Chapitre 1

On dit souvent que le mariage est la tombe de l’amour, mais si l’on peut y reposer en paix, c’est toujours mieux que de finir d’être abandonné dans la nature.

Après plus de deux mois de travail acharné, j’ai enfin terminé de confectionner moi-même ma robe de mariée.

Sous les lumières, elle était d’un blanc éclatant, élégante, resplendissante de beauté.

Je m’imaginais, dans quelques jours, avançant vers l’homme que j’aime, vêtue de ma robe, et je ne pouvais m’empêcher de sourire, même dans mes rêves.

De mes 19 à mes 25 ans, six années s’étaient écoulées, et mon amour allait enfin « reposer en paix ».

Mais à mon réveil, tout s’est effondré d’un coup, et mon rêve s’est transformé en une illusion.

« Yvane, Monsieur Guillot est passé ce matin à l'atelier de design et a emporté la robe de mariée. Il l’a ramenée chez lui ? » mon assistante a demandé, au téléphone, pleine d’interrogations.

Je venais tout juste de me réveiller et j’étais encore un peu dans le brouillard. Je lui ai répondu alors, un peu confusée : « Monsieur Guillot a emporté ma robe de mariée ? »

« Oui, tu ne le savais pas ? »

« Humm, je vais lui demander. »

J’ai raccroché, mes pensées devenant peu à peu plus claires, mais je n’arrivais toujours pas à comprendre pourquoi Julien avait pris la robe si tôt le matin.

La maison était pleine de décorations de mariage, il n’y avait plus de place pour ma robe, et je comptais la récupérer la veille du mariage.

Je composais son numéro. Après plusieurs sonneries, il ne répondait toujours pas. Alors que je m’apprêtais à rappeler, il a décroché enfin.

« Allô, Julien, tu as pris la robe de mariée ? » j’ai demandé, sans détour.

« Oui. » Julien a répondu d’une voix fatiguée, presque rauque.

Un frisson m’a parcourue l’esprit. Je lui ai demandé, inquiète : « Que se passe-t-il ? Tu es malade ? »

Il a gardé le silence un instant avant de répondre d’un ton calme et distant : « Yvane, notre mariage… annule-le. »

Le choc était instantané. Mon cerveau a bourdonné. « Pourquoi ? »

« Iris a été diagnostiquée en phase terminale de cancer. Les médecins disent qu’elle n’a plus que trois mois à vivre. »

Le choc dans mon cœur ne cessait d'augmenter.

Un instant, j’ai eu l’absurde sensation que le ciel, enfin, allait récupérer ce fléau.

« Et quel rapport avec notre mariage ? »

« Le dernier vœu d'Iris, c’est de m'épouser, ainsi elle pourra mourir en paix. » il a expliqué, sans émotion, comme si ce n’était qu’un détail. « Je sais que cette demande est excessive, mais elle va mourir… Ne peux-tu pas avoir un peu de pitié pour elle ? »

Ma bouche s’est ouverte légèrement, abasourdie. Il venait de prononcer la chose la plus absurde que j’aie jamais entendue. Longtemps, je ne pouvais rien dire, avant de lâcher un rire nerveux et de demander : « Julien, tu sais ce que tu dis ? »

Julien, implacable, a répondu : « Je suis parfaitement lucide. Yvane, je vais épouser Iris, exaucer son dernier vœu. Je sais que cela n’est pas juste pour toi, mais en compensation, je suis prêt à te transférer 50% des parts de l’entreprise. Prends le temps d’y réfléchir. »

J’étais figée, à peine capable de répondre : « Et si je refuse ? »

Julien semblait perdre patience : « Yvane, peux-tu être un peu plus gentille ? Iris est ta sœur, elle va mourir, et tu ne peux même pas réaliser son petit vœu ? »

Quelle logique étrange !

J’ai répondu, ironique : « Si tu tiens tant à elle, est-ce que tu vas la suivre dans la mort une fois qu’elle sera partie ? »

« Tu… » Julien s’est tu, incapable de répliquer, puis, après un moment de silence, il a changé de sujet : « De toute façon, j’ai amené la robe à l’hôpital. Iris a à peu près la même taille que toi, elle pourra parfaitement la porter. »

À cet instant, une voix familière s’est élevée en arrière-plan : « Julien, Iris s’est réveillée ! »

« D’accord, je viens tout de suite. » Julien a répondu précipitamment, avant de dire, pressé : « Yvane, j’attends ta réponse rapidement. »

Sans attendre ma réaction, il a raccroché.

