Cassy
Je reste assise sur le bord du lit, fixant la porte. L’envie de fuir me ronge, mais ma raison me retient. Cette fois, je sais que courir serait inutile. Où irais-je ? La poignée de la porte tourne soudain, brisant mes pensées. Je me redresse instinctivement, prête à affronter… je ne sais quoi. Mais ce n’est que Tasha. Elle entre doucement.
— Je me suis dit que tu aurais besoin de compagnie, dit-elle avec un sourire qui se veut rassurant.
Elle s’assied à côté de moi, silencieuse au début, puis elle me regarde avec cette douceur qui semble lui être naturelle.
— Cassy, je sais que tout ça est… beaucoup à encaisser. Et que tu ne fais confiance à personne ici. Mais tu n’es pas seule. On est là pour toi.
Je suis incapable de répondre. Est-ce que je peux leur faire confiance ? Est-ce que je veux ? Je lève les yeux vers elle, cherchant une réponse dans son regard. Tasha pose une main sur mon genou, son sourire empreint d’une tendresse sincère.
— Parfois, ce n’est pas nous qui choisissons. Mais je peux te dire une chose : Henry croyait en toi. Loghan croit en toi. Et nous aussi.
— Je ne comprend rien à tout ce qui se passe. J’ai l’impression de faire un mauvais rêve duquel je ne me reveille pas! Je ne peux pas croire à tout cela!
— Pause moi des questions, je peux peut-être t’aider?
— Logan a dit qu’il était mon compagnon?
Tasha esquisse un sourire complice. Son regard est doux, mais une lueur de sérieux traverse ses prunelles.
— Explique-moi, s’il te plaît. Je veux comprendre.
Elle inspire profondément, comme si elle réfléchissait à la meilleure manière de tout m’expliquer sans me submerger.
— D’accord. Pour comprendre ce qu’est un compagnon, il faut d’abord comprendre comment fonctionne notre monde. Une meute n’est pas juste un groupe de loups-garous qui vivent ensemble. C’est une société structurée...
Elle marque une pause, cherchant mes réactions, puis continue.
— Loghan est l’Alpha. Cela signifie qu’il est notre chef. Son autorité est absolue. Il peut imposer un ordre que personne ne peut briser. C’est ce qu’on appelle l’Ordre Alpha. Un Alpha ne se contente pas de diriger, il protège, il gouverne, il veille sur chaque membre de sa meute. Et une meute ne fonctionne pas sans lui.
Je fronce les sourcils.
— Et moi, dans tout ça ?
— Toi... Tu es sa Luna. La compagne d’un Alpha n’est pas une simple partenaire. Elle est liée à lui par un lien plus profond que n’importe quelle relation humaine.
Le mot Luna me fait frissonner. J’ai l’impression d’être investie d’un rôle auquel je ne suis pas préparée.
— Mais je n’ai rien choisi, protesté-je.
— Ce n’est pas un choix. C’est le destin.
Je secoue la tête, incapable d’accepter cette réponse.
— C’est absurde. Logan et moi, on ne se connaît même pas.
Tasha penche légèrement la tête et prend ma main dans la sienne.
— Tu as ressenti quelque chose quand tu l’as vu la premiére fois non? Quelque chose d’inexplicable. De viscéral?
Je détourne les yeux. Oui, bien sûr que j’ai ressenti quelque chose. Une chaleur étrange, un apaisement immédiat, un besoin de rester près de lui qui défiait toute logique.
— C’est le lien, Cassy. Le lien entre compagnons est plus puissant que tout. Ça commence par l’odeur. Chaque loup-garou a une signature olfactive unique, une senteur qui lui est propre. Vos âmes se sont reconnues avant même que vous ne compreniez ce qui vous arrivait.
Je me rappelle cette attirance inexpliquée. Cette sensation de brûlure lorsque nos peaux se frôlent. Mon cœur s’accélère.
— Il devra te marquer, ajoute Tasha avec douceur.
Je fronce les sourcils.
— Une morsure dans le cou qui officialise le lien entre un loup et son compagnon. C’est un acte irréversible. Vos deux âmes seront liées. Elles pourront ressentir les émotions de l’autre, tu pourras entendre ses pensées parfois... et surtout, aucun autre loup ne pourra jamais te revendiquer.
