Cassy
Je me réveille en sursaut, mon corps encore engourdi. Un rayon de lumière filtré par les rideaux caresse doucement mon visage. Il me faut quelques secondes pour me rappeler où je suis. Logan est toujours là, assis dans le fauteuil face à moi. Il est appuyé contre l’accoudoir, son menton dans la paume de sa main, ses yeux bleus scrutant l’horizon invisible vers l’extérieur. Une partie de moi veut lui parler, poser mille questions, mais une autre hésite. Comment fait-il pour dégager une telle sérénité tout en me rendant folle intérieurement ? Je bouge légèrement, et son regard glisse immédiatement vers moi, attentif.
— Tu devrais encore dormir, murmure-t-il.
— Je vais bien, dis-je d’une voix rauque.
Il arque un sourcil. Je sens qu’il ne croit pas une seconde à ma tentative de bravade. Moi non plus, d’ailleurs. Mon épaule me lance encore, et mon corps est lourd comme si j’avais traversé un champ de bataille. Ce qui, techniquement, n’est pas totalement faux.
— Aria a dit que tu devrais te reposer. Ton corps a besoin de temps.
Je me redresse brutalement, regrettant aussitôt mon mouvement.
— Ce loup ? Il voulait me tuer ?
L’air sérieux qui s’installe sur son visage me fait frissonner.
— Il faisait partie des fidèles de Kael. Ils savent qui tu es, Cassy. Et ils savent que tu es ici. Il ne voulait pas te tuer... mais te kidnaper.
Je me sens défaillir. Chaque mot de Logan est comme une pierre qu’on dépose sur ma poitrine. J’ai du mal à respirer. Tout ça me dépasse, me terrifie.
— Je ne suis … Je ne suis personne.
— Tu n’es pas “personne”, Cassy. Tu ne l’as jamais été. Tes parents savaient que tu étais spéciale. Et Henry aussi. Mais ils ont tout fait pour que tu puisses avoir une vie normale… aussi longtemps que possible.
Ses mots se suspendent dans l’air comme des spectres. Une colère sourde monte en moi.
— Normal? Je suis orpheline et j’ai grandi seule dans un pensionnat Mon enfance, ma vie entière rien n'a jamais été "normal".
Ma voix tremble, plus d’émotion que de force. Il me fixe longuement. Ses yeux brillent d’une sincérité qui me déstabilise.
— C’était pour ton bien.
Je détourne les yeux, incapable d’affronter ce regard qui semble lire en moi. Les souvenirs de mes parents me reviennent, comme des fragments d’un rêve brisé. Leur rire, leurs visages flous, leur absence omniprésente. Et maintenant, cette révélation insupportable : ils sont morts pour me protéger d’un destin que je ne veux pas. Un silence tendu s’installe entre nous. Finalement, c’est lui qui le brise. Sa voix est douce, mais elle porte un poids immense. Il inspire profondément, comme s’il s’apprêtait à soulever un lourd fardeau.
— Tes parents, c'étaient des gens biens. Ton père, Nathaniel, était un Gardien, un protecteur d’un secret ancien. Ta mère, Evelyne… elle était différente. Son sang portait en lui un héritage que beaucoup craignaient. Et toi… tu es la clé.
Un frisson me traverse. Je secoue la tête, refusant d’accepter ce qu’il dit.
— Quelle clé ?
— Il y a une histoire que l’on raconte aux enfants sur une guerre entre deux forces divines : Séléné, la déesse de la Lune, et Kael, son frère déchu. Kael a été enfermé, mais il avait eu un enfant, et son sang est la seule chose qui peut briser son sceau. Cette lignée s’est éteinte… jusqu’à toi.
Je sens mon souffle se bloquer, une vague glacée se répand dans mon corps.
— Pourquoi moi ?
— Parce que, pour la première fois depuis des siècles, quelqu’un de sa lignée possède en lui une concentration suffisante de ce sang pour le libérer. Certains veulent t’empêcher d’exister, d’autres veulent te livrer à Kael. Henry et tes parents ont tout fait pour te cacher, pour retarder l’inévitable.
