Cassy
Je sors en trombe de la maison, l’air glacial de la nuit me fouette le visage. Mon cœur bat à tout rompre, mes jambes tremblent, mais je n’arrête pas. Chaque fibre de mon être hurle de fuir cet endroit. Tout semble irréel : loups-garous, prophétie, mes parents… Mon esprit tourne comme une toupie incontrôlable. Je suis en plein délire. Le gravier crisse sous mes bottines alors que je traverse le jardin à grandes enjambées. Quelques gardes me jettent des regards furtifs, mais personne ne bouge. Tant mieux. Je n’ai pas besoin de me battre pour ma liberté. Et puis c’est quoi cette histoire de garde! Il faut que je quitte cette endroit. Je m’enfonce dans la forêt. La lumière douce de la maison disparaît derrière moi, remplacée par une obscurité oppressante. Les arbres sont gigantesques, leurs branches enchevêtrées créant un plafond vivant au-dessus de ma tête. L’air est lourd, saturé d’une odeur de mousse humide et de bois. Les bruits de la nuit m’encerclent : le bruissement des feuilles, le craquement des brindilles, des hululements lointains. Tout semble plus vivant ici, comme si cette forêt avait une âme. Mais je ne peux pas faire demi-tour. Je cours sans réfléchir, mes pensées se confondant avec les battements affolés de mon cœur. Les branches me griffent les bras, le sol glissant menace de me faire tomber. Mon pied se coince dans une racine, je perds l’équilibre et m’écroule lourdement. La douleur éclate dans mon genou et mon épaule. Je mords ma lèvre pour retenir un cri. Je me relève avec difficulté, une fine pellicule de boue couvrant mes mains. Une coupure saigne sur ma paume, mais je n’ai pas le luxe de m’apitoyer. Je dois m’éloigner, aller plus loin, ne pas regarder en arrière. Mais alors que je reprends ma course, un bruit sourd me fige sur place. Un grognement. Grave. Proche. Je me retourne lentement, mes yeux s’accrochant à l’obscurité. Il est là. Un loup immense, au pelage gris cendré, des yeux jaunes brillant comme deux lanternes maléfiques. Il me regarde avec une intensité qui me glace jusqu’aux os. Il s’avance d’un pas lent, chaque muscle tendu, prêt à bondir.
— Non… Non… — je murmure, reculant maladroitement.
Il grogne à nouveau, dévoilant des crocs aussi longs que des dagues. Mon corps entier se fige, incapable de bouger, incapable de respirer. Et puis, il attaque. Je sens ses crocs s’enfoncer dans mon épaule, une douleur brûlante me déchirant. Je hurle, essayant de me débattre, mais il est trop fort. Soudain, un rugissement éclate, profond et puissant, comme un tonnerre venu des entrailles de la terre. Un autre loup surgit de l’ombre, immense, noir comme la nuit, avec des yeux d’un bleu incandescent. Sérieux? Je vais m’évanouir. Il se jette sur le loup gris avec une force et une précision terrifiantes. Les deux bêtes roulent au sol, grognant, mordant, se battant avec une brutalité sauvage. Le loup noir prend le dessus, ses crocs se refermant sur la gorge de son adversaire. Un dernier gémissement, et le corps du loup gris s’effondre, inerte. Je suis paralysée, tremblante, la douleur dans mon épaule pulsant comme un feu. Le loup noir se tourne vers moi, ses yeux pleins d’une émotion que je ne peux nommer. Lentement, sous mes yeux ébahis, il commence à changer. Ses membres se raccourcissent, son pelage disparaît, et bientôt, Logan se tient devant moi, complétement nu, sa silhouette illuminée par la lumière de la lune.
— Cassy… Tu vas bien ? — Sa voix grave résonne, mêlée d’inquiétude.
