LoganNous avons quitté Forkswood à l’aube, un petit groupe composé de guerriers expérimentés, Cassy, Daemon et moi-même. Avec nous, Tasha, qui refusait de rester en arrière et dont les talents de guérisseuse pourraient s’avérer indispensables. Julien, un éclaireur agile qui connaissait la forêt mieux que quiconque, et Sarah, une louve redoutable au tempérament aussi tranchant que ses griffes.L’air était glacial, et le silence pesait sur chacun de nous. Chacun savait que cette mission ne serait pas une simple excursion. Je pouvais sentir la tension dans les épaules de Cassy, voir la détermination dans ses yeux. Elle voulait des réponses, et nous allions peut-être enfin les obtenir.Nous roulons plusieurs heures à travers la forêt de Six Rivers, serpentant sur des routes sinueuses bordées d’arbres immenses. Les séquoias se dressent comme des piliers millénaires, leurs troncs massifs formant un tunnel naturel au-dessus de nous. La lumière du matin filtre à travers le feuillage dense, p
LoganLe lendemain, après une nuit courte et agitée, nous reprenons la route à l’aube. Le feu s’est éteint depuis longtemps, et l’humidité matinale rend l’air encore plus pesant. La tension est palpable. Personne ne parle vraiment, chacun se préparant mentalement à ce qui nous attend.— Il nous reste une bonne heure de marche, dis-je en resserrant les sangles de mon sac. Nous allons remonter la rivière. Elias devrait se trouver dans un ancien hameau abandonné, un peu plus haut.Les autres acquiescent en silence. Nous progressons en file indienne, longeant le cours d’eau dont le bruissement accompagne nos pas. Le paysage est sauvage, majestueux. Des arbres centenaires s’élèvent autour de nous, leurs racines déformant le sol accidenté. L’air est chargé d’odeurs de terre humide, de sève et d’écorce brûlée par le soleil.Là-bas, dans l’ombre des montagnes, se dessine notre destination. Les ruines d’un ancien hameau apparaissent entre les troncs massifs, envahies par la végétation. Des bât
LoganNous nous précipitons à l’intérieur d’une vieille grange, et mon cœur rate un battement en voyant Elias. Il est attaché, affaibli, son corps couvert d’ecchymoses et de plaies ouvertes. Son souffle est saccadé, sa peau glacée.Cassy tombe à genoux près de lui, le libérant de ses liens avec des gestes précipités.— Elias ! Elias, reste avec nous !Ses paupières s’entrouvrent, et lorsqu’il aperçoit Cassy, un sourire faible éclaire son visage.— Cassy… tu es venue…Son regard brille d’une lueur de soulagement et d’urgence mêlés. Il sait qu’il est mourant, et il sait qu’il doit parler avant qu’il ne soit trop tard.— Écoute-moi… il faut que tu saches… murmure-t-il d’une voix brisée.Nous nous penchons tous autour de lui alors qu’il commence à nous raconter tout ce qu’il sait. Son souffle est court, saccadé, mais son regard reste rivé sur Cassy.— Il y a très longtemps, commence-t-il, la nuit appartenait à deux divinités. Séléné, la lumière froide et distante de la Lune, et Kael, l’om
Logan Le retour à Forkwoods s’est fait dans un silence de plomb. La mort d’Elias, ses révélations… tout cela laissait un vide que personne n’osait combler. Cassy, le visage fermé et la voix éteinte, veillait Daemon jour et nuit. Il était blessé et la douleur le rendait plus charmeur encore, si tant est que ce soit possible. Chaque jour, elle l’aidait à marcher dans le jardin ou lui lisait de vieux grimoires, perdant au passage un peu de sa lucidité. Elle riait à ses plaisanteries, accueillait ses bouquets de fleurs d’un sourire radieux. Et moi, j’observais la scène, impuissant à endiguer ce qui ressemblait à une fatalité cruelle. Tout en moi s’agitait, mon loup hurlant, mon orgueil en miettes. Daemon prenait une place de plus en plus grande dans l’esprit de Cassy, insinuant que je n’étais qu’un jouet du destin, un pantin programmé pour l’aimer. Il répétait que mes sentiments n’étaient pas réels, que je n’avais pas choisi de l’aimer. Pire encore, elle commençait à le croire… ou, du mo
