Léa
Je détourne les yeux.
— Ce n’est pas ton problème.
— À partir du moment où ce connard te fixe comme s’il allait te bouffer toute crue, si, ça devient mon problème.
Je le regarde à nouveau, cherchant à décrypter son expression.
Il est sérieux.
Et ça, c’est dangereux.
Parce qu’il ne devrait pas s’impliquer.
Parce que moi non plus.
Mais alors que je devrais couper court à cette conversation, quelque chose me pousse à parler.
— Il y a longtemps, Thomas était tout pour moi.
Je marque une pause.
Maxime attend.
— Puis il est devenu quelqu’un d’autre.
Un silence.
— C’est pas juste une histoire d’ex toxique, hein ?
Je ne réponds pas.
Parce que Maxime vient de toucher du doigt la vérité.
Et je sais qu’il ne va pas lâcher l’affaire.
Je déteste ce regard.
Celui de Maxime, braqué sur moi avec une intensité qui m’étouffe. Il veut comprendre. Décortiquer chaque non-dit, chaque frisson que Thomas a laissé derrière lui. Mais je ne suis pas prête à lui donner ces morceaux de moi.
Pas ce soir.
Je bois une autre gorgée de vin, espérant noyer l’inconfort dans l’alcool. Maxime, lui, ne bouge pas. Il m’observe avec cette patience exaspérante. Il attend.
— Tu comptes me fixer comme ça toute la nuit ?
Un sourire amusé effleure ses lèvres.
— Si ça te met mal à l’aise, c’est que j’ai raison de le faire.
Je roule des yeux.
— Tu es insupportable.
— Je sais.
Il pose son verre sur la table basse et s’installe plus confortablement sur le canapé. Ses jambes s’étendent nonchalamment, son bras passe derrière le dossier, et pourtant… Malgré cette posture détendue, je sens qu’il est en alerte.
Il veut me percer à jour.
Mais ce soir, je ne suis pas une énigme à résoudre.
— Bon, dis-je en reposant mon verre, je vais y aller.
Maxime arque un sourcil.
— Vraiment ?
Je fronce les sourcils.
— Oui. Pourquoi cette tête ?
— Parce que tu ne veux pas rentrer chez toi.
Je croise les bras.
— Et tu crois mieux savoir que moi ce que je veux ?
Il hausse les épaules.
— Ce n’est pas une question de savoir, juste d’observer. Tu évites de regarder ton téléphone depuis tout à l’heure. Tu bois ton vin comme si tu voulais qu’il te fasse oublier quelque chose. Et surtout…
Il marque une pause, un sourire en coin.
— Tu n’as pas remis tes chaussures.
Je baisse les yeux.
Merde.
Je serre les mâchoires, agacée. Contre lui, contre moi. Il n’a pas tort.
Rentrer signifie affronter le silence de mon appartement, mes pensées envahissantes, et surtout… cette sensation poisseuse que Thomas a laissée derrière lui.
Maxime pousse un soupir et se lève. Il tend une main vers moi.
— Allez, viens.
Je le dévisage, méfiante.
— Où ?
— Je vais te changer les idées.
Je fronce les sourcils.
— Il est presque minuit.
— Et alors ?
— Tu comptes m’emmener où à cette heure ?
Il esquisse un sourire énigmatique.
— Fais-moi confiance.
Maxime – Une Nuit Pour Oublier
Léa hésite encore, mais au bout de quelques secondes, elle glisse sa main dans la mienne. Une petite victoire.
On quitte mon appartement et je l’entraîne dans ma voiture.
— Sérieusement, tu ne veux pas me dire où on va ? demande-t-elle, les bras croisés.
— Non.
Elle souffle d’exaspération, mais je vois au fond d’elle une curiosité qu’elle tente de masquer.
On roule à travers la ville silencieuse. Paris, à cette heure, est différente. Plus intime, presque mystique. Les néons colorés se reflètent sur le bitume mouillé, les rues se vident, laissant place à une autre facette de la capitale.
Finalement, je me gare près des quais de Seine.
Léa fronce les sourcils en regardant autour d’elle.
— Tu veux qu’on se balade sur les quais ?
— Oui.
Elle arque un sourcil, perplexe.