Je déglutis difficilement.
— Tu veux dire que Loghan... va me mordre ?
Tasha rit légèrement.
— Ce n’est pas si horrible que cela en à l'air Cassy...
Je me lève brutalement, sentant une oppression dans ma poitrine.
Tasha s’approche et pose une main rassurante sur mon épaule.
— Tu n’es pas obligée de tout comprendre aujourd’hui. Mais sache juste que nous sommes là pour toi. Loghan est là pour toi. Il t’attendra, Cassy. Aussi longtemps qu’il le faudra.
Je ferme les yeux. Trop d’informations. Trop d’émotions. Je me sens piégée, incapable de savoir qui je suis réellement. Et pourtant, au fond de moi, une part inconnue de mon être... résonne avec ce qu’elle vient de dire. Avant que je ne puisse répondre, un hurlement brise la quiétude de la nuit. Un hurlement sauvage, profond, qui me glace le sang.
— Ils sont là, murmure Tasha, son visage soudain fermé.
Elle se lève d’un bond et attrape mon bras. C’est quoi ça encore? Ils communiquent tous par la pensée ou je rêve?
— On doit te mettre à l’abri. Suis-moi, vite.
Je n’ai pas le temps de réfléchir. Je la suis hors de la chambre, mes pieds nus glissant sur le parquet froid. Dans le couloir, l’agitation est palpable. Des gardes courent dans tous les sens, des voix graves donnent des ordres, des portes claquent. Je reconnais Eddy au loin.
— Cassy ! — Il m’attrape par les épaules. — Écoute-moi bien. Tu restes avec Tasha. Ne fais confiance à personne d’autre. Compris ?
— Où est Logan ? — Les mots jaillissent avant que je ne puisse les retenir.
Eddy hésite, mais son regard sombre me donne la réponse avant qu’il ne parle.
— Il est dehors, avec la meute. Ils vont les affronter avant qu’ils n’atteignent la maison.
Je déglutis difficilement, incapable de répondre. Une partie de moi veut courir dehors, le rejoindre. Mais je sais que ce serait insensé. Tasha tire doucement sur mon bras.
— Cassy, viens. On doit aller dans le sous-sol. C’est plus sûr là-bas.
— Non. — Ma réponse claque, plus forte que je ne l’aurais cru.
Eddy ouvre la bouche pour protester, mais je le coupe.
— Je ne resterai pas enfermée pendant que d’autres risquent leur vie.
Il me regarde, partagé entre l’exaspération et… une forme d’admiration. Finalement, il hoche la tête.
— Très bien. Mais tu restes près de moi. Une seule erreur, Cassy, et tu risques ta vie. Compris ?
Je hoche la tête, le cœur battant à tout rompre. Dehors, la nuit est plus sombre que je ne l’imaginais. La lumière de la lune perce à peine à travers les branches des arbres. L’air est chargé d’une odeur métallique, presque électrique. Et puis, je les vois. Des dizaines de loups noirs, gris et bruns se tiennent en cercle autour de Loghan. Il est en tête, sous sa forme humaine, mais il n’a pas besoin de mots pour s’imposer. Sa présence, son aura, dominent tout. Je reste en retrait, cachée derrière Eddy, mais mes yeux ne quittent pas Logan. Soudain, un mouvement attire mon attention. À la lisière de la forêt, des yeux jaunes scintillent dans l’ombre. Puis d’autres, et encore d’autres. Une meute entière, immense. Les loups ennemis avancent lentement, leurs grognements montant en intensité. L’atmosphère est tendue, comme une corde sur le point de se rompre. Logan se transforme. En une fraction de seconde, il devient cette bête majestueuse, noire, immense, ses yeux bleus flamboyant dans la nuit. Il pousse un hurlement qui fait vibrer l’air, un appel au combat qui glace mes veines. Les loups ennemis bondissent. Un chaos indescriptible s’abat. Crocs contre crocs, griffes contre griffes, grognements et hurlements se mêlent dans une symphonie sauvage. Mon instinct me hurle de fuir, mais mes jambes refusent de bouger. Je suis figée, fascinée, terrifiée. Je vois Logan se jeter sur un loup gris massif, sans doute leur chef. Leur affrontement est brutal, presque hypnotique.
