Parler du contrat

Victoria.

J'ouvre la bouche, puis la ferme, puis la rouvre. Je regarde par-dessus mon épaule pour m'assurer qu'aucune caméra n'attend pour filmer cette farce. Je veux dire, c'est bien ce que c'est, non ?

« Tu n'es pas sérieux. » Je croise les bras et regarde Nathan de haut en bas pendant un long moment. On dirait qu'il n'a pas dormi de la nuit. Il a des cernes sous les yeux et sa chemise est froissée.

Pour quelqu'un qui avait assez d'argent pour acheter un coffre-fort entier, il ne se serait pas laissé surprendre mort avec une chemise froissée. Et ses costumes étaient toujours impeccables quand il achetait du café.

Nathan ouvre ses paumes vers moi, comme s'il attendait une sorte d'alléluia.

« Je suis aussi sérieux que toi quand il s'agit de payer ton loyer et les factures médicales de ta mère », dit-il comme si c'était la chose la plus logique au monde. Instantanément, mon humeur qui avait été quelque peu apaisée par une douche chaude devient brûlante et piquante.

« Oh, d'accord, donc tu es à la fois un harceleur et un pervers, super », je crache. Je sais qu'il a probablement entendu mes supplications au gérant du café le jour où la situation a mal tourné, mais se voir renvoyer mes problèmes financiers personnels ne me fait pas du bien.

J'aurais dû le savoir. Il a les ressources nécessaires pour savoir quel est mon revenu au centime près. Il sait probablement combien coûteront les futurs frais de scolarité de Stacy, et à quel point nous sommes coincés dans le trou avec les factures médicales.

J'ai toujours été une personne réservée, et c'est comme si Nathan Cole faisait tout ce qu'il pouvait pour briser mes limites, pourtant très raisonnables. Il devrait savoir que plus il insiste, plus mes murs s'épaississent.

« Écoute, je sais que ça a l'air fou. Nathan s'approche de moi, mais je ne le laisse pas me rencontrer en haut des marches.

« Tu as raison, ça a l'air fou. Tu ne peux pas te balader ici et jeter ton argent dans ma vie et mes problèmes, tu sais à quel point c'est insultant et envahissant ? » Mes joues s'enflamment, mais je l'ignore. Nathan Cole a besoin de se faire claquer.

« Victoria, écoute-moi une seconde, d'accord ? »

Je le regarde fixement, sentant ma poitrine se soulever et s'abaisser. Il me paie pour avoir cette conversation, alors je me force à rester là et à l'écouter.

« Je t'écoute », dis-je après un moment de silence. Mais qu'est-ce qu'il regarde ? Depuis combien de temps nous regardons-nous dans les yeux ?

Nathan s'éclaircit la gorge et s'essuie le nez du revers de la main, sa montre en or clignotant dans la lumière de l'après-midi. Cette montre pourrait probablement payer trois mois de loyer, voire une année entière ou plus, et cela me met encore plus en colère.

« Je ne cherche pas à être insultant, je veux juste nous aider tous les deux. » Nathan lève les yeux vers mon appartement pendant un moment avant de croiser à nouveau mon regard. « Pour hériter de l'entreprise de mon père, je dois prouver que je suis un père de famille. Tu as peut-être eu un aperçu de cela hier soir. »

J'essaie de déchiffrer ce type, de suivre la façon dont il oscille un peu d'un pied sur l'autre quand il parle de son père. Il me faut une seconde, mais je réalise enfin de quoi il s'agit.

Nathan est gêné. Mais de quoi ?

Pour être vu avec moi devant mon appart de merde ? Ou parce qu'il me demande d'être sa fausse femme pour hériter de la société de son père ? Probablement les deux. Quoi qu'il en soit, ça ne semble pas vraiment être mon problème.

« Et alors ? Tu veux que je joue le rôle de Mme Nathan Cole pour que ton père puisse te donner plus d'argent que tu n'en as déjà ? » Je vérifie le minuteur du téléphone, désirant déjà que cette conversation soit terminée pour que je puisse prendre mes cent dollars et partir.

« Ce serait un contrat. » Nathan s'avance et nous sommes à hauteur des yeux, même s'il est un cran en dessous de moi. « Tu as fait tes preuves hier soir. Tu es un naturel pour faire avancer et tirer la conversation. Tu es comme la lune, et j'ai besoin de quelqu'un comme la lune pour réussir ça. »

Je ne peux pas m'empêcher d'éclater de rire. « Je suis désolé, mais tu deviens de plus en plus ridicule. » J'essuie une larme de mon œil, mais le visage de Nathan est stoïque comme l'enfer.

« Tu serais payé pour jouer ce rôle. Je sais que tu as besoin d'argent, et j'ai vraiment besoin que la compagnie vienne à moi », dit-il, mais le minuteur sonne et je sais que je suis libre d'y aller.

« Eh bien, c'était amusant, j'avais besoin de bien rire. » Je pivote sur mon pied pour ouvrir la poignée de porte, prêt à prendre son argent et à lui claquer à nouveau la porte au nez.