— Pourquoi ?
Je coupe le moteur et tourne la tête vers elle.
— Parce que ça fait du bien.
Elle reste silencieuse un instant avant de hausser les épaules et de sortir de la voiture.
Léa – Légèreté Volée
L’air nocturne est frais, vivifiant. J’inspire profondément, tentant d’apaiser cette tension qui refuse de me quitter.
Maxime marche à mes côtés, les mains dans les poches, comme si tout ça était normal. Comme si on n’avait pas eu une altercation avec mon passé il y a moins d’une heure.
— Alors, c’est quoi ton grand plan ? je demande.
Il sourit.
— Profiter du moment.
— T’es vraiment un philosophe incompris, hein ?
Il rit doucement.
— Je prends ça comme un compliment.
On continue à marcher en silence, les lumières de la ville dansant sur l’eau.
Peu à peu, je sens la pression retomber.
C’est étrange, mais avec Maxime, tout semble plus simple.
— Je devrais t’en vouloir, dis-je finalement.
Il arque un sourcil.
— Pour quoi ?
— Pour m’avoir traînée ici au lieu de me laisser rentrer chez moi.
— Mais tu ne m’en veux pas.
Je roule des yeux.
— Peut-être un peu.
— Mais pas assez pour me détester.
Je le fixe un instant. Ce sourire. Ce foutu sourire.
— Qui te dit que je ne te déteste pas ?
— Ton regard.
Un frisson me parcourt.
Il s’arrête et me fait face.
— Ce mec, Thomas. Il a fait quoi, exactement ?
Je détourne les yeux.
— Laisse tomber.
— Léa…
— Je ne veux pas en parler, Maxime.
Il serre les mâchoires, mais n’insiste pas.
Et pourtant, son regard me dit qu’il n’a pas dit son dernier mot.
Je devrais avoir peur de ce qu’il pourrait découvrir.
Mais au fond de moi, une part infime espère qu’il ne lâchera pas l’affaire.
Parce qu’une partie de moi est fatiguée de porter ce poids seule.
LéaLe silence de la nuit s’étire entre nous, doux mais chargé. Maxime ne parle pas, et moi non plus. Pourtant, il y a mille choses que j’aimerais dire.Ou peut-être rien du tout.Je devrais être chez moi à cette heure-ci, enroulée sous ma couette, à fixer le plafond en me demandant pourquoi la vie est une succession de mauvais choix.Mais au lieu de ça, je suis là, à marcher sur les quais, sous les lampadaires jaunis, avec Maxime à mes côtés.— Ça t’arrive souvent, ce genre d’escapade nocturne ? je finis par demander.Il hausse les épaules.— Pas vraiment. Mais ce soir, j’avais envie.Je souris légèrement.— Tu fais ça pour moi ?— Peut-être.Je l’observe du coin de l’œil. Il garde le regard droit, son profil éclairé par la lueur des réverbères. Son expression est indéchiffrable.Et ça m’agace.— Maxime…— Hm ?— Pourquoi tu fais tout ça ?Il s’arrête et se tourne vers moi.— Tout ça quoi ?— M’emmener ici. T’inquiéter pour moi. Essayer de comprendre ce que je ne veux pas raconter.S
LéaPourquoi maintenant ? Pourquoi ici ?J’ai envie de vomir.— Léa…La voix de Maxime est douce, mais je ne peux pas lever les yeux vers lui.Parce que s’il voit mon visage, il verra la peur.Et je refuse d’être ce genre de femme.Mais il ne me laisse pas le choix.Il pose une main sur mon bras, m’attirant doucement vers lui.— Il ne te touchera pas, dit-il simplement.Et je ne sais pas pourquoi, mais ces mots suffisent à me faire craquer.Ma gorge se serre, ma respiration se bloque.Et avant que je ne puisse lutter, mes épaules tremblent.Maxime ne dit rien.Il m’attire juste contre lui, m’enveloppant dans une chaleur réconfortante.Et ce soir, juste ce soir, je le laisse faire.MaximeJe ne dors pas cette nuit-là.Pas après ce qui s’est passé.Pas après avoir vu la peur dans les yeux de Léa.Elle est restée silencieuse tout le chemin du retour, le regard fixé sur la route, les doigts crispés sur ses genoux. Je l’ai raccompagnée devant son immeuble, et quand elle a voulu me remercie
