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Emmett dépose son téléphone et contemple la rue de l’autre côté de la grande fenêtre. Sa sœur n’a jamais été hostile de quelque manière que ce soit envers leur petit frère. Si ça se trouve, elle regrette de l’avoir fait. De toute façon, il a avancé son transfert et pourra rentrer plus tôt. Passant une main distraite dans ses cheveux tout en s'étirant, il ne remarque pas la serveuse qui était à ses côtés et renverse les boissons qu’elle apportait sur un plateau, pour la table devant lui. 

La ligne à la caisse était tellement longue que le passage en largeur du restaurant que ceux qui traversent doivent presque se coller aux tables près des fenêtres. La jeune fille contemple le café par terre et lève les yeux vers Emmett qui lui aussi avait les yeux rivés vers le sol. Pourquoi les pires choses doivent toujours lui arriver dans la vie? “Putain.” Il souffle, secoue la tête et se lève de sa chaise pour ramasser les dégâts qu’il a causés. Il prend le plateau vide au sol et commence à ramasser les morceaux les plus gros. 

La serveuse, dont l'étiquette sur sa chemise affichait “Gianna”, avait la bouche grande ouverte devant un Emmett, accroupi dans sa tenue médicale bleue, ramassant les morceaux de verre et les gobelets en cartons renversés sur le sol. Secouant sa tête pour sortir de ses pensées, elle se précipite au sol au moment où Emmett se lève.  Le menton de Gianna frappe le front de Emmett et elle perd l'équilibre. 

Soit il est un preu chevalier sous couverture soit ses réflexes viennent  de son instinct de protection en tant que médecin. Des morceaux de verre, toujours eparpilles au sol, risquaient de blesser la jeune femme; il ne pouvait pas laisser ca arriver devant ses yeux. Dans un même élan, il lâche le plateau, se lève rapidement et attrape les deux bras de Gianna et l'attire vers lui. 

La serveuse encore sous le choc depuis que le coude d’Emmett a frappé son plateau, n’en pouvait plus. Depuis son réveil, sa journee a ete plus médiocre que les 10 mille autres qu’elle a vu depuis ses vingt-neuf ans d’existence: le loyer de son appartement arrive à terme, son compte en banque est plus sec que le désert du Sahara à cause des frais de son université, sa mère veut la présenter à un énième “fils d’une amie” et ses plantes meurent peu importe quel saint de la nature qu’elle prie. 

Alors, lorsqu’un client renverse son plateau et qu’en essayant de l’aider et de sauver sa place dans ce restaurant, le frappe et trouve le moyen de tomber à la renverse dans les morceaux de verre au sol, elle s’est dit que peut-être s’aurait été pour le mieux. Peut-être que l’univers serait plus clément à son égard si elle pleurait ou si elle ne se battait plus contre le destin. 

La douleur était ce que son corps et son cerveau s'étaient préparés à recevoir. Lorsqu’au contraire, deux mains chaudes entourent ses poignets et un corps chaud s'écrase sur le sien, Gianna pense de tout son être que son cœur a lâché avant l’impacte et qu’elle se retrouve au ciel dans les bras de Dieu. 

Elle n’ose pas ouvrir les yeux. Pas encore en tout cas. Si c’est Dieu, il sentait très bon. Un mélange d'eucalyptus et de pomme? Elle ne pouvait pas identifier l’odeur moins présente. De toute façon, l’eucalyptus remportait la palme d’or d’odeur calmante. Si Dieu sent aussi bon, bah, elle est contente d'être morte aussi jeune. 

“Vous allez bien?” Lui demande une voix près de son oreille. Dieu a une voix très sexy en plus. Oh merde. Elle regrette de n'être pas morte plus tôt soudainement. Est-ce cela, l’amour divin? Elle se sent libérée de tous ses soucis et ses problèmes sur le coup. Une sérénité s’empare d’elle et la seule chose qui lui vient en tête c’est qu’elle est morte et qu’elle est heureuse. 

“Oh mon Dieu, je suis vraiment morte?” C'était la seule chose qu’elle arrive a dire. Dieu allait la réconforter. C’est sûr. 

“Non, pas encore. Mais ouvrez les yeux pour que je puisse voir si vous allez bien.” Pourquoi la vouvoie-t-il? Elle va enfin voir son créateur. Et dans un sourire, Gianna ouvre les yeux. 

Dieu ressemblait étrangement à l’homme qui a renversé son plateau tout à l'heure. Le paradis a le même décor que le restaurant dans lequel elle travaille aussi. Et les anges… Les anges la regardent tous avec la même expression: la surprise. Quoi? Elle ne devait pas embrasser Dieu? 

“Heu.. Gianna, c’est ça? Rien de cassé?" Lui demande l’homme en face d’elle. Rien de cassé? Quoi? 

“Vous n'êtes pas Dieu?” Elle murmure. Lui lui sourit de toutes ses dents et secoue la tête. “Je suis Emmett", répond- il sur le même ton. 

“Il s’est passé quoi?” Elle demande. 

“Venez vous asseoir.” Il lui prend la main et la fait s’asseoir sur la chaise la plus proche. 

