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Chapitre 3

Author: Paola Yu
last update Last Updated: 2024-12-18 11:30:44
Je pourrais lister une tonne d'incidents humiliants impliquant ma famille, comme le jour où je suis venue dans cette maison, à genoux devant mon père, pour lui demander de l'argent pour soigner ma mère, ou le moment où Amanda et sa mère m'ont offert une boîte de vêtements usés et déchirés, en disant que je « devrais mieux m'habiller ».

Mais me demander de participer à l’organisation du mariage de mon ex-fiancé avec sa maîtresse enceinte, qui est aussi ma demi-sœur ? Ça devait bien être la chose la plus cruelle sur cette liste.

« Je n’aiderai pas Amanda à organiser son mariage avec Andrew. Pourquoi je ferais un truc pareil ? » déclarai-je calmement, en attendant que mon père admette que c’était une mauvaise blague.

Serge me regardait, désapprobateur, tandis qu’Amanda souriait, essayant de cacher sa satisfaction en mangeant sa salade de fruits.

« C’est décevant que tu ne prennes pas le chemin de la maturité dans cette affaire. Si tu refuses d’aider, je vais devoir reconsidérer ton contrat avec l’entreprise. J’ai cru comprendre que tu venais d’être embauchée comme permanente, » me menaça-t-il.

J’avais envie de crier et de l’insulter, mais je ne pouvais rien faire. J’étais prise au piège, prête à être manipulée une nouvelle fois.

« Je pensais qu’ils ne pouvaient pas me virer comme ça, » répondis-je en souriant de manière forcée, essayant de contenir ma colère.

Je ne devais pas réussir, car Amanda et sa mère étaient à deux doigts de rire.

« On te paiera ton indemnité de rupture. Et ça voudra dire aussi que tu coupes tous les ponts avec ta famille. C’est ce que tu veux ? Détruire ta relation avec ta seule sœur pour un homme ? Mets de côté cette jalousie ridicule et concentre-toi sur ce qui compte vraiment. L’image de la famille, notre héritage... et ta carrière. »

J’étais prise au piège. Mon travail, c’était tout ce qu’il me restait. Je ne pouvais pas me permettre de le perdre. Pas maintenant. J’avais besoin de temps pour trouver autre chose, pour savoir où j’irais vivre.

« Qu’est-ce que je dois faire pour ce mariage ? » demandai-je à contrecœur, les dents serrées.

Les trois semblèrent satisfaits, contents de voir que j’avais cédé.

« Tu pourrais commencer par rendre la bague de fiançailles à Andrew. C’est un bijou de famille, il vaut des centaines de milliers de dollars, » dit ma belle-mère. « Elle doit revenir à la future épouse. »

« Bien sûr que je vais la rendre, » dis-je avec un sourire crispé.

« Et tu pourrais m’accompagner pour choisir ma robe de mariée. Maintenant que tu es plus raisonnable, ça compterait vraiment pour moi que tu sois là, » ajouta Amanda, faussement douce.

Là, mon sourire s’effaça. J’avais envie de lui lancer le vase de tulipes à la figure. Une telle cruauté était tout simplement inutile, et ils le savaient tous.

« Comment Marianne pourrait-elle encore nous aider, chéri ? » demanda ma belle-mère à Serge.

Il essuya sa bouche avec sa serviette, la posa sur la table, puis se leva.

« J’ai une réunion importante. Vous trois, gérez ça. Et dans le calme, s’il vous plaît, » ordonna-t-il avant de s’éclipser.

Je refusais ce plan machiavélique et le suivis à l'intérieur. Il fallait que je lui parle seule à seul. J’attendis qu’il atteigne l’escalier principal avant de parler.

« Tu ne peux pas me faire ça, papa. Pourquoi tu me punis comme ça ? »

Il s’arrêta, se tourna vers moi, soupira, puis se frotta le front. Dans son esprit tordu, c’était sûrement moi le problème.

