Cassy
Je reste assise sur le bord du lit, fixant la porte. L’envie de fuir me ronge, mais ma raison me retient. Cette fois, je sais que courir serait inutile. Où irais-je ? La poignée de la porte tourne soudain, brisant mes pensées. Je me redresse instinctivement, prête à affronter… je ne sais quoi. Mais ce n’est que Tasha. Elle entre doucement.
— Je me suis dit que tu aurais besoin de compagnie, dit-elle avec un sourire qui se veut rassurant.
Elle s’assied à côté de moi, silencieuse au début, puis elle me regarde avec cette douceur qui semble lui être naturelle.
— Cassy, je sais que tout ça est… beaucoup à encaisser. Et que tu ne fais confiance à personne ici. Mais tu n’es pas seule. On est là pour toi.
Je suis incapable de répondre. Est-ce que je peux leur faire confiance ? Est-ce que je veux ? Je lève les yeux vers elle, cherchant une réponse dans son regard. Tasha pose une main sur mon genou, son sourire empreint d’une tendresse sincère.
— Parfois, ce n’est pas nous qui choisissons. Mais je peux te dire une chose : Henry croyait en toi. Loghan croit en toi. Et nous aussi.
— Je ne comprend rien à tout ce qui se passe. J’ai l’impression de faire un mauvais rêve duquel je ne me reveille pas! Je ne peux pas croire à tout cela!
— Pause moi des questions, je peux peut-être t’aider?
— Logan a dit qu’il était mon compagnon?
Tasha esquisse un sourire complice. Son regard est doux, mais une lueur de sérieux traverse ses prunelles.
— Explique-moi, s’il te plaît. Je veux comprendre.
Elle inspire profondément, comme si elle réfléchissait à la meilleure manière de tout m’expliquer sans me submerger.
— D’accord. Pour comprendre ce qu’est un compagnon, il faut d’abord comprendre comment fonctionne notre monde. Une meute n’est pas juste un groupe de loups-garous qui vivent ensemble. C’est une société structurée...
Elle marque une pause, cherchant mes réactions, puis continue.
— Loghan est l’Alpha. Cela signifie qu’il est notre chef. Son autorité est absolue. Il peut imposer un ordre que personne ne peut briser. C’est ce qu’on appelle l’Ordre Alpha. Un Alpha ne se contente pas de diriger, il protège, il gouverne, il veille sur chaque membre de sa meute. Et une meute ne fonctionne pas sans lui.
Je fronce les sourcils.
— Et moi, dans tout ça ?
— Toi... Tu es sa Luna. La compagne d’un Alpha n’est pas une simple partenaire. Elle est liée à lui par un lien plus profond que n’importe quelle relation humaine.
Le mot Luna me fait frissonner. J’ai l’impression d’être investie d’un rôle auquel je ne suis pas préparée.
— Mais je n’ai rien choisi, protesté-je.
— Ce n’est pas un choix. C’est le destin.
Je secoue la tête, incapable d’accepter cette réponse.
— C’est absurde. Logan et moi, on ne se connaît même pas.
Tasha penche légèrement la tête et prend ma main dans la sienne.
— Tu as ressenti quelque chose quand tu l’as vu la premiére fois non? Quelque chose d’inexplicable. De viscéral?
Je détourne les yeux. Oui, bien sûr que j’ai ressenti quelque chose. Une chaleur étrange, un apaisement immédiat, un besoin de rester près de lui qui défiait toute logique.
— C’est le lien, Cassy. Le lien entre compagnons est plus puissant que tout. Ça commence par l’odeur. Chaque loup-garou a une signature olfactive unique, une senteur qui lui est propre. Vos âmes se sont reconnues avant même que vous ne compreniez ce qui vous arrivait.
Je me rappelle cette attirance inexpliquée. Cette sensation de brûlure lorsque nos peaux se frôlent. Mon cœur s’accélère.
— Il devra te marquer, ajoute Tasha avec douceur.
Je fronce les sourcils.
— Une morsure dans le cou qui officialise le lien entre un loup et son compagnon. C’est un acte irréversible. Vos deux âmes seront liées. Elles pourront ressentir les émotions de l’autre, tu pourras entendre ses pensées parfois... et surtout, aucun autre loup ne pourra jamais te revendiquer.