Mais c’est un mouvement sur ma gauche qui attire mon attention. Un loup brun, plus petit mais rapide, se dirige droit sur moi, ses yeux fous de rage. Mon corps se fige. C’est la fin. Mais alors que le loup bondit, un choc puissant le propulse loin de moi. Une onde invisible, un champ magnétique fulgurant, envoie la bête en arrière avec une force surhumaine. Le loup hurle et s’écrase plusieurs mètres plus loin, inerte. Tout le monde s’arrête, figé devant la scène. Les loups ennemis reculent, hésitent… puis prennent la fuite. Mon cœur tambourine à tout rompre alors que l'air semble vibrer autour de moi. Puis je le vois. D'abord une ombre, une silhouette qui se détache dans la pénombre mouvante. Puis, comme s'il émergeait d'un rêve trop réel, il avance vers moi. Majestueux, imposant, le regard brûlant de mystère. Son visage est une œuvre d'art sculptée par des mains divines : des traits parfaits, un mélange d'ombre et de lumière qui lui confère une beauté déconcertante. Ses cheveux noirs retombent en vagues légères sur ses épaules, et ses yeux...Un abîme doré, un incendie enfermant mille secrets. Je frissonne. Pas de peur. D'autre chose. Il s'arrête, tout près, trop. Il dégage une aura souveraine, une présence qui ne tolère ni opposition, ni ignorance.
Son regard glisse sur moi lentement, comme une caresse que je ne peux éviter.
— Enfin, murmure-t-il.
Sa voix est un murmure rauque, une promesse vénéneuse. Je recule d'un pas, tentant de reprendre le contrôle sur mon propre corps, sur cette attraction insupportable qui semble vouloir me clouer à cet instant, à cet homme.
— Qui... qui es-tu ? je demande la voix éraillée.
Il incline la tête, un sourire fuyant ouvrant ses lèvres parfaites.
— Un ami. Ou du moins... quelqu'un qui souhaite t'aider.
Ma respiration se bloque.
— M'aider ? C'est toi qui a fait ça?
— Je m'appelle Daemon. Je suis un sorcier. Et je pense que nous avons beaucoup à nous dire.
CassySon nom claque dans l'air, éveillant quelque chose en moi. Une peur sourde mêlée à une curiosité dangereuse.— Un sorcier ? Que veux-tu?Un rire suave s'échappe de ses lèvres.— Disons que j'ai attendu ce moment depuis longtemps. Et que le destin a enfin décidé de nous réunir.Il avance d'un pas supplémentaire, et cette fois, je ne recule pas. Une part de moi veut fuir, une autre refuse de bouger.— Cassy... Tu es plus importante que tu ne le crois. Et tu as besoin de moi.Son sourire s'élargit, sombre et fascinant.— Laisse-moi te montrer qui tu es.Un grognement profond interrompt l'instant. Je sursaute et tourne la tête. Logan est là, à quelques pas de nous, torse nu, son corps encore marqué par le combat. Ses yeux, d'un bleu intense, fixent Daemon avec une hostilité brûlante.— Tiens, tu es revenu, lâche-t-il d'un ton tranchant.Daemon ne cille pas, un sourire amusé flottant sur ses lèvres.— Je vois que tu n'as pas changé, Logan. Toujours aussi... protecteur.Logan se place
Les semaines ont passé. J’ai laissé derrière moi mon ancienne vie à New York. J’ai démissionné du journal, un départ précipité qui a rendu Dimitri anxieu. Il m’a appelée encore et encore, exigeant des explications, mais je ne pouvais pas lui dire la vérité. Alors j’ai menti. Charlotte aussi, je lui cache tout, et à chaque mensonge que je prononce, une douleur sourde me serre le cœur. Mais je n’ai pas le choix, c’est pour la protéger.Ce matin, comme tous les autres, je sors de la douche, enfile un legging et un débardeur, puis attache mes cheveux en un chignon rapide. Mes muscles sont endoloris, mes bras marqués de bleus, mais je m’accroche. L’entraînement avec Logan est difficile, éprouvant, mais j’apprends vite. Je descends dans le jardin où il m’attend, torse nu, la peau luisante sous le soleil du matin. Je ne peux m’empêcher de le regarder, et il le remarque.— Tu devrais te concentrer, murmure-t-il avec un sourire en coin.— Tu dois être plus rapide, grogne-t-il en me repoussant