Je n’arrive pas à parler. Ni à bouger. Mon regard glisse sur son visage, puis descend, lentement, sur son torse puissant, sculpté comme une foutue statue grecque. Je ne peux m’empêcher d’admirer chaque muscle tendu, chaque ligne dessinée avec une perfection presque insolente. Et puis… Oh. Mon cœur rate un battement. Mon cerveau, lui, bugue complètement. Il est nu. Entièrement. Une chaleur étrange monte en moi. Et je ne sais pas si c’est la perte de sang, le choc, ou un mauvais tour de mon subconscient, mais la seule chose qui me traverse l’esprit, c’est : Wow. J’avale ma salive, incapable de détacher les yeux de lui.
— Tu comptes me fixer encore longtemps ou tu veux une photo ? — Sa voix amusé et rauque me sort brusquement de ma contemplation.
J’étouffe un gémissement – pas de douleur, non, juste de pure exaspération mêlée à quelque chose de bien plus embarrassant. Un sourire en coin étire ses lèvres, un mélange de malice et de satisfaction évidente.
— Enfile un truc, bon sang !
Il rit doucement, un rire grave, vibrant, qui me fait autant frissonner que grincer des dents.
— C’est toi qui mates, Cassy. Pas moi.
Et merde. Mon seul espoir, à cet instant précis ? Que la terre s’ouvre sous mes pieds et m’engloutisse. Tout de suite.
— Tu es blessée. Il faut qu’on parte d’ici, d’autres peuvent venir. Je… Je suis désolée… J’aurais dû te protéger. J’ai cru bien faire en te laissant de l’espace, mais je me suis trompé.
Il me soulève dans ses bras comme si je ne pesais rien. La chaleur de son corps contre le mien m’apaise, même si la douleur à mon épaule est toujours vive. Je m’accroche à son cou, le souffle court, troublée par sa proximité.
— Pourquoi… Pourquoi je rêve de toi ? — Je murmure, presque pour moi-même.
— Tu rêves de moi?
Son regard intense capte le mien, et pendant un instant, le monde autour de nous disparaît. La tension entre nous est presque insoutenable. J’ai envie de l’embrasser, de comprendre ce qui m’attire autant chez lui. Qu’est-ce qui ne va pas chez moi! Je viens d’être attaqué par un loup et j’ai vu Logan se transformer sous mes yeux et je joue les midinettes. À peine franchissons-nous le seuil que tout le monde se précipite. Eddy m’adresse un sourire amusé.
— Pour une première soirée ici, tu fais fort, Cassy. Bienvenue dans la famille.
Tasha me serre dans ses bras, ses yeux pleins de douceur.
— Tu vas bien, ma belle ? Viens, on va te soigner.
— Faites venir Aria, ordonne Logan.
Il m’emmène dans ma chambre, me dépose délicatement sur le lit, et disparaît quelques instants pour revenir vêtu d’un simple pantalon fluide noir. Une femme entre, petite, aux cheveux gris, un sac médical à la main.
— Cassy, je suis Aria, le médecin de la meute. Laisse-moi voir ça.
Elle nettoie ma blessure avec douceur, mais je grimace sous la douleur.
— Ça va aller, ne t’inquiéte pas. Tes blessures sont superficiels mais tu devrais te reposer, avec ce que tu viens de découvrir tu dois être un peu déboussolée. Je repasserais te voir demain.
Alors qu’Aria vient de sortir, mon téléphone vibre. C’est Dimitri. Je décroche.
— Cassy ? Ça va ? J’ai essayé de te joindre toute la journée? Dave m’a dit que tu étais parti précipitament. Tu vas bien?
— Ça va, Dim. Je suis juste… en Californie… pour une affaire familiale. Ne t’inquiéte pas pour moi d’accord. Je dois raccrocher. Je t’embrasse.
En relevant les yeux, je croise le regard de Logan qui attend à l’embrasure de la porte.
— C’est ton petit ami ?
Sa voix est basse, presque menaçante.
— Quoi ? Non, c’est un collègue.
