ClaraIl est tard. Le silence est devenu une habitude, une sorte de couverture inconfortable qu’on partage sans le vouloir. Maxime est assis dans le salon, absorbé dans ses pensées. Je le regarde depuis l'encadrement de la porte. Il ne m’a pas regardée de toute la soirée. Ou peut-être que je n’ai pas voulu voir.Je m’approche doucement, pieds nus sur le parquet froid. J’ai enfilé cette nuisette bleu nuit qu’il aimait tant. Celle qu’il appelait sa faiblesse. Ce soir, j’aimerais qu’il se souvienne. Qu’il se souvienne de nous.Je me glisse derrière lui, passe mes bras autour de ses épaules. Il tressaille légèrement, mais ne bouge pas. Je sens sa respiration, lente, contenue.« Maxime… » je murmure contre son cou, « je suis encore là. Je suis là pour toi. » Je glisse une main le long de son torse. Mon geste est tendre, hésitant. Presque une prière.MaximeJe ferme les yeux. J’aimerais répondre à cette chaleur, à cette main douce qui cherche encore à me garder. J’aimerais redevenir celui q
ClaraLe matin est gris. Un de ces matins où même la lumière semble hésiter à percer les rideaux. Un matin suspendu, où chaque seconde pèse, lente et lourde. Le genre de matin qui semble être là pour nous rappeler que quelque chose est en train de glisser, doucement, mais sûrement.Je me suis réveillée seule.Le drap froissé à côté de moi était froid, l’oreiller intact. Il n’est pas venu. Ou s’il est venu, il est reparti avant que je m’en rende compte. Un creux à peine marqué dans la mémoire du matelas, comme s’il n’avait jamais été là. Comme s’il s’éloignait un peu plus chaque nuit.Je reste allongée longtemps, les yeux ouverts. À écouter. Le silence. Le souffle du vent. Un volet qui claque faiblement quelque part. L’horloge du salon qui bat, inlassable. Et cette absence… vivante. C’est ça, le pire. Le silence n’est plus vide, il est habité. Par ce qu’on ne dit pas. Par ce qu’on n’ose plus dire.Je finis par me lever. Le sol est froid sous mes pieds nus, et je frissonne, plus de l’in
LéaJ’adore voir la tête des hommes quand ils comprennent que je ne suis pas impressionnée. C’est un petit plaisir coupable, je l’avoue. Aujourd’hui encore, j’ai droit au même spectacle : un regard surpris, un sourire crispé et une tentative maladroite de masquer la déception.— Tu es sûre que tu veux juste un café ? me demande mon rencard du jour, visiblement décontenancé.Je hoche la tête en soufflant sur ma tasse. Il s’appelle Tristan, il est avocat et, apparemment, il pense que toutes les femmes rêvent de champagne et de dîners hors de prix.— Oui, un café. Ça me suffit.Je vois bien qu’il ne comprend pas. Depuis le début du rendez-vous, il me parle de ses voyages en jet privé, de ses montres hors de prix et de sa voiture de sport. Moi, je ne rêve que d’une chose : rentrer chez moi et regarder une série en pilou-pilou.— J’ai une réservation au restaurant “Le Mirage”, tente-t-il, l’air fier.— Oh, c’est gentil, mais je préfère rentrer.Tristan me regarde comme si je venais d’annon
MaximeJe m’installe, perplexe.Pourquoi m’inviter si c’est pour arriver en retard ?Dix minutes passent. Puis quinze.Je commence à en avoir assez quand une silhouette s’approche enfin. Mais ce n’est pas Maxime.C’est un homme que je ne connais pas, élégant, aux cheveux poivre et sel. Il s’assied en face de moi sans attendre mon autorisation et me tend la main.— Léa, enchanté de vous rencontrer.Je fronce les sourcils.— Vous êtes… ?— Thierry Devereaux, le père de Maxime.Je le regarde, incrédule.— Pardon ?Il sourit.— Mon fils m’a beaucoup parlé de vous. Et je voulais voir par moi-même qui était cette femme qui lui résistait.Je croise les bras, mi-amusée, mi-agacée.— Et Maxime, il est où ?— Il m’a dit qu’il arriverait “plus tard”.Je souffle. Évidemment. Un test.— Et donc, votre mission, c’est quoi ? Je dois vous impressionner ?— Oh non, pas du tout. Je veux juste comprendre pourquoi mon fils, qui n’a jamais eu à courir après une femme, semble aussi fasciné par vous.Je ret
LéaJ’ai toujours aimé les jeux. Pas ceux qu’on joue pour gagner quelque chose de matériel, mais ceux qui testent l’intellect, qui poussent l’adversaire à révéler ses failles.Et Maxime Devereaux en est un magnifique spécimen.Je l’observe, ce sourire charmeur qu’il affiche presque en permanence, mais je vois au-delà. Derrière cette assurance, il y a quelque chose. Une tension. Une frustration. Il pensait que je tomberais dans ses filets en quelques jours, mais je suis toujours là, libre, insaisissable.Et ça l’exaspère.Parfait.Il pose ses coudes sur la table et me regarde, un air faussement détendu sur le visage.— Alors, mademoiselle Léa, que dois-je faire pour te fatiguer ?Je penche légèrement la tête.— Déjà, arrêter de croire que tu es en contrôle.Son sourire vacille, juste une fraction de seconde, avant de revenir en place.— Intéressant.Il attrape son verre de vin, le fait tourner entre ses doigts, sans me quitter des yeux.— Tu es la première femme qui me parle comme ça.