LoganLe soir venu, la grande salle à manger de Forkwoods se para de nappes immaculées et de chandeliers rutilants. Les ombres sur les murs semblaient danser au rythme d’une musique silencieuse, créant une atmosphère feutrée et vaguement inquiétante. Cassy, l’air étrangement serein malgré la fatigue qui tirait ses traits, installa Daemon au bout de la table, à la place d’honneur. Tasha et moi, tapis à l’opposé comme deux comploteurs maladroits, échangions des regards nerveux.— C’est drôle, lança Julien en s’asseyant, comme on se donne l’illusion d’une trêve, juste pour un repas.Cassy leva alors son verre, radieuse :— À la vie, qui continue malgré tout.Daemon, grimaçant à peine de sa blessure, prit le verre que Cassy lui offrait. Celui. Avec la fiole. Je sentis mon cœur tambouriner contre mes côtes tandis qu’il le portait à ses lèvres. Il but sans méfiance, inconscient du piège qui s’était refermé sur lui. Tasha m’envoya un discret coup de coude : tout se déroulait selon notre plan
CassyJe me croyais lucide, pourtant j’ai l’impression de marcher dans un brouillard épais. Depuis notre retour à Forkwoods, je sens Daemon devenir presque… incontournable. Il a pris une balle pour me protéger, il aurait pu fuir, mais il est resté. Alors, évidemment, j’ai voulu le remercier, le connaître, comprendre l’homme sous l’armure de sarcasmes. Peu à peu, il a pris de la place dans mon esprit. Plus que je ne l’aurais pensé, plus que je ne l’aurais voulu.Il y a pourtant quelque chose qui résiste en moi. Quelque chose qui rappelle Logan… Logan et le lien indescriptible qui nous unit. Mon cœur bat plus fort à l’évocation de son nom, comme un rappel que je l’aime différemment, plus profondément. Mais Logan se renferme depuis notre retour. Il me regarde à peine, comme s’il s’interdisait de me parler. Et ce soir, il a même frappé Daemon, sous mes yeux.Au fond de moi, je comprends sa colère. Pourtant, je n’ai pas choisi d’être attirée par Daemon : c’est une curiosité malsaine, un ma
LoganJe ne sais pas exactement combien de temps je suis resté là, incapable de dormir, le regard fixé sur le plafond. Il y a quelques heures seulement, j’ai vu Cassy embrasser Daemon. Et pourtant, elle dort à présent dans la chambre voisine, comme si rien ne s’était passé. Et moi, j’ai mal. Je ferme les yeux, et l’image me revient : le mouvement de ses lèvres collées aux siennes, la courbe de son cou, et ce frisson qui parcourait son échine — ou que j’imagine parcourir son échine. — “Tu l’as laissée filer, imbécile. C'est de ta faute.”La voix de Néos, mon loup, résonne dans mon esprit comme un grondement qui m’écorche la poitrine.— “Je ne voulais pas la brusquer.”Même dans ma tête, ma défense sonne pathétique. J’ai choisi de garder mes distances pour la protéger, et voilà où ça nous a menés.— “Tu aurais dû la réclamer… ou au moins lui dire ce que tu ressens. Au lieu de ça, tu t’es terré dans ton coin, comme un louveteau blessé.”Je sens la colère me saisir. Contre moi-même. Con
CassyJe me réveille en sursaut, le corps enfiévré, le souffle court. Le souvenir de la nuit passée me hante encore. Ses mains sur mon corps, la chaleur brûlante de son souffle contre ma peau… Logan. Un frisson me parcourt, mélange d’excitation et de honte. Je repousse les draps et me lève d’un bond. L’air frais me gifle, mais ça ne suffit pas. J’ai besoin de me calmer. Une douche froide, voilà ce qu’il me faut. L’eau glacée frappe ma peau et efface peu à peu le désir qui m’habite. Pourtant, d’autres pensées s’infiltrent. Daemon… non, Kael. L’homme que j’ai embrassé, celui qui m’a troublée d’une manière inexplicable… et qui a tué Henry. Mon cœur se serre. Comment ai-je pu ressentir cette attirance pour le meurtrier du père de l’homme qui m’est destiné, l’ami de mes parents ? Je me sens trahie par mon propre corps, égarée dans des émotions que je ne parviens plus à démêler. Après m’être habillée en vitesse, je descends les escaliers en tentant de remettre de l’ordre dans mes pensées. M