Je déglutis difficilement.
— Tu veux dire que Loghan... va me mordre ?
Tasha rit légèrement.
— Ce n’est pas si horrible que cela en à l'air Cassy...
Je me lève brutalement, sentant une oppression dans ma poitrine.
Tasha s’approche et pose une main rassurante sur mon épaule.
— Tu n’es pas obligée de tout comprendre aujourd’hui. Mais sache juste que nous sommes là pour toi. Loghan est là pour toi. Il t’attendra, Cassy. Aussi longtemps qu’il le faudra.
Je ferme les yeux. Trop d’informations. Trop d’émotions. Je me sens piégée, incapable de savoir qui je suis réellement. Et pourtant, au fond de moi, une part inconnue de mon être... résonne avec ce qu’elle vient de dire. Avant que je ne puisse répondre, un hurlement brise la quiétude de la nuit. Un hurlement sauvage, profond, qui me glace le sang.
— Ils sont là, murmure Tasha, son visage soudain fermé.
Elle se lève d’un bond et attrape mon bras. C’est quoi ça encore? Ils communiquent tous par la pensée ou je rêve?
— On doit te mettre à l’abri. Suis-moi, vite.
Je n’ai pas le temps de réfléchir. Je la suis hors de la chambre, mes pieds nus glissant sur le parquet froid. Dans le couloir, l’agitation est palpable. Des gardes courent dans tous les sens, des voix graves donnent des ordres, des portes claquent. Je reconnais Eddy au loin.
— Cassy ! — Il m’attrape par les épaules. — Écoute-moi bien. Tu restes avec Tasha. Ne fais confiance à personne d’autre. Compris ?
— Où est Logan ? — Les mots jaillissent avant que je ne puisse les retenir.
Eddy hésite, mais son regard sombre me donne la réponse avant qu’il ne parle.
— Il est dehors, avec la meute. Ils vont les affronter avant qu’ils n’atteignent la maison.
Je déglutis difficilement, incapable de répondre. Une partie de moi veut courir dehors, le rejoindre. Mais je sais que ce serait insensé. Tasha tire doucement sur mon bras.
— Cassy, viens. On doit aller dans le sous-sol. C’est plus sûr là-bas.
— Non. — Ma réponse claque, plus forte que je ne l’aurais cru.
Eddy ouvre la bouche pour protester, mais je le coupe.
— Je ne resterai pas enfermée pendant que d’autres risquent leur vie.
Il me regarde, partagé entre l’exaspération et… une forme d’admiration. Finalement, il hoche la tête.
— Très bien. Mais tu restes près de moi. Une seule erreur, Cassy, et tu risques ta vie. Compris ?
Je hoche la tête, le cœur battant à tout rompre. Dehors, la nuit est plus sombre que je ne l’imaginais. La lumière de la lune perce à peine à travers les branches des arbres. L’air est chargé d’une odeur métallique, presque électrique. Et puis, je les vois. Des dizaines de loups noirs, gris et bruns se tiennent en cercle autour de Loghan. Il est en tête, sous sa forme humaine, mais il n’a pas besoin de mots pour s’imposer. Sa présence, son aura, dominent tout. Je reste en retrait, cachée derrière Eddy, mais mes yeux ne quittent pas Logan. Soudain, un mouvement attire mon attention. À la lisière de la forêt, des yeux jaunes scintillent dans l’ombre. Puis d’autres, et encore d’autres. Une meute entière, immense. Les loups ennemis avancent lentement, leurs grognements montant en intensité. L’atmosphère est tendue, comme une corde sur le point de se rompre. Logan se transforme. En une fraction de seconde, il devient cette bête majestueuse, noire, immense, ses yeux bleus flamboyant dans la nuit. Il pousse un hurlement qui fait vibrer l’air, un appel au combat qui glace mes veines. Les loups ennemis bondissent. Un chaos indescriptible s’abat. Crocs contre crocs, griffes contre griffes, grognements et hurlements se mêlent dans une symphonie sauvage. Mon instinct me hurle de fuir, mais mes jambes refusent de bouger. Je suis figée, fascinée, terrifiée. Je vois Logan se jeter sur un loup gris massif, sans doute leur chef. Leur affrontement est brutal, presque hypnotique.
