Devenir PDG

**Alex**

« Je n'arrive pas à croire que tu envisages de le faire », dis-je en frappant du poing sur mon bureau.

« Alex, sois raisonnable. »

« Raisonnable ! » Le volume de ma voix s'élève encore. « En quoi suis-je déraisonnable ? »

« Tu me cries dessus en plein bureau, pour commencer », réplique mon père. « Veux-tu vraiment que tous nos employés voient que tu ne sais pas te contrôler ? »

Mon autre main se serre en poing, et je prends une profonde inspiration, me promettant de ne pas agir de manière impulsive.

J'ai trop travaillé pour tout gâcher maintenant.

Mon père lâche une remarque désobligeante, et je ravale la bile qui monte à la pensée que tout ce pour quoi j'ai œuvré pourrait revenir à mon jeune frère, Lucas.

Uniquement parce qu'il est fiancé.

« Quand je prendrai ma retraite, Alex, je veux savoir que cette entreprise que j'ai bâtie sera entre de bonnes mains. »

« Mes mains », dis-je en serrant les dents. « C'est moi qui connais le métier sur le bout des doigts. Il a toujours été prévu que tu me laisses le contrôle. »

« C'est ce que j'ai supposé, je suis d'accord », dit mon père en rangeant une pile de papiers sur mon bureau. « Mais ta vie est chaotique, mon fils. Tu enchaînes les conquêtes, tu te saoules, et tu ne te poses jamais. »

« Ai-je déjà été en retard au travail ? » dis-je sèchement. « Ai-je jamais manqué une réunion ou commis une erreur coûteuse pour l'entreprise ? »

« Eh bien, non. Mais tu dois voir- », commence mon père, et je ne peux me retenir.

Je frappe à nouveau du poing sur le bureau, le café éclaboussant. C'est la seule chose qui m'empêche de dire à mon père où il peut ranger ses affaires et de quitter cette pièce.

Mais je sais, au fond de moi, que je ne veux pas faire ça, même si chaque fibre de mon être me le crie.

Je prends quelques mouchoirs et les jette en vrac. Cela fera l'affaire pour l’instant. Je demanderai à ma secrétaire, Elena, de nettoyer correctement après le départ de mon père.

Je fixe la tasse. Elle porte un nom bourré de jeux de mots dont je n'arrive jamais à me souvenir. Mais le café est correct et la boutique est sur le chemin du travail. Ce serait mieux si le liquide chaud ne s'infiltrait pas dans les papiers sur mon bureau pendant que mon père me fixe.

« Que dois-je voir ? » je siffle.

« Il est important d'avoir un homme stable et familial pour diriger les choses. Une femme exerce une influence positive, Alex, sur son mari et sur l'entreprise. Les gens font davantage confiance à un homme de famille. Et lorsque je lui passerai la main, ton frère sera marié à Madison. C'est beaucoup plus simple comme ça. »

Je ferme les yeux un instant. Il est impossible que mon avenir dépende entièrement du fait que je sois marié ou non.

« Tu continueras bien sûr à jouer un rôle important. Mais je crois que Lucas est l’homme idéal pour devenir PDG lorsque je démissionnerai. »

Je serre les dents. « J'ai tout donné à cette entreprise. Que je sois avec la même femme ou une différente, qu'est-ce que ça peut te faire ? »

« Pas besoin d'être grossier, Alex. J'ai fait passer mon message. N'oublie pas le dîner de famille ce soir. Tu es attendu à huit heures. Pas d'excuses. »

Il part et j'appelle Elena. Elle ne me regarde même pas dans les yeux, mais qui le ferait après m'avoir entendu crier après mon père ? Elle nettoie simplement en silence.

Elle travaille ici depuis quelques années, et je ne peux m'empêcher de trouver qu'elle est séduisante. Ses courbes sous ses jupes courtes m'ont toujours attiré.

Mais je ne me laisse pas distraire au travail. Les affaires sont trop importantes pour qu'une aventure d'un soir interfère avec mes objectifs.

Je n'ai jamais laissé ma vie personnelle ou mes plaisirs interférer avec mes affaires. Jamais.

Et maintenant, je vais tout perdre parce que Lucas a décidé de se fiancer il y a quatre ans ? Je ne savais même pas qu'ils avaient fixé une date !