Il détourne le regard, un sourire sur les lèvres.
— Et toi? Tu as quelqu’un dans ta vie?
Je le fixe, le cœur battant. Je ne sais même pas pourquoi je lui demande cela! Il s’approche et murmure :
— Repose-toi. Nous avons tout le temps pour en discuter demain.
Il s’installe dans un fauteuil près de moi, croisant ses bras, son regard ne quittant pas le mien. La fatigue me gagne. Je ferme les yeux, rassurée par sa présence. Avant de sombrer dans le sommeil, une pensée me traverse : mon monde ne sera jamais plus le même.
CassyJe me réveille en sursaut, mon corps encore engourdi. Un rayon de lumière filtré par les rideaux caresse doucement mon visage. Il me faut quelques secondes pour me rappeler où je suis. Logan est toujours là, assis dans le fauteuil face à moi. Il est appuyé contre l’accoudoir, son menton dans la paume de sa main, ses yeux bleus scrutant l’horizon invisible vers l’extérieur. Une partie de moi veut lui parler, poser mille questions, mais une autre hésite. Comment fait-il pour dégager une telle sérénité tout en me rendant folle intérieurement ? Je bouge légèrement, et son regard glisse immédiatement vers moi, attentif.— Tu devrais encore dormir, murmure-t-il.— Je vais bien, dis-je d’une voix rauque.Il arque un sourcil. Je sens qu’il ne croit pas une seconde à ma tentative de bravade. Moi non plus, d’ailleurs. Mon épaule me lance encore, et mon corps est lourd comme si j’avais traversé un champ de bataille. Ce qui, techniquement, n’est pas totalement faux.— Aria a dit que tu devr
CassyJe reste assise sur le bord du lit, fixant la porte. L’envie de fuir me ronge, mais ma raison me retient. Cette fois, je sais que courir serait inutile. Où irais-je ? La poignée de la porte tourne soudain, brisant mes pensées. Je me redresse instinctivement, prête à affronter… je ne sais quoi. Mais ce n’est que Tasha. Elle entre doucement.— Je me suis dit que tu aurais besoin de compagnie, dit-elle avec un sourire qui se veut rassurant.Elle s’assied à côté de moi, silencieuse au début, puis elle me regarde avec cette douceur qui semble lui être naturelle.— Cassy, je sais que tout ça est… beaucoup à encaisser. Et que tu ne fais confiance à personne ici. Mais tu n’es pas seule. On est là pour toi.Je suis incapable de répondre. Est-ce que je peux leur faire confiance ? Est-ce que je veux ? Je lève les yeux vers elle, cherchant une réponse dans son regard. Tasha pose une main sur mon genou, son sourire empreint d’une tendresse sincère.— Parfois, ce n’est pas nous qui choisisso
CassySon nom claque dans l'air, éveillant quelque chose en moi. Une peur sourde mêlée à une curiosité dangereuse.— Un sorcier ? Que veux-tu?Un rire suave s'échappe de ses lèvres.— Disons que j'ai attendu ce moment depuis longtemps. Et que le destin a enfin décidé de nous réunir.Il avance d'un pas supplémentaire, et cette fois, je ne recule pas. Une part de moi veut fuir, une autre refuse de bouger.— Cassy... Tu es plus importante que tu ne le crois. Et tu as besoin de moi.Son sourire s'élargit, sombre et fascinant.— Laisse-moi te montrer qui tu es.Un grognement profond interrompt l'instant. Je sursaute et tourne la tête. Logan est là, à quelques pas de nous, torse nu, son corps encore marqué par le combat. Ses yeux, d'un bleu intense, fixent Daemon avec une hostilité brûlante.— Tiens, tu es revenu, lâche-t-il d'un ton tranchant.Daemon ne cille pas, un sourire amusé flottant sur ses lèvres.— Je vois que tu n'as pas changé, Logan. Toujours aussi... protecteur.Logan se place
