«Mon nom est Caine Killington. Non, avec un K. Je viens du Pensionnat 12. Oui, j’attends.»Ma patience s’effritait alors que je répétais pour la troisième fois une information aussi basique. Son travail était simple, tout de même! D’un coup d’œil, je pouvais apercevoir toute la salle d’attente du premier étage. Elle ressemblait à l’idée qu’on pourrait se faire d’un lieu de transition. Partagée entre une architecture moderne et travaillée, et l’air austère et épuré du Pensionnat. Assis dans un coin, le garçon aux yeux verts du bus attendait son tour. En croisant son regard, j’avais eu l’impression qu’il y avait quelque chose de différent chez lui, quelque chose que je n’arrivais pas à expliquer. Comme une aura.Il faudra peut-être que je le garde à l’œil. Enfin, il a accepté que cet idiot bégayant – Pavier ? Jovier ? je ne me souvenais plus du nom – lui fasse la discussion. Alors qu’il était évident qu’il préférait rester seul. Par peur de le blesser, sûr
Le blanc immaculé des dalles au sol était éblouissant, plus aveuglant que le soleil du désert. La porte à peine franchie, j’apparus au centre d’un complexe médical. Un médecin se rua vers moi pour me guider à un lit et réaliser un examen clinique complet. Mes plaies furent immédiatement refermées grâce à un photosynthétiseur cellulaire, un appareil accélérant les capacités physiologiques du corps à récupérer de ses blessures. Mes innombrables entailles disparurent, la pulpe de mes doigts retrouva son intégrité et mes coups de soleil s’évanouirent. On me donna à boire et un comprimé rouge qui dissipa instantanément ma fatigue. Séparé par des auvents, je pouvais apercevoir plusieurs pensionnaires de ma «promotion». Aucun ne semblait véritablement blessé, Javier inclus, même si une grande entaille défigurait désormais sa joue gauche. Il la regardait dans un miroir en prenant des poses qu’il imaginait menaçantes, en attendant qu’elle soit prise en charge. Tous les autres étaien
—Je m’appelle Héléna, dit la femme, accrochant elle-même l’insigne à ma veste. Je serai ton Maître pour les trois années à venir, et toi, mon Aspirant. Tu passeras les années les plus difficiles de ta vie, tellement plongé dans ton travail que tu t’y oublieras. Félicitations. Bienvenue chez les Psys, Caine.Les mots résonnèrent à mes oreilles, en boucle. Les choses allaient changer, maintenant. Je jetai un regard aux jeunes diplômés alentour, rieurs. Mon peuple, désormais. Cela signa la fin de la cérémonie. Tout le monde promit, sans le penser vraiment, de rester en contact, de se revoir, et ils prirent chacun leur propre chemin pour rejoindre leurs Maîtres.Je quittai l’immeuble, talonnant mon nouveau Professeur. Je n’avais aucun Maître. Je me plierai aux convenances, mais je n’en pensais pas moins.—Par quoi commençons-nous ? Le Parlement ? Syphonia ? L’Étoile d’Élysia ?—Dîner, répondit simplement Héléna.De tout ce que j’aurais p
Immense. Elias regardait autour de lui, les yeux écarquillés. Tous ses sens étaient submergés par l’afflux de perceptions visuelles et olfactives. La taille de la végétation des «Contrées Périlleuses», comme les avait nommés Maya, était étrangement bouleversée. Tout semblait anormalement grand. Ou alors, c’était lui qui était anormalement petit.—Ne traînons pas, d’autres pourraient surgir! Je ne sais pas s’ils ont la capacité de franchir le seuil, mais je préférerais ne pas avoir à le découvrir, cria Maya en tirant Elias par le bras.Ils coururent pour s’éloigner de la porte jusqu’à en perdre le souffle et devoir s’allonger sur l’herbe grasse printanière pour récupérer. Elle était légèrement mouillée, ce qui leur fit le plus grand bien. Maintenant qu’il en avait le temps, Elias observa avec plus d’attention ce qui l’entourait. Dans la zone urbaine, la végétation était contenue, mais ici, elle avait fait preuve d’une expansion colos