— Qui les a tués ?
Logan serre la mâchoire, puis murmure :
— Je ne sais pas...
Il prend une inspiration et continue :
— Un groupe les a attaqués en pleine nuit. Ton père s’est battu jusqu’au bout pour que ta mère puisse t’éloigner. Elle t’a cachée. Henry et Elias sont arrivés à temps pour te retrouver, mais pas pour les sauver.
Mes jambes vacillent, mon souffle devient erratique.
— Ils sont morts… à cause de moi ?
— Non, Cassy. Ils sont morts parce qu’ils t’aimaient. Parce qu’ils voulaient te protéger.
Je ferme les yeux, un flot de douleur me submerge. Une image floue se forme dans mon esprit : des flammes, des cris, une silhouette qui me soulève dans ses bras. Henry ?
— Elias a effacé ta mémoire. Il voulait t’épargner la souffrance. Mais maintenant, nous devons le retrouver. Lui seul détient toutes les réponses.
Un silence suspend le temps entre nous. Mon cœur bat à tout rompre.
— Alors retrouvons-le.
Il me sourrit.
— Tu sais , mon pére n’a jamais pu s’en remettre. Il t’a confiée à un pensionnat pour que personne ne te trouve. Mais ça lui a brisé les coeur. Il aurait voulu que tu grandisses ici avec nous.
J’essuie mes larmes d’un revers de main. Je ferme les yeux, tentant de calmer les tremblements qui secouent mon corps. À cet instant, Logan pose sa main sur la mienne, doucement. Un courant électrique me traverse.
— Je comprends que tout soit violent pour toi. Mais sache que je suis là, et que je ferai tout pour te protéger.
_ On va tous mettre en oeuvre pour te protéger de ce salle type, me dit Eddy en pénétrant dans ma chambre. Je suis désolée de faire irruption, je venais voir comment tu allais, la porte étais entrevourte.
J’essaie de retenir un sanglot.
— Tout est tellement insensé…
— Je sais. Mais c’est la vérité. Nous devons te garder ici, en sécurité, jusqu’à ce que tu décides de ce qu’il convient de faire.
Je perçois l’infime tremblement dans la voix de Logan. Je l’observe. Son si beau visage ciselé, et ses yeux … mon Dieu, ces yeux.
— Alors, c’est quoi la suite ? Je dois me cacher ici, comme une prisonnière et tirer un trait sur ma vie à New York et sur mes amis?
— Je ne te retiendrai pas prisonnière. Mais sortir serait imprudent. Tu as vu de quoi ils sont capables...
— On va renforcer la sécurité, sourit Eddy.
— Logan, — Ma voix est basse, méfiante. — Pourquoi fais-tu tout ça ? Pourquoi te soucier de moi ?
Un éclair traverse ses yeux, quelque chose entre la frustration et le désir.
— Parce que tu es mon âme sœur, Cassy. Que tu l’acceptes ou non, c’est ainsi. Ton odeur, ton regard, ta simple présence… tout en toi m’appelle. Mon loup te reconnaît, te réclame. C’est instinctif, irrépressible. Tu es ma compagne destinée.
Mon cœur rate un battement. Ses mots résonnent au plus profond de moi, réveillant quelque chose que je ne comprends pas encore. Mais je ne peux pas céder. Pas maintenant. C’est trop tôt, trop confus.
— Et si je ne veux pas de ce destin ? — Je plante mes yeux dans les siens, cherchant à masquer la panique qui grandit en moi.
Il me regarde comme s’il voyait à travers mes mensonges.
— Tu peux le nier autant que tu veux, mais ça ne changera rien. Tu fais partie de ce monde, Cassy. Et moi, je ferai tout pour te protéger. Même de toi-même.
Je n’ai pas de réponse. À quoi bon ? Rien de ce que je dirai ne changera cette étrange vérité qui m’écrase. Alors, je détourne le regard, cherchant un échappatoire dans le vide.
Avant que je puisse m’enfoncer davantage dans mes pensées, Eddy, regarde son téléphone l’air grave et se retourne vers le jardin.
