à toi, que je lui donne une raison pour qu’il le fera… lança le flic à l’attention de sa collègue.Il se mit en porte-à-faux arrière pour prendre de l’élan, et lança le plat du piedprès de la poignée. La chaînette capitula sans insister. La porte s’ouvrit en grand. Le nez de Kevin n’eut pas la présence d’esprit de l’entrebâilleur. Il éclata comme une cerise gorgée de soleil. Le pauvre idiot se retrou
BesançonUne dame encore jolie et bien mise vint ouvrir aux deux policiers. Bien sûr, elle fut étonnée par l’heure matinale, il n’était même pas huit heures. « Bien heureuse que j’aie mon cours, sinon ils me trouvaient en peignoir » telles étaient les pensées profondes que lui inspiraient cette visite inattendue.–Oui, bonjour, que puis-je pour vous ?Les deux policiers présentèrent leurs cartes de service.–Bonjour, madame Allard ?–Non il n’y a pas de madame Allard, enfin je l’espère… ajouta-t-elle avec un petit rire. Mon compagnon s’appelle Pierre Allard, mais nous ne sommes pas mariés.–OPJ Sandrine Martin, et mon collègue, Yannis Amraoui. Pouvons-nous lui parler ?–Oui je vous l’appelle, mais moi je ne reste pas. J’ai Tai-chi-chuan!Pierre ! On te demande. Sur ce, au revoir, messieurs dame.Au moment de partir, elle se ravisa et s’enquit soudain avec un brin d