Mais c’est un mouvement sur ma gauche qui attire mon attention. Un loup brun, plus petit mais rapide, se dirige droit sur moi, ses yeux fous de rage. Mon corps se fige. C’est la fin. Mais alors que le loup bondit, un choc puissant le propulse loin de moi. Une onde invisible, un champ magnétique fulgurant, envoie la bête en arrière avec une force surhumaine. Le loup hurle et s’écrase plusieurs mètres plus loin, inerte. Tout le monde s’arrête, figé devant la scène. Les loups ennemis reculent, hésitent… puis prennent la fuite. Mon cœur tambourine à tout rompre alors que l'air semble vibrer autour de moi. Puis je le vois. D'abord une ombre, une silhouette qui se détache dans la pénombre mouvante. Puis, comme s'il émergeait d'un rêve trop réel, il avance vers moi. Majestueux, imposant, le regard brûlant de mystère. Son visage est une œuvre d'art sculptée par des mains divines : des traits parfaits, un mélange d'ombre et de lumière qui lui confère une beauté déconcertante. Ses cheveux noirs retombent en vagues légères sur ses épaules, et ses yeux...Un abîme doré, un incendie enfermant mille secrets. Je frissonne. Pas de peur. D'autre chose. Il s'arrête, tout près, trop. Il dégage une aura souveraine, une présence qui ne tolère ni opposition, ni ignorance.
Son regard glisse sur moi lentement, comme une caresse que je ne peux éviter.
— Enfin, murmure-t-il.
Sa voix est un murmure rauque, une promesse vénéneuse. Je recule d'un pas, tentant de reprendre le contrôle sur mon propre corps, sur cette attraction insupportable qui semble vouloir me clouer à cet instant, à cet homme.
— Qui... qui es-tu ? je demande la voix éraillée.
Il incline la tête, un sourire fuyant ouvrant ses lèvres parfaites.
— Un ami. Ou du moins... quelqu'un qui souhaite t'aider.
Ma respiration se bloque.
— M'aider ? C'est toi qui a fait ça?
— Je m'appelle Daemon. Je suis un sorcier. Et je pense que nous avons beaucoup à nous dire.
CassySon nom claque dans l'air, éveillant quelque chose en moi. Une peur sourde mêlée à une curiosité dangereuse.— Un sorcier ? Que veux-tu?Un rire suave s'échappe de ses lèvres.— Disons que j'ai attendu ce moment depuis longtemps. Et que le destin a enfin décidé de nous réunir.Il avance d'un pas supplémentaire, et cette fois, je ne recule pas. Une part de moi veut fuir, une autre refuse de bouger.— Cassy... Tu es plus importante que tu ne le crois. Et tu as besoin de moi.Son sourire s'élargit, sombre et fascinant.— Laisse-moi te montrer qui tu es.Un grognement profond interrompt l'instant. Je sursaute et tourne la tête. Logan est là, à quelques pas de nous, torse nu, son corps encore marqué par le combat. Ses yeux, d'un bleu intense, fixent Daemon avec une hostilité brûlante.— Tiens, tu es revenu, lâche-t-il d'un ton tranchant.Daemon ne cille pas, un sourire amusé flottant sur ses lèvres.— Je vois que tu n'as pas changé, Logan. Toujours aussi... protecteur.Logan se place
Les semaines ont passé. J’ai laissé derrière moi mon ancienne vie à New York. J’ai démissionné du journal, un départ précipité qui a rendu Dimitri anxieu. Il m’a appelée encore et encore, exigeant des explications, mais je ne pouvais pas lui dire la vérité. Alors j’ai menti. Charlotte aussi, je lui cache tout, et à chaque mensonge que je prononce, une douleur sourde me serre le cœur. Mais je n’ai pas le choix, c’est pour la protéger.Ce matin, comme tous les autres, je sors de la douche, enfile un legging et un débardeur, puis attache mes cheveux en un chignon rapide. Mes muscles sont endoloris, mes bras marqués de bleus, mais je m’accroche. L’entraînement avec Logan est difficile, éprouvant, mais j’apprends vite. Je descends dans le jardin où il m’attend, torse nu, la peau luisante sous le soleil du matin. Je ne peux m’empêcher de le regarder, et il le remarque.— Tu devrais te concentrer, murmure-t-il avec un sourire en coin.— Tu dois être plus rapide, grogne-t-il en me repoussant
