Elias plissa les yeux pour s’habituer à l’excès lumineux.—On ne dirait pas une étoile..., commença-t-il, songeur. Plutôt… un bouton de rose.—Avec tout le mal qu’on s’est donné pour arriver ici, t’as intérêt à apprécier la vue, répondit Tom, menaçant.—Regarde bien! L’Étoile est complètement disproportionnée par rapport au corps de la tour, comme une tige. Le sommet semble composé de plusieurs fines feuilles de métal et de verre…Tom haussa les épaules, peu convaincu.—Tu as une sacrée imagination. Vue d’en dessous, elle a cinq branches et elle scintille. Il ne m’en faut pas plus!Les «pétales» formaient des édifices de plusieurs étages de longs qui courraient sur le dernier tiers du bâtiment. Ceux-ci étaient taillés dans du verre sombre, opaque, noir comme la nuit. D’innombrables petites perles de lumière étincelaient sur toute leur surface. Des étincelles dorées tombaient des derniers étages po
Une théorie veut que le cours du temps soit relatif. Ainsi, bien que la chute fût brève, Elias la vécut comme un instant interminable. Le vent soufflait à ses oreilles, lui envoyant ses cheveux dans les yeux. Le ciel se révulsa autour de lui dans un déluge de lumière, le bouquet final des feux d’artifice tonnant une dernière fois en arrière-plan comme pour accompagner sa chute. Soudain, alors que le sol se rapprochait à toute allure, il sentit son poids le quitter et les charnières le tirer en arrière, mordant sa peau à vif. Sa tête retrouva sa place naturelle en haut de son corps et ses pieds se posèrent doucement sur les dalles de marbre. Il peinait à reprendre ses esprits quand Tom lui donna un coup dans l’épaule.—Merci, dit-il simplement.En haut de l’immeuble, les animatronics et Aaron montaient sur le balcon pour découvrir leurs proies au sol.—Ça, ça va les ralentir! lança Elias, satisfait pendant une infime seconde.Avant de voir l
Deux mois, trente jours, vingt-deux heures et quarante-sept minutes précisément depuis le départ de Tom du Pensionnat. Trois mois qu’Elias avait passés dans l’attente de le rejoindre à Élysia. Et trois mois sans nouvelle. Chaque jour, il consultait la messagerie privée qu’ils avaient créée pour l’occasion, dans l’espoir que Tom lui ait laissé un mot. Mais aucun message, quelle que soit sa nature, ne lui parvint.Étendu sur son lit, il attendait que les dernières heures le séparant de l’Optimus s’écoulent. Les bras croisés derrière la nuque, il fixait l’HoloPad au plafond. Le doux ronronnement de l’appareil lui faisait lentement fermer les yeux. Il n’avait jamais remarqué ce bruit avant d’être constamment enchaîné à sa chambre après leurs «exploits» à Élysia. Son esprit s’évada…ΩLes jours suivant leur retour furent particulièrement pénibles. Compte tenu des faits, la direction du Pensionnat fut finalement assez clémente, mais la
Entendre ce type d’expression stéréotypée dans les vieux films avait toujours fait sourire Elias, mais sorti de la bouche de la jeune fille, il éclata simplement de rire. Ces grands yeux, si jolis et si sérieux qui le fixaient. Cette façon impérieuse de froncer les sourcils comme si elle s’attendait à ce qu’il la suive sans la moindre question. La gravité de sa voix et de son visage. Plus il riait, plus elle semblait sur le point d’imploser.—Tu as bientôt fini ? Tu penses que c’est le moment ? l’arrêta-t-elle, glaciale. Je n’ai que quelques minutes pour tout t’expliquer avant que ce ne soit suspect.Elias se força à se calmer, bien décidé à rentrer dans son jeu pour l’instant.—Qu’est-ce que tu veux dire par là ? Qui pourrait bien menacer ma vie ?Elle s’est radoucie, nota Elias. Un peu. Imperceptiblement.—Je ne peux pas tout t’expliquer maintenant, mais ce que tu as besoin de savoir est simple. L’Optimus n’est qu’une vaste fumiste