Les semaines ont passé. J’ai laissé derrière moi mon ancienne vie à New York. J’ai démissionné du journal, un départ précipité qui a rendu Dimitri anxieu. Il m’a appelée encore et encore, exigeant des explications, mais je ne pouvais pas lui dire la vérité. Alors j’ai menti. Charlotte aussi, je lui cache tout, et à chaque mensonge que je prononce, une douleur sourde me serre le cœur. Mais je n’ai pas le choix, c’est pour la protéger.Ce matin, comme tous les autres, je sors de la douche, enfile un legging et un débardeur, puis attache mes cheveux en un chignon rapide. Mes muscles sont endoloris, mes bras marqués de bleus, mais je m’accroche. L’entraînement avec Logan est difficile, éprouvant, mais j’apprends vite. Je descends dans le jardin où il m’attend, torse nu, la peau luisante sous le soleil du matin. Je ne peux m’empêcher de le regarder, et il le remarque.— Tu devrais te concentrer, murmure-t-il avec un sourire en coin.— Tu dois être plus rapide, grogne-t-il en me repoussant
La nuit tombe sur Forkswood, et la maison s’apaise enfin après une journée de tension et d'entrainement. Le dîner réunit tout le monde dans la grande salle à manger, éclairée par des chandeliers vacillants. L’ambiance est animée, mais un soupçon de nervosité flotte encore dans l’air. Tasha s’installe à côté de moi, un sourire complice aux lèvres.— Tu es bien silencieuse ce soir, Cassy. Quelque chose te tracasse ?Je joue distraitement avec ma fourchette avant de soupirer.— Juste… tout ce qui se passe. J’ai l’impression d’être prise dans un tourbillon sans savoir où je vais atterrir.— Tu ne crois pas que tu es en train de trouver ta place ici ?Je relève les yeux vers elle. Tasha a toujours ce regard doux mais perçant, capable de lire à travers moi. Je veux lui dire que je ne sais plus où est ma place, que je me perds entre Logan et Daemon, entre mon passé et ce futur incertain. Mais au lieu de ça, je hoche simplement la tête. Eddy, assis en face de nous, lève son verre.— À notre n
LoganNous avons quitté Forkswood à l’aube, un petit groupe composé de guerriers expérimentés, Cassy, Daemon et moi-même. Avec nous, Tasha, qui refusait de rester en arrière et dont les talents de guérisseuse pourraient s’avérer indispensables. Julien, un éclaireur agile qui connaissait la forêt mieux que quiconque, et Sarah, une louve redoutable au tempérament aussi tranchant que ses griffes.L’air était glacial, et le silence pesait sur chacun de nous. Chacun savait que cette mission ne serait pas une simple excursion. Je pouvais sentir la tension dans les épaules de Cassy, voir la détermination dans ses yeux. Elle voulait des réponses, et nous allions peut-être enfin les obtenir.Nous roulons plusieurs heures à travers la forêt de Six Rivers, serpentant sur des routes sinueuses bordées d’arbres immenses. Les séquoias se dressent comme des piliers millénaires, leurs troncs massifs formant un tunnel naturel au-dessus de nous. La lumière du matin filtre à travers le feuillage dense, p