La nuit tombe sur Forkswood, et la maison s’apaise enfin après une journée de tension et d'entrainement. Le dîner réunit tout le monde dans la grande salle à manger, éclairée par des chandeliers vacillants. L’ambiance est animée, mais un soupçon de nervosité flotte encore dans l’air. Tasha s’installe à côté de moi, un sourire complice aux lèvres.— Tu es bien silencieuse ce soir, Cassy. Quelque chose te tracasse ?Je joue distraitement avec ma fourchette avant de soupirer.— Juste… tout ce qui se passe. J’ai l’impression d’être prise dans un tourbillon sans savoir où je vais atterrir.— Tu ne crois pas que tu es en train de trouver ta place ici ?Je relève les yeux vers elle. Tasha a toujours ce regard doux mais perçant, capable de lire à travers moi. Je veux lui dire que je ne sais plus où est ma place, que je me perds entre Logan et Daemon, entre mon passé et ce futur incertain. Mais au lieu de ça, je hoche simplement la tête. Eddy, assis en face de nous, lève son verre.— À notre n
LoganNous avons quitté Forkswood à l’aube, un petit groupe composé de guerriers expérimentés, Cassy, Daemon et moi-même. Avec nous, Tasha, qui refusait de rester en arrière et dont les talents de guérisseuse pourraient s’avérer indispensables. Julien, un éclaireur agile qui connaissait la forêt mieux que quiconque, et Sarah, une louve redoutable au tempérament aussi tranchant que ses griffes.L’air était glacial, et le silence pesait sur chacun de nous. Chacun savait que cette mission ne serait pas une simple excursion. Je pouvais sentir la tension dans les épaules de Cassy, voir la détermination dans ses yeux. Elle voulait des réponses, et nous allions peut-être enfin les obtenir.Nous roulons plusieurs heures à travers la forêt de Six Rivers, serpentant sur des routes sinueuses bordées d’arbres immenses. Les séquoias se dressent comme des piliers millénaires, leurs troncs massifs formant un tunnel naturel au-dessus de nous. La lumière du matin filtre à travers le feuillage dense, p
LoganLe lendemain, après une nuit courte et agitée, nous reprenons la route à l’aube. Le feu s’est éteint depuis longtemps, et l’humidité matinale rend l’air encore plus pesant. La tension est palpable. Personne ne parle vraiment, chacun se préparant mentalement à ce qui nous attend.— Il nous reste une bonne heure de marche, dis-je en resserrant les sangles de mon sac. Nous allons remonter la rivière. Elias devrait se trouver dans un ancien hameau abandonné, un peu plus haut.Les autres acquiescent en silence. Nous progressons en file indienne, longeant le cours d’eau dont le bruissement accompagne nos pas. Le paysage est sauvage, majestueux. Des arbres centenaires s’élèvent autour de nous, leurs racines déformant le sol accidenté. L’air est chargé d’odeurs de terre humide, de sève et d’écorce brûlée par le soleil.Là-bas, dans l’ombre des montagnes, se dessine notre destination. Les ruines d’un ancien hameau apparaissent entre les troncs massifs, envahies par la végétation. Des bât
LoganNous nous précipitons à l’intérieur d’une vieille grange, et mon cœur rate un battement en voyant Elias. Il est attaché, affaibli, son corps couvert d’ecchymoses et de plaies ouvertes. Son souffle est saccadé, sa peau glacée.Cassy tombe à genoux près de lui, le libérant de ses liens avec des gestes précipités.— Elias ! Elias, reste avec nous !Ses paupières s’entrouvrent, et lorsqu’il aperçoit Cassy, un sourire faible éclaire son visage.— Cassy… tu es venue…Son regard brille d’une lueur de soulagement et d’urgence mêlés. Il sait qu’il est mourant, et il sait qu’il doit parler avant qu’il ne soit trop tard.— Écoute-moi… il faut que tu saches… murmure-t-il d’une voix brisée.Nous nous penchons tous autour de lui alors qu’il commence à nous raconter tout ce qu’il sait. Son souffle est court, saccadé, mais son regard reste rivé sur Cassy.— Il y a très longtemps, commence-t-il, la nuit appartenait à deux divinités. Séléné, la lumière froide et distante de la Lune, et Kael, l’om