«Mon nom est Caine Killington. Non, avec un K. Je viens du Pensionnat 12. Oui, j’attends.»Ma patience s’effritait alors que je répétais pour la troisième fois une information aussi basique. Son travail était simple, tout de même! D’un coup d’œil, je pouvais apercevoir toute la salle d’attente du premier étage. Elle ressemblait à l’idée qu’on pourrait se faire d’un lieu de transition. Partagée entre une architecture moderne et travaillée, et l’air austère et épuré du Pensionnat. Assis dans un coin, le garçon aux yeux verts du bus attendait son tour. En croisant son regard, j’avais eu l’impression qu’il y avait quelque chose de différent chez lui, quelque chose que je n’arrivais pas à expliquer. Comme une aura.Il faudra peut-être que je le garde à l’œil. Enfin, il a accepté que cet idiot bégayant – Pavier ? Jovier ? je ne me souvenais plus du nom – lui fasse la discussion. Alors qu’il était évident qu’il préférait rester seul. Par peur de le blesser, sûr
Le blanc immaculé des dalles au sol était éblouissant, plus aveuglant que le soleil du désert. La porte à peine franchie, j’apparus au centre d’un complexe médical. Un médecin se rua vers moi pour me guider à un lit et réaliser un examen clinique complet. Mes plaies furent immédiatement refermées grâce à un photosynthétiseur cellulaire, un appareil accélérant les capacités physiologiques du corps à récupérer de ses blessures. Mes innombrables entailles disparurent, la pulpe de mes doigts retrouva son intégrité et mes coups de soleil s’évanouirent. On me donna à boire et un comprimé rouge qui dissipa instantanément ma fatigue. Séparé par des auvents, je pouvais apercevoir plusieurs pensionnaires de ma «promotion». Aucun ne semblait véritablement blessé, Javier inclus, même si une grande entaille défigurait désormais sa joue gauche. Il la regardait dans un miroir en prenant des poses qu’il imaginait menaçantes, en attendant qu’elle soit prise en charge. Tous les autres étaien
—Je m’appelle Héléna, dit la femme, accrochant elle-même l’insigne à ma veste. Je serai ton Maître pour les trois années à venir, et toi, mon Aspirant. Tu passeras les années les plus difficiles de ta vie, tellement plongé dans ton travail que tu t’y oublieras. Félicitations. Bienvenue chez les Psys, Caine.Les mots résonnèrent à mes oreilles, en boucle. Les choses allaient changer, maintenant. Je jetai un regard aux jeunes diplômés alentour, rieurs. Mon peuple, désormais. Cela signa la fin de la cérémonie. Tout le monde promit, sans le penser vraiment, de rester en contact, de se revoir, et ils prirent chacun leur propre chemin pour rejoindre leurs Maîtres.Je quittai l’immeuble, talonnant mon nouveau Professeur. Je n’avais aucun Maître. Je me plierai aux convenances, mais je n’en pensais pas moins.—Par quoi commençons-nous ? Le Parlement ? Syphonia ? L’Étoile d’Élysia ?—Dîner, répondit simplement Héléna.De tout ce que j’aurais p
Immense. Elias regardait autour de lui, les yeux écarquillés. Tous ses sens étaient submergés par l’afflux de perceptions visuelles et olfactives. La taille de la végétation des «Contrées Périlleuses», comme les avait nommés Maya, était étrangement bouleversée. Tout semblait anormalement grand. Ou alors, c’était lui qui était anormalement petit.—Ne traînons pas, d’autres pourraient surgir! Je ne sais pas s’ils ont la capacité de franchir le seuil, mais je préférerais ne pas avoir à le découvrir, cria Maya en tirant Elias par le bras.Ils coururent pour s’éloigner de la porte jusqu’à en perdre le souffle et devoir s’allonger sur l’herbe grasse printanière pour récupérer. Elle était légèrement mouillée, ce qui leur fit le plus grand bien. Maintenant qu’il en avait le temps, Elias observa avec plus d’attention ce qui l’entourait. Dans la zone urbaine, la végétation était contenue, mais ici, elle avait fait preuve d’une expansion colos
Une semaine après la mort d’Elias, Les pieds de Maya dansaient dangereusement au-dessus de l’abîme. Le regard perdu dans le vague, elle essuya une larme. Elle la saisit et le contempla, surprise. Elle ne pensait plus en avoir en réserve.Les Charivaris avaient suivi Obsidian en dehors d’Élysia aux premières lueurs de l’aube. Maya avait insisté pour que le corps d’Elias soit emporté avec eux. Obsidian avait évidemment accepté. Il était naturel qu’il reçoive l’enterrement qu’il méritait. Ils avaient monté le camp à quelques heures de marche d’Élysia. Dans la clairière où Elias et Maya avaient échangé leur premier baiser. Celle où ils s’étaient donné rendez-vous.Jour après jour, Maya s’était brisé les os pour ressouder ceux d’Elias. Défigurée pour lui rendre sa beauté. Souffert, saigné pour rendre à sa dépouille son intégrité. À l’issue de trois jours et deux nuits, épuisée, elle