« T’es comme ta mère. Tu ne sais jamais quand t’arrêter, » grogna-t-il. « Si tu n’arrives pas à rendre Andrew heureux, autant qu’Amanda le fasse, pour toi, pour nous. »

« C’était mon copain, papa ! Je l’aimais ! »

« Et tu penses qu’il t’aimait ? » répondit-il avec sarcasme. Mon cœur se brisa une troisième fois. « Tes sentiments n’ont pas plus de valeur que l’enfant qui pousse dans le ventre de ta sœur, ni que l’alliance avec les Wells. Tout s’écroule, et tout ce qui t’intéresse, c’est toi. C’est ta chance de me prouver que tu sais te tenir. Ne sois pas faible, sois forte, comme doit l’être une Fairmount. »

« Monsieur ? On vous attend dans votre bureau, » lança un employé depuis le haut des marches.

« Je n’ai plus rien à te dire, Marianne. Retourne voir ta mère et ta sœur, » ordonna-t-il en montant les marches.

« Ce ne sont ni ma mère, ni ma sœur, et tu n’es pas mon père. Épargne-moi tes leçons de morale bidon, » répondis-je.

Mes mots déclenchèrent la fureur de Serge, qui se mit à me crier dessus. Je n’écoutais plus. J’étais déjà en train de quitter cette maison, qui n’avait jamais été la mienne, cette famille qui ne m’avait jamais vraiment accueillie, et qui ne le ferait jamais. Et à ce moment précis, je fis une promesse : d’une manière ou d’une autre, ils allaient tous payer pour ça.

« Je suis bien ? » demandai-je à ma collègue.

Jenna était une collègue qui était devenue une amie au fil des années. Mais on bossait dans des départements différents – elle, c’était le marketing, et moi, les ventes – et on était toutes les deux absorbées par la bataille pour décrocher nos promotions.

« Comment ils ont pu te faire ça ? C’est vrai ? Il t’a vraiment quittée pour épouser Amanda ? » demanda-t-elle, triste.

« Les rumeurs vont vite. C’est déjà arrivé jusqu’à ton étage ? » rétorquai-je, amère.

« En fait, j’ai entendu ça à la pause déjeuner. Je t’ai cherchée tout à l’heure à la cafèt’. T’étais où ? »

« Papa m’a invitée à déjeuner. Il voulait que je l’aide à organiser le mariage. Ah, et ils veulent que je rende la bague de fiançailles pour qu’elle puisse la porter. »

Jenna fut choquée par ce que je venais de dire. Sa bouche resta grande ouverte, une pure indignation.

« Et ensuite quoi ? Elle est enceinte de l’enfant d’Andrew ? » ragea-t-elle. Quand je hochai la tête, elle fulmina encore plus. « Fous-la dans les escaliers, fais-lui perdre ce bébé. »

« Pas que je n’y ai pas pensé... » Je ris, mais une larme coula que j’essuyai aussitôt. Jenna me frotta doucement le dos. « La vérité, c’est que je ne ferais jamais ça à Amanda. En fait, j’espérais qu’en épousant Andrew, papa finirait par me respecter, et me laisserait enfin être une vraie partie de la famille. J’ai toujours rêvé que tout le monde finirait par m’accepter et admettre qu’ils m’avaient mal traitée. Mais j’ai compris que tout ça, c’était juste un rêve. Qui pourrait tomber amoureux de moi ? Je suis pathétique. »

« Hey, non, c’est pas vrai. Je ne veux pas t’entendre dire ça. Qui n’a jamais été trompé ? C’est pas de ta faute. Tu es une personne géniale. T’es belle et t’es super douée dans ce que tu fais. C’est lui l’idiot. Qu’il reste avec Amanda, la petite princesse. Il va avoir une sacrée surprise. Le karma va s’occuper de lui. »

« Mais pas assez vite pour que j’échappe à l’épreuve de l’aider à choisir sa robe de mariée, » me plaignis-je en avalant une autre gorgée de mon verre.