— Logan, on a un problème. Un éclaireur a repéré des loups à la lisière de la forêt. Ils sont nombreux.
— Ils sont là pour elle, murmure Loghan.
Il se tourne vers moi, son regard chargé d’une intensité qui me transperce.
— Tu ne sors pas d’ici, quoi qu’il arrive. Promets-le-moi.
— Logan, je…
— Promets-le-moi, Cassy !
Je finis par hocher la tête, incapable de parler. Il me fixe une dernière fois avant de sortir, suivi d’Eddy. La porte se referme avec un claquement sec, me laissant seule dans un silence étouffant. Mon cœur tambourine dans ma poitrine. Je me lève doucement, me dirigeant vers la fenêtre. Dehors, l’obscurité enveloppe encore la forêt comme un voile. Au loin, le soleil commence son acension. Mon téléphone vibre à nouveau. Dimitri. Cette fois, je l’ignore. Rien de ce qu’il pourrait dire n’a d’importance face à ce qui est en train de se jouer ici. Je me détourne de la fenêtre, m’assois sur le lit, et serre mes bras autour de moi. J’ai l’impression que la maison elle-même retient son souffle, attendant l’inévitable. Et moi, au milieu de tout ça, je ne suis qu’une humaine sur laquelle repose un destin que je ne comprends même pas.
CassyJe reste assise sur le bord du lit, fixant la porte. L’envie de fuir me ronge, mais ma raison me retient. Cette fois, je sais que courir serait inutile. Où irais-je ? La poignée de la porte tourne soudain, brisant mes pensées. Je me redresse instinctivement, prête à affronter… je ne sais quoi. Mais ce n’est que Tasha. Elle entre doucement.— Je me suis dit que tu aurais besoin de compagnie, dit-elle avec un sourire qui se veut rassurant.Elle s’assied à côté de moi, silencieuse au début, puis elle me regarde avec cette douceur qui semble lui être naturelle.— Cassy, je sais que tout ça est… beaucoup à encaisser. Et que tu ne fais confiance à personne ici. Mais tu n’es pas seule. On est là pour toi.Je suis incapable de répondre. Est-ce que je peux leur faire confiance ? Est-ce que je veux ? Je lève les yeux vers elle, cherchant une réponse dans son regard. Tasha pose une main sur mon genou, son sourire empreint d’une tendresse sincère.— Parfois, ce n’est pas nous qui choisisso
CassySon nom claque dans l'air, éveillant quelque chose en moi. Une peur sourde mêlée à une curiosité dangereuse.— Un sorcier ? Que veux-tu?Un rire suave s'échappe de ses lèvres.— Disons que j'ai attendu ce moment depuis longtemps. Et que le destin a enfin décidé de nous réunir.Il avance d'un pas supplémentaire, et cette fois, je ne recule pas. Une part de moi veut fuir, une autre refuse de bouger.— Cassy... Tu es plus importante que tu ne le crois. Et tu as besoin de moi.Son sourire s'élargit, sombre et fascinant.— Laisse-moi te montrer qui tu es.Un grognement profond interrompt l'instant. Je sursaute et tourne la tête. Logan est là, à quelques pas de nous, torse nu, son corps encore marqué par le combat. Ses yeux, d'un bleu intense, fixent Daemon avec une hostilité brûlante.— Tiens, tu es revenu, lâche-t-il d'un ton tranchant.Daemon ne cille pas, un sourire amusé flottant sur ses lèvres.— Je vois que tu n'as pas changé, Logan. Toujours aussi... protecteur.Logan se place