LéaMaxime Devereaux est un risque, mais ce soir, j’ai besoin d’oublier.On se fraye un chemin jusqu’à la piste de danse, où la musique pulse, envoûtante.Il pose ses mains sur mes hanches, pas envahissant, mais dominant.— Tu me laisses mener ? murmure-t-il à mon oreille.Je souris.— On verra si tu en es capable.Il rit doucement, mais je sens son désir de contrôle.Tant pis pour lui.Je décide de prendre les devants, me collant légèrement contre lui, obligeant son corps à suivre mon rythme. Il s’adapte, surpris, mais je sens la tension monter.C’est un jeu.Un jeu auquel je suis bien meilleure que lui.Ses mains se crispent légèrement contre moi.— Tu te rends compte que plus tu me résistes, plus j’ai envie de toi ?Je lève les yeux vers lui, un éclat de défi dans le regard.— Et si c’était ça, mon but ?Il se fige une fraction de seconde.Puis il sourit.— Tu es dangereuse.— Je sais.La musique ralentit, mais ni lui ni moi ne bougeons.J’ai réussi.Je l’ai troublé.Mais ce que je
LéaL’air semble s’être figé autour de nous.Face à moi, Thomas me fixe avec ce même sourire suffisant, ce même regard chargé d’une condescendance qui me ramène des années en arrière. Il n’a pas changé. Et c’est bien ça le problème.Derrière moi, Maxime s’avance lentement, son pas mesuré, maîtrisé. Il n’a pas encore parlé, mais je sens la tension émaner de lui comme une vague prête à s’abattre sur ce qui oserait la provoquer.Je suis piégée entre ces deux hommes.L’un est mon passé. L’autre… je ne sais pas encore ce qu’il est. Mais ce soir, ils se font face, et quelque chose me dit que ça ne va pas bien finir.— Un problème, Léa ?Sa voix est posée, mais sous son calme apparent, je décèle une menace latente.Thomas plisse légèrement les yeux en l’observant, comme s’il le jaugeait.— Et toi, t’es qui ?— Bonne question, rétorque Maxime en croisant les bras. Toi, t’es qui pour la regarder comme ça ?Thomas rit doucement. Ce rire me donne envie de vomir.— Je suis quelqu’un qu’elle conna
LéaJe détourne les yeux.— Ce n’est pas ton problème.— À partir du moment où ce connard te fixe comme s’il allait te bouffer toute crue, si, ça devient mon problème.Je le regarde à nouveau, cherchant à décrypter son expression.Il est sérieux.Et ça, c’est dangereux.Parce qu’il ne devrait pas s’impliquer.Parce que moi non plus.Mais alors que je devrais couper court à cette conversation, quelque chose me pousse à parler.— Il y a longtemps, Thomas était tout pour moi.Je marque une pause.Maxime attend.— Puis il est devenu quelqu’un d’autre.Un silence.— C’est pas juste une histoire d’ex toxique, hein ?Je ne réponds pas.Parce que Maxime vient de toucher du doigt la vérité.Et je sais qu’il ne va pas lâcher l’affaire.Je déteste ce regard.Celui de Maxime, braqué sur moi avec une intensité qui m’étouffe. Il veut comprendre. Décortiquer chaque non-dit, chaque frisson que Thomas a laissé derrière lui. Mais je ne suis pas prête à lui donner ces morceaux de moi.Pas ce soir.Je bo
ClaraLe matin est gris. Un de ces matins où même la lumière semble hésiter à percer les rideaux. Un matin suspendu, où chaque seconde pèse, lente et lourde. Le genre de matin qui semble être là pour nous rappeler que quelque chose est en train de glisser, doucement, mais sûrement.Je me suis réveillée seule.Le drap froissé à côté de moi était froid, l’oreiller intact. Il n’est pas venu. Ou s’il est venu, il est reparti avant que je m’en rende compte. Un creux à peine marqué dans la mémoire du matelas, comme s’il n’avait jamais été là. Comme s’il s’éloignait un peu plus chaque nuit.Je reste allongée longtemps, les yeux ouverts. À écouter. Le silence. Le souffle du vent. Un volet qui claque faiblement quelque part. L’horloge du salon qui bat, inlassable. Et cette absence… vivante. C’est ça, le pire. Le silence n’est plus vide, il est habité. Par ce qu’on ne dit pas. Par ce qu’on n’ose plus dire.Je finis par me lever. Le sol est froid sous mes pieds nus, et je frissonne, plus de l’in