Logan Le retour à Forkwoods s’est fait dans un silence de plomb. La mort d’Elias, ses révélations… tout cela laissait un vide que personne n’osait combler. Cassy, le visage fermé et la voix éteinte, veillait Daemon jour et nuit. Il était blessé et la douleur le rendait plus charmeur encore, si tant est que ce soit possible. Chaque jour, elle l’aidait à marcher dans le jardin ou lui lisait de vieux grimoires, perdant au passage un peu de sa lucidité. Elle riait à ses plaisanteries, accueillait ses bouquets de fleurs d’un sourire radieux. Et moi, j’observais la scène, impuissant à endiguer ce qui ressemblait à une fatalité cruelle. Tout en moi s’agitait, mon loup hurlant, mon orgueil en miettes. Daemon prenait une place de plus en plus grande dans l’esprit de Cassy, insinuant que je n’étais qu’un jouet du destin, un pantin programmé pour l’aimer. Il répétait que mes sentiments n’étaient pas réels, que je n’avais pas choisi de l’aimer. Pire encore, elle commençait à le croire… ou, du mo
LoganLe soir venu, la grande salle à manger de Forkwoods se para de nappes immaculées et de chandeliers rutilants. Les ombres sur les murs semblaient danser au rythme d’une musique silencieuse, créant une atmosphère feutrée et vaguement inquiétante. Cassy, l’air étrangement serein malgré la fatigue qui tirait ses traits, installa Daemon au bout de la table, à la place d’honneur. Tasha et moi, tapis à l’opposé comme deux comploteurs maladroits, échangions des regards nerveux.— C’est drôle, lança Julien en s’asseyant, comme on se donne l’illusion d’une trêve, juste pour un repas.Cassy leva alors son verre, radieuse :— À la vie, qui continue malgré tout.Daemon, grimaçant à peine de sa blessure, prit le verre que Cassy lui offrait. Celui. Avec la fiole. Je sentis mon cœur tambouriner contre mes côtes tandis qu’il le portait à ses lèvres. Il but sans méfiance, inconscient du piège qui s’était refermé sur lui. Tasha m’envoya un discret coup de coude : tout se déroulait selon notre plan
(Cassy)L’aube est pâle, presque silencieuse, comme si la forêt elle-même retenait son souffle. Forks Wood dort encore, mais la meute est déjà là. Alignés, en silence, sur le parvis de la maison. Ils ne parlent pas. Ils regardent. Je serre contre moi mon sac à dos. Autour de nous, tout semble figé, suspendu. Eddy s’avance, le regard voilé. Il se retourne vers la fôret un instant. Il murmure quelque chose que je ne comprends pas, puis monte sans un mot dans le 4x4. Nous quittons la maison sans un bruit. Vernius a tenu à prendre le volant. À ses côtés, Sarah ne dit pas un mot, les bras croisés, l’air fermé. Je m’installe à l’arrière avec Loghan et Eddy. Aria suit dans un autre véhicule, accompagnée de Lior, Savi, Alta et Milo. La route est longue jusqu’à l’aéroport. Le paysage défile, et le silence se fait pesant. Par moments, la route semble s'étirer plus qu’elle ne devrait, comme si le temps lui-même hésitait à les laisser partir.— Tu crois qu’on va trouver ce qu’on cherche ? murmure