Les semaines ont passé. J’ai laissé derrière moi mon ancienne vie à New York. J’ai démissionné du journal, un départ précipité qui a rendu Dimitri anxieu. Il m’a appelée encore et encore, exigeant des explications, mais je ne pouvais pas lui dire la vérité. Alors j’ai menti. Charlotte aussi, je lui cache tout, et à chaque mensonge que je prononce, une douleur sourde me serre le cœur. Mais je n’ai pas le choix, c’est pour la protéger.Ce matin, comme tous les autres, je sors de la douche, enfile un legging et un débardeur, puis attache mes cheveux en un chignon rapide. Mes muscles sont endoloris, mes bras marqués de bleus, mais je m’accroche. L’entraînement avec Logan est difficile, éprouvant, mais j’apprends vite. Je descends dans le jardin où il m’attend, torse nu, la peau luisante sous le soleil du matin. Je ne peux m’empêcher de le regarder, et il le remarque.— Tu devrais te concentrer, murmure-t-il avec un sourire en coin.— Tu dois être plus rapide, grogne-t-il en me repoussant
La nuit tombe sur Forkswood, et la maison s’apaise enfin après une journée de tension et d'entrainement. Le dîner réunit tout le monde dans la grande salle à manger, éclairée par des chandeliers vacillants. L’ambiance est animée, mais un soupçon de nervosité flotte encore dans l’air. Tasha s’installe à côté de moi, un sourire complice aux lèvres.— Tu es bien silencieuse ce soir, Cassy. Quelque chose te tracasse ?Je joue distraitement avec ma fourchette avant de soupirer.— Juste… tout ce qui se passe. J’ai l’impression d’être prise dans un tourbillon sans savoir où je vais atterrir.— Tu ne crois pas que tu es en train de trouver ta place ici ?Je relève les yeux vers elle. Tasha a toujours ce regard doux mais perçant, capable de lire à travers moi. Je veux lui dire que je ne sais plus où est ma place, que je me perds entre Logan et Daemon, entre mon passé et ce futur incertain. Mais au lieu de ça, je hoche simplement la tête. Eddy, assis en face de nous, lève son verre.— À notre n
LoganNous avons quitté Forkswood à l’aube, un petit groupe composé de guerriers expérimentés, Cassy, Daemon et moi-même. Avec nous, Tasha, qui refusait de rester en arrière et dont les talents de guérisseuse pourraient s’avérer indispensables. Julien, un éclaireur agile qui connaissait la forêt mieux que quiconque, et Sarah, une louve redoutable au tempérament aussi tranchant que ses griffes.L’air était glacial, et le silence pesait sur chacun de nous. Chacun savait que cette mission ne serait pas une simple excursion. Je pouvais sentir la tension dans les épaules de Cassy, voir la détermination dans ses yeux. Elle voulait des réponses, et nous allions peut-être enfin les obtenir.Nous roulons plusieurs heures à travers la forêt de Six Rivers, serpentant sur des routes sinueuses bordées d’arbres immenses. Les séquoias se dressent comme des piliers millénaires, leurs troncs massifs formant un tunnel naturel au-dessus de nous. La lumière du matin filtre à travers le feuillage dense, p
LoganLe lendemain, après une nuit courte et agitée, nous reprenons la route à l’aube. Le feu s’est éteint depuis longtemps, et l’humidité matinale rend l’air encore plus pesant. La tension est palpable. Personne ne parle vraiment, chacun se préparant mentalement à ce qui nous attend.— Il nous reste une bonne heure de marche, dis-je en resserrant les sangles de mon sac. Nous allons remonter la rivière. Elias devrait se trouver dans un ancien hameau abandonné, un peu plus haut.Les autres acquiescent en silence. Nous progressons en file indienne, longeant le cours d’eau dont le bruissement accompagne nos pas. Le paysage est sauvage, majestueux. Des arbres centenaires s’élèvent autour de nous, leurs racines déformant le sol accidenté. L’air est chargé d’odeurs de terre humide, de sève et d’écorce brûlée par le soleil.Là-bas, dans l’ombre des montagnes, se dessine notre destination. Les ruines d’un ancien hameau apparaissent entre les troncs massifs, envahies par la végétation. Des bât
