Chapitre 4

Julien restait figé, sans prononcer un mot.

Doris a levé la voix, exaspérée :

« Enfin, tu dis quelque chose de sensé ! Nous sommes une famille, non ? C'est normal que la sœur fasse un geste pour sa cadette. Ce n’est pas un cadeau pour le mariage de ma fille, ça ? »

Je laissais échapper un rire froid, puis a tourné mon regard vers ma belle-mère. D’un ton soudainement doux, je lui ai répondu :

« Alors, il faudrait que j'ajoute un petit quelque chose, n'est-ce pas ? »

« Quoi donc ? » Doris a demandé, intriguée.

J’ai souri malicieusement.

« Une bière, bien sûr, et pourquoi pas un cercueil, juste à côté de la scène du mariage. »

« Yvane ! » Doris a pâli, furieuse, mais incapable de trouver un mot à répondre.

J’ai continué, mon ton toujours aussi calme, mais bien plus venimeux :

« Dans l'Antiquité, les femmes emportaient un cercueil avec leur dot, qu’elles transportaient le jour de leur mariage vers la maison de leur mari. En tant que sœur aînée, j’offre un cadeau parfaitement traditionnel, non ? »

Mes mots étaient parfaitement logiques, impossibles à contester. Ils restaient bouche bée, ne pouvant rien rétorquer, se contentant de m’engloutir dans un silence gêné.

Tout comme lorsque j’ai fait exploser ces pétards plus tôt, bien que je me sois réjouie de ce spectacle et que j’aie envoyé une malédiction à Iris, je prétendais agir pour chasser les mauvais esprits. Qu’auraient-ils pu dire ?

Tous ces années, ils m'ont ignorée, m'ont humiliée. Combien de fois ai-je été dans l'impossibilité de me défendre ?

Aujourd'hui, c'était leur tour de goûter à ce sentiment de frustration et de rage.

Doris, rouge de colère, a pointé la porte :

« Yvane, va-t-en ! Va-t-en tout de suite ! »

Mais ce n'était pas suffisant pour elle, alors elle s’est tournée vers mon père, tout aussi énervée.

« Yann ! Regarde donc ta fille ! Elle est pleine de venin, un cœur de serpent, une vraie tortionnaire ! Elle maudit ma fille et toi, tu n'interviens pas ! »

Yann, tout aussi enragé, s’est avancé vers moi, sans attendre qu'elle ait terminé.

Julien, se tendant, s'est avancé précipitamment pour l'arrêter.

« Monsieur Jeandel, calmons-nous. »

Mais Yann, la rage dans les yeux, ne semblait rien vouloir entendre. Il a pointé son doigt vers moi et a ordonné :

« Demande pardon à ta sœur ! »

Impossible pour moi de m'excuser. J’ai riposté immédiatement :

« Qu'est-ce que j'ai dit de mal ? Si toi, tu n'y comprends rien, ce n’est pas ma faute, mais c’est toi qui critiques… »

Avant que je ne puisse terminer ma phrase, Yann a levé la main et s’est précipité pour me gifler.

Mais Julien s’est placé devant moi et a reçu la claque à ma place. Le bruit de la gifle a résonné dans toute la pièce.

Iris a crié : « Papa ! Que fais-tu ? »

Julien, un peu abasourdi, a cligné des yeux, puis s’est placé de nouveau entre Yann et moi :

« Monsieur Jeandel, la violence n'apportera rien de bon. Cette situation est de ma faute, je n'ai pas pu calmer Iris. Donne-moi un peu de temps, je vais arranger cela. »

Yann, tout rouge et les traits tendus par la colère, a soufflé difficilement, visiblement épuisé.

« Tu… parle-lui, fais-lui comprendre. Mais la prochaine fois, si elle recommence, je lui brise les jambes ! »

Julien a acquiescé rapidement, puis s’est tourné vers moi en me disant d’une voix plus douce :

« Yvane, allons discuter un instant. »

« Pas besoin, je n’ai rien à dire avec toi. »

Je me suis retournée pour partir, mais il m’a saisi fermement le poignet.

« Yvane, ce n’est pas ainsi qu’on résout les problèmes. Nous sommes une famille, pourquoi ne pas en parler calmement ? »

Une famille ?

Ces mots m’ont écœurée au plus haut point. J’ai répliqué sèchement :

« Vous n'êtes pas ma famille. »

J’ai haussé le poignet qu'il tenait et d'un geste autoritaire, je lui ai ordonné :

« Lâche-moi. »

« On doit parler. »

« Je t’ai dit lâche-moi ! »

Je me débattais de plus en plus fort, mais il refusait de me relâcher. Enragée, j’ai levé ma main libre et frappé brutalement son visage.

Un bruit sourd a résonné dans la pièce.

Tous les regards étaient maintenant tournés vers nous, stupéfaits.