LéaLe silence de la nuit est trompeur. Il donne l’illusion que tout est paisible, que les souvenirs ne peuvent pas nous atteindre.Mais c’est faux.Je suis toujours assise sur ce rocher, la tête posée contre l’épaule de Maxime. Il n’a pas bougé, et je pourrais croire qu’il dort si je ne sentais pas son souffle régulier contre ma tempe.Je ferme les yeux.Je devrais me sentir en sécurité.Mais à chaque fois que je ferme les paupières, c’est son visage que je vois.Thomas.Ses mots m’empoisonnent encore."Tu pensais pouvoir m’échapper, Léa ? Tu m’appartiens."Je serre les poings.J’entends Maxime soupirer.— Ça cogite trop, hein ?Je hoche la tête sans répondre.— Tu veux qu’on parle ou qu’on roule encore ?— Ni l’un ni l’autre.— Tu veux quoi, alors ?Je relève enfin les yeux vers lui.— Je veux oublier.Son regard se fixe sur moi. Dans l’obscurité, je ne peux pas voir clairement l’émotion qui traverse ses traits, mais je la ressens.Lentement, il passe un bras autour de mes épaules.
MaximeLes rues de Paris ont un parfum différent la nuit.Elles deviennent un terrain de chasse.Et moi, je suis celui qui traque.Après ma rencontre avec Antoine, mon contact, je sais que le message sera passé à Thomas Gauthier. Mais quelque chose me dit que ce type ne va pas plier si facilement.Un mec qui a survécu aussi longtemps dans le milieu, c’est un serpent. Il se faufile, il attend son heure, et quand on le croit hors-jeu, il frappe.Je n’aime pas ça.Alors je vais prendre les devants.---Léa – Un Pressentiment GlacialLe sommeil refuse de venir.Allongée dans le lit, je fixe le plafond, le cœur battant.Maxime est sorti il y a des heures.Je devrais être soulagée qu’il veuille me protéger. Mais une part de moi refuse d’être cette fille qui attend qu’un homme règle ses problèmes.Je ne suis pas une victime.Je ne veux pas l’être.Alors, au lieu de tourner en rond, je me lève et attrape mon téléphone.Un message de Maëva s’affiche.Maëva : "T’as vu les infos ?"Je fronce les
MaximeElle ferme les yeux un instant.— Devant un café, près du cabinet.Je hoche la tête, le cœur battant à un rythme sauvage.— Maxime, écoute-moi.Je me tourne vers elle.Elle s’approche, pose une main sur mon bras.— S’il te plaît… laisse-moi gérer ça.Je la fixe, incrédule.— Tu veux que je fasse quoi ? Que je laisse ce taré continuer ?— Non. Mais je ne veux pas que tu fasses une connerie.J’attrape son visage entre mes mains, la forçant à me regarder.— C’est déjà trop tard.Elle frissonne.— Maxime…Je me penche, murmure contre ses lèvres :— Il a signé son arrêt de mort.Elle retient son souffle.Et moi, je sais une chose.Ce soir, je vais chasser.Si Thomas croit que je vais foncer tête baissée, il se trompe.La rage coule dans mes veines, mais la colère aveugle, et je ne peux pas me permettre d’agir sans réfléchir.Léa pense que je vais répliquer immédiatement. C’est ce que Thomas pense aussi.Mais moi, je vais faire mieux.Je vais le pousser à s’effondrer tout seul.---Lé
MaximeJe veux le voir s’effondrer. Pas en un instant, pas sous un coup de poing bien placé, mais lentement. Comme une bête piégée, réalisant trop tard qu’elle n’a plus d’issue.Et ce soir, je pose ma première pièce sur l’échiquier.Léa – Les Murs se RefermentJe devrais dormir.Mais comment pourrais-je ?J’ai encore l’image de cet homme, plaqué contre le mur par Maxime, ses yeux remplis de peur et d’incompréhension.Ce n’est pas la première fois que je vois Maxime dans ce genre de situation.Mais il y avait quelque chose de différent ce soir.Une rage froide.Un contrôle absolu.Il n’a pas agi sous l’impulsion. Il savait exactement ce qu’il faisait.Et ça me terrifie.Parce que je commence à comprendre.Maxime ne va pas se contenter de répondre à Thomas.Il va le détruire.Et je ne sais pas si je dois être soulagée… ou inquiète.---Maxime – L’Appât ParfaitJe retrouve Antoine dans un bar discret du centre-ville.Il est déjà installé à une table dans le fond, son ordinateur ouvert dev