LoganNous nous précipitons à l’intérieur d’une vieille grange, et mon cœur rate un battement en voyant Elias. Il est attaché, affaibli, son corps couvert d’ecchymoses et de plaies ouvertes. Son souffle est saccadé, sa peau glacée.Cassy tombe à genoux près de lui, le libérant de ses liens avec des gestes précipités.— Elias ! Elias, reste avec nous !Ses paupières s’entrouvrent, et lorsqu’il aperçoit Cassy, un sourire faible éclaire son visage.— Cassy… tu es venue…Son regard brille d’une lueur de soulagement et d’urgence mêlés. Il sait qu’il est mourant, et il sait qu’il doit parler avant qu’il ne soit trop tard.— Écoute-moi… il faut que tu saches… murmure-t-il d’une voix brisée.Nous nous penchons tous autour de lui alors qu’il commence à nous raconter tout ce qu’il sait. Son souffle est court, saccadé, mais son regard reste rivé sur Cassy.— Il y a très longtemps, commence-t-il, la nuit appartenait à deux divinités. Séléné, la lumière froide et distante de la Lune, et Kael, l’om
Logan Le retour à Forkwoods s’est fait dans un silence de plomb. La mort d’Elias, ses révélations… tout cela laissait un vide que personne n’osait combler. Cassy, le visage fermé et la voix éteinte, veillait Daemon jour et nuit. Il était blessé et la douleur le rendait plus charmeur encore, si tant est que ce soit possible. Chaque jour, elle l’aidait à marcher dans le jardin ou lui lisait de vieux grimoires, perdant au passage un peu de sa lucidité. Elle riait à ses plaisanteries, accueillait ses bouquets de fleurs d’un sourire radieux. Et moi, j’observais la scène, impuissant à endiguer ce qui ressemblait à une fatalité cruelle. Tout en moi s’agitait, mon loup hurlant, mon orgueil en miettes. Daemon prenait une place de plus en plus grande dans l’esprit de Cassy, insinuant que je n’étais qu’un jouet du destin, un pantin programmé pour l’aimer. Il répétait que mes sentiments n’étaient pas réels, que je n’avais pas choisi de l’aimer. Pire encore, elle commençait à le croire… ou, du mo
(Cassy)L’aube est pâle, presque silencieuse, comme si la forêt elle-même retenait son souffle. Forks Wood dort encore, mais la meute est déjà là. Alignés, en silence, sur le parvis de la maison. Ils ne parlent pas. Ils regardent. Je serre contre moi mon sac à dos. Autour de nous, tout semble figé, suspendu. Eddy s’avance, le regard voilé. Il se retourne vers la fôret un instant. Il murmure quelque chose que je ne comprends pas, puis monte sans un mot dans le 4x4. Nous quittons la maison sans un bruit. Vernius a tenu à prendre le volant. À ses côtés, Sarah ne dit pas un mot, les bras croisés, l’air fermé. Je m’installe à l’arrière avec Loghan et Eddy. Aria suit dans un autre véhicule, accompagnée de Lior, Savi, Alta et Milo. La route est longue jusqu’à l’aéroport. Le paysage défile, et le silence se fait pesant. Par moments, la route semble s'étirer plus qu’elle ne devrait, comme si le temps lui-même hésitait à les laisser partir.— Tu crois qu’on va trouver ce qu’on cherche ? murmure
(Cassy)Je suis assise au bord du lit, enroulée dans un peignoir. Loghan termine de faire couler un bain. Je l’observe sans rien dire. Il est torse nu, les muscles tendus, concentré. Il dégage une énergie brute, contenue, comme si chaque mouvement était prêt à exploser.— Tu fais ça souvent ?Il relève à peine les yeux, esquisse un sourire en coin.— Prendre un bain ? Non. Mais j’avais envie que tu respires. Juste un peu.Je hoche la tête, le cœur encore lourd. Il vient s’asseoir à côté de moi, et son bras effleure le mien.— Ce nouveau voyage…Ezra… Tu penses vraiment qu’on peut lui faire confiance ?Il soupire.— Franchement ? Non. Mais je crois qu’on ne peut plus se permettre de choisir. Si on ne bouge pas, Kael nous détruira les uns après les autres.Je baisse la tête. Il la relève doucement vers lui.— Tu ne dors presque plus. Tu manges à peine. Tu ne parles plus à personne sauf à Muriel. Tu as peur de quoi exactement, Cassy ?Je le fixe, hésite, puis souffle :— De moi. J’ai peu