Cette voix… c’était celle de Doris, la nouvelle femme de mon père, ma belle-mère, la mère biologique d’Iris.

Quand sont-ils devenus une famille si unie ? Je n’en avais aucune idée.

Je restais là, dans ma chambre, avec mon téléphone en main, remplie de colère et d’impuissance.

Quelle ironie !

Il y a des années, Doris avait volé mon père à ma mère, et maintenant, c’était sa fille, Iris, qui venait prendre mon fiancé.

Vraiment, telle mère, telle fille.

Il y a plus de dix ans, mes parents avaient divorcé. Moins de trois mois après, mon père avait introduit Doris dans notre vie avec éclat.

Doris, avec son fils et sa fille jumeaux, était plus jeune que moi de deux ans.

Plus tard, j’ai découvert que ces enfants étaient les siens, mais du côté de mon père, ils étaient mes demi-frères et demi-sœurs. Mon père avait trahi ma mère depuis longtemps en menant une autre vie secrète avec une autre femme, et ses enfants étaient à peine plus jeunes que moi !

Lorsque ma mère avait appris cela, elle était folle de rage et avait voulu intenter un nouveau procès contre mon père, demandant une nouvelle répartition des biens.

Elle voulait récupérer tout ce qui nous appartenait pour ne pas tout laisser entre les mains de la « jolie poupée » !

Mais mon père n’avait montré aucune pitié. Non seulement il avait refusé, mais il avait également commencé à détruire l'entreprise de mes grands-parents, prenant la majorité de leurs affaires.

Mon grand-père en était tellement malade qu'il est en mort.

Ma mère, dans son désespoir, avait vendu tous ses biens pour soigner mon grand-père, mais il était trop tard. Elle se sentait coupable et sombra dans une dépression sévère. Elle a développé un cancer du sein et est morte peu après, brisée par le stress.

Elle était morte à cause de mon père.

La perte de mon grand-père et de ma mère avait été un coup dévastateur pour moi et ma grand-mère.

C'est à ce moment-là que, jeune, j’ai pris la décision que je me battrais pour récupérer tout ce qui m'appartenait, ce qui appartenait à ma mère.

Ces dernières années, j’ai réussi à construire une carrière solide, et j’étais sur le point de me marier avec Julien, l'héritier de la famille Guillot.

Je pensais qu’avec l’aide de l’homme que j’aimais, j’allais renforcer ma position, mais je ne m'attendais pas à ce qu’un complot se joue juste avant le mariage, où la fille de Doris viendrait me voler mon futur mari.

Quand Iris et Julien s’étaient-ils si rapprochés ? Est-ce qu’elle lui avait donné son sang ? Lui avait-elle préparé des repas ? Ou était-ce lorsqu’à 18 ans, elle avait déclaré devant tout le monde qu’il était l’amour de sa vie et que si elle ne l'épousait pas, elle préférait mourir ?

À l’époque, Julien et moi étions déjà en couple publiquement, mais sa déclaration avait provoqué des rires et des commentaires, la qualifiant de courageuse.

Mais Julien… Si c’est pour cela que tu veux l’épouser, qu’en est-il de tout ce que j’ai sacrifié pour toi ces années ?

Tu avais une condition rare, j’ai donné mon sang pendant cinq ans pour que tu guérisses.

Tu étais faible, je t’ai soigné, préparé des repas, et soigné ton corps fragile.

J’ai passé des nuits et des jours à ton chevet lorsque tu étais à l’hôpital, je me suis épuisée pour toi…

Et aujourd’hui, à cause de la maladie d’Iris, tu m’as trahie et annulé notre mariage ? Tu vas l’épouser, sans aucune pitié pour moi ?

Les larmes sont montées, mais je les ai chassés rapidement.

Je n’allais pas pleurer pour cet homme. Je n’allais pas pleurer pour moi non plus.

Tout ce que j’avais enduré chez les Jeandel m’avait appris que les larmes ne servent à rien. Elles ne font que rendre les autres plus heureux.

Je devais me battre !

J’ai pris mon téléphone et rappelé Julien : « Julien, l’entreprise entière est à moi. Si tu es d’accord, je céderai ma place de mariée. Ce soir, nous signerons le contrat. »