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Chapitre 3 : Blessé 

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-02-17 21:03:09

Alba Ricci

Je referme la porte derrière lui.

Mes doigts restent crispés sur la poignée, les jointures blanchies par la tension. Je ferme les yeux un instant, inspire profondément. L’air de mon appartement est chargé d’un mélange de désinfectant et de sang séché. L’odeur s’accroche à ma peau, à mes vêtements, à mes pensées.

Gabriel Moretti.

Il est venu ici, blessé, vulnérable, et pourtant, il a réussi à prendre le contrôle. Toujours lui. Toujours ce fichu pouvoir qu’il exerce sans même essayer.

Je relâche lentement la poignée et me détourne. Mon appartement est minuscule, un refuge sans luxe, sans attache. Juste un lit, une table d’examen, une étagère surchargée de fournitures médicales volées ou achetées sur le marché noir. Ce n’est pas une maison. Ce n’est qu’un abri.

Mais ce soir, il est devenu quelque chose d’autre. Un champ de bataille invisible, où les mots ont tranché plus profondément que n’importe quelle lame.

Je m’approche du lavabo, tourne le robinet et laisse l’eau couler sur mes mains tremblantes. Le sang s’efface, mais pas la sensation de sa peau sous mes doigts.

Je m’accroche au bord du lavabo, le regard fixé sur mon reflet dans le miroir fissuré.

— Arrêter de courir.

Les mots de Gabriel résonnent encore dans mon esprit.

Il n’a aucune idée de ce que ça signifie.

Je n’ai jamais cessé de courir.

Je ne peux pas.

Je coupe l’eau d’un geste brusque, attrape une serviette et la presse contre mon visage. Mon cœur bat trop vite. L’adrénaline ne veut pas redescendre. J’ai appris à recoudre la chair, à soigner les blessures, à effacer les traces d’une nuit trop violente. Mais je ne sais pas comment éteindre ce feu qui brûle encore sous ma peau.

Je devrais dormir. Mais l’idée de fermer les yeux me terrifie plus que je ne veux l’admettre.

Alors, je fais ce que je fais toujours : je me replonge dans le travail.

J’attrape une bouteille d’alcool et commence à nettoyer les instruments que j’ai utilisés sur Gabriel. Mes gestes sont mécaniques, précis, un automatisme appris à force de répéter les mêmes mouvements encore et encore.

J’efface les preuves.

Comme si ça pouvait effacer ce qu’il vient de se passer.

Comme si ça pouvait effacer lui.

Mais la vérité est là, indéniable.

Gabriel Moretti m’a trouvée.

Et il ne me laissera plus disparaître.

---

Gabriel Moretti

La nuit est froide, la douleur sourde.

Assis à l’arrière de ma voiture, je fixe les lumières de la ville à travers la vitre. Les rues de Milan s’étendent sous moi comme un labyrinthe de béton et de verre, illuminées par les néons des bars et les lampadaires vacillants des ruelles sombres.

— Où maintenant, capo ?

La voix de Matteo brise le silence. Il est assis à l’avant, les mains fermement posées sur le volant. Fidèle, efficace. Il a été mon ombre pendant des années, et pourtant, ce soir, je n’ai pas envie de répondre.

Je ferme les yeux un instant, laisse ma tête reposer contre le cuir froid du siège.

Je ressens encore la brûlure des doigts d’Alba sur ma peau.

Son regard quand elle a recousu ma plaie.

La tension entre nous, palpable, presque insupportable.

Je rouvre les yeux.

— Chez moi.

Matteo hoche la tête et démarre en silence.

Le trajet est rapide. Mes hommes savent comment éviter les routes trop exposées, comment naviguer dans cette ville qui m’appartient sans attirer l’attention. Lorsque nous atteignons ma villa, les grilles s’ouvrent immédiatement.

La maison est un monstre de verre et de pierre, perchée sur les hauteurs, dominant tout Milan comme un faucon prêt à plonger sur sa proie. Une forteresse. Un symbole de pouvoir.

Je sors de la voiture et grimpe les marches de marbre, mon épaule lancinante à chaque pas.

À l’intérieur, l’air est frais, immobile. Trop calme.

Je traverse le salon, contourne le grand bar en verre où reposent plusieurs bouteilles de whisky hors de prix, et m’arrête devant la baie vitrée.

La ville s’étend à mes pieds.

Mais mon esprit est ailleurs.

Je repense à Alba, à sa voix, à son refus de céder.

Elle est différente.

Pas seulement parce qu’elle est la fille de Don Ricci. Pas seulement parce qu’elle a choisi de fuir ce destin.

Elle me regarde autrement. Comme si je n’étais pas un roi, pas un monstre, pas un intouchable.

Elle me regarde comme un homme.

Un homme qu’elle refuse de laisser s’emparer d’elle.

Un sourire effleure mes lèvres.

J’aime les défis.

Et Alba Ricci vient de devenir le plus dangereux d’entre eux.

Alba Ricci

Trois heures du matin.

J’ai renoncé à dormir.

Je suis installée sur mon lit, un vieux carnet ouvert devant moi, mon stylo suspendu au-dessus de la page blanche.

Des années que je tiens ces carnets. Des pensées jetées sur le papier, des fragments de moi que personne ne lira jamais.

Mais ce soir, les mots ne viennent pas.

Tout ce que je vois, c’est lui.

Gabriel Moretti, assis sur ma table d’examen, son regard braqué sur moi.

Gabriel Moretti, blessé mais toujours maître de lui-même, de la situation, de moi.

Je déteste l’effet qu’il a sur moi.

Je déteste la façon dont il s’est insin

ué dans ma vie, dans mon espace, dans mon esprit.

Je ferme brutalement le carnet et me lève.

Je dois bouger. Sortir. Respirer.

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