Les papiers sur le bureau sont abîmés, tout comme mon café, et j'envisage d'envoyer Elena en prendre un autre avant de changer d'avis. Une promenade me fera du bien. Je dois trouver un plan pour renverser cette situation. Et je pense que je m'en sortirai mieux si je ne suis pas au bureau.

Loin de mon père et du visage suffisant de Lucas. Ce n'est pas comme si je ne l'avais pas aidé à sortir de plusieurs situations financières par le passé. Mais apparemment, la seule personne dont les erreurs sont surveillées, c'est moi.

La file d'attente au café est longue, et je tape du pied avec impatience. La barista derrière le comptoir est la même que d'habitude. A-t-elle un jour de congé ? Ses cheveux noirs sont relevés en chignon, et elle se mord la lèvre inférieure en s'affairant.

Elle renverse un verre et je vois sa bouche former un juron, bien qu'elle ne le dise pas à voix haute. Elle commence à le remplacer, et la file avance à un rythme glacial. Je n'arrive pas à me concentrer sur le bruit du café, et j'ai vraiment besoin de caféine pour faire face à cette situation ridicule.

Tout le monde s'attendait à ce que je prenne la direction de l'entreprise une fois que mon père se retirerait. Même Lucas. Pourquoi ce changement d'avis ? Puis-je faire quelque chose pour inverser cette tendance ?

Je ne peux pas vraiment me trouver une femme en quelques semaines, n'est-ce pas ? Et m'accommoder d'une petite amie ne suffira pas à convaincre mon père. Il veut tout : mariage, stabilité, amour, sans aucun doute. Cela ne peut pas être feint.

Mais n'est-il pas déraisonnable de croire que c'est ce qui compte le plus ?

Et ne voit-il pas que cela pourrait détruire notre relation avec Lucas ? Nous nous entendions bien, mais depuis qu'il s'est engagé, les choses sont devenues tendues.

Je ne travaillerai pas pour lui comme supérieur.

« Un cappuccino, avec une dose supplémentaire », dis-je en posant un billet de dix dollars sur le comptoir lorsque j'arrive enfin en tête de la file. « Et fais vite. »

Elle se fige, et ses yeux sombres croisent les miens, une colère palpable. « Je vais aussi vite que je peux », dit-elle sèchement.

Je recule, comme si on m'avait giflé. Je vois cette fille tous les jours depuis plus d'un an, et elle ne m'a jamais parlé de cette façon. Elle tripote la machine derrière elle avant de se retourner vers moi. Il n'y a pas de sourire poli sur ses lèvres.

Je fronce les sourcils. « J'ai du travail à faire et j'ai besoin de ce café. »

Elle ferme les yeux un instant et prend une profonde inspiration. « Ce sera prêt quand ce sera prêt », dit-elle, puis ses yeux glissent au-delà de moi vers le client derrière.

« Que puis-je vous servir ? » demande-t-elle, et l'homme derrière moi commande un café et un croissant.

Mon café est prêt à couler en arrière-plan. Je le vois, attendant, commençant à refroidir, et mon irritation grandit. J'ai déjà assez à gérer aujourd'hui sans cette attitude et cette perte de temps de la part d'une barista en colère.

Alors qu'elle tend la main vers le couvercle des pâtisseries, mon irritation atteint son paroxysme. Je tends la main pour attirer son attention, pour lui faire remarquer que mon café est prêt. Le bref contact de mes doigts contre sa peau me fait frémir.

Ce n'est pas une sensation à laquelle je m'attendais. Est-ce l'excitation ou le fait que ça fait un moment que je n'ai pas eu de relation ? Quoi qu'il en soit, cela me distrait assez pour que, lorsqu'elle repousse ma main, je trébuche légèrement en arrière.

Elle me lance un regard furieux, et tout le contrôle qu'elle essayait de garder sur son humeur a clairement disparu. Peut-être n'est-elle pas vraiment faite pour un métier en contact avec le public.

Sa voix est calme et froide alors qu'elle soutient mon regard, refusant de fléchir. L'air autour de nous semble chargé de tension. « Ce n'est pas parce que tu es un homme d'affaires prospère que tu peux me toucher. Enlève tes mains de moi. »