« Je ne serais pas si sûre, » répondit Jenna avec un sourire malicieux. « Y a des rumeurs qui circulent. »

« Quel genre de rumeurs ? »

« On sait qu’Andrew essaye d’acheter la majorité des parts de l’entreprise depuis des années, pas vrai ? »

Bien sûr que je le savais. Ce matin même, Andrew m’avait avoué que c’était pour ça qu’il s’était engagé avec moi. Fairmount Corporation, c’était l’œuvre de mon père, donc il détenait la majorité des parts. Mais récemment, d’autres actionnaires poussaient pour un virage, l’internationalisation, l’expansion. Ils voulaient plus de succursales et opérer dans plus de pays, mais papa, lui, refusait. Il voulait rester prudent. Il détestait le changement.

C’est pour ça qu’Andrew était tellement obsédé par l’idée de racheter ses parts. Il voulait être celui qui rendrait cette expansion possible. Et grâce à Amanda, il était sur le point d’y parvenir.

« Oui, c'est quoi la nouvelle ? » demandai-je, un peu perdue.

« Il paraît qu'un investisseur étranger a proposé le double de l'offre d'Andrew. Le double ! »

« C’est pas vrai... » murmurais-je, sous le choc.

Jenna se détacha de notre conversation et tourna la tête pour regarder nos collègues. Elle affichait une mine de désapprobation totale.

« Quelle audace ! » ajouta-t-elle, indignée.

Je me retournai aussi, et l’envie de finir mon margarita cul sec me traversa l’esprit. Mon amie fixait Amanda et Andrew. Nos collègues les entouraient, et je pouvais entendre de loin les compliments sur l’apparence d’Amanda.

« Bande d’hypocrites... » grogna Jenna, furieuse.

« Désolée pour l'interruption, on voulait juste être sûrs que vous passiez une bonne soirée et vous féliciter pour vos objectifs à mi-parcours, » déclara Amanda.

Je ne pus m'empêcher de remarquer qu’Andrew la tenait par la taille. Il m'aperçut, comme un faucon qui repère une proie, et resserra son étreinte autour d'elle. Je savais que toutes les femmes présentes murmuraient dans mon dos. Elles attendaient de voir ma réaction.

« On voulait aussi vous inviter personnellement. Comme vous le savez, Andrew fera bientôt partie de la famille Fairmount, et pas seulement au niveau pro, » ajouta-t-elle en le regardant avec amour, regard qu'il lui rendit. « On se marie en novembre à Willowdale Estate. Vous êtes tous les bienvenus. »

J'arrêtais de les écouter dès que les applaudissements commencèrent.

Nous aussi, on devait se marier en novembre, au même endroit. Les invitations devaient partir la semaine prochaine. Je ne pouvais plus supporter ça. Alors que certains ne pouvaient s’empêcher de me lancer des regards moqueurs ou pleins de pitié, je quittai précipitamment la pièce. Je marchais rapidement vers le couloir des toilettes, prête à éclater en sanglots ou à faire la plus grosse crise de panique de ma vie. Peut-être les deux.

Mais au lieu d'arriver à ma destination, je percutai de plein fouet un homme grand avec un verre à la main. Le choc me fit reculer de plusieurs pas et renversa son verre par terre. Quand je levai les yeux pour le détailler, je me retrouvai sans voix. Il était incroyablement séduisant, avec de larges épaules dans un costume noir, des yeux bleus captivants et un parfum envoûtant qui flottait autour de lui.

« Tu devrais faire attention où tu vas. Maintenant, tu m’en dois une, » dit-il d’un ton taquin.

Peut-être qu’une Marianne sobre et raisonnable aurait refusé. Mais la version de moi-même actuelle, qui venait de descendre trois margaritas, qui venait encore d’être humiliée et qui était sur le point de perdre son travail, fit tout l’inverse.

« Oui, tu as raison. »

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