Iris, les yeux remplis de larmes, a crié : « Yvane, que fais-tu ? Pourquoi frappes-tu mon frère ? Si tu as des problèmes avec lui, viens les résoudre avec moi ! »

J’ai jeté un regard glacé vers le lit où était allongé Yann, et ai répondu avec un sourire sarcastique :

« Un homme détestable n'a pas besoin de raison pour être frappé. Quant à toi, je laisse le roi des enfers s'occuper de toi, je n’ai pas besoin de salir mes mains. »

Sur ces mots, je n’ai pris même pas la peine de regarder leurs visages déformés par la colère. Je me suis tournée et parti, claquant la porte derrière moi.

Dans la voiture, je suis restée là, perdue dans mes pensées, pendant un long moment, jusqu'à ce que mon esprit se calme peu à peu.

En pensant à ma famille, une vague de tristesse m'a envahie.

Je croyais qu'en rencontrant Julien, celui que j’aimais, j’allais guérir les blessures dans mon cœur.

Mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit lui qui me donne le coup le plus brutal.

En repensant aux sacrifices que j'ai faits ces dernières années pour l'aider à se soigner, j'avais l'impression que mon âme était déchirée par des griffes.

Mon téléphone a sonné soudainement, me sortant de ma torpeur.

J’ai regardé l'écran et vu que c'était ma meilleure amie, Vivian.

« Allô… »

« Madame Jeandel, tu as oublié notre déjeuner ce midi ? Où es-tu ? Julien t’a retenue ? » Vivian plaisantait, sans savoir ce que j'avais vécu ces deux derniers jours.

J’ai froncé légèrement les sourcils, me rappelant enfin que j'avais prévu de déjeuner avec elle pour parler des répétitions du mariage.

« Je serai là dans un instant. »

Les répétitions du mariage n'étaient plus nécessaires, mais je devais tout de même lui expliquer.

Quand j’ai retrouvé Vivian au restaurant, elle a remarqué immédiatement que quelque chose n’allait pas.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu as l’air pas bien, encore une dispute avec ta famille ? » elle a demandé, inquiète.

Elle savait très bien à quel point ma relation avec ma famille biologique était difficile.

Je n’ai répondu pas à sa question, et d’un ton calme et distant, je lui ai dit : « Vivian, le mariage n’aura pas lieu. »

Vivian, qui était en train de verser du thé, a levé les yeux, choquée, puis est resté silencieuse un moment. « Qu’est-ce que tu racontes ? Le mariage est dans une semaine, comment ça n’aura pas lieu ? »

J’ai souri faiblement, mon cœur comme un bloc de glace. « En réalité, le mariage a bien lieu, mais la mariée, ce ne sera pas moi. »

Vivian a posé la théière, s’est levé, et a traversé la table pour poser sa main sur mon front. « Tu es malade ou quoi ? Tu dis n’importe quoi ! »

Je lui ai pris doucement la main, l’incitant à se rasseoir. Je voulais éviter qu’elle ne tombe dans les pommes à force de se choquer. Puis je lui ai raconté brièvement tout ce qui s'était passé.

Vivian est resté bouche bée, ses yeux écarquillés, les mots coincés dans sa gorge.

« Putain ! Julien est devenu fou ? Iris n’a-t-elle pas traîné son visage tous les jours avec “petite peste” écrit dessus ? Il est aveugle ou quoi ?! Le mariage, il change de mariée sans scrupules, et il n’a pas peur de se faire ridiculiser devant tout le monde ? Il cherche à se suicider, ou quoi ? »

Vivian était furieuse, et son ton élevé a fait tourner quelques têtes autour de nous.

« Non, mais je vais l’appeler et lui hurler dessus ! »

Elle était de tempérament bien plus explosif que moi et, sans attendre, elle a pris son téléphone et a appelé Julien.

Moi, épuisée, je suis resté là, en silence, et a laissé la scène se dérouler sans l’arrêter.

« Julien, tu es sous l’emprise d’un sort, ou quoi ? Iris a une maladie en phase terminale, ce n’est pas ton problème ! Et toi, tu oublies ce qu’Yvane a sacrifié pour ta santé ? Si ce n’était pas pour elle, tu serais six pieds sous terre, espèce de chien ingrat ! »

« Et depuis quand tu es avec Iris ? Vous avez déjà commencé à coucher ensemble ? Je t’ai vu comme un homme respectable, mais là, tu fais honte à tout le monde ! » Vivian déversait toute sa colère sans s'arrêter pendant cinq à six minutes, jusqu'à ce que le serveur s’approche pour lui demander de parler plus bas.

Je n’avais aucune envie de me ridiculiser en public, alors j’ai pris son téléphone, coupant la ligne.