LoganLe lendemain, après une nuit courte et agitée, nous reprenons la route à l’aube. Le feu s’est éteint depuis longtemps, et l’humidité matinale rend l’air encore plus pesant. La tension est palpable. Personne ne parle vraiment, chacun se préparant mentalement à ce qui nous attend.— Il nous reste une bonne heure de marche, dis-je en resserrant les sangles de mon sac. Nous allons remonter la rivière. Elias devrait se trouver dans un ancien hameau abandonné, un peu plus haut.Les autres acquiescent en silence. Nous progressons en file indienne, longeant le cours d’eau dont le bruissement accompagne nos pas. Le paysage est sauvage, majestueux. Des arbres centenaires s’élèvent autour de nous, leurs racines déformant le sol accidenté. L’air est chargé d’odeurs de terre humide, de sève et d’écorce brûlée par le soleil.Là-bas, dans l’ombre des montagnes, se dessine notre destination. Les ruines d’un ancien hameau apparaissent entre les troncs massifs, envahies par la végétation. Des bât
LoganNous nous précipitons à l’intérieur d’une vieille grange, et mon cœur rate un battement en voyant Elias. Il est attaché, affaibli, son corps couvert d’ecchymoses et de plaies ouvertes. Son souffle est saccadé, sa peau glacée.Cassy tombe à genoux près de lui, le libérant de ses liens avec des gestes précipités.— Elias ! Elias, reste avec nous !Ses paupières s’entrouvrent, et lorsqu’il aperçoit Cassy, un sourire faible éclaire son visage.— Cassy… tu es venue…Son regard brille d’une lueur de soulagement et d’urgence mêlés. Il sait qu’il est mourant, et il sait qu’il doit parler avant qu’il ne soit trop tard.— Écoute-moi… il faut que tu saches… murmure-t-il d’une voix brisée.Nous nous penchons tous autour de lui alors qu’il commence à nous raconter tout ce qu’il sait. Son souffle est court, saccadé, mais son regard reste rivé sur Cassy.— Il y a très longtemps, commence-t-il, la nuit appartenait à deux divinités. Séléné, la lumière froide et distante de la Lune, et Kael, l’om
(Cassy)L’aube est pâle, presque silencieuse, comme si la forêt elle-même retenait son souffle. Forks Wood dort encore, mais la meute est déjà là. Alignés, en silence, sur le parvis de la maison. Ils ne parlent pas. Ils regardent. Je serre contre moi mon sac à dos. Autour de nous, tout semble figé, suspendu. Eddy s’avance, le regard voilé. Il se retourne vers la fôret un instant. Il murmure quelque chose que je ne comprends pas, puis monte sans un mot dans le 4x4. Nous quittons la maison sans un bruit. Vernius a tenu à prendre le volant. À ses côtés, Sarah ne dit pas un mot, les bras croisés, l’air fermé. Je m’installe à l’arrière avec Loghan et Eddy. Aria suit dans un autre véhicule, accompagnée de Lior, Savi, Alta et Milo. La route est longue jusqu’à l’aéroport. Le paysage défile, et le silence se fait pesant. Par moments, la route semble s'étirer plus qu’elle ne devrait, comme si le temps lui-même hésitait à les laisser partir.— Tu crois qu’on va trouver ce qu’on cherche ? murmure
(Cassy)Je suis assise au bord du lit, enroulée dans un peignoir. Loghan termine de faire couler un bain. Je l’observe sans rien dire. Il est torse nu, les muscles tendus, concentré. Il dégage une énergie brute, contenue, comme si chaque mouvement était prêt à exploser.— Tu fais ça souvent ?Il relève à peine les yeux, esquisse un sourire en coin.— Prendre un bain ? Non. Mais j’avais envie que tu respires. Juste un peu.Je hoche la tête, le cœur encore lourd. Il vient s’asseoir à côté de moi, et son bras effleure le mien.— Ce nouveau voyage…Ezra… Tu penses vraiment qu’on peut lui faire confiance ?Il soupire.— Franchement ? Non. Mais je crois qu’on ne peut plus se permettre de choisir. Si on ne bouge pas, Kael nous détruira les uns après les autres.Je baisse la tête. Il la relève doucement vers lui.— Tu ne dors presque plus. Tu manges à peine. Tu ne parles plus à personne sauf à Muriel. Tu as peur de quoi exactement, Cassy ?Je le fixe, hésite, puis souffle :— De moi. J’ai peu