« Victoria, s'il te plaît... » Sa voix est désespérée, et une main attrape mon bras, m'arrêtant avant que je puisse revenir à l'intérieur. Une décharge électrique parcourt mon bras et ma colonne vertébrale, et je regarde Nathan pour voir s'il ressent quelque chose lui aussi.

Je ne saurais dire s'il a ressenti l'électricité ou non, car il ne lâche pas mon bras et ses sourcils sont froncés de détermination. « Tu n'es pas la seule à avoir une famille brisée », dit-il, comme si c'était un secret de longue date, comme si cela lui faisait mal de me le dire.

« Ma famille n'est pas brisée. » Je réponds sur le même ton, tout aussi curieuse de ce qu'il veut dire et insultée qu'il insinue que ma famille est en quelque sorte un os qui a besoin d'être réparé.

« Désolé, je veux juste dire que nous avons tous les deux nos responsabilités.

Des choses qui nous pèsent plus qu'elles ne devraient.

Il essaie de se rapprocher de moi. Peut-être que ça aurait marché si j'avais conservé mon poste de barista et s'il avait fait la conversation pendant une heure creuse.

Mais après avoir passé un dîner avec Nathan et sa famille, je peux dire tout de suite que ses responsabilités et les miennes sont très différentes. J'ai regardé sa belle-sœur retirer le caviar de ses pâtes parce que ça avait l'air bizarre.

Peu importe ce qu'il pense pouvoir faire pour me convaincre de devenir sa poupée déguisée, ça ne marchera pas. J'ai une famille à nourrir et nous ne pouvons certainement pas nous permettre d'acheter du caviar.

Je dégage mon bras de son emprise, sous le coup d'un moment de pitié qui m'est venu à l'esprit. « Nathan, je ne serais pas dans cette putain de situation si tu n'avais pas été un connard dans ce café. Tu me forces la main et tu essayes de me faire me sentir mal pour toi, mais je ne suis pas une idiote. »

Ce n'est pas tout à fait vrai. Nous étions à court d'argent avant d'aller au café, mais le fait de nous faire virer a rendu la situation encore pire.

Pourtant, mes mots semblent faire exactement ce que je voulais, injectant du venin dans sa peau tandis que je le regarde se tortiller d’inconfort.

« Tu étais plus qu'impatient de prendre mon argent hier soir. Je ne comprends pas en quoi c'est différent », défie-t-il, et mes doigts se recroquevillent.

« C'est différent parce que tu as espionné ma vie et tu agites de l'or devant mon visage à chaque fois que tu bouges ! » J'attrape son poignet pour faire descendre sa chemise et montrer sa montre.

« Qu'est-ce que ma montre a à voir avec tout ça ? » me répond-il, et je fais tout ce que je peux pour ne pas lui arracher les yeux.

« Tout est dans ton élément, Nathan ! Tu n'as pas toute ta tête ? Tu as été abandonné quand tu étais enfant ? » je demande, ma colère se transformant rapidement en rage aveugle. Je ne me considère pas comme une personne méchante, mais Nathan Cole fait ressortir mon pire côté.

Il secoue la tête comme s'il n'arrivait pas à croire à mon éclat, mais je suis loin d'avoir fini. « Regarde autour de toi, Cole, cette montre à elle seule pourrait payer le loyer de mes voisins pour le mois et plus encore. Peut-être même tous nos loyers. Tu es tellement ignorant que ça me donne la nausée. »

Nathan fronce le nez mais regarde le quartier avec une expression différente, comme si je l'avais forcé à voir les choses clairement. « Je n'y avais jamais pensé », admet-il, mais ce n'est pas suffisant. Un seul changement de perspective ne suffit pas.

Je dois lui faire comprendre clairement : « Peu importe combien tu me paies, je ne serai jamais ta femme. »

Le regard de Nathan se pose sur sa montre tandis que mon téléphone sonne, et je suis impatiente de détourner le regard de cette scène le plus tôt possible. Malheureusement, le message vient de mon propriétaire, et mon estomac se noue entre mes pieds.

PROPRIÉTAIRE : Le loyer est en retard de deux jours. Demain, les 10 % de pénalités de retard seront appliquées.

« Putain », je marmonne pour moi-même avant de regarder le visage plein d'espoir de Nathan. Il a descendu une marche, son pied tordu comme s'il était prêt à partir. Bon, s'il y a un moment pour ravaler ma fierté, ce serait maintenant.

« Alors, à propos de ce fameux contrat. »

« Mauvaise nouvelle ? » Nathan pointe mon téléphone du doigt et je le glisse dans la poche de mon sweat-shirt. Je pousse un long soupir et lève les yeux au ciel. C'est littéralement la dernière chose dont j'ai besoin en ce moment.

« Je suppose que je n'ai pas d'autre choix. » Je donne un coup de pied dans la balustrade avant de m'y appuyer, fixant la seule personne qui est la réponse immédiate à mes problèmes. « Parlez-moi du contrat. »