MaximeTout est une question de timing.Thomas est un homme puissant, mais comme tous ceux qui règnent par la peur, il a une faiblesse : la paranoïa.Je lui ai soufflé l’idée qu’il y avait une taupe dans son propre camp. Maintenant, je n’ai plus qu’à le regarder s’autodétruire.Le lendemain du gala, la tempête commence déjà à gronder.---Léa – L’Ombre du DouteJe n’ai pas revu Maxime depuis hier soir.Il est parti après avoir semé son poison dans l’esprit de Thomas.Et moi, je suis là, assise dans mon bureau, incapable de penser à autre chose.Pourquoi est-ce que je m’inquiète pour lui ?C’est un manipulateur. Un joueur d’échecs qui avance ses pions sans jamais hésiter.Mais alors, pourquoi ai-je l’impression qu’il court un risque ?Un coup frappé à ma porte me sort de mes pensées.C’est Élise, mon assistante.— Léa… quelqu’un veut te voir.Je fronce les sourcils.— Qui ça ?Elle hésite.— Thomas.Un frisson glacé me parcourt.— Fais-le entrer.Quelques secondes plus tard, Thomas s’av
Maxime---Il a laissé entendre qu’il allait frapper bientôt.Et je crains que Maxime ne sous-estime ce qu’un homme acculé peut faire.Je me lève, enfile une veste et attrape mon téléphone.Il faut que je le voie.---Maxime – Pousser la Folie à Son CombleJ’ai reçu des nouvelles d’Antoine à l’aube.Thomas a fait intercepter Michel avant qu’il ne quitte la ville.Le pauvre imbécile n’a pas eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait avant de disparaître dans l’un des entrepôts de Thomas.Et le plus beau dans tout ça ?Thomas est persuadé qu’il y a d’autres traîtres autour de lui.Il commence à interroger ses propres hommes.Certains disparaissent. D’autres sont passés à tabac.L’organisation qu’il a mis des années à bâtir se fissure sous l’effet de la paranoïa.Et moi, je n’ai qu’à souffler doucement pour faire tomber les murs.— Il va craquer, je murmure en sirotant mon café.— Il ne va pas juste craquer, répond Antoine en face de moi. Il va exploser.Je souris.C’est exactement ce
LéaLe jardin était redevenu silencieux.Comme s’il reprenait son souffle après tant de cœurs battants, de mots chuchotés et de souvenirs réveillés.Camille était partie.Son ombre s’était effacée lentement dans le halo doré de la nuit, et son sourire tremblant restait encore dans l’air, comme une dernière note tenue.Elle m’avait serrée fort. Pas pour me dire adieu, non. Pour dire qu’elle comprenait. Qu’elle me rendait ma place.Qu’elle m’aimait.Mon père aussi.Il avait le regard un peu perdu, comme s’il cherchait la petite fille que j’étais encore quelques instants plus tôt. Il ne m’avait pas parlé — il n’en avait pas besoin. Ses bras autour de moi avaient suffi.Et j’avais senti son front contre mes cheveux, son souffle sur ma tempe, ce soupir qu’il n’avait pas retenu.Puis Maxime avait tout doucement éteint les guirlandes.Une à une, les lumières avaient cligné, vacillé, puis rendu l’âme, comme des lucioles fatiguées.Il avait soufflé les bougies sans bruit, ramassé les verres, l
MaximeJe l’ai regardée s’éloigner vers la salle de bains, ses hanches ondulant avec cette aisance que j’avais vu revenir peu à peu, depuis qu’on était ici.Elle se reconstruisait.Et moi, je me reconstruisais avec elle.Quand j’ai entendu l’eau commencer à couler, longtemps, sans précipitation, j’ai pris mon téléphone.Deux appels. Pas plus.Mais deux essentiels.Son père.Et Camille.Je ne leur ai pas expliqué. Il n’y avait pas besoin.J’ai juste dit que j’avais besoin d’eux ce soir. Que c’était important. Que ça devait être simple. Vrai. Doux.Comme elle.Camille a eu mille réactions en une seconde.Elle a d’abord cru à une mauvaise nouvelle. Puis à une fête surprise. Puis à une demande en mariage.Et elle m’a balancé dans la même phrase : « T’as intérêt à pas faire ça à l’arrache, Maxime, je te jure. »Je lui ai dit de me faire confiance.Son père, lui, a été d’un calme qui m’a traversé comme un souffle.« Dis-moi l’heure. »Rien d’autre.Je crois qu’il savait.Ce type sent tout.
