BesançonBoris Karpof entra dans la C5 noire de son ami. Comme à son habitude, Paul, le chauffeur infirmier, les laissa seuls. Le préfet le rappela. Il lui demanda de s’approcher et luiglissa un mot à l’oreille. Paul acquiesça avec une légère moue de surprise.Georges Bergeron avait la mine pire que jamais. Son teint blafard tirait vers le crayon gris, terne comme un ciel de pluie. Le temps avait enfin décidé d’arrêter sa grisaille coutumière. Oh, ce n’était pas le grand bleu, mais au moins ne pleuvait-il plus, c’était déjà ça. Paul s’éloignait en allumant une cigarette, seul vice que lui connaissait son employeur. Le commissaire ne levait pas la tête. Ce fut lui qui lança les hostilités.–C’est fini Georges. Je suis désolé.–Tu m’avais promis, Boris. Tu nous as trahis !–Je n’ai rien pu faire. Je ne sais pas quoi te dire de plus.–Comment ont-ils su ?–Youri… Il est mort hier soir !Le pr
St GaudensToute la journée avait été consacrée à gérer le loupé magistral du matin. Pichery avait failli en avaler son chapeau, Les flics de l’IGPN étaient bien sûr venus, Damien avait dû rendre son Sig Sauer, pour la forme lui avait-on dit... Tous trois avaient été entendus. Le commandant Batista des Bœufs 13 avait débriefé avec Damien, en fin d’après-midi. Leurs versions concordaient. À première vue, on ne pouvait pas parler de bavure. L’utilisation de l’arme répondait parfaitement aux deux sacro-saintes règles... L’absolue nécessité avérée, ainsi que la réponse proportionnelle. Elles ne pouvaient être contestées. Il y avait d’abord le delta entre la musculature du forcené et la stature de la policière. L’examen pratiqué sur elle était éloquent. Comme écrit sur le rapport de l’urgentiste: « La pression exercée par les menottes a créé un hématome profond proche des voies respiratoires. L’accroissement de cette pression dans cette zone aurait engendré un écras
Un mois avant la mort d’IrinaIrina reposa son stylo, pour relire la lettre qu’elle venait d’écrire à Anka ... son Aksora adorée.Elle se grattait l’avant-bras. La plaque rêche fourmillait. La chair verdâtre, craquelée, devenait plus dure à mesure que l’on s’approchait du centre. Par moment, la démangeaison était telle qu’elle avait besoin d’y aller au cutter, d’arracher les lambeaux, de tailler dans le vif. Ses stigmates allaient être bientôt effacés. Elle avait vu un médecin dermatologue. Il envisageait une greffe de peau sur les quatre parties nécrosées. Le principe était d’une simplicité enfantine. On allait lui prélever de l’épiderme et du derme sain plus bas dans la cuisse, avec une sorte de couteau à kebab. Le greffonserait ensuite réimplanté sur la zone préparée et, après deux ou trois opérations, les parties mortes auraient pour ainsi dire disparu, du moins le lui avait-on assuré. Peut-être même pourrait-elle remettre un maillot de bain, d’ici trois o
BesançonL’arrestation d’Anka Kolienko s’était déroulée sans histoire, à six heures du matin. Ce fut la BRI14 de Besançon qui s’en chargea. Dans la foulée, une perquisition en règle avait été opérée. Le petit juge Kambert était venu en personne pour la superviser. Il espérait sans doute la présence de la presse, même à cette heure matinale ? Coup de chance, les journalistes étaient là. Qui avait bien pu vendre la mèche ? « Je jure de trouver la source qui nuit à la sérénité de l’enquête », avait-il déclamé sur un ton outré. Anka, quant à elle, resta mutique. Elle ne pipa mot durant toute la perquisition, ni après son transfert au commissariat central. Karpof était en retrait, trop d’affects avec la jeune femme. On le laissa seul quelques minutes avec elle. Il essaya bien de la raisonner, mais rien n’y fit.Dans le même temps, la BAC de Pau avait fait une descente dans la caravane d’Alexis Vasseur. Le procureur Séverac du TGI de Saint-Gaudens avait assez d’éléments p