(Cassy)L’aube est pâle, presque silencieuse, comme si la forêt elle-même retenait son souffle. Forks Wood dort encore, mais la meute est déjà là. Alignés, en silence, sur le parvis de la maison. Ils ne parlent pas. Ils regardent. Je serre contre moi mon sac à dos. Autour de nous, tout semble figé, suspendu. Eddy s’avance, le regard voilé. Il se retourne vers la fôret un instant. Il murmure quelque chose que je ne comprends pas, puis monte sans un mot dans le 4x4. Nous quittons la maison sans un bruit. Vernius a tenu à prendre le volant. À ses côtés, Sarah ne dit pas un mot, les bras croisés, l’air fermé. Je m’installe à l’arrière avec Loghan et Eddy. Aria suit dans un autre véhicule, accompagnée de Lior, Savi, Alta et Milo. La route est longue jusqu’à l’aéroport. Le paysage défile, et le silence se fait pesant. Par moments, la route semble s'étirer plus qu’elle ne devrait, comme si le temps lui-même hésitait à les laisser partir.— Tu crois qu’on va trouver ce qu’on cherche ? murmure
(Cassy)Je suis assise au bord du lit, enroulée dans un peignoir. Loghan termine de faire couler un bain. Je l’observe sans rien dire. Il est torse nu, les muscles tendus, concentré. Il dégage une énergie brute, contenue, comme si chaque mouvement était prêt à exploser.— Tu fais ça souvent ?Il relève à peine les yeux, esquisse un sourire en coin.— Prendre un bain ? Non. Mais j’avais envie que tu respires. Juste un peu.Je hoche la tête, le cœur encore lourd. Il vient s’asseoir à côté de moi, et son bras effleure le mien.— Ce nouveau voyage…Ezra… Tu penses vraiment qu’on peut lui faire confiance ?Il soupire.— Franchement ? Non. Mais je crois qu’on ne peut plus se permettre de choisir. Si on ne bouge pas, Kael nous détruira les uns après les autres.Je baisse la tête. Il la relève doucement vers lui.— Tu ne dors presque plus. Tu manges à peine. Tu ne parles plus à personne sauf à Muriel. Tu as peur de quoi exactement, Cassy ?Je le fixe, hésite, puis souffle :— De moi. J’ai peu
(Cassy)Le ciel est gris, comme si même la lumière refusait de poser les yeux sur ce jour. Une pluie fine tombe depuis l’aube, sans éclat ni fracas. Juste une tristesse liquide qui trempe la terre et les cœurs. Nous sommes tous réunis dans une clairière. Les séquoias forment un cercle naturel, imposant et silencieux. Un bûcher de branches tressées a été dressé, recouvert de fleurs sauvages. Des lanternes de cuivre oscillent doucement sous la pluie, déposant des reflets tremblants sur le visage de Tasha. Elle repose sur un lit de mousse, les bras croisés sur sa poitrine, le visage apaisé. Quelqu’un lui a tressé les cheveux. Elle est belle. Intouchable. Un violon joue, seul. Puis les voix s’élèvent. Des chants en vieux langage, psalmodiés par les anciens. Une prière mêlée au vent, qui fait frissonner les feuilles et le cœur. Eddy est à genoux. Il ne bouge pas. Depuis qu’on a ramené le corps de Tasha, il ne l’a pas quittée. Il a veillé son amour toute la nuit, assis dans un silence que
(Cassy)Dehors, la guerre fait rage. Les échos, étouffés par les murs de pierre, remontent à travers le sol, vibrent dans mes os, lacèrent mes nerfs. Chaque rugissement, chaque cri, est une déchirure. Je suis assise par terre, recroquevillée dans le froid de ma cellule. Tasha est là. Elle veille. Elle tente de faire écran à la peur.— On va s’en sortir, j’en suis sûre, murmure-t-elle, ses mains posées sur son ventre arrondi.Je ferme les yeux. Inspire.— Je l’espere, mais je ne sais pas comment ni si les choses pourront redevenir comme avant.Elle sourit, en coin.— Tu sais, parfois je nous imagine vivre dans une maison au bord du lac. Toi, Loghan… notre meute. Mon enfant. Sans prophétie. Sans dieux. Sans mort.— Une vie calme et ordinaire ?— Avec du vin rouge. Beaucoup de vin!Je ris. Vraiment. Juste un instant. Un battement d’aile suspendu dans la noirceur.Puis la porte s’ouvre. Et le froid s’engouffre. Silah. Elle est là, juste devant nous. Tasha se poste en défense.— Tu n’as r
( Loghan)La forêt est trop silencieuse. Le moindre bruissement semble faux, comme si la nature elle-même retenait son souffle. Les séquoias immobiles forment une cathédrale d’ombres, et la brume s'accroche au sol comme un présage. La lune, haute et pâle, éclaire les visages tendus de mes guerriers. Moi, je reste debout, droit, à l’orée du champ de bataille. Je sens la tension vibrer dans l’air, dans la terre, dans mes os. Neos grogne, impatient, affamé. Ils approchent. Ils sont nombreux. Ils veulent du sang. Je ferme les yeux. Inspire. L’odeur de la résine, du cuir, de la peur. Un hurlement fend la nuit, sauvage et rauque. Puis un autre. Et un autre. La lisière se déchire. Et les ténèbres dévalent sur nous. Ils sont là. Dwane en tête. Les crocs découverts, les yeux injectés de rage. Une horde derrière lui. Des meutes qu’il a retournées, corrompues. Le sol tremble sous leur course. Je hurle à mon tour. Et tout bascule. Ma colonne se tord. Mes os craquent. Ma peau se déchire pour lais