LéaLe matin est tombé sur la maison comme un voile de soie.Je me suis réveillée avant lui.Ou plutôt : je me suis laissée réveiller par la lumière.Elle entrait à flots, douce et dorée, comme si elle savait que c’était notre premier matin ici. Qu’il ne fallait rien brusquer. Rien forcer.Tout était encore en suspens.Des cartons posés contre les murs, des vêtements sans place, des objets silencieux sur les étagères vides.Mais dans le lit, ce matin-là, il y avait nous.Je suis restée allongée un moment, à l’écouter respirer derrière moi.Son torse effleurait mon dos.Son bras, en travers de mes hanches, me gardait là, ancrée.Ce n’était pas une étreinte possessive.Plutôt un fil invisible.Un attachement muet.J’avais envie de bouger, de me retourner. De le regarder dormir.Et puis non.Je voulais juste être là, dans cette lenteur neuve.Dans ce presque rien.Il y avait une paix dans ce lit qu’on avait déplacé la veille au soir, à la hâte, au milieu des rires fatigués et des draps f
LéaLe carton glisse entre mes doigts.Il n’est pas lourd. Pas vraiment. Mais mes bras tremblent un peu.Ce n’est pas la fatigue.C’est autre chose. Une onde invisible qui parcourt mon corps, entre la peur et l’excitation.Je suis debout au seuil de la maison.Notre maison.Maxime ouvre la porte devant moi, avec ce geste calme et précis qu’il a toujours eu, comme s’il savait exactement ce qu’il faisait — alors que je vois bien dans ses yeux qu’il est aussi bouleversé que moi.Le bois craque légèrement sous nos pas.L’air est un peu plus frais à l’intérieur. Et il y a cette odeur particulière — mélange de peinture, de poussière fine et de promesses.Il pose la main sur le chambranle, puis se tourne vers moi.« Bienvenue chez toi. »Je ne réponds pas.Je ne peux pas.Je regarde autour de moi, les murs nus, les fenêtres immenses, les éclats de lumière qui se posent déjà au sol comme des présences.C’est réel.Et irréel.Je pose le carton dans l’entrée.Et j’avance.---MaximeElle marche
LéaLa nuit avançait.À petits pas feutrés, comme si elle avait peur de troubler l’équilibre fragile qui s’était instauré entre nous.Je croyais que les émotions s’étaient déjà toutes exprimées.Que le cœur avait tout dit.Mais Maxime gardait encore quelque chose.Je le sentais dans sa respiration.Dans cette tension infime, nichée au creux de son silence.Il m’avait parlé d’amour.Il avait posé ses mains sur mon ventre, sur ce petit être à venir.Et moi, je m’étais laissée envelopper.Pas tout à fait rassurée.Mais un peu plus vivante.Et pourtant…Il y avait autre chose.Un éclat au fond de ses yeux.Une hésitation qui n’avait rien à voir avec le doute.Plutôt cette forme d’appréhension qu’on ressent juste avant de faire un pas important.Un saut.Il s’est redressé légèrement, sans me lâcher du regard.Comme s’il se préparait à me confier une vérité encore plus fragile.Et j’ai su.Qu’on allait franchir une autre frontière.« Il y a encore une chose que je dois te dire… »Sa voix ét
LéaIl était presque vingt-trois heures.La nuit avait recouvert la ville d’un silence dense, ponctué de quelques sirènes lointaines et du clapotis discret de la pluie contre les vitres.J’étais dans mon lit, mais pas vraiment là. Mon corps reposait, figé, alors que mon esprit flottait quelque part entre le regret, l’attente et la fatigue.Je ne pleurais plus.Je ne pensais plus pleurer.Mais chaque battement de cœur était une tension muette, un fil tendu à craquer.Je croyais qu’il ne viendrait pas.Je croyais que c’était fini.Qu’il n’y avait plus rien à dire.Et pourtant… quelque chose en moi résistait.Pas l’espoir — non. Plus ça.Mais un instinct, peut-être. Une mémoire.Et puis, la sonnette.Un son net, étrangement doux dans cette nuit suspendue.Mon cœur a cessé de battre pendant une seconde.Puis il est reparti, en désordre.Je suis restée figée.Quelques secondes à peine.Mais assez pour sentir ce qu’un simple « ding » pouvait réveiller.La peur. L’élan. La colère. Le manque.