BesançonFrédo semblait septique, et Sandrine aussi.–Quoi ? Demanda le capitaine.Il les regardait alternativement. La brune secouait la tête, dubitative. Elle entama une longue tirage:–J’imagine… Anka arrive dans la caravane, Irina a déjà commencé à fêter la soirée avec son cocktail, vodka-médicament. Sa sœur entre, ou alors Bergeron, ou les deux, peu importe ! Elle est dans les vapes, elle a donc droit à son injection de Xyla machin. Elle pousse son dernier soupir ! Alexis vient à ce moment, Il la trouve inconsciente. Même s’il ne sait pas qu’elle est morte, c’est la bonne occase pour lui de piquer son blé. Alors, pourquoi lui tirer une balle ? Pour la tuer ? Il n’en a pas besoin... conclut-elle avant de continuer : il n’y a que les psychopathes qui tuent sans raison. Et pour l’affaire d’Irina, on peut écarter Anthony... Tout accable Alexis, les empreintes et maintenant, le mobile.Frédo en ajouta une couche.–
Besançon2010Le commandant Jarier inspira. Il devait se calmer, retrouver le contrôle et composer son numéro. Il allait encore se prendre une réflexion cinglante, c’était certain.–Allo ! Monsieur le préfet, c’est Jarier.L’homme ne répondit pas de suite, il l’entendit soupirer, et ce n’était pas de l’admiration.–Oui qu’y a-t-il ? Je vous ai dit de ne pas m’appeler, vous êtes con ou quoi ?Le commandant se mit à bredouiller, c’était la première fois que le préfet Bergeron le traitait de con ! Imbécile, idiot, abruti, ça, il y avait eu droit, mais con, c’était inédit !Le policier esquissa un sourire. Ce qu’il avait à lui dire était de nature à ébranler cet homme charismatique. Il allait se le prendre dans la gueule… Il savoura l’instant.–Nous avons un problème.Il s’en voulut immédiatement. Ce n’était pas la phrase qu’il avait préparée! Il se mordit la lèvre. Il aurait dû lui dire: « VOUS
1ère PartieL'enquête à St GaudensSt Gaudens Haute-Garonne février 2018Tom est surexcité, plus d’un mois qu’il attend ça ! Tom a quatre ans et à son âge, le temps est une donnée abstraite, élastique. Depuis que son papa lui en a fait la promesse, depuis qu’il sait qu’il va aller voir les jongleurs, les clowns, les animaux, tous les soirs au moment du coucher, il demande inlassablement:–Papa, c’est après ce dodo qu’on va au cirque ?–Non Tom, encore 25dodos...........–Papa, c’est après ce dodo qu’on va au cirque ?–Non Tom, encore 7dodos.Enfin, le jour tant désiré arriva. Un après-midi complet au cirque, avec papa ! Depuis leur départ, il est intarissable.–Et les clowns, on va les voir les clowns ? Et les tigres, il y en a des tigres, hein, papa ? Moi j’aime les tigres, ils me font même pas peur les tigres. Moi, ce que je préfère, c’est les zequilibr
Besançon novembre 1995Youri Kolienko serrait sa petite Anka contre lui dans la salle d’attente de l’hôpital public. Il était inquiet, le bébé allait arriver avant le matin. Le prénom était choisi depuis le début de la grossesse.–On l’appellera Irina, comme maman ! avait déclaré Youri, en riant.–Non ! Décréta Aksana, ce sera Sergei, comme papa. Je ne vais pas te faire une nouvelle fille, mon Youri, ce sera un beau garçon, le descendant des Kolienko que tu attends. Il sera beau et fort, comme toi.À la troisième échographie, ils durent renoncer à Sergei. Les derniers mois d’aménorrhée furent très compliqués et pénibles. Les contractions avaient commencé dès le sixième mois. Le terme était quasiment atteint. Demain matin, cet épisode douloureux ne serait qu’un mauvais souvenir. Sauf que…La veille, Youri et Aksana Kolienko étaient arrivés à l’hôpital avec leur fille Anka, aux alentours de sept heures trente. La poche des eaux venait de se