Colossal. C’était le seul mot qui pouvait décrire correctement le Palais de Représentants, autrement appelé le Concil.Dans l’enceinte entre l’Agora et les tours Psy, plusieurs immeubles alloués au service public tranchaient avec le style architectural sobre, si propre à Élysia. Le Concil en faisait partie. Le bâtiment en lui-même était circulaire, de la forme d’un dôme. Le verre prédominait cette fois sur la pierre. Ainsi, le palais était recouvert d’un large revêtement d’écailles hexagonales qui reflétaient les rayons du soleil. Une glycine pourpre s’épanouissait sur le versant principal du Concil pour former l’emblème de la ville, le Phœnix aux ailes déployées, symbole de la renaissance.Porté par deux immenses chênes, le palais ne reposait pas au sol. Il était soutenu, à une dizaine de mètres des dalles pavées, par leurs racines qui s’étaient développées comme en symbiose avec l’édifice.—Des gens sont morts pour que le Parlement trône ici, déclara solenn
Elias se réveilla, la tête dodelinant dans le vide, à quelques dizaines de centimètres au sol. Son buste, douloureux, semblait pris dans un étau. À l’instar de ses souvenirs, sa vision était brumeuse. Une secousse sèche lui remémora brutalement la dernière image entrevue avant de perdre conscience. Un coup d’œil à la longue patte recouverte d’une épaisse chitine noire suffit pour confirmer ses craintes.Pas une araignée…, pria-t-il de toutes ses forces.Il se tortilla pour apercevoir Maya, priant pour qu’ils n’aient pas été séparés. Elle le regardait, muette, ses grands yeux noirs fixés sur lui. Elle semblait presque heureuse de le voir éveillé. La situation devait être grave.Du sang séché s’étalait sur sa joue. Elle aussi était prise au piège, tenue fermement, par deux pattes noires. Elias aperçut enfin la bête dans son intégralité. Longue de presque cinq mètres, revêtue d’une armure sombre et luisante. Deux paires de membres articulées – fins, mais robustes – av
Une secousse me tira de mes pensées. La voiture s’était posée. Autour de moi, à perte de vue, s’étalaient des champs de blé. Il devait y avoir des dizaines d’hectares, au bas mot. Les jeunes pousses vertes m’arrivaient à peine au mollet, en ce début de printemps. Enfin, j’estimais leur taille à cette hauteur. Car, précision importante, les pousses étaient à dix mètres au-dessus de moi.L’autosuffisance agricole pour une ville de cent mille personnes révolues aurait été impossible avant le Cataclysme. Le problème avait trouvé une ébauche de solution quand Élysia avait commencé à maîtriser les champs gravitationnels. Les cultures n’étaient plus restreintes à des portions de terres limitées. En face de moi, un immense complexe agricole me surplombait de sa hauteur. J’entendis Lyna grogner dans mon dos.—Saleté de boue! Des chaussures toutes neuves!Je ne pus m’empêcher de lever les yeux au ciel. Qui met les pieds dans un champ avec des talons de dix
—Bienvenue à l’Unisson!Les mots, prononcés d’une voix grave frappèrent Elias de plein fouet. Il baissa les yeux sur l’homme qui venait de parler. Grand et athlétique, il devait avoir la quarantaine avancée. Du moins, c’était ce qu’il supposait tant sa barbe et ses cheveux taillés court étaient clairsemés de gris. Son visage, buriné par de longues heures d’exposition au soleil, gardait une vitalité propre à un plus jeune âge. Il émanait un sentiment de puissance de cet homme, dans son allure, sa démarche fluide et vigoureuse. Ses yeux d’un gris orage, à l’instar de sa chevelure, étaient entourés de petites pattes d’oies. Il jeta un regard à Elias si perçant qu’il se sentit nu. Il avait l’impression que cet homme pouvait lire jusqu’aux tréfonds de son âme. Mais un éclat de bienveillance brillait dans ses yeux cendrés et si son expression demeurait quelque peu monolithique, Elias décernait une certaine aménité.Le visage de Maya s’éclaira quand elle s’adressa à