(Cassy)Le ciel est gris, comme si même la lumière refusait de poser les yeux sur ce jour. Une pluie fine tombe depuis l’aube, sans éclat ni fracas. Juste une tristesse liquide qui trempe la terre et les cœurs. Nous sommes tous réunis dans une clairière. Les séquoias forment un cercle naturel, imposant et silencieux. Un bûcher de branches tressées a été dressé, recouvert de fleurs sauvages. Des lanternes de cuivre oscillent doucement sous la pluie, déposant des reflets tremblants sur le visage de Tasha. Elle repose sur un lit de mousse, les bras croisés sur sa poitrine, le visage apaisé. Quelqu’un lui a tressé les cheveux. Elle est belle. Intouchable. Un violon joue, seul. Puis les voix s’élèvent. Des chants en vieux langage, psalmodiés par les anciens. Une prière mêlée au vent, qui fait frissonner les feuilles et le cœur. Eddy est à genoux. Il ne bouge pas. Depuis qu’on a ramené le corps de Tasha, il ne l’a pas quittée. Il a veillé son amour toute la nuit, assis dans un silence que
(Cassy)Dehors, la guerre fait rage. Les échos, étouffés par les murs de pierre, remontent à travers le sol, vibrent dans mes os, lacèrent mes nerfs. Chaque rugissement, chaque cri, est une déchirure. Je suis assise par terre, recroquevillée dans le froid de ma cellule. Tasha est là. Elle veille. Elle tente de faire écran à la peur.— On va s’en sortir, j’en suis sûre, murmure-t-elle, ses mains posées sur son ventre arrondi.Je ferme les yeux. Inspire.— Je l’espere, mais je ne sais pas comment ni si les choses pourront redevenir comme avant.Elle sourit, en coin.— Tu sais, parfois je nous imagine vivre dans une maison au bord du lac. Toi, Loghan… notre meute. Mon enfant. Sans prophétie. Sans dieux. Sans mort.— Une vie calme et ordinaire ?— Avec du vin rouge. Beaucoup de vin!Je ris. Vraiment. Juste un instant. Un battement d’aile suspendu dans la noirceur.Puis la porte s’ouvre. Et le froid s’engouffre. Silah. Elle est là, juste devant nous. Tasha se poste en défense.— Tu n’as r
( Loghan)La forêt est trop silencieuse. Le moindre bruissement semble faux, comme si la nature elle-même retenait son souffle. Les séquoias immobiles forment une cathédrale d’ombres, et la brume s'accroche au sol comme un présage. La lune, haute et pâle, éclaire les visages tendus de mes guerriers. Moi, je reste debout, droit, à l’orée du champ de bataille. Je sens la tension vibrer dans l’air, dans la terre, dans mes os. Neos grogne, impatient, affamé. Ils approchent. Ils sont nombreux. Ils veulent du sang. Je ferme les yeux. Inspire. L’odeur de la résine, du cuir, de la peur. Un hurlement fend la nuit, sauvage et rauque. Puis un autre. Et un autre. La lisière se déchire. Et les ténèbres dévalent sur nous. Ils sont là. Dwane en tête. Les crocs découverts, les yeux injectés de rage. Une horde derrière lui. Des meutes qu’il a retournées, corrompues. Le sol tremble sous leur course. Je hurle à mon tour. Et tout bascule. Ma colonne se tord. Mes os craquent. Ma peau se déchire pour lais