La nuit tombe sur Forkswood, et la maison s’apaise enfin après une journée de tension et d'entrainement. Le dîner réunit tout le monde dans la grande salle à manger, éclairée par des chandeliers vacillants. L’ambiance est animée, mais un soupçon de nervosité flotte encore dans l’air. Tasha s’installe à côté de moi, un sourire complice aux lèvres.— Tu es bien silencieuse ce soir, Cassy. Quelque chose te tracasse ?Je joue distraitement avec ma fourchette avant de soupirer.— Juste… tout ce qui se passe. J’ai l’impression d’être prise dans un tourbillon sans savoir où je vais atterrir.— Tu ne crois pas que tu es en train de trouver ta place ici ?Je relève les yeux vers elle. Tasha a toujours ce regard doux mais perçant, capable de lire à travers moi. Je veux lui dire que je ne sais plus où est ma place, que je me perds entre Logan et Daemon, entre mon passé et ce futur incertain. Mais au lieu de ça, je hoche simplement la tête. Eddy, assis en face de nous, lève son verre.— À notre n
LoganNous avons quitté Forkswood à l’aube, un petit groupe composé de guerriers expérimentés, Cassy, Daemon et moi-même. Avec nous, Tasha, qui refusait de rester en arrière et dont les talents de guérisseuse pourraient s’avérer indispensables. Julien, un éclaireur agile qui connaissait la forêt mieux que quiconque, et Sarah, une louve redoutable au tempérament aussi tranchant que ses griffes.L’air était glacial, et le silence pesait sur chacun de nous. Chacun savait que cette mission ne serait pas une simple excursion. Je pouvais sentir la tension dans les épaules de Cassy, voir la détermination dans ses yeux. Elle voulait des réponses, et nous allions peut-être enfin les obtenir.Nous roulons plusieurs heures à travers la forêt de Six Rivers, serpentant sur des routes sinueuses bordées d’arbres immenses. Les séquoias se dressent comme des piliers millénaires, leurs troncs massifs formant un tunnel naturel au-dessus de nous. La lumière du matin filtre à travers le feuillage dense, p
LoganLe lendemain, après une nuit courte et agitée, nous reprenons la route à l’aube. Le feu s’est éteint depuis longtemps, et l’humidité matinale rend l’air encore plus pesant. La tension est palpable. Personne ne parle vraiment, chacun se préparant mentalement à ce qui nous attend.— Il nous reste une bonne heure de marche, dis-je en resserrant les sangles de mon sac. Nous allons remonter la rivière. Elias devrait se trouver dans un ancien hameau abandonné, un peu plus haut.Les autres acquiescent en silence. Nous progressons en file indienne, longeant le cours d’eau dont le bruissement accompagne nos pas. Le paysage est sauvage, majestueux. Des arbres centenaires s’élèvent autour de nous, leurs racines déformant le sol accidenté. L’air est chargé d’odeurs de terre humide, de sève et d’écorce brûlée par le soleil.Là-bas, dans l’ombre des montagnes, se dessine notre destination. Les ruines d’un ancien hameau apparaissent entre les troncs massifs, envahies par la végétation. Des bât
LoganNous nous précipitons à l’intérieur d’une vieille grange, et mon cœur rate un battement en voyant Elias. Il est attaché, affaibli, son corps couvert d’ecchymoses et de plaies ouvertes. Son souffle est saccadé, sa peau glacée.Cassy tombe à genoux près de lui, le libérant de ses liens avec des gestes précipités.— Elias ! Elias, reste avec nous !Ses paupières s’entrouvrent, et lorsqu’il aperçoit Cassy, un sourire faible éclaire son visage.— Cassy… tu es venue…Son regard brille d’une lueur de soulagement et d’urgence mêlés. Il sait qu’il est mourant, et il sait qu’il doit parler avant qu’il ne soit trop tard.— Écoute-moi… il faut que tu saches… murmure-t-il d’une voix brisée.Nous nous penchons tous autour de lui alors qu’il commence à nous raconter tout ce qu’il sait. Son souffle est court, saccadé, mais son regard reste rivé sur Cassy.— Il y a très longtemps, commence-t-il, la nuit appartenait à deux divinités. Séléné, la lumière froide et distante de la Lune, et Kael, l’om