À chaque saison, la beauté d’Élysia prenait une nouvelle dimension. En ce début d’automne, chaque immeuble était teinté d’une nuance différente. Des feuilles d’ocre et d’or se mêlaient artistiquement aux pourpres et à l’écarlate de leurs voisines. Bien que l’aurore mette en valeur tous ces tons, je n’étais pas d’humeur à apprécier la splendeur du paysage. Des volutes de fumée noire montaient doucement tandis que les premiers rayons du soleil rougeoyaient sur la ville. Je sentais encore résonner dans ma tête le cri d’ORGANA lors de l’explosion de l’Étoile. Chaque individu l’avait entendu quand la conscience collective avait été brisée.Je regardais le trou béant à la place du serveur d’ORGANA. Une fois détruit, les foules avaient retrouvé leur lucidité et s’étaient dispersées. Ce matin, le souvenir d’ORGANA avait fané, mais celui d’Elias et des Omégas était ancré dans les mémoires à jamais.Un long manteau noir sur les épaules, je touchai ma joue tuméfiée. Lyna se plaça à
—À droite, s’écria Richard.—À gauche, souffla Chloé.Claire et Maya tournèrent au détour d’un couloir et se percutèrent de plein fouet. Avant que la première ne réagisse, le couteau de Maya était apparu, pointé vers sa gorge. Une cacophonie de cris emplit les parois rocheuses.—Je le reconnais, celui-là, cracha Maya en désignant Flyn d’un mouvement de tête peu appréciateur. C’est le laquais de Caine.—Si vous êtes là pour nous arrêter, il va vous falloir plus qu’un vieillard et une frêle jeune fille, ricana Obsidian, son visage caché dans les ombres de la capuche noire qu’il portait.Claire ravala la réplique cinglante qu’elle avait sur le bout de la langue et garda le regard rivé sur le couteau près de sa gorge. Elio pouffa de rire en voyant la journaliste loucher.—Théo ? C’est toi ? demanda Flyn.Maya et Chloé se fixèrent, surprises. Chloé se pencha vers Elio.—C’est de toi qu’il parle ?
La porte de la cellule s’ouvrit sans bruit. Un Avatar passa d’une démarche traînante devant celle d’Elias. Elle était vide. Il grogna et continua à avancer. Elias souffla, craignant que l’invisibilité que lui offraient ses pouvoirs ne résiste pas à un examen approfondi. Les mâchoires serrées par l’effort de concentration, il sortit de la geôle. Il s’était attendu à croiser de nombreuses personnes paniquées, mais les couloirs étaient déserts. Il ne savait pas où il était, mais la porte n’était pas dure à repérer. Une fois l’électricité éteinte, les feux d’artifice explosant dans le ciel à la lumière de la lune brillaient comme des lucioles dans la tête d’Elias. Les yeux clos et camouflés par son Nexus, longeant les murs, Elias finit par la trouver. Il ne restait plus qu’à réussir à sortir.La température de fusion de la roche est comprise entre sept cents et mille deux cents degrés. Elias regarda ses mains et haussa les épaules. C’est jouable.Sa respiration était ample et
Je regardais les deux livres aux couvertures brunes élimées similaires. Celui de Claire était contemporain à celui d’Elias. Et c’était assurément la même écriture. En parlant d’Elias, la conversation que j’avais eue avec lui, une semaine plus tôt, et toutes celles qui avaient suivi pesaient sur ma conscience.La journée était sur le point de se finir. Le calme était enfin revenu au Concil après quelques premiers jours houleux. Le peuple était heureux. J’avais lu les mots couchés sur le petit carnet d’Elias déjà plusieurs fois sans réussir à trouver la moindre information intéressante. À vrai dire, je m’étais demandé s’il n’était pas codé, mais après l’avoir fait passer par tous les algorithmes possibles et imaginables, y compris en utilisant le Gorski de métal que j’avais modélisé, je m’étais rendu à l’évidence. Et pourtant, l’impression que je ratais quelque chose me titillait. Le premier traitait des événements qui avaient conduit à la rédaction de la Constitution d’Élysia. C’
