Chapitre 4 : Kaito

— Il s’est passé quelque chose d’étrange, m’informe Luna le lendemain matin, alors que je suis sur le point de prendre mon petit déjeuner sur la terrasse de ma chambre.

Je me fige, la tasse de café suspendue à mes lèvres. Étrange ?

— Quoi ? Et tu m’en informes seulement maintenant ? rugis-je, sentant la colère monter en flèche, au point de menacer de faire éclater mes points de suture.

Mon flanc me lance, mais je l’ignore. Luna garde un calme imperturbable, bien que je sache qu'elle mesure chacune de mes réactions.

— Ce n’est rien de grave, chef, juste une voisine fêtarde qui s’est trompée de chalet. Rien de plus.

— Comment peux-tu en être aussi sûre ? répliqué-je, ma voix tranchante, chaque mot chargé de méfiance.

La colère ne me quitte pas. Rien n’est jamais anodin.

Luna me parle calmement, mais je ne peux pas laisser passer ça. Une simple erreur de chalet ? Non, il n’y a pas de coïncidences. Pas dans mon monde.

— Une voisine fêtarde, vraiment ? Comment peux-tu en être aussi sûre ?

Ma blessure me lance à chaque respiration, et je serre la mâchoire pour ne pas laisser transparaître la douleur. Je ne suis pas en état de supporter ce genre de complication, et pourtant, il faut que je m’en occupe. Tout pourrait basculer d’un instant à l’autre.

— On l’a identifiée. Une cliente de l’hôtel, habituée des lieux. Elle s’est simplement trompée de chalet après avoir trop bu. Rien de plus.

L’explication semble logique, mais mon instinct me murmure autre chose. Rien n’est jamais aussi simple.

— Je veux des informations plus complètes sur elle. Où elle habite, qui elle fréquente. Je veux tout savoir, ordonné-je.

— Je m'en occupe, chef, répond Luna sans une once d'hésitation.

Je laisse un instant de silence s'installer, l’esprit toujours en ébullition.

— Renforce la surveillance autour de Juliette. Que personne ne l’approche sans que je sois immédiatement informé.

— Compris. Mes hommes sont déjà sur place, et ils resteront invisibles, ajoute Luna.

Je raccroche sans un mot de plus, mais je reste là, le téléphone toujours dans ma main, comme si la conversation n’était pas terminée. Elle est en sécurité… pour l’instant. Mais tout ce que je ressens, c’est une inquiétude grandissante, un nœud qui se forme dans mon ventre. Je ne crois pas au hasard. Pas dans cette situation.

La douleur dans mon flanc me ramène à la réalité. Vulnérable. Le mot me hante, m’irrite. Je déteste être dans cet état, où mes mouvements sont limités, où mon corps me trahit. Et Juliette... elle, malgré elle, est désormais impliquée. Ce monde n’est pas fait pour elle. Seulement il est trop tard. Elle est désormais dans mon champ de gravité, que cela lui plaise ou non.

Je prends une profonde inspiration, tentant de maîtriser mes nerfs. Chaque jour passé loin d'elle ne fait qu'accroître le danger. Je ne peux plus la tenir trop longtemps à distance. Elle m'a sauvé, et cela change tout.

Mon regard dérive vers la fenêtre. Le ciel s’assombrit doucement, teinté d’ombres mouvantes qui dansent sous les derniers rayons du soleil. La ville en contrebas semble paisible, mais je sais que sous cette apparence trompeuse, des menaces se préparent dans l’ombre.

Un coup frappé à la porte me sort de mes pensées. Ichida entre sans attendre mon autorisation.

— On a trouvé quelque chose, chef.

Je me redresse aussitôt, ignorant la douleur lancinante.

— Parle.

— L’homme qui suivait Juliette hier a été identifié. Il appartient à un groupe rival. Rien d’officiel, mais nos contacts confirment qu’ils opèrent souvent pour des contrats d’assassinat.

Une vague de rage glacée me traverse.

— Ils veulent l’atteindre pour m’affaiblir.

— C’est probable, acquiesce Ichida. Nos hommes l’ont filé jusqu’à un entrepôt abandonné en bordure de la ville. Ils attendent vos instructions.

Mon sang bout. Je me lève avec difficulté.

— Prépare la voiture. Nous y allons.

Ichida hésite une fraction de seconde avant de hocher la tête.

— Vous êtes encore blessé…

— Ce n’est pas une option, Ichida. Ils ont osé menacer quelqu’un sous ma protection. Je vais leur rappeler à qui ils ont affaire.

Enfilant ma veste, je me dirige vers la sortie, déterminé à éteindre cette menace avant qu’elle ne puisse s’abattre sur Juliette.

Car s’il y a une chose qu’ils doivent comprendre, c’est que toucher à elle, c’est signer leur arrêt de mort.