Logan Le retour à Forkwoods s’est fait dans un silence de plomb. La mort d’Elias, ses révélations… tout cela laissait un vide que personne n’osait combler. Cassy, le visage fermé et la voix éteinte, veillait Daemon jour et nuit. Il était blessé et la douleur le rendait plus charmeur encore, si tant est que ce soit possible. Chaque jour, elle l’aidait à marcher dans le jardin ou lui lisait de vieux grimoires, perdant au passage un peu de sa lucidité. Elle riait à ses plaisanteries, accueillait ses bouquets de fleurs d’un sourire radieux. Et moi, j’observais la scène, impuissant à endiguer ce qui ressemblait à une fatalité cruelle. Tout en moi s’agitait, mon loup hurlant, mon orgueil en miettes. Daemon prenait une place de plus en plus grande dans l’esprit de Cassy, insinuant que je n’étais qu’un jouet du destin, un pantin programmé pour l’aimer. Il répétait que mes sentiments n’étaient pas réels, que je n’avais pas choisi de l’aimer. Pire encore, elle commençait à le croire… ou, du mo
LoganLe soir venu, la grande salle à manger de Forkwoods se para de nappes immaculées et de chandeliers rutilants. Les ombres sur les murs semblaient danser au rythme d’une musique silencieuse, créant une atmosphère feutrée et vaguement inquiétante. Cassy, l’air étrangement serein malgré la fatigue qui tirait ses traits, installa Daemon au bout de la table, à la place d’honneur. Tasha et moi, tapis à l’opposé comme deux comploteurs maladroits, échangions des regards nerveux.— C’est drôle, lança Julien en s’asseyant, comme on se donne l’illusion d’une trêve, juste pour un repas.Cassy leva alors son verre, radieuse :— À la vie, qui continue malgré tout.Daemon, grimaçant à peine de sa blessure, prit le verre que Cassy lui offrait. Celui. Avec la fiole. Je sentis mon cœur tambouriner contre mes côtes tandis qu’il le portait à ses lèvres. Il but sans méfiance, inconscient du piège qui s’était refermé sur lui. Tasha m’envoya un discret coup de coude : tout se déroulait selon notre plan
(Cassy)Vernius avait ôté ses mains de mes tempes. Je respirais avec difficulté, les larmes me brûlaient les joues. Un flot d'émotions se déversa en moi : la terreur, la haine, l'incompréhension, la tristesse infinie.— Elias a voulu te protéger de l’horreur de cette nuit-là, commenta Vernius, la voix sombre. Ta tante Viviane t'a épargnée à l’époque parce qu'elle te croyait sans pouvoirs, simple fille humaine.Les muscles de mon dos se contractèrent. Je revoyais ma mère, blessée, suppliant Viviane de renoncer à Kael, je revoyais mon père, tué sans un dernier mot. Toute ma jeunesse, j'avais cru être une simple orpheline. En réalité, j'étais la fille d'une sorcière Gardienne et d'un homme prêt à risquer sa vie pour la paix.Je posai la main sur mon cœur, toujours affolé.— La femme qui détenait Elias, murmurai-je, la voix brisée. C’était Viviane.Vernius hocha lentement la tête.— Maintenant que tu as retrouvé la mémoire, tu pourras affronter Kael. Mais Viviane ne fera pas deux fois la