ClaraIl est tard. Le silence est devenu une habitude, une sorte de couverture inconfortable qu’on partage sans le vouloir. Maxime est assis dans le salon, absorbé dans ses pensées. Je le regarde depuis l'encadrement de la porte. Il ne m’a pas regardée de toute la soirée. Ou peut-être que je n’ai pas voulu voir.Je m’approche doucement, pieds nus sur le parquet froid. J’ai enfilé cette nuisette bleu nuit qu’il aimait tant. Celle qu’il appelait sa faiblesse. Ce soir, j’aimerais qu’il se souvienne. Qu’il se souvienne de nous.Je me glisse derrière lui, passe mes bras autour de ses épaules. Il tressaille légèrement, mais ne bouge pas. Je sens sa respiration, lente, contenue.« Maxime… » je murmure contre son cou, « je suis encore là. Je suis là pour toi. » Je glisse une main le long de son torse. Mon geste est tendre, hésitant. Presque une prière.MaximeJe ferme les yeux. J’aimerais répondre à cette chaleur, à cette main douce qui cherche encore à me garder. J’aimerais redevenir celui q
LéaJe me tiens devant la fenêtre, les yeux perdus dans la vue floue de la rue en bas. Il pleut, encore une fois. Les gouttes glissent le long du verre, comme des larmes que je n’ai pas su verser. Je les observe, hypnotisée par ce rythme qui semble refléter le chaos de mes pensées.Maxime. Il est là, quelque part, dans un monde qui n’est plus le mien. Un monde que je ne peux plus rejoindre, malgré les souvenirs qui viennent m’étreindre à chaque instant. Il a ses raisons. Je le sais. Il a sa vie, ses choix. Et moi… moi, je suis ici, à attendre, dans cette petite pièce où le temps semble suspendu. Chaque minute qui passe me rappelle qu’il m’a oubliée, que je fais partie du passé, que mes rêves sont devenus des ombres.Mais… est-ce vraiment terminé ? Est-ce que je suis prête à laisser tout ça s’échapper comme un souffle dans l’air ? Je me surprends à rêver d’un autre avenir, d’un monde où il reviendrait vers moi, où il me trouverait de nouveau. Mais ces pensées sont des illusions, je le
MaximeJe me réveille dans un lit différent. Les draps sont encore fraîchement repassés, parfumés à la lavande, une légère brise du matin filtrant à travers la fenêtre. Clara dort à côté de moi, paisible. Elle est belle dans son sommeil, comme toujours. Mais quelque chose a changé, et ce n’est pas seulement la courbe douce de son ventre, qui se fait de plus en plus évidente.Je caresse doucement son bras, frôlant sa peau. Elle murmure un mot, un rêve, je ne sais pas. Je ferme les yeux, mais une image persiste : celle de Léa. Un souvenir flou, lointain, comme une empreinte dans le sable. Je me secoue, me concentre sur Clara. Elle a besoin de moi, je le sais. Elle a ce regard attendri chaque fois que je la regarde. Ce regard plein de confiance.Je respire profondément et me lève. Pas de place pour l’hésitation. Pas maintenant.ClaraMaxime semble différent, ce matin. Il est plus distant, et pourtant, il me sourit comme il le fait toujours. Ce sourire qui me réchauffe, mais qui aujourd’h
MaximeJe n’ai pas bougé.Après son départ, le monde s’est remis à tourner à un rythme étrange. Tout semblait identique autour de moi, mais en moi, quelque chose avait changé. Léa n’avait rien promis. Elle n’avait même pas dit qu’on se reverrait. Mais elle était venue. Elle s’était assise. Elle avait écouté.Et j’ai senti, dans ce silence à deux, plus de vérité que dans toutes nos disputes passées.Je reste là, longtemps après son départ, le regard posé sur la trace encore tiède de sa tasse. Je me rejoue la scène encore et encore. Son regard quand elle est entrée. Ce moment suspendu où elle a hésité avant de s’approcher. Sa voix. Sa sincérité brute, sans fioritures.Je me lève enfin, le cœur gonflé d’un espoir discret. Pas un feu d’artifice. Plutôt une lueur. Un éclat ténu, fragile, mais réel.Et c’est suffisant. Pour aujourd’hui.LéaJe croyais que j’étais vide.Mais en rentrant, je sens quelque chose vibrer en moi. Un écho. Une mémoire physique de sa présence. J’aurais pu l’ignorer.
