Je regardais les deux livres aux couvertures brunes élimées similaires. Celui de Claire était contemporain à celui d’Elias. Et c’était assurément la même écriture. En parlant d’Elias, la conversation que j’avais eue avec lui, une semaine plus tôt, et toutes celles qui avaient suivi pesaient sur ma conscience.La journée était sur le point de se finir. Le calme était enfin revenu au Concil après quelques premiers jours houleux. Le peuple était heureux. J’avais lu les mots couchés sur le petit carnet d’Elias déjà plusieurs fois sans réussir à trouver la moindre information intéressante. À vrai dire, je m’étais demandé s’il n’était pas codé, mais après l’avoir fait passer par tous les algorithmes possibles et imaginables, y compris en utilisant le Gorski de métal que j’avais modélisé, je m’étais rendu à l’évidence. Et pourtant, l’impression que je ratais quelque chose me titillait. Le premier traitait des événements qui avaient conduit à la rédaction de la Constitution d’Élysia. C’
La porte de la cellule s’ouvrit sans bruit. Un Avatar passa d’une démarche traînante devant celle d’Elias. Elle était vide. Il grogna et continua à avancer. Elias souffla, craignant que l’invisibilité que lui offraient ses pouvoirs ne résiste pas à un examen approfondi. Les mâchoires serrées par l’effort de concentration, il sortit de la geôle. Il s’était attendu à croiser de nombreuses personnes paniquées, mais les couloirs étaient déserts. Il ne savait pas où il était, mais la porte n’était pas dure à repérer. Une fois l’électricité éteinte, les feux d’artifice explosant dans le ciel à la lumière de la lune brillaient comme des lucioles dans la tête d’Elias. Les yeux clos et camouflés par son Nexus, longeant les murs, Elias finit par la trouver. Il ne restait plus qu’à réussir à sortir.La température de fusion de la roche est comprise entre sept cents et mille deux cents degrés. Elias regarda ses mains et haussa les épaules. C’est jouable.Sa respiration était ample et
—À droite, s’écria Richard.—À gauche, souffla Chloé.Claire et Maya tournèrent au détour d’un couloir et se percutèrent de plein fouet. Avant que la première ne réagisse, le couteau de Maya était apparu, pointé vers sa gorge. Une cacophonie de cris emplit les parois rocheuses.—Je le reconnais, celui-là, cracha Maya en désignant Flyn d’un mouvement de tête peu appréciateur. C’est le laquais de Caine.—Si vous êtes là pour nous arrêter, il va vous falloir plus qu’un vieillard et une frêle jeune fille, ricana Obsidian, son visage caché dans les ombres de la capuche noire qu’il portait.Claire ravala la réplique cinglante qu’elle avait sur le bout de la langue et garda le regard rivé sur le couteau près de sa gorge. Elio pouffa de rire en voyant la journaliste loucher.—Théo ? C’est toi ? demanda Flyn.Maya et Chloé se fixèrent, surprises. Chloé se pencha vers Elio.—C’est de toi qu’il parle ?
À chaque saison, la beauté d’Élysia prenait une nouvelle dimension. En ce début d’automne, chaque immeuble était teinté d’une nuance différente. Des feuilles d’ocre et d’or se mêlaient artistiquement aux pourpres et à l’écarlate de leurs voisines. Bien que l’aurore mette en valeur tous ces tons, je n’étais pas d’humeur à apprécier la splendeur du paysage. Des volutes de fumée noire montaient doucement tandis que les premiers rayons du soleil rougeoyaient sur la ville. Je sentais encore résonner dans ma tête le cri d’ORGANA lors de l’explosion de l’Étoile. Chaque individu l’avait entendu quand la conscience collective avait été brisée.Je regardais le trou béant à la place du serveur d’ORGANA. Une fois détruit, les foules avaient retrouvé leur lucidité et s’étaient dispersées. Ce matin, le souvenir d’ORGANA avait fané, mais celui d’Elias et des Omégas était ancré dans les mémoires à jamais.Un long manteau noir sur les épaules, je touchai ma joue tuméfiée. Lyna se plaça à
Une semaine après la mort d’Elias, Les pieds de Maya dansaient dangereusement au-dessus de l’abîme. Le regard perdu dans le vague, elle essuya une larme. Elle la saisit et le contempla, surprise. Elle ne pensait plus en avoir en réserve.Les Charivaris avaient suivi Obsidian en dehors d’Élysia aux premières lueurs de l’aube. Maya avait insisté pour que le corps d’Elias soit emporté avec eux. Obsidian avait évidemment accepté. Il était naturel qu’il reçoive l’enterrement qu’il méritait. Ils avaient monté le camp à quelques heures de marche d’Élysia. Dans la clairière où Elias et Maya avaient échangé leur premier baiser. Celle où ils s’étaient donné rendez-vous.Jour après jour, Maya s’était brisé les os pour ressouder ceux d’Elias. Défigurée pour lui rendre sa beauté. Souffert, saigné pour rendre à sa dépouille son intégrité. À l’issue de trois jours et deux nuits, épuisée, elle
Né à Bordeaux, c’est dans la belle endormie que Victor-Emmanuel a vécu ses 25 premières années. Aujourd’hui pharmacien-biologiste, il a toujours été passionné, aussi loin qu’il s’en souvienne, par la fiction. Nourrir l’imaginaire pour échapper à la réalité. Du polar à la fantasy, du thriller à la science-fiction, ses lectures depuis son plus jeune âge ont alimenté son inspiration. Jusqu’au jour où porté par le désir de faire vivre les histoires qui y sont nées, il décide de leur donner voix à travers ses mots.
Etienne Laland traversait à pas rapides les couloirs sombres de l’ancienne ambassade. Il regarda sa montre et son pouls s’accéléra. Il allait être en retard… Et ceux qu’il devait rejoindre étaient tout sauf patients. Son costume noir, mal coupé, le démangeait. Sa cravate était trop serrée, lui donnant l’impression d’étouffer. Il se fraya finalement un chemin dans la salle de réception. Heureusement, il n’avait pas commencé à parler.Une perle de sueur orna immédiatement le front d’Etienne lorsqu’il vit les regards converger vers lui. La vaste pièce rassemblait, sous la lumière de son immense chandelier de cristal, les membres les plus éminents des Survivants. D’antiques tentures de rouge et d’or tapissaient les murs, quelque peu défraîchies par les ans sans que leur superbe en soit entamée.Etienne regarda les autres invités. Tous portaient des habits somptueux. Les tenues des hommes, aux teintes sombres, étaient parfaitement taillées. Les femmes, au contraire, se démarqu
Que feriez-vous pour être heureux ? Et que seriez-vous prêt à faire pour conserver ce bonheur si inaccessible ? Ces questions avaient hanté Elias au cours des semaines passées, précédant l’échéance inéluctable du lendemain. Il voyait s’égrener les précieuses minutes de la dernière journée ayant pour lui un quelconque intérêt. Une fois achevée, seul demeurerait l’ennui pesant jusqu’au jour de ses dix-huit ans. Les jours au Pensionnat défileraient, monotones et identiques les uns aux autres.Affalé à côté de lui, Tom s’esclaffait sur une réplique idiote d’un vieux film du XXIe siècle. D’un œil distrait, Elias regardait avec fascination les humains de l’époque: les Homo sapiens. Renommé actuellement, à plus juste titre, Homo perniciosus, l’Homme dévastateur, dont l’orgueil démesuré avait failli provoquer sa propre fin deux cents ans auparavant. Pourtant en apparence si similaires à eux, ils étaient décrits dans les livres d’histoire comme une espèce égoïste et aut