BesançonCela faisait quelques minutes qu’ils visionnaient les caméras du café quand une petite musique répétitive au piano venant du smartphone se fit entendre. Nouvel appel, sonnerie personnalisée. Une habitude du capitaine.Pour son ex-femme, Bea, les violons grinçants de «Psychose». Pour Sandrine, « La famille Adams». Pour Frédo, les tambours de Queen avec «We will rock you», et bien sûr, pour Yannis, l’air des Pokémons... La musique qui se faisait entendre à cet instant était reconnaissable dès la première portée, une intro que tout le monde connaît… Une mélodie de film d’horreur. Comme émergeant de sa torpeur, Damien réalisa à qui elle était affectée. Il se redressa en prenant le téléphone, un doigt sur les lèvres :–L’exorciste! Silence, c’est Pichery !Yannis n’avait visiblement pas vu le film, mais l’association d’idées exorciste et Pichery lui suffit. Il se pinça les lèvres. Sandrine, par contre
Besançon–Où est ta voiture ?–Euh, par là... Frédéric, vous faites une lourde erreur, vous ne devriez pas faire ça.–Écoute mon gars, ça fait sixans que tu me balades, six ans que j’y crois et que tu te fous de ma gueule. C’est fini, tu vas me dire tout ce que tu sais sur la disparition de ma femme. Tu habites toujours seul ?Ils venaient de monter dans la voiture du commandant.–Euh, oui pourquoi ?–Roule, on va chez toi. On sera tranquille.Frédo connaissait la maison de Jarier pour y être déjà venu quelques années auparavant, pour une raison quelconque dont il n’avait gardé aucun souvenir. Une bicoque dans un coin calme, isolée, en retrait de tout: Un endroit idéal pour discuter.La circulation dense de Besançon avait commencé à se fluidifier dans la banlieue, puis de fluide était devenue inexistante. Ils roulaient maintenant seuls depuis quelques minutes. Enfin, ils arrivèrent. La mai
BesançonLes événements de ces dernières heures avaient laissé Damien et son équipe complètement abattus. Il avait besoin d’occuper son esprit. Dans les questions en suspens, il restait toujours Anka Kolienko et le petit détail qu’il avait oublié.Il n’était pas trop tard. Ce n’était pas bien loin, il alla lui rendre une petite visite. Elle lui ouvrit de bonne grâce.–Que me vaut le plaisir, Sergent ?–Capitaine est plus adapté mais... Appelez-moi Damien, plutôt.–Entrez capitaine.Elle le regardait avec un air qu’il ne sut interpréter. Était-ce du défi, du dédain, ou quelque chose de plus amical ? Il ne savait mettre de réponses en face. Il entra et se tança intérieurement, elle venait de lui donner une leçon de flic... Une des premières que l’on apprend ! La distance raisonnable ! Quel con je fais, se maudit-il !–Merci mademoiselle ! Fut la réponse de celui qui ne veut pas prendre de risque supplémentaire
Besançon–Police, ouvrez !L’homme avait entrebâillé la porte, à moitié réveillé, en boxer et tee-shirt. L’ensemble n’était pas très net.–Qu’est-ce que... J’ai fait quoi ?Pour toute réponse, il vit deux cartes barrées du drapeau national, tellement près de son nez qu’il dut reculer la tête pour voir ce qu’il y avait écrit dessus. Ce délai de réaction lui fut fatal. Sans qu’il ait le temps de protester, il vit entrer une brunette avec un nez de boxeur, imitée par un jeune beur qui protégeait ses arrières. Le bordel ambiant sembla les arrêter. L’odeur de sueur âcre et de relent de poubelle prenait à la gorge. Ils avaient auparavant décidé de leurs rôles. Elle dirigerait l’opération, Yannis resterait en retrait au cas où... il suivait sa collègue de très près, la main droite sur la crosse de son arme de service.Elle fit signe à l’homme de s’asseoir sur la première chaise. La nuit avait été mauvaise pour toute l’équipe. Sandrine, particuliè