La lumière du matin, timide et dorée, filtre à travers la verrière quand je rejoins Vernius dans le jardin d'hiver. À l'intérieur s'épanouit un fouillis de plantes séchées, d'herbes médicinales et de vieux grimoires. On eût dit un étrange laboratoire botanique, quelque chose à mi-chemin entre la serre victorienne et l'antre de l'alchimiste.— Approche, Cassy, murmure-t-il, sans même détourner les yeux du grimoire qu’il tient.D'un signe de la main, il m'indique un grand fauteuil en rotin, recouvert d'un tissu fleuri. Je m'y installe, la gorge déjà nouée par l'appréhension. Il m'a promis la vérité, mais puis-je vraiment m'y préparer ?— Ferme les yeux, respire profondément… et laisse-toi aller, souffle-t-il en se plaçant derrière moi.Ses doigts glacés touchèrent mes tempes. À cet instant, le parfum de la sauge omniprésente dans le jardin d'hiver, semble m'envelopper. Je sens comme un léger vertige et les premières images arrivent dans un tourbillon de flashs. Une maison chaleureuse,
Je rouvris les yeux au milieu de la nuit, le corps en sueur, à côté de moi, Loghan, paisible, ignorait le vertige qui s’emparait de moi. Mon esprit semblait… captif. Un chant murmuré résonnait quelque part au fond de mon crâne, une voix qui m’appelait. J'avais la bouche sèche, et cette curieuse impression que quelqu'un chuchotait mon nom, juste à la limite de l'audition.En glissant hors des draps, je découvre mes mains tremblantes. Je passai un déshabillé léger par-dessus ma peau moite et m'extirpai dans le couloir plongé dans une semi-obscurité. Mon intention était simple : me rendre à la cuisine pour un verre d'eau, histoire d'apaiser ce battement frénétique dans mes tempes.Mais à peine avait-je fait quelques pas que la voix se fit plus claire, féminine , résonnant comme un écho dans mon crâne : — Cassy… viens… rejoins moi. Une sourde intuition me soufflait qu'elle manifestait à celle de ma mère, même si je me refusais à l'admettre. Au bout du couloir, j'hésitai entre la directi
La pluie tambourinait contre les vitres teintées du SUV alors que nous roulions dans les rues de La Nouvelle-Orléans. L’odeur lourde et sucrée de la ville filtrait déjà à travers les portières. Je sentis mon cœur s’agiter dans ma poitrine, comme si chaque battement prenait la cadence fiévreuse des percussions qui résonnaient au loin dans la nuit.— Tu vas beaucoup aimé la Nouvelle Orléans Cassy, me lança Vernius en se retournant depuis le siège passager. Le vampire affichait ce sourire tranquille qui me donnait toujours l’impression d’être épiée, mise à nu.Nous nous arrêtâmes devant une façade qui semblait avoir envie de nous faire la conversation à elle seule. Un mur couleur brique, s’élevait sur trois étages, chacun enveloppé par un balcon de dentelle en fer forgé où pendaient de grasses fougères, se balançant à la moindre brise. C’était le Vieux Carré dans toute sa splendeur. Sur le trottoir, un bout de jardin — quelques fleurs tropicales délicatement entretenues, un joli tapis de
CassyJe me réveille dans un cocon de chaleur, mon corps encore engourdi des plaisirs de la nuit. Les bras de Logan m’enserrent fermement, son souffle régulier effleure ma nuque. Je frissonne. L’odeur boisée et brute de sa peau m’enveloppe, et des images torrides me reviennent en mémoire. Mon visage s’embrase.Je bouge légèrement et sens son étreinte se resserrer, un grognement profond vibrer contre ma peau. Je lève les yeux vers lui. Son regard est encore voilé par le sommeil, mais un sourire paresseux étire ses lèvres.— Bonjour, murmuré-je, la voix encore rauque.Il glisse une main sur ma hanche, son pouce caressant ma peau nue.— Bonjour mon amour...Un frisson me parcourt. Ses mots résonnent en moi avec une puissance étrange, un mélange d’envie et de tendresse. Il se penche, frôlant mes lèvres, et je me noie dans la chaleur de son baiser. C’est doux, chargé d’une affection qui me fait chavirer.Mais si je reste ici une seconde de plus, je vais me perdre à nouveau.— Je vais prend