LéaJe ne dors pas.Je suis allongée dans le noir, les yeux grands ouverts, le cœur battant dans mes tempes comme un rappel que tout est encore là. Les mots de Maxime tournent dans ma tête. Ce qu’il m’a dit. Ce qu’il n’a pas dit. Ce qu’il a laissé deviner dans les silences.J’ai l’impression d’avoir encaissé une vérité qui me traverse encore. Elle ne m’a pas détruite, non. Pas complètement. Mais elle a fissuré quelque chose en moi. Une paroi que j’avais érigée. Un bouclier que je croyais solide.Je tourne sur le côté. L’oreiller à côté du mien est vide. Froid. Trop vaste. Trop silencieux.Je repense à ses yeux. À cette façon qu’il a eue de ne pas me supplier. De rester droit, vulnérable, mais digne. Et je me déteste un peu d’avoir envie de croire en cette version de lui.Léa— T’es vraiment prêt à rester… même dans le doute, hein ?Je murmure sans y croire, juste pour briser le silence. Mais même le silence ne répond pas.Je me lève. J’enfile un vieux sweat trop grand, celui qu’il m’a
MaximeElle ne part pas.Elle reste.Et dans ce silence entre nous, quelque chose respire encore.C’est minuscule. Un souffle.Mais assez pour me faire tenir debout.Léa est là, face à moi, les bras croisés, le visage fermé. Pas dans une colère explosive. Non. C’est plus dangereux que ça. C’est ce genre de calme qui précède les tempêtes. Où tout peut encore basculer. Où chaque mot compte.Je sens que je suis sur un fil. Et qu’un seul faux pas me renverrait dans ce vide que j’ai moi-même creusé.Je prends une longue inspiration.Maxime— Tu veux tout savoir, Léa ? Même les zones grises ? Parce qu’il y en a. Et je veux pas que tu t’embarques dans quelque chose d’injuste pour toi.Elle ne dit rien.Elle attend.Et je déteste ce silence, parce que je sais ce qu’il veut dire : elle me laisse une chance de dire la vérité. Une seule. Une vraie.Alors je parle.Maxime— J’ai été paumé. Vraiment. Avec Clara, j’ai cru que je pouvais faire ce qu’il fallait. Être un bon gars. Le père présent. Le
Léa & MaximeLéaIl y a ce silence entre nous, doux et fragile. Il a ma main dans la sienne, comme si ce simple contact suffisait à tout dire. Peut-être que, pour lui, c’est déjà immense. Un geste chargé d’espoir. De repentir. De promesse muette.Mais moi, je sens autre chose remonter. Une pensée enfouie. Un doute tenace. Un prénom.Clara.Je ne veux pas briser ce moment. Pas maintenant, alors que quelque chose en nous recommence à respirer. Mais je ne peux pas faire semblant. Pas si on veut repartir sur des bases honnêtes. Pas si je veux croire, vraiment croire, en ce qu’il prétend vouloir construire avec moi.Je retire doucement ma main de la sienne. Pas violemment. Juste assez pour poser une distance. Une frontière fine mais claire. Il fronce légèrement les sourcils. Je le vois. Il sent que quelque chose vient. Et il ne recule pas. Il ne fuit pas. Il attend.Léa— Et avec Clara… ça se passe comment ?Ma voix est calme. Presque posée. Mais à l’intérieur, c’est une tempête contenue.
LéaJe ne sais pas pourquoi, mais quelque chose en moi s’est allégé. Il y a quelque chose de libérateur dans cette décision, dans le fait d’avoir accepté de lui accorder cette chance. Pourtant, ce n’est pas facile. Je ne sais pas si j’ai fait le bon choix, si c’est lui ou moi qui aurons la force de tout reconstruire. Mais je crois que la véritable question n’est pas de savoir qui a tort ou raison. C’est une question de volonté. De l’intensité des gestes, de la profondeur des actes. C’est là que tout va se jouer.Je me relève lentement, tout en maintenant son regard. Il reste immobile, à genoux devant moi. J’ai l’impression qu’il attend encore une réponse, une assurance. Mais je n’ai pas la force de lui donner des mots pleins de certitudes. Je veux qu’il comprenne qu’il doit me prouver quelque chose, mais de façon différente. Pas dans le discours, mais dans l’engagement.Léa— Je n’attends pas des promesses, Maxime. Je veux voir ce que tu fais. Parce que des paroles, j’en ai eu assez.