LéaLe soir est tombé sans que je m’en aperçoive.Je suis restée longtemps dehors, après le départ de Clara.Assise sur ce banc, les mains dans les poches, le regard perdu entre les branches nues d’un arbre et les fenêtres allumées des appartements.Je ne savais pas encore quoi faire de ce moment.Ce qu’il représentait.Cette paix silencieuse qu’elle m’avait offerte. Ce renoncement sans violence.Comme un cadeau involontaire.Ou un adieu muet.J’étais rentrée lentement. Les jambes lourdes, le cœur en apnée.L’appartement était resté tel que je l’avais laissé : vide, tiède, immobile.Et cette fois, ce n’était pas seulement le silence…C’était l’absence.---Je me suis glissée dans le lit sans allumer la lumière.Je voulais rester dans l’ombre, là où mes pensées pouvaient flotter sans être jugées.Je crois que c’est là que j’ai pleuré.Pas bruyamment. Pas comme dans les films.Mais ces larmes muettes, longues, chaudes, qui coulent sans même secouer les épaules.Celles qui lavent ce qu’o
LéaJe suis restée seule, assise sur le canapé, longtemps après son départ.Le silence s’était refermé comme une chape sur la pièce. Trop dense. Trop lourd. Trop vrai.Tout semblait suspendu. Comme si le temps lui-même retenait son souffle.Il n’y avait plus de cris, plus de battements furieux, plus d’illusions. Seulement cette vérité brute qui tenait encore dans l’air, comme un résidu amer sur la langue.J’ai posé une main sur mon ventre, par réflexe.Comme pour me rappeler ce que je portais.Comme pour lui dire, à ce petit être à peine perceptible : Je suis là. Je tiens. Je ne bouge pas. Même si tout autour vacille.Je ne savais pas si j’étais soulagée ou anéantie.C’était sans doute un mélange des deux.Un étrange vertige entre lucidité et douleur.Il avait été honnête. Brutalement honnête. Et ça faisait mal.Mais j’en avais besoin. Parce qu’il fallait ça, cette clarté, même tranchante.Je ne voulais plus être celle à qui l’on cache. Celle à qui l’on ment pour “la protéger”.J’étai
LéaEt je ne voulais pas qu’elle nous rattrape plus tard, comme un poison lent. Je ne voulais pas faire semblant. Plus maintenant. J’avais trop vécu dans les demi-mots, les silences chargés, les zones grises. J’avais trop laissé les autres écrire les lignes de ma vie.Alors je me suis reculée. Juste assez pour qu’il comprenne que ce que j’allais dire comptait. Que ce n’était pas un caprice. Que c’était important. Inévitable.« Et Clara ? »Il a figé.Un battement de paupières. Un silence dense. J’ai senti quelque chose se tendre sous sa peau, comme un fil qui menace de rompre.Je l’ai regardé droit dans les yeux. Sans colère. Sans hargne. Juste avec cette force calme qu’on apprend quand on n’a plus rien à perdre. Quand on a déjà tout perdu une fois.« Elle est aussi enceinte de toi. Qu’est-ce que tu comptes faire ? »---MaximeJ’aurais voulu qu’elle ne le sache pas. Mais bien sûr qu’elle savait.Léa a toujours su voir au-delà des mots. Au-delà des silences. Elle sent les failles, mê