(Cassy)Ils m’ont ramenée comme une criminelle. Le silence qui s’est abattu dans la maison de la meute n’avait rien de neutre. Il était épais, saturé de jugements tus. Je sentais les regards peser sur ma nuque, l’odeur persistante du sang sur mes mains, comme une preuve brûlante qu’on ne pourrait pas effacer. La salle commune est pleine. Les visages familiers sont devenus des masques fermés. On me dévisage comme si on me voyait pour la première fois. Certains ne cherchent même pas à cacher leur hostilité. Même Eddy m'évite du regard. Tous, sauf Loghan, et Muriel.— Elle était là, au-dessus du corps, dit Julien d’une voix dure. Et la blessure... son cœur a été arraché…Un murmure d’approbation glisse comme une lame dans la pièce.Je me redresse, la voix rauque :— Je ne l’ai pas tuée. Je n’avais encore jamais vu cette fille. Pourquoi aurais-je fais ça!— Son nom était Sofia. C’était la Bêta de la meute de Dwane. Et excuse moi mais tu nous a prouvé à plusieurs reprise que tu avais du ma
(Silah)Dwane s’agite dans son sommeil. Un froncement de sourcils, une tension sous la peau, comme si ses rêves cherchaient à remonter à la surface. Je le regarde depuis mon côté du lit, allongée parfaitement immobile. Il ouvre les yeux. Me fixe. Sa voix est rauque de désir.— Tu ne dors pas ?Je souris doucement, joueuse.— Trop de choses dans ma tête…Il se redresse à moitié, pose une main sur ma hanche.— Qu’est-ce qu’il y a ?Je laisse un silence s’installer, puis je murmure :— Cassy.Il grogne, immédiatement sur la défensive.— Encore elle ?— Je ne la sens pas, Dwane. Elle est instable. Trop puissante. Et Loghan… il est aveuglé. La façon dont elle a tué Viviane… Et maintenant…Si…Je laisse ma phrase en suspens, volontairement. Il mord à l’hameçon.— Tu crois qu’elle va encore frapper ?Je hoche lentement la tête.— Et si elle le fait, ce sera ici. Contre nous. Contre toi.Je vois l’ombre passer dans son regard. Le doute, déjà. Je le saisis, je l’alimente, je l’enflamme.— Et si
(Silah)— Tu sais que ce que tu me demandes est interdit, m’interroge Gabrielle. La sorcière ne lève même pas les yeux. Elle continue d’écraser ses ingrédients dans le mortier : racines mortes, écailles, fragments de dents. L’air sent la moisissure, le sang sec et la vengeance.— Je veux juste un petit sortilége de rien du tout… Une illusion si parfaite qu’il la croira vraie jusqu’à son dernier souffle, pas plus.Je pourrais faire semblant d’avoir peur, d’hésiter, mais ce serait une perte de temps. Gabrielle sait que je suis venue chercher le genre de magie qu’on ne demande qu’une fois dans une vie. Elle me tend un bout de papier et une fiole sombre. Elle pulse entre mes doigts, vivante, presque sensuelle. J’adore cette sensation.— Une goutte. Et ces mots. S’il boit, il t’aimera. Corps et âme. Il te croira sa compagne destiné. Il brûlera pour toi.— Parfait, murmuré-je.Je quitte sa cabane avec la promesse d’un monde nouveau entre les mains. Et une seule idée en tête : Forks Wood à f
(Cassy)Je ne dors plus beaucoup depuis que Loghan m’a trouvée dans cette salle de bain. Depuis la rencontre avec Dwane, un gouffre s’est creusé entre nous. Il ne dit rien. Il observe. Et ce silence me fait plus peur que ses colères. Les jours passent. Les nuits, Kael revient. Il caresse mon esprit jusqu’à ce que le rêve bascule. Jusqu’à ce que je me réveille et que ma magie déborde un peu plus. La meute a peur de moi. Je le sens dans la façon dont les regards glissent sur moi quand je passe, dans le silence pesant qui s’installe après mes pas. Même Aria, d’ordinaire si douce, m’observe comme une bombe à retardement. Et peut-être qu’elle n’a pas tort. Ce matin, tout a commencé par une tasse de thé explosée entre mes mains. Puis un livre s’est enflammé alors que je tournais les pages. Rien d’intentionnel, juste... trop de Kael dans mes nerfs. Trop de Loghan dans mon cœur. Trop de Charlotte dans ma mémoire. Mon esprit est un champ de mines, et chaque battement de cœur pourrait être le d