« Pourquoi t'as raccroché ? Je n’avais pas terminé ! Il faut aussi que je règle le cas de cette salope d'Iris ! Parce qu’elle est malade, elle pense qu’elle peut voler le mari de sa sœur ? »

Vivian était hors d'elle.

Je lui ai versé une tasse de thé pour essayer de la calmer. « Laisse tomber, ne gâchons pas le repas des autres. »

Vivian a jeté un coup d’œil aux regards curieux autour de nous et a réussi à calmer sa colère.

« Mais, Julien, il t’aime vraiment, Iris ? » elle a demandé, toujours en confusion.

J’ai secoué la tête. « Je ne sais pas, mais je sais qu’il ne m’aime pas. »

Sinon, comment expliquer qu'il fasse quelque chose d’aussi ridicule et honteux ?

« Iris est une psychopathe. Elle a tout le temps voulu me voler tout ce que j’avais. Julien, il ne voit rien ? »

J’ai souri, mais c’était un sourire amer. « Il pense que je suis parano, que je suis trop méfiante envers Iris. »

Vivian s’est emporté de plus belle, buvant plusieurs tasses de thé d’affilée, avant de demander soudainement : « Est-ce qu’il sait qu'Iris et Pascal sont tes demi-frère et demi-sœur ? »

« Non, il ne le sait pas, je ne lui ai jamais dit. Peut-être qu’il le sait, peut-être pas. »

Après tout, il s’agissait de honte familiale, qui parlerait de cela à quelqu’un qu’on aime ? Même les plus proches n’ont pas besoin de connaître toutes les parts sombres de notre passé.

« Ah, donc il ne le sait pas ? » elle a dit en souriant de manière significative. « Eh bien, je suis impatiente de voir la tête qu’il fera quand il découvrira toute la vérité. Là, il regrettera vraiment. »

J’ai souri sans répondre.

Qu’il regrette ou non, ça ne m'importait plus.

Après notre repas, Vivian a tenté de me réconforter : « Au moins, tu récupères la société en compensation. Cet homme poubelle, laisse-le derrière toi, concentre-toi sur ta carrière. »

Elle avait raison. Son commentaire me rappela que j'avais encore des formalités à régler pour le changement de propriétaire de l’entreprise.

« Oui, tu as raison. Je ne devrais pas laisser un homme pourrir ma vie. Ne t’inquiète pas, je vais aller de l’avant. Mieux vaut réaliser qu’il est un salaud tôt que tard. »

Après avoir dit au revoir à Vivian, l’après-midi, j’avais un rendez-vous avec Julien pour les formalités de changement de propriétaire.

Il a accepté tout de suite.

Quand je l’ai rencontré, il avait toujours la marque d'une gifle sur sa joue, son visage charmant donnant un air un peu ridicule.

« Dépêche-toi, on va d'abord régler ça, puis on ira chercher le divorce. » Je l'ai incité à se hâter, voyant qu'il se traînait un peu.

Nous venions de nous marier, il y a à peine un mois. Si j'avais su, je ne l’aurais jamais épousé ce jour-là.

Julien m’a regardée d’un air sombre, il a ouvert la bouche comme pour dire quelque chose, mais s’est ravisé.

En sortant de l’office du commerce, nous sont allés directement à l'administration du mariage.

À notre arrivée, on nous a annoncés que nous devions prendre rendez-vous et soumettre des documents avant de pouvoir finaliser le divorce.

Ensuite, il y avait une période de trente jours de réflexion. Si après cette période, nous étions toujours décidés, nous pourrions obtenir le divorce.

Je me suis senti complètement découragée, mais j'ai pris mon téléphone pour prendre un rendez-vous, seulement disponible une quinzaine de jours plus tard, un après-midi.

Cela signifiait que, pendant que Julien et Iris se mariaient, je serais toujours légalement sa femme.

C'était une véritable arnaque !

Julien a remarqué mon humeur exécrable et, d’une voix calme, il a dit : « Ne t'inquiète pas, ce n’est pas urgent. Iris ne me presse pas. »

J’ai levé brusquement les yeux vers lui, le faisant sursauter.

Je l’ai fixé longuement, avant de sourire et de lui demander : « Elle ne te presse pas ? Et elle n’a pas peur d'attendre toute sa vie ? »

Julien s’est figé, son visage est devenu soudainement froid.

Le divorce était une procédure longue, et tant que je ne coopérais pas, cela pourrait durer un an ou plus.

Iris, même en tant que nouvelle mariée, resterait une maîtresse, légalement parlant.

Julien n’a répondu pas à ma question. Il a fait un pas en avant, avec toujours cet air doux, et a dit : « Alors, on ne divorce plus. Comme ça, on n’aura pas à refaire toute cette procédure plus tard. »

Je l’ai regardé, totalement abasourdie. Je ne comprenais plus rien.

À ce stade, il croyait toujours que, quand Iris serait morte, je reviendrais vers lui ?