(Cassy)Ils m’ont ramenée comme une criminelle. Le silence qui s’est abattu dans la maison de la meute n’avait rien de neutre. Il était épais, saturé de jugements tus. Je sentais les regards peser sur ma nuque, l’odeur persistante du sang sur mes mains, comme une preuve brûlante qu’on ne pourrait pas effacer. La salle commune est pleine. Les visages familiers sont devenus des masques fermés. On me dévisage comme si on me voyait pour la première fois. Certains ne cherchent même pas à cacher leur hostilité. Même Eddy m'évite du regard. Tous, sauf Loghan, et Muriel.— Elle était là, au-dessus du corps, dit Julien d’une voix dure. Et la blessure... son cœur a été arraché…Un murmure d’approbation glisse comme une lame dans la pièce.Je me redresse, la voix rauque :— Je ne l’ai pas tuée. Je n’avais encore jamais vu cette fille. Pourquoi aurais-je fais ça!— Son nom était Sofia. C’était la Bêta de la meute de Dwane. Et excuse moi mais tu nous a prouvé à plusieurs reprise que tu avais du ma
(Silah)Dwane s’agite dans son sommeil. Un froncement de sourcils, une tension sous la peau, comme si ses rêves cherchaient à remonter à la surface. Je le regarde depuis mon côté du lit, allongée parfaitement immobile. Il ouvre les yeux. Me fixe. Sa voix est rauque de désir.— Tu ne dors pas ?Je souris doucement, joueuse.— Trop de choses dans ma tête…Il se redresse à moitié, pose une main sur ma hanche.— Qu’est-ce qu’il y a ?Je laisse un silence s’installer, puis je murmure :— Cassy.Il grogne, immédiatement sur la défensive.— Encore elle ?— Je ne la sens pas, Dwane. Elle est instable. Trop puissante. Et Loghan… il est aveuglé. La façon dont elle a tué Viviane… Et maintenant…Si…Je laisse ma phrase en suspens, volontairement. Il mord à l’hameçon.— Tu crois qu’elle va encore frapper ?Je hoche lentement la tête.— Et si elle le fait, ce sera ici. Contre nous. Contre toi.Je vois l’ombre passer dans son regard. Le doute, déjà. Je le saisis, je l’alimente, je l’enflamme.— Et si
(Silah)— Tu sais que ce que tu me demandes est interdit, m’interroge Gabrielle. La sorcière ne lève même pas les yeux. Elle continue d’écraser ses ingrédients dans le mortier : racines mortes, écailles, fragments de dents. L’air sent la moisissure, le sang sec et la vengeance.— Je veux juste un petit sortilége de rien du tout… Une illusion si parfaite qu’il la croira vraie jusqu’à son dernier souffle, pas plus.Je pourrais faire semblant d’avoir peur, d’hésiter, mais ce serait une perte de temps. Gabrielle sait que je suis venue chercher le genre de magie qu’on ne demande qu’une fois dans une vie. Elle me tend un bout de papier et une fiole sombre. Elle pulse entre mes doigts, vivante, presque sensuelle. J’adore cette sensation.— Une goutte. Et ces mots. S’il boit, il t’aimera. Corps et âme. Il te croira sa compagne destiné. Il brûlera pour toi.— Parfait, murmuré-je.Je quitte sa cabane avec la promesse d’un monde nouveau entre les mains. Et une seule idée en tête : Forks Wood à f
(Cassy)Je ne dors plus beaucoup depuis que Loghan m’a trouvée dans cette salle de bain. Depuis la rencontre avec Dwane, un gouffre s’est creusé entre nous. Il ne dit rien. Il observe. Et ce silence me fait plus peur que ses colères. Les jours passent. Les nuits, Kael revient. Il caresse mon esprit jusqu’à ce que le rêve bascule. Jusqu’à ce que je me réveille et que ma magie déborde un peu plus. La meute a peur de moi. Je le sens dans la façon dont les regards glissent sur moi quand je passe, dans le silence pesant qui s’installe après mes pas. Même Aria, d’ordinaire si douce, m’observe comme une bombe à retardement. Et peut-être qu’elle n’a pas tort. Ce matin, tout a commencé par une tasse de thé explosée entre mes mains. Puis un livre s’est enflammé alors que je tournais les pages. Rien d’intentionnel, juste... trop de Kael dans mes nerfs. Trop de Loghan dans mon cœur. Trop de Charlotte dans ma mémoire. Mon esprit est un champ de mines, et chaque battement de cœur pourrait être le d