BesançonAlors que Sandrine et Yannis étaient partis interroger Kevin, Damien devait passer au commissariat pour rencontrer ce commissaire au nom russe. Durant la route, il n’arrêtait pas de penser à son ami... son téléphone était sur messagerie. Plus qu’inquiétant. Au petit déjeuner, ils avaient convenu qu’il était temps d’aller tout déballer aux flics avant qu’il ne soit trop tard: mentalement, il se préparait à ce qu’il allait dire. Il ferait écouter la conversation téléphonique de la veille, expliquerait l’enlèvement en tentant de minimiser l’action de Frédo. Allait-il être écouté ? Il en doutait. Entendu ? Il l’espérait... D’humeur maussade, il souhaitait qu’il n’arrive pas d’autre catastrophe aujourd’hui…Il allait être déçu!Treize heures étaient passées depuis le dernier appel, depuis l’ultime signe de vie. Comme d’habitude, il pleuvait un crachin faible, mais persistant. Le ciel lourd de menaces à venir était tout à fait raccord avec le moral d
BesançonSandrine frappa à la porte, une femme au visage sympathique vint ouvrir. Yannis était en retrait. Grâce à l’appli GPS, ils avaient trouvé l’adresse de Jules. Il n’habitait qu’à quelques rues de son abruti de copain... assez normal en fait, que deux amis vivent dans le même quartier. La dame affichait un grand sourire, ne sachant que penser de ses visiteurs. Les deux cartes de police, de funeste mémoire, lui figèrent le visage.–Oui ?–Bonjour, madame, OPJ Martin et gardien de la paix Amraoui. Désolés de vous déranger, nous avons des questions à vous poser au sujet de votre fils, Jules.Soupir de lassitude de la mère.–Entrez.Elle fit volte-face et s’engagea dans le grand salon attenant au couloir. Il était meublé avec beaucoup de raffinement et de moyens, l’ensemble était agréable à l’œil. Au mur, deux belles lithographies de Toffoli mettaient des touches de couleur dans cette décoration sobre. La seule faute de goût
BesançonL’équipe, ou plutôt, ce qu’il en restait, s’était retrouvée dans leur quartier général: La chambre d’hôtel premier prix avec WIFI. L’humeur était à l’image du temps, calamiteuse.Il pleuvait avec une fréquence métronomique ! Il pleut deux heures, il ne fait pas beau pendant deux heures, il pleut deux heures... et ainsi de suite. Depuis qu’ils avaient dépassé Brive-la-Gaillarde quatre jours plus tôt, ils n’avaient pas revu le soleil. Ici, la grosse boule jaune devait être un mythe que l’on racontait aux enfants pour réussir à les endormir…Tous les trois étaient assis en cercle... un cercle qui ne ressemblait plus à rien, à l’image de leur groupe décimé. Ils rassemblaient leurs idées, essayant d’en trouver une bonne. Las, leurs cerveaux semblaient figés dans de la poix refroidie. Leur cercle ne tournait plus rond. Ils fonctionnaient au ralenti. Bien sûr, Damien était allé à la pêche aux informations, mais il n’avait pu parler à Frédo qu’une minute, et
BesançonBoris Karpof avait appelé son ex-ami d’enfance. La loi du silence devait être brisée, les faits étaient trop graves. Le vieil animal politique n’était pas facile à dompter. La joute avait commencé.–N’oublie pas Boris, si je plonge, tu plonges avec moi !–Ne me prends pas pour un idiot Georges. On est dans la même galère. Ton méchant toutou a merdé grave. On ne peut pas dire que ce crétin de Jarier va beaucoup me manquer, mais qu’est-ce qui t’a pris d’envoyer Jörg ? Tu sais aussi bien que moi que c’est un cinglé ingérable. Et pourquoi Jarier ?–Il a pris une initiative regrettable. Mais à chaque chose malheur est bon, on va être débarrassé de toute la bande d’un coup.–Il n’y a que Biakry qui soit hors circuit, les autres sont encore là.–Ne t’inquiète pas. Dès cet après-midi, j’appelle la préfète de Haute-Garonne. On va gérer ça entre homologues, les ordres vont redescendre en cascade et demain, ils ne se