La nuit est lourde, écrasante, comme si l’air lui-même pesait sur mes épaules. Je me tourne encore et encore dans mon lit, incapable de calmer le chaos dans ma tête. Les révélations sur les Sœurs de l’Ombre, sur cette puissance que je ne contrôle pas... Mon esprit tourne en boucle. J’ai l’impression d’être un puzzle dont les pièces ont été éparpillées, et personne n’a pris la peine de me donner l’image de départ. J’enfouis mon visage dans l’oreiller, mais le sommeil finit par m’attraper sans prévenir. Et me voilà ailleurs. Je suis debout, pieds nus, dans une clairière baignée par la lumière d’une lune si grande qu’elle en paraît irréelle. L’air est tiède, chargé de cette odeur de forêt après la pluie. C’est apaisant... jusqu’à ce que je la voie. Une silhouette se dessine parmi les arbres. Blanche, lumineuse. Majestueuse. Séléné. Elle est belle. Inhumaine. Sa voix résonne dans ma tête plus qu’elle ne traverse mes oreilles.— Cassandre.Je devrais être terrifiée. Mais une étrange chaleu
CassyJe me réveille en sursaut, le corps enfiévré, le souffle court. Le souvenir de la nuit passée me hante encore. Ses mains sur mon corps, la chaleur brûlante de son souffle contre ma peau… Logan. Un frisson me parcourt, mélange d’excitation et de honte. Je repousse les draps et me lève d’un bond. L’air frais me gifle, mais ça ne suffit pas. J’ai besoin de me calmer. Une douche froide, voilà ce qu’il me faut. L’eau glacée frappe ma peau et efface peu à peu le désir qui m’habite. Pourtant, d’autres pensées s’infiltrent. Daemon… non, Kael. L’homme que j’ai embrassé, celui qui m’a troublée d’une manière inexplicable… et qui a tué Henry. Mon cœur se serre. Comment ai-je pu ressentir cette attirance pour le meurtrier du père de l’homme qui m’est destiné, l’ami de mes parents ? Je me sens trahie par mon propre corps, égarée dans des émotions que je ne parviens plus à démêler. Après m’être habillée en vitesse, je descends les escaliers en tentant de remettre de l’ordre dans mes pensées. M
LoganJe ne sais pas exactement combien de temps je suis resté là, incapable de dormir, le regard fixé sur le plafond. Il y a quelques heures seulement, j’ai vu Cassy embrasser Daemon. Et pourtant, elle dort à présent dans la chambre voisine, comme si rien ne s’était passé. Et moi, j’ai mal. Je ferme les yeux, et l’image me revient : le mouvement de ses lèvres collées aux siennes, la courbe de son cou, et ce frisson qui parcourait son échine — ou que j’imagine parcourir son échine. — “Tu l’as laissée filer, imbécile. C'est de ta faute.”La voix de Néos, mon loup, résonne dans mon esprit comme un grondement qui m’écorche la poitrine.— “Je ne voulais pas la brusquer.”Même dans ma tête, ma défense sonne pathétique. J’ai choisi de garder mes distances pour la protéger, et voilà où ça nous a menés.— “Tu aurais dû la réclamer… ou au moins lui dire ce que tu ressens. Au lieu de ça, tu t’es terré dans ton coin, comme un louveteau blessé.”Je sens la colère me saisir. Contre moi-même. Con
CassyJe me croyais lucide, pourtant j’ai l’impression de marcher dans un brouillard épais. Depuis notre retour à Forkwoods, je sens Daemon devenir presque… incontournable. Il a pris une balle pour me protéger, il aurait pu fuir, mais il est resté. Alors, évidemment, j’ai voulu le remercier, le connaître, comprendre l’homme sous l’armure de sarcasmes. Peu à peu, il a pris de la place dans mon esprit. Plus que je ne l’aurais pensé, plus que je ne l’aurais voulu.Il y a pourtant quelque chose qui résiste en moi. Quelque chose qui rappelle Logan… Logan et le lien indescriptible qui nous unit. Mon cœur bat plus fort à l’évocation de son nom, comme un rappel que je l’aime différemment, plus profondément. Mais Logan se renferme depuis notre retour. Il me regarde à peine, comme s’il s’interdisait de me parler. Et ce soir, il a même frappé Daemon, sous mes yeux.Au fond de moi, je comprends sa colère. Pourtant, je n’ai pas choisi d’être attirée par Daemon : c’est une curiosité malsaine, un ma