Trois jeunes adultes et une enfant s’effondrèrent de fatigue sur le sol mousseux. Les larmes coulaient sans retenue sur leurs joues. Seuls les yeux d’Elias restaient désespérément secs. À cet instant, il avait la sensation d’être étourdi. Complètement, irrémédiablement, engourdi.Tout le monde réagit différemment face à la mort. Certains pleurent, d’autres ont cette sensation de vide, si profond que rien ne peut le remplir. Ou encore l’impression d’être en train de tomber sans rien avoir à se raccrocher.Ils ne savaient pas où ils étaient, mais étaient tous trop choqués et fatigués pour s’en soucier. Elio les avait transportés jusqu’à l’épuisement et que son pouvoir cesse de fonctionner. Ils s’endormirent quelques minutes, lovés en position fœtale, s’abandonnant à la douce libération du sommeil, sous l’œil vigilant d’Elias. Aux premières lueurs du soleil, un regard leur suffit pour reconnaître où ils étaient. Sans même l’apercevoir, ils savaient que quelques centaines de
Plusieurs centaines d’écrans noirs m’entouraient, formant un arc de cercle devant moi. Des voix s’échappaient de plusieurs d’entre eux et emplissaient mon bureau d’une cacophonie sans pareille.—Que pouvons-nous bien faire ?—C’est trop tard. Montgomery s’est inscrit pour un nouveau mandat face au peuple !—C’est un sacrilège !—Il nous fera taire si nous tentons quelque chose contre lui !Un des écrans intima le silence. La voix d’Héléna résonna. Je m’enfonçai confortablement dans mon large fauteuil de cuir. Parfait. Le spectacle pouvait commencer.—Mes chers collègues, bienvenue ce soir pour ce qui sera, je l’espère, un événement unique dans l’histoire de notre Nation. Les actes récents du Chancelier nous ont conduits à une situation inédite aujourd’hui. Pour la première fois de notre ère, nous faisons face au danger d’un régime totalitaire. Moi, Héléna Trioli représentante de l’ordre de l’Utopie, déclare Charles
Les yeux d’Elias brillaient d’excitation. Maya lui adressa un signe de tête signifiant « comment va-t-on entrer sans submerger la pyramide ? ».Une lance frôla son visage, creusant une légère entaille sur sa joue gauche. L’eau se teinta d’écarlate autour d’elle. Bientôt, de nombreuses autres suivirent le même tracé, tombant dans leur sillon. Elias leva les yeux, brûlant d’une colère froide, vers leur origine. À quelques dizaines de mètres au-dessus d’eux, une armée de Rôdeurs s’était rassemblée sur les toits épargnés par les flots et gesticulait en les regardant. La vision plus floue de seconde en seconde, Elias hésitait. L’eau, le seul rempart entre eux et la mort, serait leur linceul dans quelques minutes. De plus en plus de projectiles les frôlaient; les Rôdeurs, pris de folie, leur jetaient tout ce qui leur passait sous la main. Elias se tourna vers Barthélémy pour quérir son avis. Trop tard. Livide, le corps de Chloé flottait, inerte. Elias comprit alors qu’elle avait
Par une chaude journée de fin d’été, les foules étaient massées dans les rues. La température, excessivement élevée, ne semblait pas freiner les fêtards, toujours plus nombreux. L’alcool coulait à flots, d’immenses écrans déversaient leurs reflets colorés, uniquement éclipsés par la beauté des feux d’artifice, et la musique résonnait. Une soirée normale, en somme.Les notes électroniques s’arrêtèrent brutalement. Des centaines de visages surpris levèrent les yeux vers les écrans. Chaque moniteur, chaque montre d’interface s’alluma de concert.Une vidéo démarra. Un individu, manifestement saoul, titubait. Gras et libidineux, il se dirigeait vers un lit où deux jeunes femmes et un homme l’attendaient, seulement vêtu d’un masque de cochon. Une fille lui jeta un objet rond à la figure. Il s’empressa de le fourrer dans sa bouche. Ironiquement, le bâillon représentait une pomme. L’homme se mit à genoux devant ses partenaires…La caméra dévia du spectacle avant qu’il ne s