(Cassy)Je suis assise au bord du lit, enroulée dans un peignoir. Loghan termine de faire couler un bain. Je l’observe sans rien dire. Il est torse nu, les muscles tendus, concentré. Il dégage une énergie brute, contenue, comme si chaque mouvement était prêt à exploser.— Tu fais ça souvent ?Il relève à peine les yeux, esquisse un sourire en coin.— Prendre un bain ? Non. Mais j’avais envie que tu respires. Juste un peu.Je hoche la tête, le cœur encore lourd. Il vient s’asseoir à côté de moi, et son bras effleure le mien.— Ce nouveau voyage…Ezra… Tu penses vraiment qu’on peut lui faire confiance ?Il soupire.— Franchement ? Non. Mais je crois qu’on ne peut plus se permettre de choisir. Si on ne bouge pas, Kael nous détruira les uns après les autres.Je baisse la tête. Il la relève doucement vers lui.— Tu ne dors presque plus. Tu manges à peine. Tu ne parles plus à personne sauf à Muriel. Tu as peur de quoi exactement, Cassy ?Je le fixe, hésite, puis souffle :— De moi. J’ai peu
(Cassy)Le ciel est gris, comme si même la lumière refusait de poser les yeux sur ce jour. Une pluie fine tombe depuis l’aube, sans éclat ni fracas. Juste une tristesse liquide qui trempe la terre et les cœurs. Nous sommes tous réunis dans une clairière. Les séquoias forment un cercle naturel, imposant et silencieux. Un bûcher de branches tressées a été dressé, recouvert de fleurs sauvages. Des lanternes de cuivre oscillent doucement sous la pluie, déposant des reflets tremblants sur le visage de Tasha. Elle repose sur un lit de mousse, les bras croisés sur sa poitrine, le visage apaisé. Quelqu’un lui a tressé les cheveux. Elle est belle. Intouchable. Un violon joue, seul. Puis les voix s’élèvent. Des chants en vieux langage, psalmodiés par les anciens. Une prière mêlée au vent, qui fait frissonner les feuilles et le cœur. Eddy est à genoux. Il ne bouge pas. Depuis qu’on a ramené le corps de Tasha, il ne l’a pas quittée. Il a veillé son amour toute la nuit, assis dans un silence que
(Cassy)Dehors, la guerre fait rage. Les échos, étouffés par les murs de pierre, remontent à travers le sol, vibrent dans mes os, lacèrent mes nerfs. Chaque rugissement, chaque cri, est une déchirure. Je suis assise par terre, recroquevillée dans le froid de ma cellule. Tasha est là. Elle veille. Elle tente de faire écran à la peur.— On va s’en sortir, j’en suis sûre, murmure-t-elle, ses mains posées sur son ventre arrondi.Je ferme les yeux. Inspire.— Je l’espere, mais je ne sais pas comment ni si les choses pourront redevenir comme avant.Elle sourit, en coin.— Tu sais, parfois je nous imagine vivre dans une maison au bord du lac. Toi, Loghan… notre meute. Mon enfant. Sans prophétie. Sans dieux. Sans mort.— Une vie calme et ordinaire ?— Avec du vin rouge. Beaucoup de vin!Je ris. Vraiment. Juste un instant. Un battement d’aile suspendu dans la noirceur.Puis la porte s’ouvre. Et le froid s’engouffre. Silah. Elle est là, juste devant nous. Tasha se poste en défense.— Tu n’as r
( Loghan)La forêt est trop silencieuse. Le moindre bruissement semble faux, comme si la nature elle-même retenait son souffle. Les séquoias immobiles forment une cathédrale d’ombres, et la brume s'accroche au sol comme un présage. La lune, haute et pâle, éclaire les visages tendus de mes guerriers. Moi, je reste debout, droit, à l’orée du champ de bataille. Je sens la tension vibrer dans l’air, dans la terre, dans mes os. Neos grogne, impatient, affamé. Ils approchent. Ils sont nombreux. Ils veulent du sang. Je ferme les yeux. Inspire. L’odeur de la résine, du cuir, de la peur. Un hurlement fend la nuit, sauvage et rauque. Puis un autre. Et un autre. La lisière se déchire. Et les ténèbres dévalent sur nous. Ils sont là. Dwane en tête. Les crocs découverts, les yeux injectés de rage. Une horde derrière lui. Des meutes qu’il a retournées, corrompues. Le sol tremble sous leur course. Je hurle à mon tour. Et tout bascule. Ma colonne se tord. Mes os craquent. Ma peau se déchire pour lais