Cet homme n’est certainement pas Dieu, elle n’est pas morte, et ces gens ne sont évidemment pas des anges. Merde. Une autre humiliation à ajouter à son palmarès. Ce qui fait que ce beau jeudi est en effet le pire jour de sa vie. Les malheurs s’accumulent comme les dettes qu’elle a en ce moment. Ce qui fait beaucoup. 

Toute l’action n’a duré que moins de quinze minutes mais le moment a duré plus que toute son existence se dit Emmett. Gianna est évidemment sous le choc et il en est la cause. Putain. 

Rapidement le manager arrive près d’eux plus confus que le reste des spectateurs. Même ceux qui sont à la caisse sont plus intrigués par le couple que par leur monnaie. 

“Monsieur,” commence l’homme chauve dont le nom “Jerry” était surmonté du titre de “Manager” sur sa chemise couleur vert caca d'oie. 

Emmett lève la main lui signifiant de se taire. L’homme ne pouvait que hocher la tête, faisant tout pour éviter une possible poursuite en justice. Ce matin, il a bien vu que Gianna n'était pas dans son assiette mais il sait aussi qu’elle a besoin du salaire que ses heures au restaurant lui procurent. 

“Je suis le seul responsable du dégât qui a été cause monsieur.” Dit Emmett sans lui jeter un coup d'œil. Il était occupé à prendre le poul de Gianna qui n’osait regarder personne, même pas son sauveur dans les yeux. D’ailleurs, tout à l'heure, lorsqu’ils étaient proches, elle a pu voir de près ses yeux. Principalement bruns mais avec quelque chose de doré dedans. Ou bien était-ce du vert? Elle ne sait pas. les gens brouillent sa mémoire et les larmes s’occupent de sa vue. 

“Je paierai tous les frais nécessaires. Pas besoin de blâmer votre employée. Elle n’a rien fait de mal.” Étant actuellement sûre qu’elle ne risque pas de s’effondrer et que son cœur fonctionne correctement du mieux qu’il le peut en ce moment, il lâche son poignet. Gianna reprend sa main et enroule l’autre autour de son poignet pour effacer la chaleur qui s’y est installée. 

Jerry acquiesce et se tourne pour parler aux clients. L'attention d'Emmett reste dirigée vers Gianna dont la tête est baissée sur la table. Il ne la connait pas donc il ne peut pas la forcer à le regarder. Mais il voulait vérifier quelque chose. Il ne savait pas trop quoi en fait… 

Emmett donne sa carte à Jerry pour le contacter afin de régler ses dettes. Le manager le remercie et tend une main impatiente mais non menaçante a Gianna qui la prend. Les deux personnes s'éloignent de la scène alors que deux autres serveurs arrivent avec des kits de nettoyage pour ramasser le verre, les liquides et les gobelets toujours au sol. 

Alors que l'intérêt se dissipe doucement autour de lui, Emmett ferme ses yeux et se pinça l'arête du nez. “Putain de merde.” Il dit dans un souffle. 

Moins de cinq minutes plus tard, l’homme qu’il attendait arrive enfin à sa table et s'assit devant lui. 

“C’est vrai que pendant mon retard tu as sauvé une demoiselle en détresse d’une mort certaine?” Il demande dans un sourire. 

Alexander Perry, Alex, ou encore Docteur Perry est le meilleur ami d’Emmett depuis leurs années universitaires. En fait, c’est bien le seul vrai ami qu’il a en Angleterre. Les autres sont des collègues de travail ou bien des exs pour ce qui en est de certaines femmes. 

“Comment tu le sais?” Demande le pédiatre en fronçant les sourcils. Ses doigts qui ont controllés le poul de Gianna le picotent toujours et la scène se retrouve déjà sur les réseaux sociaux? 

“Oh, non, ne t’en fais pas. Je ne pense pas que tu sois sur la toile, prince charmant.” Il lui sourit encore une fois en posant ses coudes sur la table et ses mains sous son menton. “J’ai un ami qui t’a reconnu, a filmé la scène et me l’a envoyé... Alors comme ça, tu sauves des gentes dames?” 

Emmett roules des yeux et sourit à son tour. Ça fait quelques mois qu’il n’avait pas vu Alex. Aujourd’hui, ils devaient discuter d’un sujet important: celui de leur départ pour l'Amérique. 

“Tais-toi bon sang, Alex. Qu’est ce qui t’a pris tout ce temps en fait? Je croyais que tu allais être là bien avant moi. Quelle fut ma surprise de voir que tu es en retard!” 

L’homme gratte sa barbe de trois jours et se frotte les tempes. 

“Melissa.” Il dit. Son ami comprend déjà de quoi il parle. 

“Qu’est ce qui s’est passé?" Tu lui a dit?” 

Alex secoue la tête et se gratte la tête. Un nouveau serveur vient leur apporter le menu ainsi qu’un verre d’eau à chacun. 

“Je n’ai dit à personne que je m’en vais.” Fini par répondre Alex après quelques minutes de silence. 

A ce moment, Emmett se rappelle que lui non plus n’a dit à personne qu’il ne venait pas seul.