(Cassy)Le ciel est gris, comme si même la lumière refusait de poser les yeux sur ce jour. Une pluie fine tombe depuis l’aube, sans éclat ni fracas. Juste une tristesse liquide qui trempe la terre et les cœurs. Nous sommes tous réunis dans une clairière. Les séquoias forment un cercle naturel, imposant et silencieux. Un bûcher de branches tressées a été dressé, recouvert de fleurs sauvages. Des lanternes de cuivre oscillent doucement sous la pluie, déposant des reflets tremblants sur le visage de Tasha. Elle repose sur un lit de mousse, les bras croisés sur sa poitrine, le visage apaisé. Quelqu’un lui a tressé les cheveux. Elle est belle. Intouchable. Un violon joue, seul. Puis les voix s’élèvent. Des chants en vieux langage, psalmodiés par les anciens. Une prière mêlée au vent, qui fait frissonner les feuilles et le cœur. Eddy est à genoux. Il ne bouge pas. Depuis qu’on a ramené le corps de Tasha, il ne l’a pas quittée. Il a veillé son amour toute la nuit, assis dans un silence que
(Cassy)Dehors, la guerre fait rage. Les échos, étouffés par les murs de pierre, remontent à travers le sol, vibrent dans mes os, lacèrent mes nerfs. Chaque rugissement, chaque cri, est une déchirure. Je suis assise par terre, recroquevillée dans le froid de ma cellule. Tasha est là. Elle veille. Elle tente de faire écran à la peur.— On va s’en sortir, j’en suis sûre, murmure-t-elle, ses mains posées sur son ventre arrondi.Je ferme les yeux. Inspire.— Je l’espere, mais je ne sais pas comment ni si les choses pourront redevenir comme avant.Elle sourit, en coin.— Tu sais, parfois je nous imagine vivre dans une maison au bord du lac. Toi, Loghan… notre meute. Mon enfant. Sans prophétie. Sans dieux. Sans mort.— Une vie calme et ordinaire ?— Avec du vin rouge. Beaucoup de vin!Je ris. Vraiment. Juste un instant. Un battement d’aile suspendu dans la noirceur.Puis la porte s’ouvre. Et le froid s’engouffre. Silah. Elle est là, juste devant nous. Tasha se poste en défense.— Tu n’as r
( Loghan)La forêt est trop silencieuse. Le moindre bruissement semble faux, comme si la nature elle-même retenait son souffle. Les séquoias immobiles forment une cathédrale d’ombres, et la brume s'accroche au sol comme un présage. La lune, haute et pâle, éclaire les visages tendus de mes guerriers. Moi, je reste debout, droit, à l’orée du champ de bataille. Je sens la tension vibrer dans l’air, dans la terre, dans mes os. Neos grogne, impatient, affamé. Ils approchent. Ils sont nombreux. Ils veulent du sang. Je ferme les yeux. Inspire. L’odeur de la résine, du cuir, de la peur. Un hurlement fend la nuit, sauvage et rauque. Puis un autre. Et un autre. La lisière se déchire. Et les ténèbres dévalent sur nous. Ils sont là. Dwane en tête. Les crocs découverts, les yeux injectés de rage. Une horde derrière lui. Des meutes qu’il a retournées, corrompues. Le sol tremble sous leur course. Je hurle à mon tour. Et tout bascule. Ma colonne se tord. Mes os craquent. Ma peau se déchire pour lais