(Cassy)Ils m’ont ramenée comme une criminelle. Le silence qui s’est abattu dans la maison de la meute n’avait rien de neutre. Il était épais, saturé de jugements tus. Je sentais les regards peser sur ma nuque, l’odeur persistante du sang sur mes mains, comme une preuve brûlante qu’on ne pourrait pas effacer. La salle commune est pleine. Les visages familiers sont devenus des masques fermés. On me dévisage comme si on me voyait pour la première fois. Certains ne cherchent même pas à cacher leur hostilité. Même Eddy m'évite du regard. Tous, sauf Loghan, et Muriel.— Elle était là, au-dessus du corps, dit Julien d’une voix dure. Et la blessure... son cœur a été arraché…Un murmure d’approbation glisse comme une lame dans la pièce.Je me redresse, la voix rauque :— Je ne l’ai pas tuée. Je n’avais encore jamais vu cette fille. Pourquoi aurais-je fais ça!— Son nom était Sofia. C’était la Bêta de la meute de Dwane. Et excuse moi mais tu nous a prouvé à plusieurs reprise que tu avais du ma
(Silah)Dwane s’agite dans son sommeil. Un froncement de sourcils, une tension sous la peau, comme si ses rêves cherchaient à remonter à la surface. Je le regarde depuis mon côté du lit, allongée parfaitement immobile. Il ouvre les yeux. Me fixe. Sa voix est rauque de désir.— Tu ne dors pas ?Je souris doucement, joueuse.— Trop de choses dans ma tête…Il se redresse à moitié, pose une main sur ma hanche.— Qu’est-ce qu’il y a ?Je laisse un silence s’installer, puis je murmure :— Cassy.Il grogne, immédiatement sur la défensive.— Encore elle ?— Je ne la sens pas, Dwane. Elle est instable. Trop puissante. Et Loghan… il est aveuglé. La façon dont elle a tué Viviane… Et maintenant…Si…Je laisse ma phrase en suspens, volontairement. Il mord à l’hameçon.— Tu crois qu’elle va encore frapper ?Je hoche lentement la tête.— Et si elle le fait, ce sera ici. Contre nous. Contre toi.Je vois l’ombre passer dans son regard. Le doute, déjà. Je le saisis, je l’alimente, je l’enflamme.— Et si
(Silah)— Tu sais que ce que tu me demandes est interdit, m’interroge Gabrielle. La sorcière ne lève même pas les yeux. Elle continue d’écraser ses ingrédients dans le mortier : racines mortes, écailles, fragments de dents. L’air sent la moisissure, le sang sec et la vengeance.— Je veux juste un petit sortilége de rien du tout… Une illusion si parfaite qu’il la croira vraie jusqu’à son dernier souffle, pas plus.Je pourrais faire semblant d’avoir peur, d’hésiter, mais ce serait une perte de temps. Gabrielle sait que je suis venue chercher le genre de magie qu’on ne demande qu’une fois dans une vie. Elle me tend un bout de papier et une fiole sombre. Elle pulse entre mes doigts, vivante, presque sensuelle. J’adore cette sensation.— Une goutte. Et ces mots. S’il boit, il t’aimera. Corps et âme. Il te croira sa compagne destiné. Il brûlera pour toi.— Parfait, murmuré-je.Je quitte sa cabane avec la promesse d’un monde nouveau entre les mains. Et une seule idée en tête : Forks Wood à f
(Cassy)Je ne dors plus beaucoup depuis que Loghan m’a trouvée dans cette salle de bain. Depuis la rencontre avec Dwane, un gouffre s’est creusé entre nous. Il ne dit rien. Il observe. Et ce silence me fait plus peur que ses colères. Les jours passent. Les nuits, Kael revient. Il caresse mon esprit jusqu’à ce que le rêve bascule. Jusqu’à ce que je me réveille et que ma magie déborde un peu plus. La meute a peur de moi. Je le sens dans la façon dont les regards glissent sur moi quand je passe, dans le silence pesant qui s’installe après mes pas. Même Aria, d’ordinaire si douce, m’observe comme une bombe à retardement. Et peut-être qu’elle n’a pas tort. Ce matin, tout a commencé par une tasse de thé explosée entre mes mains. Puis un livre s’est enflammé alors que je tournais les pages. Rien d’intentionnel, juste... trop de Kael dans mes nerfs. Trop de Loghan dans mon cœur. Trop de Charlotte dans ma mémoire. Mon esprit est un champ de mines, et chaque battement de cœur pourrait être le d