(Cassy)Ils m’ont ramenée comme une criminelle. Le silence qui s’est abattu dans la maison de la meute n’avait rien de neutre. Il était épais, saturé de jugements tus. Je sentais les regards peser sur ma nuque, l’odeur persistante du sang sur mes mains, comme une preuve brûlante qu’on ne pourrait pas effacer. La salle commune est pleine. Les visages familiers sont devenus des masques fermés. On me dévisage comme si on me voyait pour la première fois. Certains ne cherchent même pas à cacher leur hostilité. Même Eddy m'évite du regard. Tous, sauf Loghan, et Muriel.— Elle était là, au-dessus du corps, dit Julien d’une voix dure. Et la blessure... son cœur a été arraché…Un murmure d’approbation glisse comme une lame dans la pièce.Je me redresse, la voix rauque :— Je ne l’ai pas tuée. Je n’avais encore jamais vu cette fille. Pourquoi aurais-je fais ça!— Son nom était Sofia. C’était la Bêta de la meute de Dwane. Et excuse moi mais tu nous a prouvé à plusieurs reprise que tu avais du ma
(Silah)Dwane s’agite dans son sommeil. Un froncement de sourcils, une tension sous la peau, comme si ses rêves cherchaient à remonter à la surface. Je le regarde depuis mon côté du lit, allongée parfaitement immobile. Il ouvre les yeux. Me fixe. Sa voix est rauque de désir.— Tu ne dors pas ?Je souris doucement, joueuse.— Trop de choses dans ma tête…Il se redresse à moitié, pose une main sur ma hanche.— Qu’est-ce qu’il y a ?Je laisse un silence s’installer, puis je murmure :— Cassy.Il grogne, immédiatement sur la défensive.— Encore elle ?— Je ne la sens pas, Dwane. Elle est instable. Trop puissante. Et Loghan… il est aveuglé. La façon dont elle a tué Viviane… Et maintenant…Si…Je laisse ma phrase en suspens, volontairement. Il mord à l’hameçon.— Tu crois qu’elle va encore frapper ?Je hoche lentement la tête.— Et si elle le fait, ce sera ici. Contre nous. Contre toi.Je vois l’ombre passer dans son regard. Le doute, déjà. Je le saisis, je l’alimente, je l’enflamme.— Et si
(Silah)— Tu sais que ce que tu me demandes est interdit, m’interroge Gabrielle. La sorcière ne lève même pas les yeux. Elle continue d’écraser ses ingrédients dans le mortier : racines mortes, écailles, fragments de dents. L’air sent la moisissure, le sang sec et la vengeance.— Je veux juste un petit sortilége de rien du tout… Une illusion si parfaite qu’il la croira vraie jusqu’à son dernier souffle, pas plus.Je pourrais faire semblant d’avoir peur, d’hésiter, mais ce serait une perte de temps. Gabrielle sait que je suis venue chercher le genre de magie qu’on ne demande qu’une fois dans une vie. Elle me tend un bout de papier et une fiole sombre. Elle pulse entre mes doigts, vivante, presque sensuelle. J’adore cette sensation.— Une goutte. Et ces mots. S’il boit, il t’aimera. Corps et âme. Il te croira sa compagne destiné. Il brûlera pour toi.— Parfait, murmuré-je.Je quitte sa cabane avec la promesse d’un monde nouveau entre les mains. Et une seule idée en tête : Forks Wood à f
(Cassy)Je ne dors plus beaucoup depuis que Loghan m’a trouvée dans cette salle de bain. Depuis la rencontre avec Dwane, un gouffre s’est creusé entre nous. Il ne dit rien. Il observe. Et ce silence me fait plus peur que ses colères. Les jours passent. Les nuits, Kael revient. Il caresse mon esprit jusqu’à ce que le rêve bascule. Jusqu’à ce que je me réveille et que ma magie déborde un peu plus. La meute a peur de moi. Je le sens dans la façon dont les regards glissent sur moi quand je passe, dans le silence pesant qui s’installe après mes pas. Même Aria, d’ordinaire si douce, m’observe comme une bombe à retardement. Et peut-être qu’elle n’a pas tort. Ce matin, tout a commencé par une tasse de thé explosée entre mes mains. Puis un livre s’est enflammé alors que je tournais les pages. Rien d’intentionnel, juste... trop de Kael dans mes nerfs. Trop de Loghan dans mon cœur. Trop de Charlotte dans ma mémoire. Mon esprit est un champ de mines, et chaque battement de cœur pourrait être le d